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29/11/2016 | FRANCE | N°14/07175

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 29 novembre 2016, 14/07175


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 29 Novembre 2016

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07175



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 11/10404







APPELANTE



Madame [U] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1

] 1977 à [Localité 1]

représentée par Me Myriam ANOUARI, avocat au barreau de PARIS, toque : K 100







INTIMEE



SARL SIXT NORD

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Arnaud BLANC DE LA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 29 Novembre 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07175

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 11/10404

APPELANTE

Madame [U] [D]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 1]

représentée par Me Myriam ANOUARI, avocat au barreau de PARIS, toque : K 100

INTIMEE

SARL SIXT NORD

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile et prorogé à ce jour.

- signé par Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, faisant fonction de Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La SARL SIXT AEROPORT a une activité de location de voitures et d'utilitaires. L'entreprise est soumise à la convention collective des services de l'automobile ; elle comprend plus de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [U] [D] s'établit à 2.567,52 €.

[U] [D], née en [Date naissance 2], a été engagée par contrat à durée indéterminée par la SARL SIXT AEROPORT le 16.10.2002 en qualité d'agent d'opération niveau II échelon 1 coefficient 170 à temps complet (151,67 h) ; elle exerçait ses fonctions à l'aéroport [Établissement 1] sous l'autorité du chef d'agence. Par avenant du 01.01.2005, la durée maximum de travail a été fixée à 1607 heures par an et les conditions d'exécution de la durée, des heures supplémentaires et du repos compensateur ont été précisées. Le 01.04.2006, [U] [D] a été promue chef de groupe 'superviseur', catégorie agent de maîtrise, échelon 20, ses fonctions s'exerçant sous la responsabilité du chef d'agence location.

Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a été signé le 16.06.2008 ; [U] [D] a été promue chef d'agence location junior à la Gare de [Localité 2], statut cadre, à compter du 01.11.2007 ; il était stipulé une durée du travail annuelle de 218 jours sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre de l'année, [U] [D] s'engageant à remplir une feuille de présence mentionnant le nombre et la date des jours travaillés ainsi que la qualification des jours non travaillés afin de faciliter la comptabilisation du temps de travail, cette feuille de présence signée devait être transmise chaque semaine au Directeur des opérations, son supérieur hiérarchique direct, et contresignée par lui. Enfin, [U] [D] bénéficiait d'un véhicule de fonction à compter du 01.11.2007 aux termes d'une convention annexe signée le 16.06.2008.

[U] [D] a été convoquée, par lettre en date du 01.04.2011 remise en main propre, à un entretien préalable fixé le 15.04.2011 avec mise à pied conservatoire qui a été contestée, puis licenciée par son employeur le 09.05.2011 pour cause réelle et sérieuse ; il lui était reproché les faits suivants :

'Nous avons été informés le 31 Mars 2011 par la responsable qualité, Mme [Y], que

vous baissiez intentionnellement des cautions bancaires.

En effet, suite a un audit réalisé en interne, il est apparu ce type de comportement de votre

part, sans fondement quel qu'il soit.

Interrogée sur ce point, vous avez souhaité remettre en cause la logique de cet audit mais

avez en parallèle confirmé ne pas respecter les règles de location en modifiant les accords

ou en baissant la durée de location.

Compte tenu de cette réaction, et suite à votre mail du 23 Mars 2011 concernant des

interrogations relatives à des dysfonctionnements, de nouvelles recherches concernant des

manquements de procédures ont été faites;

ll en est ressorti les manquements suivants :

- Contrat 7337011109:- contrat du 16 décembre 2010 au nom de [M] [Z] et en second conducteur M. [M] [B].

Vous avez saisi personnellement une réservation ce même jour en catégorie CDMR au nom

de Melle [Z].

Le contrat a été facturé au tarif employé. Vous avez toutefois affecté au contrat un véhicule

FDMR, soit 3 catégories supplémentaires.

En remettant le véhicule à Mr [M], vous n'avez pas satisfait a l'obligation de controle du badge empioyé lors de Ia remise du véhicule dans Ie cadre d'un tarif Employé SIXT.

La mention suivants apparait lors de Ia réservation, de I'étabIissement o'u contrat et reste

inscrite dans celui ci

- Contrat 7337010950 : contrat établi le 25 novembre 2010 au nom de [M] [Z] et M. [M] [B] en deuxième conducteur.

Ce même jour vous avez saisi personnellement une reservation en catégorie IDMF. Le

contrat a été facturé au tarif Em ploye.

Vous lui avez toutefois initialement remis une catégorie PFAR, soit 3 categories

à celle facturée.

Vous avez inscrit Monsieur [M] en tant que second conducteur du véhicule alors que

ce dernier est né en [Date naissance 3].

Selon nos regles il n'avait pas le droit de conduire de catégorie PFAR (puis XFAR) ce qu'il a pourtant fait puisque vous avez confirmé qu'il s'était personnellement présenté pour

récupérer le véhicule.

Vous avez donc sciemment violé l'Article 4.1 des règles de location selon lequel 'pour

toutes locations il faut tenir compte de l'âge minimum du conducteur ainsi que la date

d'entrée en vigueur du permis de conduire ».

En remettant le véhicule à Mr [M], vous n'avez pas satisfait a I'obligation de contrôle

du badge employé lors de la remise du véhicule dans le cadre d'un tarif SIXT.

La mention suivante apparait lors de la réservation, de l'établissement du contrat et reste

inscrite dans celui ci

'CHECK SIXT STAFF ID!»

Puis le 26 novembre 2010, vous lui avez fait un échange pour une catégorie XFAR,

catégorie encore plus élevée.

Au surplus, ce véhicule BMW X6 'catégorie XFAR' était en statut vente et ne devait donc

plus être loué.

En ce sens, le véhicule avait depassé les kilomètres qui lui étaient alloués, cela pouvant

entraîner un refus du constructeur ou bien une facture extrêmement lourde de kilomètres

excédentaires, ce que vous nous avez confirmé savoir lors de l'entretien.

L'approval pris dans ce contrat n'est par ailleurs pas conforme à nos règles de location

puisqu'il est de 308 euros alors que nos règles prévoient 5000 euros de garantie sur ce type de véhicule.

- Contrat numéro 7337011585 créé le 28 Janvier 2011 par Mme [Z] à son nom et en second conducteur M. [M], né en [Date naissance 3] cette fois ci. Tarif Employé.

De nouveau, alors qu'une Catégorie ECMR avait été réservée, une catégorie CCAR a été

prise, soit une catégorie supérieure.

- Contrat 7337011674 créé le 7 fevrier 2011 par Mme [Z] en son nom et en

deuxieme conducteur M. [M] [B]. Tarif employé.

Une catégorie ECMR a été réservée et une catégorie FVMR prise, soit 5 categories

supérieures.

- Contrat 7337011000 et 7337011614 : ces contrats créés par Mlle [Z] [M] à son nom mentionnent comme second conducteur Mr [Z] [J], troisième conducteur [U] [R] [D]. Ils ont été établis avec votre accord respectivement le 01 décembre 2010 pour le premier et le 01 février 2011 pour le second, ce dernier étant le renouvellement du premier.

Pour ce contrat vous nous avez indiqué que Mlle [Z] vous avez cette expliqué que cette voiture était destinée à son père dans l'attente de la livraison de sa voiture neuve pendant une durée de 3 à 4 mois.

Vous lui avez donné votre accord pour que lui soit applique le tarif employe SIXT.

Hors selon nos règles ce tarif ne s'applique uniquement que dans la mesure ou l'utilisateur

principal du véhicule est l'employé SIXT, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En acceptant que le véhicule soit remis à Mr [Z] et Mr [U] vous n'avez pas pu

satisfaire a l'obligation de contrôle du badge employé lors de la remise du véhicule dans le cadre d'un tarif SIXT.

La mention suivante apparaît lors de la réservation, de l'établissement du contrat et reste

inscrite dans celui ci

'CHECK SIXT STAFF ID!'

- Contrat 7337010658: Ce contrat créé par Mlle [Z] avec votre accord est un

contrat de transfert-gratuit (CCF). ll a été ouvert le 25.10.2010 pour être fermé Ie

26.10.2010.

Seton nos règles il n'est pas permis à un employé de rentrer chez lui avec une des voitures

de la flotte. Vous nous avez expliqué que si vous aviez autorisé Mlle [Z] à rentrer

chez elle avec ce véhicule c'était pour qu'elle puisse faire le plein de carburant à proximité de son domicile.

Une telle explication n'est pas recevable dans la mesure où des achats d'essence ont été

effectués dans Paris ce même jour par votre agence.

Il apparaît de ce qui précède que vous avez consciemment contourné plusieurs règles de

location.

En votre qualité de Chef d'agence, vous vous devez pourtant de respecter scrupuleusement

les procédures et de les faire respecter au sein de votre agence, ce d'autant plus qu'une

note interne vous a été envoyée le 3 decembre 2009, indiquant clairement qu'aucun

surclassement n'était autorisé dans le cadre d'une location au tarif Employé.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement, clairement fautif.

Ces faits justifient votre licenciement pour cause réelle et sérieuse que nous vous notifions

aux termes des présentes.

Votre préavis d'une durée de 3 mois, débutera à la date de première présentation de la

présente lettre. Toutefois, nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis, lequel vous

sera payé au mois le mois.'

Le CPH de Paris a été saisi par [U] [D] le 21.07.2011 en contestation de la décision rendue et indemnisation du préjudice subi outre des rappels de salaires.

Par ordonnance rendue le 23.12.2011, le CPH de Paris a fait partiellement droit à la demande de rappel de salaire présentée par la salariée et a condamné la SARL SIXT AEROPORT à lui verser la somme provisionnelle de 1.790,13 € en application de l'article 1-16 de la convention collective ancienne ainsi que 475 € au titre de 4 jours de RTT.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 25.06.2014 par [U] [D] du jugement rendu le 06.12.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 2, qui a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée au paiement de 1 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

[U] [D] demande à la cour :

A titre principal :

- Annulation de la convention de forfait jours,

- Rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur:

$gt; Pour 2007 :

I Rappel de salaire pour heures supplémentaires : 2.199,57€

I Congés payés afférents : 219,95€

I Rappel au titre du repos compensateur : 20,96 €

$gt; Pour 2008:

I Rappel de salaire pour heures supplémentaires : 7.681.80€

I Congés payés afférents : 768,18€

I Rappel au titre du repos compensateur : 3.695,76 €

I Congés payés y afférents : 369,57 €

$gt; Pour 2009:

I Rappel de salaire pour heures supplémentaires : 17.421,23€

I Congés payés afférents : 1.742,12 €

I Rappel au titre du repos compensateur : 10.587,99 €

I Congés payés y afférents : 1.058,79 €

$gt; Pour 2010:

I Rappel de salaire pour heures supplémentaires:14.295,47 €

I Congés payés afférents : 1.429,54 €

I Repos compensateur : 8098,94 €

I Congés payés y afférents :809,89 €

$gt;Pour 2011:

I Rappel de salaire pour heures supplémentaires : 1.700,09 €

I Congés payés afférents : 170€

I Repos compensateur : 81,50 €

A titre subsidiaire :

- Rappel de salaire au titre des années 2007 à 2011 (minimum conventionnel):

$gt; Pour 2007 :

A titre principal : 713,28 €

A tire subsidiaire : 426.25 €

$gt; Pour 2008 :

A titre principal : 5.006,53 €

A tire subsidiaire 2 426.25 €

$gt; Pour 2009 :

A titre principal: 1.995,48 €

A tire subsidiaire : 940,65 €

$gt; Pour 2010 :

A titre principal : 4955,29 €

A tire subsidiaire : 2.946,01 €

$gt; Pour 2011 : 1346,98 €

En tout état de cause :

Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse :45 000 €

Dommages et intérêts pour inégalité de traitement : 15.000 €

Dommages et intérêts pour absence de mise en place des représentants du personnel:2.500€

Dommages et intéréts pour non-paiement d'une prime d'entretien : 2.500 €

Article 700 du CPC : 2 500 €

La société, qui renonce à son moyen tiré de l'irrecevabilité de l'appel, demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de rejeter les demandes de

[U] [D] et de le condamner à payer la somme de 2.500 € pour frais irrépétibles.

SUR CE :

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur la régularité de la convention de forfait jours et la demande de rappel d'heures supplémentaires et de repos compensateur :

Le CPH de Paris a débouté [U] [D] de sa demande en annulation de la convention de forfait jours en déclarant que les dispositions de l'article L 3121-48 du code du travail ont été respectées, et que la salariée a versé aux débats un tableau fantaisiste qui mentionne des jours fériés pendant lesquels elle était absente.

[U] [D] renouvelle sa demande en s'appuyant sur l'arrêt rendu par la cour de cassation le 29.06.2011(n° 09-71.107 n° 1656 FS-PBRI) et en constatant d'une part que les dispositions de l'article 1.09 f) de la convention collective de l'automobile se bornent à garantir un repos quotidien de 11 heures sans évoquer les durées maximales de travail ni les repos journaliers ou hebdomadaires, alors d'autre part que le dispositif de contrôle mis en oeuvre par l'entreprise était insuffisant puisqu'il ne permettait pas d'établir sa charge de travail ni le nombre d'heures réalisées au quotidien et chaque semaine. Il en résulte qu'elle a droit au paiement des heures supplémentaires effectuées au delà du contingent annuel de 130 heures, qui ouvrent droit en outre au repos compensateur qui doit être indemnisé.

De son côté, la SARL SIXT AEROPORT réplique en opposant l'arrêt rendu par la cour de cassation le 02.07.2014 (n°13-19.990) qui a déclaré valide les dispositions de la convention collective de l'automobile tout en contraignant l'employeur à justifier des mesures prises pour respecter les stipulations conventionnelles. L'employeur déclare que les modalités de contrôle de la durée du travail des cadres en jours peuvent prendre la forme d'un document faisant apparaître les journées ou demi-journées travaillées, ainsi que la position et la qualification des jours de repos ; or [U] [D] devait remplir une feuille de présence faisant apparaître les journées travaillées et la qualification des jours non travaillés ; enfin le tableau communiqué comporte des erreurs, la salariée n'ayant pas travaillé certains jours fériés.

Toute convention en forfait jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires telles que définies par le code du travail et selon les Directives communautaires de 1993 et de 2003, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Selon l'article 1.09 f de la convention collective nationale étendue des services de l'automobile du 15.01.1981, le forfait en jours, qui ne peut excéder 217 jours pour une année complète de travail, s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, au moyen d'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. Ce document est établi en deux exemplaires , un pour chacune des parties, et complété au fur et à mesure de l'année ; il est signé chaque semaine par le salarié, puis par l'employeur ou son représentant. Pour les jours où il exécute sa prestation de travail découlant de son contrat de travail, le salarié n'est pas soumis à un contrôle de ses horaires de travail. En outre le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur héirarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé, et l'amplitude de ses journées d'activité. Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés.

Le respect de ces stipulations conventionnelles est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.

En l'espèce, la SARL SIXT AEROPORT justifie avoir mis en place un système de contrôle des jours travaillés en produisant des fiches informatiques établies entre janvier et septembre 2008, puis en décembre 2008 et enfin sous forme d'un tableau récapitulatif pour les années 2009 à 2011 ; ces documents permettent ainsi le contrôle du nombre et de la date des journées travaillées, mais aussi la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail. En revanche, l'employeur ne verse pas aux débats les comptes rendus d'entretiens annuels qui étaient prévus par les stipulations conventionnelles et qui auraient pu permettre de vérifier si l'amplitude et la charge de travail de [U] [D] restaient raisonnables.

Par suite, il convient de dire que la convention de forfait signée par [U] [D] était privée d'effet.

En conséquence, [U] [D] peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires, dont il convient de vérifier l'existence et le volume avant d'en déterminer la rémunération.

Selon l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le salarié doit donc étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

[U] [D] produit aux débats un tableau faisant état quasi systématiquement de 8 heures supplémentaires par semaine correspondant à une majoration appliquée de 25% soit de la 36è à la 43è heures, puis de 10,75 h hebdomadaires correspondant à une majoration de 50%. Elle déclare qu'elle travaillait habituellement de 9h à 19h30 avec 45 mn de pause quotidienne pour le déjeuner, dès lors qu'elle devait être présente à l'ouverture et à la fermeture de l'agence pour s'assurer du bon déroulement de l'activité et pour remplir les nombreuses tâches qui lui incombaient. Elle a adressé un courrier de contestation de sa mise à pied le 19.04.2011 ; elle produit les horaires d'ouverture de son agence.

La SARL SIXT AEROPORT observe à juste titre que la salariée forme une réclamation pour des journées fériées non travaillées mais aussi qu'elle ne produit aucun élément extérieur venant corroborer ses affirmations.

Il convient donc de débouter [U] [D] de sa demande en l'absence d'éléments venant justifier la réalité des heures considérées par elle comme travaillées.

Sur la demande subsidiaire, la majoration de rémunération sur la base d'un taux de 20% lorsque le forfait est de 217 jours est mentionnée à l'article 1.09 de la convention collective des services de l'automobile .Préalablement, il est exact que l'avenant n° 35 du 06.12.2002 avait porté de 125 à 120% le taux de majoration de l'article 1.09 f. La SARL SIXT AEROPORT fait donc valoir une erreur matérielle dès lors que dans les éditions législatives il est fait mention d'un taux de 125%.

Cependant, l'article 1.09 f prévoit exactement :

'La rémunération doit tenir compte des responsabilités confiées au salarié dans le cadre de sa fonction. Elle ne peut être inférieure au salaire minimum conventionnel correspondant au classement de l'intéressé pour la durée légale du travail applicable, augmenté d'une majoration de 25 % de la référence retenue par l'annexe " Salaires minima " lorsque le forfait est de 217 jours.'

Ce texte étant clair, précis et non équivoque, les éléments versés aux débats, qui ne démontrent nullement l'intention contraire des partenaires sociaux, ne permettent pas de le remettre en cause, étant précisé que ces dispositions ont été reconduites dans la version suivante.

En ce qui concerne l'avantage en nature relatif à l'attribution d'un véhicule de fonction à compter du 01.11.2007, il y a lieu de rappeler les dispositions de l'article L 3221-3 du code du travail selon lequel la rémunération du salarié inclut non seulement son salaire, mais également tous les autres avantages et accessoires payés directement ou indirectement en espèce ou en nature par l'employeur en raison de l'emploi du salarié. Ne sont exclues que les sommes qui seraient mentionnées par la convention collective applicable ; depuis l'introduction de l'avenant conventionnel n°57 du 07.07.2010 étendu par arrêté à compter du 27.12.2010, il a été explicitement indiqué que les avantages en nature étaient inclus dans le salaire de base, ce qui n'impliquait pas pour autant que ceux ci étaient exclus du salaire de base auparavant.

[U] [D] n'a pas invoqué dans ses dernières conclusions la prise en compte de la prime de fin d'année qu'elle intitulait '13è mois'.

En conséquence, il convient de condamner la SARL SIXT AEROPORT à payer à [U] [D] la somme de 9.170,93 € outre les congés payés en application d'une majoration fixée à 125%, et d'infirmer la décision rendue sur ce seul point.

Sur l'inégalité de traitement :

Le principe «'à travail égal, salaire égal'» résultant de l'arrêt Ponsolle du 29'octobre 1996 signifie que si rien ne distingue objectivement deux salariés'''même travail, même ancienneté, même formation, même qualification'''ils doivent percevoir le même salaire. Ainsi comme c'est le cas de manière générale en droit du travail, les décisions de l'employeur en matière salariale ne peuvent être discrétionnaires': elles doivent, en cas de contestation, reposer sur des éléments objectifs et vérifiables.

L'article L.'3221-2 du code du travail pose le principe de l'égalité des rémunérations «'pour un même travail ou pour un travail de valeur égale'» en stipulant que : 'Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes'.

[U] [D] se prévaut d'un écart de rémunération avec ses homologues masculins à fonction et responsabilités identiques alors qu'elle bénéficiait d'une ancienneté plus importante.

Elle produit le bulletin de salaire d'un de ses collègues homme entré dans l'entreprise le 01.12.2009 mais avec une ancienneté comptée au 16.08.2004, embauché sur l'emploi de chef d'agence location qualification cadre IC, classification 8660, qui en mars 2011 bénéficiait d'un salaire de base de 2.200 € tandis qu'elle même dont l'ancienneté remontait au 16.10.2002, s'est vue proposer un emploi de chef d'agence location le 28.07.2010 catégorie cadre niveau 1 degré C un salaire mensuel de 2.200 € ; [U] [D] a refusé cet avenant et ne peut dès lors pas se prévaloir d'une inégalité de traitement qu'elle ne caractérise pas.

Le jugement rendu sera confirmé.

Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement :

Il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La SARL SIXT AEROPORT reproche principalement à [U] [D] des manoeuvres au profit d'une de ses collaboratrices, S. GODURBHON ; [U] [D] fait valoir qu'elle aurait été en congé lors de la signature des contrats litigieux ce qui n'est le cas que du dernier contrat passé le 07.02.2011 par lequel un surclassement de 5 catégories a été possible. Pour les 3 précédents contrats, il apparaît que le tarif 'employé SIXT' a été accordé à une salariée de l'entreprise avec un surclassement important les 16.12.2010 et 25.11.2010, alors même que ce dernier contrat a été signé sur un véhicule qui était en statut vente n'autorisant pas la location ; au surplus, un courriel du 03.12.2009 avait rappelé aux employés qu'un tarif spécifique était uniquement réservé aux employés SIXT et qu'aucun surclassement n'était autorisé ; le contrat du 25.11.2010 a été souscrit avec un second conducteur du nom de A. [M] qui, étant né en [Date naissance 3], ne pouvait pas bénéficier du surclassement alors qu'il est démontré que le premier conducteur, salariée de l'entreprise, était en poste lorsque le véhicule a été retiré et a été retourné ; il en est de même pour la location du 16.12.2010 alors qu'aucun autre conducteur n'a été mentionné et de celle du 01.12.2010. La SARL SIXT AEROPORT justifie de ce que le 07.02.2011 des véhicules étaient disponibles ce qui ne permettait aucun surclassement ; elle démontre qu'un contrat gratuit a été émis au profit de S. [Z] le 25.10.10 en raison d'une pénurie d'essence qui n'est pas prouvée ; un contrat a été signé le 01.12.2010 toujours au profit de S. [Z] qui a indiqué un second conducteur, membre de sa famille, jusqu'au 01.02.2011 puis renouvelé, au tarif interne. Ces faits n'ont été portés à la connaissance de l'employeur que fin mars 2011.

Le nombre de ces contrats émis sur une courte période au nom d'une seule employée de l'agence rendait suspectes ces transactions qui auraient dû être vérifiées par le chef d'agence ; son contrat prévoyait que rentrait dans sa mission en particulier la vente locale, le service clientèle et l'administration générale de l'agence (article 5 du contrat de travail) ; oralement l'employeur a déclaré que S. [Z] avait elle même été licenciée ; le salaire correspondant à la mise à pied conservatoire lui a été en définitive réglé.

Le licenciement de [U] [D] pour cause réelle et sérieuse est donc bien fondé ; le jugement sera confirmé et [U] [D] déboutée de ses prétentions à ce titre.

Sur les autres demandes :

L'effectif de l'entreprise était supérieur à 11 salarié et la SARL SIXT AEROPORT ne démontre pas qu'un scrutin professionnel ait été organisé ; cependant [U] [D] se borne à affirmer que cette situation lui a porté préjudice sans caractériser ce préjudice, alors qu'elle a été à même de porter en justice ses réclamations. Le jugement rendu doit être confirmé.

La prime d'habillage et d'entretien ne doit être versée que pour autant que le port d'une tenue de travail ait été imposée par la loi, la convention collective ou encore un accord d'entreprise, le règlement intérieur ou le contrat de travail ; aucun texte ne prévoyait une telle disposition au sein de la SARL SIXT AEROPORT pendant la durée des relations contractuelles.

Il serait inéquitable que [U] [D] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SARL SIXT AEROPORT qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 06.12.2013 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 2 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le rappel de salaire,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL SIXT AEROPORT à payer à [U] [H] épouse [D] la somme de : 9.170,93 € à titre de rappel de salaire outre la somme de 917,09 € au titre des congés payés afférents ;

Dit que cette somme à caractère salarial portera intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande ;

Condamne la SARL SIXT AEROPORT aux dépens d'appel, et à payer à [U] [D] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 14/07175
Date de la décision : 29/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°14/07175 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-29;14.07175 ?
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