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30/11/2016 | FRANCE | N°15/05572

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 30 novembre 2016, 15/05572


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 30 Novembre 2016

(n° , pages)



(Rédacteur de l'arrêt : Mme Céline HILDENBRANDT, conseillère)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05572



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/02010





APPELANTE

Madame [W] [T] épouse [F]

[Adresse 1

]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1966 à[Localité 2]

comparante en personne et assistée de Me Stéphanie QUATREMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0170





INTIMEE

SA ORA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 30 Novembre 2016

(n° , pages)

(Rédacteur de l'arrêt : Mme Céline HILDENBRANDT, conseillère)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05572

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/02010

APPELANTE

Madame [W] [T] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1966 à[Localité 2]

comparante en personne et assistée de Me Stéphanie QUATREMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0170

INTIMEE

SA ORANGE

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 380 129 866 45100

représentée par Me Delphine SALLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0788

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [W] [F] a été engagée par la société ORANGE , selon contrat à durée indéterminée en date du 1er juin 1997, en qualité d'assistante commerciale .

Par avenant en date du 5 mai 2008, Madame [F] a été nommée responsable gestion trafic et offre technico économique du réseau d'accès mobile au sein du département Architecture Réseau et Dimensionnement .

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des télécommunications.

Dénonçant des faits de harcèlement moral, Madame [F] a saisi le 1er juillet 2013 le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 16 avril 2015 l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Madame [F] a régulièrement relevé appel de ce jugement et, à l'audience du 18 octobre 2016, reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de

- condamner la société ORANGE à lui payer les sommes suivantes :

* 48 624 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 38 950,72 euros à titre de rappel de salaire pour discrimination salariale outre 3895,07 euros au titre des congés payés afférents,

- dire et juger que la part variable, l'intéressement et la participation feront l'objet d'une régularisation correspondant aux condamnations prononcées à l'encontre de la société ORANGE et s'y besoin en était , l'y condamner,

- condamner la société ORANGE à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ORANGE a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour :

- à titre principal : de débouter Madame [F] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, de limiter le montant de la condamnation au titre des rappels de salaire à 6016,12 euros et de 601,61 euros au titre d'indemnité de congés payés afférents et le montant alloué au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des conclusions des parties

Le conseil de Madame [F] sollicite le rejet des conclusions et pièces nouvelles produites par la société ORANGE le 11 octobre 2016 aux motifs que celles ci lui ont été communiquées tardivement.

Il est rappelé qu'en vertu de l'article 946 du code de procédure civile, la procédure en matière sociale est orale. Si ce principe ne dispense pas du respect du contradictoire, les moyens des parties peuvent faire l'objet d'un débat contradictoire lors de l'audience. Par ailleurs, la communication de conclusions et pièces nouvelles 7 jours avant l'audience n'est pas tardive, le conseil de Madame [F] ayant eu la possibilité d'en prendre connaissance et de formuler lors de l'audience les observations qu'elles appelaient.

Par conséquent, l'exception soulevée par le conseil de Madame [F] sera rejetée.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Madame [F] soutient que depuis plusieurs années, elle fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, la société ayant en outre engagé une procédure auprès de la médecine du travail visant à obtenir qu'elle soit déclarée inapte à son poste de travail et ce de manière à légitimer un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Elle précise que cette situation a considérablement affecté son état de santé et a nécessité des arrêts de travail qu'elle verse aux débats. Enfin, Madame [F] fait valoir qu'elle a alerté le CHSCT et l'inspection du travail de sa situation.

Sur ce dernier point, il ressort des mails versés aux débats que la salariée n'a jamais saisi le CHSCT de la société ORANGE et que si elle a évoqué cette possibilité avec Monsieur [S], délégué syndical de la société ORANGE dans le mail du 26 novembre 2012 celui-ci lui a répondu que cette démarche ne lui paraissait pas opportune 'en l'état actuel' et compte tenu notamment des démarches effectuées par la société auprès de la médecine du travail.

Il est par contre établi que Madame [F] a saisi l'inspection du travail par courrier du 22 avril 2013 pour dénoncer des faits de harcèlement moral.

Au soutien de cette allégation , Madame [F] fait valoir que :

- elle a été exclue de réunions de travail. Pour établir ce grief, la salariée verse aux débats un grand nombre de mails échangés avec son supérieur hiérarchique (Monsieur [Z] puis Monsieur [M]) et Madame [U], DRH de la société. Cependant, la lecture de ces mails permet de constater qu'entre 2010 et 2014, la salariée n'a pas été invitée à participer à 3 réunions auxquelles elle aurait pu assister. (Mail du 28 avril 2011, mail du 2 avril 2012 et mail du 11 mars 2014). Il résulte des courriels litigieux que pour l'une de ces réunions, le sujet traité s'est révélé différent de celui mis à l'ordre du jour (réunion évoquée dans le mail du 28 avril 2011) alors que pour les deux autres (mail du 2 avril 2012 et mail du 11 mars 2014), Madame [F] ne faisait pas partie de la liste de diffusion.

Par conséquent, la salariée ne peut soutenir qu'elle était exclue des réunions de travail, son absence à 3 d'entre elles sur une période de 4 ans, si elle révèle une erreur de la société ne permet pas de démontrer que l'employeur avait pour objectif d'exclure Madame [F] des réunions, la salariée reconnaissant d'ailleurs dans un mail du 6 mars 2014, qu'hormis la convocation à une réunion s'étant tenue quelques jours plus tôt, elle recevait 'les invitations pour toutes les réunions du lundi matin, les réunions 4G et les précédentes réunions point boucle' (mail du 6 mars 2014).

Par conséquent, le grief soutenu par Madame [F] n'est pas établi.

- ses fonctions ont été remises en cause avec l'arrivée de Monsieur [A] qui s'est approprié son travail. A cet égard, il résulte des pièces versées aux débats que Madame [F] en sa qualité de responsable gestion trafic, travaillait avec un ingénieur télécom chargé de l'assister. Ainsi jusqu'au 16 septembre 2010, la salariée a travaillé avec Monsieur [Q] puis postérieurement, avec Monsieur [A]. Si Madame [F] s'interroge sur la répartition des attributions entre elle et Monsieur [A] et estime que ce dernier s'est approprié son travail, la cour relève que la salariée ne produit aucun élément pertinent en ce sens. Seuls deux mails en date du 17 décembre 2010 puis du 2 août 2013 sont relatifs au comportement de Monsieur [A] à l'égard de Madame [F], ces deux mails rapportant à Monsieur [Z] puis à Monsieur [M] que Monsieur [A] avait utilisé le travail de la salariée et l'avait diffusé sans que cette dernière soit citée et mise en copie.

Si le comportement dénoncé par la salariée peut être qualifié de cavalier de la part de Monsieur [A], il ne saurait caractérisé un fait de harcèlement et ce d'autant plus qu'il ne résulte pas des nombreux mails produits par la salariée que celle-ci ait eu à se plaindre d'autres faits de la part de Monsieur [A]. Par conséquent, la salariée ne démontre pas que ses attributions ont été remises en cause au profit de Monsieur [A] de sorte que le grief n'est pas établi.

- elle subissait un dénigrement de la part de sa hiérarchie. Pour étayer ses dires, Madame [F] produit le mail de Monsieur [Z] daté du 18 juin 2012 dans lequel celui-ci indiquait 'je ne répondrais pas à ta question car quoi que je dise cela pourra être retenu contre moi lors de notre prochain rendez vous quadri-partite.' ainsi que le mail de Monsieur [M], daté du 23 juillet 2014 dans lequel ce dernier écrit 'par contre, je suis étonné aussi par le fait que tu ne te réjouisses pas qu'une erreur de copier-coller aurait pu mettre à mal des mois de travail de tes collègues.'

Si le premier mail litigieux ne contient aucune critique, la cour constate que le mail émis par Monsieur [M] contient des propos ironiques voire cyniques. Cependant, la cour considère que la réponse du supérieur hiérarchique de Madame [F] est à mettre en perspective avec le nombre important de mails de défiance envoyés par la salariée à son supérieur. A cet égard, la cour se refère notamment au mail de Madame [F] qui a appelé la réponse litigieuse de Monsieur [M] et rédigée en ces termes : 'je regrette que tu n'aies pas jugé utile de m'indiquer l'anomalie quand tu t'en es rendu compte alors même que tu indiques dans le corps du mail ci après que vous (qui est ce vous ') avez utilisé les bonnes données dans l'exercice du dimensionnement. Comment est ce possible que tu ais utilisé les bons chiffres alors que tu m'avais communiqué des valeurs erronées que tu n'as par la suite jamais remises en question' Pourquoi cette désinformation ' Comment cela se fait il que je n'ai pas été informée au même titre que les autres''

Par conséquent, Madame [F] qui pour soutenir le grief évoqué ne produit qu'un seul mail utile, est mal fondée à soutenir qu'elle est victime de dénigrement de la part de sa hiérarchie à l'encontre de laquelle elle exprime régulièrement sa défiance. Par conséquent, le grief n'est pas établi.

- par avenant du 5 mai 2008, la société lui avait accordé un temps de travail à 80% et que le 1er octobre 2012, elle a repris son travail à temps plein. Elle précise qu'elle a alors plusieurs fois sollicité la société afin que cette dernière régularise sa reprise à temps plein ainsi que l'octroi d'une journée de télétravail à domicile le mercredi puis une 2ème journée, demande qui a été refusée. La salariée soutient qu'en lui remettant un avenant sous le visa du contrat de travail signé le 1er juin 1997, la société a commis un fait de harcèlement, le nouvel avenant prévoyant une reprise de travail à temps plein ne pouvant se référer à un document prévoyant le même temps de travail.

Il résulte des pièces versés par la salariée que :

- par avenant au contrat de travail signé le 29 octobre 2012 par Madame [F], celle-ci s'est vue accorder l'autorisation d'une journée de télétravail par semaine après demande déposée par la salariée le 25 septembre 2012.

- la société a soumis pour signature un avenant au contrat de travail du 1er juin 1997 prévoyant la reprise du travail à temps plein par Madame [F] à compter du 1er octobre 2012, avenant non signé par la salariée au motif qu'il ne se référait pas à l'avenant du 5 mai 2008.

Compte tenu de ces éléments, il est donc établi que la société a été particulièrement réactive en soumettant à la signature de la salariée un avenant tenant compte de la nouvelle organisation du temps de travail de Madame [F], celle-ci ne pouvant faire état d'une mauvaise date mentionnée sur l'avenant qui se réfère bien au contrat de travail initial. Cependant, il est établi que la société a refusé d'accorder à la salariée une 2ème journée de télétravail et ce alors que cette mesure était préconisée par le médecin du travail.

- depuis 2010, dans le cadre des entretiens annuels, sa notation s'est dégradée passant de 5 à 3, les commentaires devenant dévalorisants à son égard. La salariée soutient que ces faits portent atteinte à son avenir professionnel.En l'espèce, les évaluations de la salariée versées aux débats confirment les allégations de Madame [F] qui mentionne dès 2010 qu'elle estime faire l'objet d'une dévalorisation salariale outre d'un discrédit sur son travail (évaluation du 1er semestre 2014 à l'issue de laquelle elle avait obtenu la note de 2 appréciation 'partielle'). Le grief évoqué est donc établi.

- l'employeur a voulu organiser son licenciement pour inaptitude en saisissant le service de prévention de la société qui n'a pas fait preuve de l'objectivité requise et qui l'a envoyée devant un médecin du service de pathologie professionnelle de [Établissement 1] qui a cependant conclu à son aptitude. Au regard des pièces versées aux débats, il est établi qu'entre 2013 et 2015, Madame [F] a été vue à 6 reprises par le médecin du travail qui l'a toujours déclarée apte à ses fonctions. Il est également établi que le Docteur [C], médecin du travail au sein de la société ORANGE, a sollicité le service de consultations de pathologies professionnelles de [Établissement 1] afin de recevoir Madame [F] dans le cadre d'une 'souffrance au travail'. Il est donc établi que la société a plusieurs fois sollicité la médecine du travail afin que cette dernière statue sur l'aptitude de la salariée à ses fonctions, démarche qui peut présumer un abus de la part de la société ORANGE.

Au regard de l'ensemble des éléments développés et versés par Madame [F], cette dernière établit l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En réponse, la société conteste les faits de harcèlement et fait valoir que compte tenu des doléances répétées de la salariée, elle a multiplié les démarches auprès de la médecine du travail pour que Madame [F] puisse être aidée, aide psychologique qu'elle a cependant refusée.

- sur le refus d'accorder un 2ème jour de télétravail

La société reconnaît avoir refusé d'accorder à Madame [F] un 2ème jour de télétravail mais explique cette décision par le souhait de ne pas davantage isoler la salariée qui depuis plusieurs années faisait état de son exclusion au sein de son équipe.

Sur ce point, il est rappelé que si un salarié exprime le désir d'opter pour un télétravail, l'employeur peut, compte tenu de son pouvoir de direction, accepter ou refuser cette demande.

En l'espèce, il est établi que Madame [F] bénéficiait déjà d'un jour de télétravail par semaine.

Compte tenu de la situation de la salariée, de ses nombreuses doléances relatives à son sentiment d'isolement au sein de son équipe, la cour considère que le refus de la société ORANGE de faire droit à la demande d'un 2ème jour de télétravail n'est pas abusif et s'inscrit d'ailleurs dans une volonté de l'employeur de ne pas placer la salariée dans une situation d'exclusion totale à l'égard d'une équipe qu'elle dirige.

Par conséquent, la décision de l'employeur est fondée sur un élément objectif étranger à tout harcèlement moral.

- sur la dégradation de sa notation lors des entretiens individuels

La société ORANGE indique que Madame [F] a connu une évolution tant professionnelle que salariale qui exclut toute situation de harcèlement moral.

Il est rappelé que l'employeur tient de son pouvoir de direction, le droit d'évaluer le travail de ses salariés. L'évaluation doit alors comporter des éléments concrets, objectifs et vérifiables portant sur le travail du salarié.

En l'espèce, comme rappelé précédemment hormis lors de l'entretien du 1er semestre 2009 à l'issue duquel la salariée avait obtenu la note de 5, la cour constate que pour les entretiens semestriels suivants, Madame [F] a obtenu la note de 3 accompagnée de l'appréciation 'satisfaisante' et qu à compter de l'évaluation du 2ème semestre 2012, le supérieur hiérarchique de Madame [F] indique que cette dernière doit faire preuve d 'une prise de hauteur permettant de challenger' ou de 'recul'sur les activités et ne pas renvoyer 'la responsabilité aux autres personnes'.

Il est également relevé que dès 2010, Madame [F] mentionnera au titre de ses commentaires, qu'elle estime faire l'objet d'une dévalorisation salariale outre d'un discrédit sur son travail (évaluation du 1er semestre 2014 à l'issue de laquelle elle avait obtenu la note de 2 appréciation 'partielle').

Or sur ce dernier point, il est constaté qu'au regard même des pièces et tableaux produits par la salariée celle-ci a vu sa rémunération régulièrement progressé ainsi que sa classification de sorte que Madame [F] ne peut valablement soutenir que les évaluations ont eu un impact négatif sur sa carrière au sein d'ORANGE.

Ainsi, si la notation de la salariée n'a pas évolué depuis 2010, il est démontré que la société n'a pas fait un usage abusif de son pouvoir de direction, les évaluations de Madame [F] étant fondées sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

- sur la démarche engagée par la société auprès de la médecine du travail

La société conteste les allégations de la salariée et indique que toutes les actions ont été engagées par l'employeur pour tenter de remédier à la situation d'isolement et de mal être dont se prévalait Madame [F]. Elle reconnaît avoir sollicité de la salariée que celle-ci réponde à une convocation du service de prévention de la société qui a par la suite orienté Madame [F] vers un service médical externe de souffrance au travail.

Au regard des pièces versées aux débats, il est établi qu'entre 2013 et 2015, Madame [F] a été vue à 6 reprises par la médecine du travail qui l'a toujours déclarée apte à ses fonctions.

Il est également établi que le Docteur [C], médecin du travail au sein de la société ORANGE, a sollicité par courrier du 23 septembre 2014 le service de consultations de pathologies professionnelles de [Établissement 1] afin de recevoir Madame [F] dans le cadre d'une 'souffrance au travail'.

A l'égard du courrier précité, la salariée fait valoir qu'il manque d'objectivité et ne témoigne pas de l'indépendance du médecin du travail à l'égard de son employeur, le Docteur [C] évoquant l'agressivité de Madame [F] et son refus d'un accompagnement psychologique .

En l'espèce, ce courrier est rédigé en ces termes :

'Je vous sollicite pour un rendez vous le plus rapidement possible pour la prise en charge de Madame [W] [F] , salariée d'ORANGE, qui se trouve dans une situation de souffrance au travail dans un contexte conflictuel avec sa direction qui évolue depuis 3 ans.

Sa ligne managériale, la DRH, ses collègues et moi même avons fait un grand nombre d'actions pour tenter d'apaiser sa souffrance mais rien ne lui convient et elle continue à prétendre que nous ne faisons rien pour elle.

Tout a commencé par une revendication salariale traité par les RH, puis l'arrivée d'un nouveau manager qui aurait recruté une nouvelle personne dans son équipe pour au final lui prendre son

activité. Depuis elle manifeste de plus en plus d'agressivité vis-à-vis d'une grande partie de l'équipe et se trouve naturellement isolée.

L'ambiance de travail est devenue très difficile pour toute l'équipe et Madame [F] se dit en grande souffrance dans cette équipe mais refuse un accompagnement sur un autre poste ou une aide psychologique.

A noté également qu'elle a engagé depuis un an une procédure contre l'entreprise au conseil de prud'hommes.

Ne sachant plus comment l'aider étant donné qu'elle se méfie de tout son entourage professionnel, je vous l'adresse pour une prise en charge spécifique et un avis sur son aptitude au travail dans ce contexte. »

Cependant, la cour constate que le compte rendu rédigé le 28 janvier 2015 par le Dr [H], médecin extérieur à la société ORANGE et exerçant au sein du service de pathologies professionnelles de [Établissement 1], corrobore les propos tenus par le Dr [C]. En effet, tout comme le médecin du travail de la société, le Dr [H] relève qu'au cours de l'examen, la salariée est relativement réticente et ne souhaite pas répondre à certaines des questions du praticien et qu'en outre, elle ne souhaite pas mettre en place de suivi psychothérapeutique car 'elle ne se sent pas à l'origine de ses difficultés inter personnelles au travail'.

Compte tenu de ces éléments, la cour estime que la salariée ne peut valablement soutenir que son orientation vers le médecin du travail de la société puis vers un praticien spécialistes des pathologies professionnelles procèdent d'une intention malicieuse de la société ORANGE qui par contre justifie avoir pris en considération les nombreux courriers et mails de doléances et de souffrances de la salariée pour trouver avec elle les solutions adaptées à son mal être.

Par conséquent, la société démontre que sa démarche auprès de la médecine du travail relevait d'une prise en considération de l'état de santé de Madame [F] et de ses doléances, motif étranger à tout acte de harcèlement.

***

*

S'il ressort des éléments développés par les parties que Madame [F] souffre indéniablement d'un mal être au travail, il n'est pas démontré que celui-ci est lié à des conditions de travail dégradées, les griefs invoqués par la salariée étant justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

Madame [F] sera donc déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la discrimination salariale

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal' dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En l'espèce, Madame [F] soutient qu'elle perçoit une rémunération inférieure à celles des autres membres de son équipe alors qu'en plus de ses attributions de responsable, elle réalise les missions d'un ingénieur. Elle fait valoir qu'elle a plusieurs fois sollicité une revalorisation de son salaire auprès de sa hiérarchie ainsi que la production des grilles de salaire de son équipe et notamment de celle de Monsieur [A] . A cet égard, elle sollicite de la cour que celle-ci ordonne à la société ORANGE la production des bulletins de salaire de ses collègues pour les années 2010 à 2014.

La société ORANGE conteste toute discrimination salariale à l'égard de Madame [F] dont la rémunération n'a cessé de progressé et ce conformément aux dispositions conventionnelles.

Il est rappelé que lorsque le salarié invoque une atteinte au principe ' à travail égal, salaire égal', il appartient à ce dernier de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

En l'espèce, Madame [F] ne produit aucun élément de fait susceptible de caractériser la discrimination qu'elle invoque.

En outre, si la salariée a la possibilité de demander à la cour d'ordonner à l'employeur la production d'éléments de preuve, la cour précise qu'elle ne saurait faire droit à cette demande qui n'est pas préalablement étayée de sorte que Madame [F] sera déboutée de sa demande de rappel de salaire au titre de la discrimination salariale et de sa demande au titre des accessoires au salaire.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement prud'homal ayant été confirmé en toutes ses dispositions, Madame [F] sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie succombant, la salariée sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

REJETTE l'exception d'irrecevabilité des conclusions et pièces soulevée par Madame [F],

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT

DÉBOUTE Madame [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [F] au paiement des dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/05572
Date de la décision : 30/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/05572 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-30;15.05572 ?
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