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25/11/2016 | FRANCE | N°14/21537

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 25 novembre 2016, 14/21537


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 25 NOVEMBRE 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21537



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°11/00379





APPELANT



Monsieur [P] [B] [F] [Z], exerçant sous l'enseigne LE MOAI BLEU

Né le [Date naissance

1] 1962 À [Localité 1] (Chili)

[Adresse 1]

[Localité 2]

dont l'établissement principal est au [Adresse 2]



Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Annette GERING-BRIGGS, avocat au...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 25 NOVEMBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21537

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2014 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°11/00379

APPELANT

Monsieur [P] [B] [F] [Z], exerçant sous l'enseigne LE MOAI BLEU

Né le [Date naissance 1] 1962 À [Localité 1] (Chili)

[Adresse 1]

[Localité 2]

dont l'établissement principal est au [Adresse 2]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Annette GERING-BRIGGS, avocat au barreau de PARIS, toque C 0527

INTIME

Monsieur [M] [W]

Né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 3]

Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Philippe REZEAU de l'AARPI DDP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque R 167

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne-Marie GALLEN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Anne-Marie GALLEN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GALLEN, Présidente

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de la chambre, et par Madame Sandrine CAYRE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

****************

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 10 octobre 1994, Mme [W], aux droits de laquelle se trouve M. [M] [W], a renouvelé le bail consenti à Mme [L], aux droits de laquelle vient M. [P] [B] [F] [Z], portant sur un local commercial à destination de restauration, situé [Adresse 4] dans le [Localité 4], pour une durée de neuf années à compter du 1er décembre 1994 et moyennant un loyer annuel en principal de 22 704 euros, porté à 8 232 euros annuels soit 686 euros mensuels au 1er décembre 2003 par protocole du 21 juin 2002.

De 2005 à 2010, les appels d'échéance du bailleur se sont toutefois établis à un montant mensuel de 424,43 euros.

Le 26 janvier 2010, le bailleur a fait adresser au locataire une lettre recommandée avec accusé de réception aux fins de réactualiser le loyer à compter du 1er février 2010 avec effet rétroactif au 1er décembre 2009 conformément au protocole du 21 juin 2002 ;

Par acte d'huissier du 4 novembre 2010, M. [W] a fait délivrer à M. [F] [Z] un commandement visant la clause résolutoire du bail d'avoir à remettre en état les lieux loués, cesser l'annexion d'un local au premier étage de l'immeuble ainsi que du couloir commun et rétablir la cloison séparative entre la boutique donnée à bail et les parties communes.

Par un second acte du 10 novembre 2010 visant la clause résolutoire, le bailleur a fait délivrer à son locataire un commandement de payer la somme de 20 502,90 euros représentant le différentiel entre les loyers appelés et les sommes contractuellement dues.

C'est dans ces circonstances que M. [F] [Z] a fait assigner M. [W] devant le tribunal de grande instance de Paris par acte d'huissier des 6 et 10 décembre 2010 en opposition aux commandements des 4 et 10 novembre 2010.

Par jugement mixte en date du 1er juillet 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté M. [F] [Z] de ses demandes de nullité pour vice de forme,

- condamné M. [F] [Z] à payer à M. [W] une somme de 8 989,87 euros au titre de loyers et charges antérieurs au 10 novembre 2010,

- débouté M. [F] [Z] de sa demande d'octroi de délais,

- condamné M. [F] [Z] au paiement d'une somme de 317 euros au titre des taxes foncières 2011,

- ordonné l'exécution provisoire en ce qui concerne les condamnations en paiement,

- avant dire droit, invité les parties à conclure sur la validité de la clause résolutoire du bail et sur le montant des loyers et charges dus postérieurement au 10 novembre 2010 et renvoyé la cause et les parties devant le juge de la mise en état,

- réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] [Z] a relevé appel de ce jugement le 27 octobre 2014. Par ses dernières conclusions signifiées le 27 janvier 2015 par RPVA, il demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau:

-Constater que le bail commercial liant les parties du 10 octobre 1996 mentionne un délai de quinze jours et non d'un mois comme l'exige l'article L.145-41 du Code de Commerce.

-Dire et juger que la clause résolutoire insérée dans le bail commercial mentionnant un délai contraire aux dispositions de l'article L.145-41 du Code de Commerce est nulle, en application de l'article L.145-15 du même code, et les actes pris en vertu de cette clause, à savoir les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 sont donc sans effet.

-Constater que les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 ne mentionnent pas la profession de Monsieur [M] [W].

-Constater que les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 ont été signifiés à «Monsieur [G] [F] [Z] Domicilié [Adresse 2],» et non à «Monsieur [P] [B] [F] [Z], nom commercial, [Adresse 5]»

-Constater que les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 comportant 14 feuilles font référence à des pièces («Pièce n°2», «Pièces n°1 et 4», «Pièce n°5» et «Pièce n°3») non annexées à ce commandement, exception faite de la pièce N°1 (renouvellement bail).

-Constater le grief subi par Monsieur [P] [F] [Z] du fait de ces irrégularités et omissions.

-Dire et juger qu'en conséquence les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 sont nuls et de nul effet du fait des irrégularités constatées et des griefs invoqués par Monsieur [P] [F] [Z].

-Constater que les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 n'ont pas été signifiés à personne.

-Constater que l'huissier s'est borné à indiquer dans son acte que le domicile de Monsieur [P] [F] [Z] a été confirmé par «voisins» (copie du commandement laissée à Monsieur [P] [F] [Z]) et que «domicile certifié par une voisin, le restaurant est uniquement ouvert le soir» (second original du commandement).

-Constater que l'huissier est silencieux quant à l'éventuel refus d'un tiers de recevoir l'acte.

-Constater que les diligences de l'huissier ont été plus que légères car une rapide recherche internet lui aurait permis de constater que le restaurant «LE MOAI BLEU» est ouvert de 19 heures 30 à 23 heures, ce qui nécessite la présence du restaurateur avant pour la mise en place de la salle et la préparation en cuisine.

-Constater que de même, l'identité du voisin n'est nullement indiquée.

-Dire et juger qu'en conséquence, la signification des les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 sont nulles.

-Dire et juger que les commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 sont nuls et de nul effet.

-Dire et juger que Monsieur [P] [F] [Z] a réglé les loyers tels que demandés par la société GRL.

-Dire et juger que M. [P] [F] [Z] n'est pas débiteur de la somme de 20 502,90 €.

-Débouter en conséquence Monsieur [M] [W] de l'intégralité de ses demandes et notamment celle visant à la résolution judiciaire du bail commercial le liant à Monsieur [P] [F] [Z] et la demande de la condamnation de Monsieur [P] [F] [Z] au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée.

-Constater que Monsieur [M] [W] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une cloison séparant la boutique du couloir au moment de l'entrée dans les lieux de Monsieur [P] [F] [Z].

-Constarer que Monsieur [M] [W] ne rapporte pas la preuve de la démolition d'une éventuelle cloison par Monsieur [P] [F] [Z].

-Constater qu'au contraire, Monsieur [P] [F] [Z] rapporte la preuve de l'absence de toute démolition par ces soins.

-Constater que Monsieur [M] [W] ne rapporte pas la preuve que Monsieur [P] [F] [Z] ait eu connaissance de cette cloison.

-Constater que Monsieur [M] [W] se fonde uniquement sur une disposition du bail qui « qui interdit au preneur de: 'faire aucun changement de distribution, ni travaux dans les lieux loués sans le consentement exprès et par écrit du bailleur.'»

-Dire et juger que Monsieur [M] [W] ne peut reprocher à Monsieur [P] [F] [Z] d'occuper indûment des locaux qui ne lui ont pas été loués et invoquer la clause résolutoire, étant donné l'absence de toute indication sur ce point dans le bail et de toute référence d'une telle clause du bail dans le commandement du 4 novembre 2010.

-Dire et juger que la mauvaise foi de Monsieur [M] [W] est caractérisée dans la présente affaire.

-Constater que le Tribunal n'a statué que sur le commandement visant la clause résolutoire du 10 novembre 2010 relatif au défaut de paiement de loyers.

-Constater que Monsieur [P] [F] [Z] a interjeté appel du jugement du 1er juillet 2014.

-Constater que les deux commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 sont étroitement liés.

-Constater que les deux commandements visant la clause résolutoire des 4 et 10 novembre 2010 auraient dû être jugés en même temps.

-Dire et juger en conséquence que la question du montant des loyers et charges dus postérieurement au 10 novembre 2010 doit donc être tranchée par la Cour d'Appel.

-Débouter Monsieur [M] [W] de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

-Dire et juger que Monsieur [P] [F] [Z] pourra régler son éventuelle dette en 24 mensualités.

-Condamner Monsieur [M] [W] à payer à Monsieur [P] [F] [Z] la somme de 5 000,00 € à titre d'indemnité procédurale sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

-Ordonner l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dire que chacun des Avocats pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Par ses dernières conclusions signifiées le 29 juin 2016 par acte d'huissier, M. [W] demande quant à lui à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire,

- condamner M. [F] [Z] à lui payer une indemnité d'occupation de 1 500 euros par mois du 1er février 2011 jusqu'à la libération des lieux par la remise des clés, sous déduction des règlements effectués,

Subsidiairement :

- prononcer la résolution judiciaire du bail,

- condamner M. [F] [Z] à lui payer la somme de 28 154,36 euros au titre des loyers, charges et accessoires dus pour la période allant du 1er décembre 2010 au 30 juin 2016, après déduction des versements effectués,

- condamner M. [F] [Z] à lui payer la somme due au titre des loyers, charges et accessoires

dus pour la période allant du 30 juin 2016 à la date du prononcé de la décision à intervenir,

- condamner M. [F] [Z] à lui payer une indemnité d'occupation de 1 500 euros par mois pour la période postérieure au prononcé de la décision à intervenir jusqu'à la libération des lieux par la remise des clés, sous déduction des règlements effectués,

En tout état de cause :

- ordonner l'expulsion de M. [F] [Z] et de toute personne dans les lieux de son fait, et ce, avec l'assistance du Commissaire de Police et de la Force Armée, s'il y a lieu,

- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles qui sera désigné par le Tribunal ou dans tel autre lieu, au choix du bailleur, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,

- condamner M. [F] [Z] à remettre les lieux en l'état antérieur en supprimant toute communication entre la salle du rez-de-chaussée et l'escalier menant au 1er étage et à procéder à la reconstruction de la cloison, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir,

- débouter M. [F] [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins, et conclusions,

- condamner M. [F] [Z] à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

- condamner M. [F] [Z] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par Me Rezeau conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

SUR CE

-Sur la nullité de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial

L'appelant soutient que le bail ne saurait être résilié en application de la clause figurant au bail et visée aux commandements des 4 et 10 novembre 2010, qui stipule que le locataire bénéficie d'un délai de 15 jours et non d'un mois pour régularisation, en violation des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce. En réponse à la partie adverse, M. [F] [Z] affirme que la mention du délai légal dans les deux commandements ne suffit pas à pallier l'illicéité de la clause visée aux actes et que ces derniers sont nuls par effet des dispositions de l'article L. 145-15 du code de commerce ;

L'appelant fait valoir, comme il l'avait déjà soutenu devant le tribunal, qu'une clause résolutoire insérée dans un bail commercial mentionnant un délai contraire aux dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce est nulle, en application de l'article L 145-15 du même code et que les actes pris en vertu de cette clause, tels que des commandements, sont donc sans effet ;

Le tribunal, avant dire droit, a invité les parties à conclure sur la validité de la clause résolutoire et sur le montant des loyers et charges dus postérieurement au 10 novembre 2010 et renvoyé la cause et les parties devant le juge de la mise en état ;

M. [M] [W] indique en réponse que l'action en nullité de la clause résolutoire du bail est prescrite par l'effet des dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce et que M. [F] [Z] est forclos. Il relève en outre que les commandements visant la clause litigieuse mentionnent quant à eux le délai légal d'un mois pour régularisation ;

En application des dispositions de l'article L 145-60 du code de commerce qui prévoit une prescription biennale pour toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux, l'action en nullité de la clause résolutoire contenue dans le bail exercée en application de l'article L 145-15 dans sa rédaction antérieure aux dispositions de la loi du 18 juin 2014 doit être entreprise dans les deux ans de la signature du bail ;

Le bail datant en l'espèce du 10 octobre 1994 et son avenant du 21 juin 2002, il s'ensuit que l'action de l'appelant diligentée par assignation du 10 décembre 2010 en contestation de la validité de la clause résolutoire est rigoureusement prescrite en application de l'article précité;

La demande tendant à voir annuler la clause résolutoire contenu au bail et les commandements subséquents doit étre rejetée;

-Sur les commandements des 4 et 10 novembre 2010

L'appelant soutient aussi que s'agissant du commandement du 10 novembre 2010, l'acte comme sa signification sont irréguliers. Il expose :

- que l'acte ne fait pas mention de la profession du requérant comme l'exige l'article 648 du code de procédure civile, empêchant la locataire de vérifier la qualité de M. [W] pour agir et l'étendue de ses droits alors même qu'il n'est devenu pleinement propriétaire des lieux qu'au cours du bail sans en informer le locataire ; selon lui, le fait que le bailleur soit pleinement identifié au protocole d'accord du 21 juin 2002 ne suffit pas à écarter tout grief ;

- que seule une pièce sur 5 mentionnées à l'acte a été signifiée,

- que l'acte ne lui a pas été signifié en personne sans que l'huissier instrumentaire justifie du refus des tiers rencontrés et mentionnés à l'acte de recevoir le pli et n'explique son passage en dehors des heures d'ouverture du commerce.

Sur le commandement du 4 novembre 2010, il réitère les griefs précédemment exposés. Il indique en outre que l'acte comporte une erreur dans l'identification du destinataire, nommé « M. [G] [F] [Z] » aux lieu et place de « M. [P] [B] [F] [Z], nom commercial, Le Moai Bleu ». Selon lui, le fait que le locataire soit ainsi identifié au protocole d'accord du 21 juin 2002 ne suffit pas à écarter tout grief d'autant que la cession de fonds de commerce du 29 août 2000 comme l'assignation du 22 avril 2002 font état de l'identité exact de M. [F] [Z] ;

Il soutient que l'erreur dans l'identification du destinataire lui a causé préjudice en ce qu'il a rencontré des difficultés pour se voir délivrer une copie de l'acte et qu'il n'a pu assigner que tardivement son bailleur en opposition ;

Or, s'agissant de l'identité de la personne à laquelle les commandements ont été délivrés, M. [F] [Z] ne rapporte pas la preuve du grief subi à raison des vices de formes allégués, dès lors qu'il est dénommé « M. [G] [F] [Z] » dans l'acte intitulé 'protocole' du 20 juin 2002 qu'il a signé et qu'en toute hypothèse il a été en mesure de faire régulièrement opposition aux actes de sorte qu'il n'est résulté aucun grief de l'erreur d'identification et des autres vices allégués tenant au fait que certaines pièces n'auraient pas été annexées à l'acte du 10 novembre 2010, étant rappelé que comme l'a justement souligné le tribunal, l'article L 145-41 n'exige nullement du bailleur qu'il dénonce ces pièces ; il sera ajouté que le protocole du 20 juin 2012 que l'appelant a signé mentionne bien M. [M] [W] de sorte que M. [F] [Z] ne peut utilement soutenir qu'il ignorait que celui-ci avait qualité pour agir, étant précisé que là encore, il n'établit aucun grief ;

-Sur l'acquisition de la clause résolutoire :

S'agissant des travaux et des occupations irrégulières visés au commandement du 4 novembre 2010, l'appelant soutient que le bailleur ne s'en prévaut qu'afin d'éviter d'avoir à lui payer une indemnité d'éviction, que les travaux de ravalement et de toiture mis à la charge du locataire par l'accord de 2002 attestent d'une autorisation tacite d'occuper le premier étage, que le loyer convenu correspond à des locaux d'une surface supérieure à la seule boutique en rez-de-chaussée et qu'en toute hypothèse la suppression d'une cloison entre les locaux loués et les parties communes par M. [F] [Z] n'est pas démontrée (cf: procès-verbaux de constat d'huissier des 12 octobre 2001 et 16 septembre 2010, et travaux effectués dans les lieux). Il relève à ce titre que le règlement de copropriété et les plans annexés n'ont pas été produits par la partie adverse ;

Il reproche aux premiers juges de ne pas avoir statué sur ce point et demande à la cour de dire qu'aucune résiliation n'est encourue de ces chefs ;

L'appelant soutient par ailleurs que le second commandement de payer du 10 novembre 2010 ne tient pas compte du règlement de 925,65 euros intervenu le 2 février 2010, qu'il n'a reçu aucun avis d'échéance depuis août 2010, qu'à compter du mois d'août 2012 quatre avis de loyers ont été délivrés pour la première fois pour un montant de 686 euros en principal et que ces appels ont été réglés, qu'en outre divers règlements ont été effectués depuis le commandement du 10 décembre 2010: 8 913,03 euros en octobre 2011, 2 600 euros en janvier 2012 et 3 000 euros en septembre 2012, soit la somme totale de 14 513,03 euros ;

En conséquence il conteste devoir la somme totale de 20 507,90 euros et souligne que le loyer courant est payé. En réponse à la partie adverse, il soutient que l'accord du 21 juin 2002 n'a jamais été appliqué par les parties et que le bailleur ne saurait s'en prévaloir ;

A titre subsidiaire, il sollicite des délais de paiement ;

L'intimé indique que les premiers juges ont bien répondu aux moyens de la partie adverse et dit que la preuve des infractions aux stipulations du bail était rapportée, qu'il ressort des plans de l'immeuble qu'un couloir desservant l'escalier de l'immeuble existait et que la cloison séparative en a été abattue de sorte que l'escalier ouvre désormais sur la salle de restauration, que le cessionnaire du fonds est tenu des manquements du cédant de sorte que les modifications réalisées par les précédents locataires sont imputables à M. [F] [Z] et qu'en toute hypothèse l'annexion de surfaces supplémentaires est fautive ;

Sur la dette locative, M. [M] [W] indique que la condamnation en première instance exécutoire à titre provisoire n'a pas été réglée par le locataire et rappelle qu'elle n'a jamais été contestée par l'appelant ;

Pour la période postérieure au 10 novembre 2010, le bailleur sollicite la mise en 'uvre du protocole d'accord et demande à la cour de condamner M. [F] [Z] à payer une somme de 28 154,36 euros représentant les loyers et accessoires dus en vertu de cet accord au 30 juin 2016 ;

Il s'oppose à l'octroi de délais de paiement aux motifs que le locataire s'est abstenu d'exécuter la condamnation de première instance et a relevé appel à des fins dilatoires ;

Le commandement du 4 novembre 2010 que M. [W] a fait délivrer à M. [F] [Z] visait la clause résolutoire du bail et lui enjoignait d'avoir à remettre en état les lieux loués, de cesser l'annexion d'un local au premier étage de l'immeuble ainsi que du couloir commun et de rétablir la cloison séparative entre la boutique donnée à bail et les parties communes, et ce dans le délai d'un mois ;

Il n'est pas contesté que M. [F] [Z] n'a pas déféré aux causes de ce premier commandement dans le délai susvisé mais le locataire indique que le bailleur n'invoque ces travaux et occupations irrégulières qu'afin d'éviter d'avoir à lui payer une indemnité d'éviction; il argue d'une autorisation implicite d'occuper le premier étage et de l'absence de preuve qu'il aurait lui même ôté la cloison séparative ;

Il ressort des dispositions du bail quant aux locaux loués que ceux-ci se composent d'une boutique au rez-de-chaussée comprenant une salle sur rue et d'une cuisine en arrière boutique;

Il résulte du constat établi par Me [C], huissier, le 16 septembre 2010, que sur la gauche au rez-de-chaussée des locaux, il existe un escalier menant au premier étage, qu'il n'y a pas de couloir permettant d'accéder à cet escalier, que donc l'accès au premier étage s'effectue par cet escalier directement depuis la salle de restaurant du rez-de-chaussée et qu'au premier étage (qui n'est pas compris dans l'assiette du bail) se trouve un palier d'arrivée, un sanitaire homme et une salle à l'intérieur de laquelle sont disposées plusieurs tables donnant sur la rue [Adresse 2] ; s'agissant de cette salle, l'huissier mentionne une photographie n° 6 dont la cour constate qu'elle correspond à une pièce contenant des chaises rangées contre un mur ;

Toutefois, M. [F] [Z] établit que dès le 24 février 2004, son conseil avait adressé au mandataire du propriétaire, la société GLR, une télécopie mentionnant les difficultés liées à l'absence de couloir et au fait que l'accès au premier étage passait nécessairement par le rez-de-chaussée loué à son client ;

Faute d'établir que M. [F] [Z] aurait en infraction aux clauses du bail, fait un changement de distribution ou réalisé des travaux sans l'accord du propriétaire, la clause résolutoire visé au commandement du 4 novembre 2010 ne saurait être acquise ;

Dans le commandement du 10 novembre 2010 visant la clause résolutoire, le bailleur a fait délivrer à son locataire une sommation d'avoir à payer la somme de 20 502,90 euros représentant le différentiel entre les loyers appelés et les sommes contractuellement dues et ce dans le délai d'un mois ;

Il n'est pas contesté que M. [F] [Z] n'a pas déféré aux causes de ce second commandement dans le délai susvisé mais le locataire indique que dans la mesure où le protocole du 21 juin 2002 n'a jamais été appliqué, le bailleur ne saurait s'en prévaloir et qu'en outre il a déjà réglé de nombreux loyers que M. [W] a omis de prendre en compte ;

Or le commandement du 10 novembre 2010 distingue les loyers dus en vertu du bail initial, soit la somme de 4 823,70 euros à la date du 30 novembre 2010, de ceux dus en vertu du protocole du 21 juin 2012 ayant augmenté le loyer, soit du mois de décembre 2005 au 30 novembre 2010, pour une somme de 15 679,20 euros ;

Il est établi que M. [F] [Z] a réglé en octobre 2011 et en janvier 2012 une somme totale de 11 513,03, soit bien postérieurement au délai d'un mois suivant le commandement du 10 novembre 2010 ;

La cour constate donc que la clause résolutoire visée à ce commandement est acquise, que le bail s'est trouvé résilié à compter du 10 décembre 2010, soit un mois après la délivrance du commandement, que le locataire est depuis lors occupant sans droit ni titre, qu'il doit être expulsé s'il ne quitte pas les lieux volontairement et se trouve débiteur d'une indemnité d'occupation jusqu'à complète libération des lieux, la cour considérant que M. [F] [Z], pas plus qu'il ne l'a fait devant le tribunal, ne justifie par les pièces versées pouvoir bénéficier de délais de paiement ;

Il doit être constaté que bien que les parties aient été invitées à conclure par le tribunal dans son jugement dont appel sur les sommes dues postérieurement au 10 novembre 2010, seul le bailleur a conclu sur ce point dans le cadre de l'appel, réclamant une indemnité d'occupation de 1 500 euros par mois dès lors qu'il estime le montant du loyer totalement dérisoire ;

Par l'effet du protocole du 21 juin 2002, il est constant que le loyer a été porté à 686 euros mensuels au 1er décembre 2003 ; ce protocole, signé des deux parties, avait vocation à s'appliquer même si pendant une période, le bailleur avait fait des appels de loyers sur la base de l'ancien loyer, la cour considérant que ce faisant, il n'avait pas renoncé à s'en prévaloir, ce qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de faire le 26 janvier 2010, M. [W] ayant fait adresser à cette date à M. [F] [Z] une lettre recommandée avec accusé de réception aux fins de réactualiser le loyer à compter du 1er février 2010 avec effet rétroactif au 1er décembre 2009 conformément au protocole du 21 juin 2002 ;

Il est constant que l'indemnité d'occupation due par le locataire à compter de la résiliation du bail en raison de l'acquisition de la clause résolutoire revêt un caractère indemnitaire et compensatoire dès lors qu'elle répare le préjudice subi par le propriétaire de l'immeuble du fait de l' indisponibilité des locaux ;

Eu égard aux éléments de la cause, cette indemnité d'occupation doit être fixée au montant du loyer, charges et taxes en sus à compter du 10 décembre 2010 et à celle de 800 euros mensuels à compter du jugement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné M. [F] [Z] à payer à M. [W] une somme de 8 989,87 euros au titre de loyers et charges antérieurs au 10 novembre 2010, compte tenu des règlements effectués en octobre 2011 et janvier 2012 par le locataire, ainsi que la taxe foncière à hauteur de 317 euros pour l'année 2011 dont il était justifié;

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes, le bailleur étant notamment débouté de sa demande tendant à ce que le locataire remette les lieux en état et soit condamné à des dommages et intérêts pour résistance abusive alors que celui-ci n'a fait qu'user de son droit d'appel, sauf à condamner M. [F] [Z] qui succombe en appel à en supporter les dépens et à payer à M. [M] [W] une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y ajoutant,

DIT que la demande M. [P] [B] [F] [Z] tendant à voir annuler la clause résolutoire contenue au bail et les commandements subséquents est prescrite,

CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire visée au commandement du 10 novembre 2010,

CONSTATE que le bail s'est trouvé résilié à compter du 10 décembre 2010,

CONDAMNE M. [P] [B] [F] [Z] à payer à M. [M] [W] une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 10 décembre 2010 et ensuite de 800 euros par mois à compter du jugement, jusqu'à la libération des lieux par la remise des clés, sous déduction des règlements effectués, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE à défaut de restitution volontaire des clés l'expulsion de M. [P] [B] [F] [Z] et de toute personne dans les lieux de son fait, et ce, avec l'assistance de la force publique si nécessaire,

ORDONNE le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meubles ou dans tel autre lieu, au choix du bailleur, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes sauf de celle formée par M. [M] [W] au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE M. [P] [B] [F] [Z] à verser à M. [M] [W] une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] [B] [F] [Z] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

S. CAYRE C. BARTHOLIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/21537
Date de la décision : 25/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°14/21537 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-25;14.21537 ?
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