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25/11/2016 | FRANCE | N°14/21271

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 25 novembre 2016, 14/21271


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 25 NOVEMBRE 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21271



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°13/02665





APPELANTE



S.A.S. TUI FRANCE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en

cette qualité au siège social situé

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro B 331 089 474

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 25 NOVEMBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21271

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n°13/02665

APPELANTE

S.A.S. TUI FRANCE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité au siège social situé

Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro B 331 089 474

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Ayant pour avocat plaidant Me Marie DAVY de la SELARL ALTANA substituant Me Julien BALENSI, avocat au barreau de PARIS, toque R 021

INTIMES

Madame [H] [R], veuve [U]

Née le [Date naissance 1] 1918

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [A] [U]

Né le [Date naissance 2] 1945

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Représentés par Me Gilles HITTINGER-ROUX de la SCP HB & ASSOCIES - HITTINGER-ROUX - BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 0497

Ayant pour avocat plaidant Me Corinne DE PREMARE de la SCP HB & ASSOCIES - HITTINGER-ROUX - BOUILLOT & ASSOCIES substituant Me Pierre-Emmanuel TROUVIN, avocat au barreau de PARIS, toque P 0497

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne-Marie GALLEN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Anne-Marie GALLEN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente de chambre

Madame Anne-Marie GALLEN, Présidente

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de la chambre, et par Madame Sandrine CAYRE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

**************

Par acte sous-seing privé des 31 mai et 10 juin 2005, la SCI JLS a consenti à la société Nouvelles Frontières Distribution un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 7], pour une durée de neuf ans à compter du 1er juin 2005 pour se terminer le 31 mai 2014.

Au début de l'année 2012, la société Nouvelles Frontières Distribution aux droits de laquelle se trouve la société Tui France envisageait de changer de locaux et cherchait d'une part à céder son droit au bail et d'autre part à emménager dans de nouveaux locaux situés à proximité et a manifesté son intention de louer des locaux situés [Adresse 8], locaux appartenant également aux consorts [U].

Par acte sous seing privé en date du 11 juin 2012, la société Tui France a régularisé avec la société Claire's une promesse synallagmatique de cession de droit au bail sous réserve de la réalisation de certaines conditions suspensives, à savoir notamment l'obtention de l'agrément auprès du bailleur à la cession de droit au bail et acceptation en conséquence que la cession résultant des présentes soit opposable sans autre formalité que la seule remise d'un exemplaire original enregistré de l'acte définitif ainsi que la signature par le promettant de tout contrat qui produira effet de manière certaine et lui permettra de transférer son activité, sans interruption, au [Adresse 8].

Les parties sont convenues que ces conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 30 juin 2012, la réitération par acte sous seing privé devant intervenir au plus tard le 3 juillet 2012.

L'entrée en jouissance de la société Claire's, bénéficiaire, avait été fixée au 1er août 2012.

Parallèlement dans le cadre de cette opération tripartite, la société Tui France s'est engagée à prendre à bail les locaux situés au [Adresse 8]) suivant acte sous seing privé en date du 21 juin 2012, ce pour une durée de neuf années à compter du 3 juillet 2012, date correspondant à la réitération de la cession sus visée et à la réalisation de la condition suspensive n°6 de la promesse de cession.

Par acte d'huissier en date du 15 février 2013, les consorts [U] ont fait citer la société Tui France aux fins notamment de voir prononcer la résolution du bail commercial du 21 juin 2012 au torts exclusifs de cette dernière et pour qu'elle soit condamnée au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 544 000 euros.

Par jugement en date du 21 octobre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté que les conditions suspensives du bail commercial du 21 juin 2012 portant sur des locaux situés [Adresse 8] ont été réalisées,

- condamné la société Tui France à payer aux consorts [U], du fait du refus de prendre en jouissance des locaux loués, au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 341 850 euros,

- débouté la société Tui France de ses demandes,

- ordonné l'exécution de sa décision,

- condamné la société Tui France aux entiers dépens et à payer aux consorts [U] une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 13 janvier 2015, statuant sur une requête en omission de statuer présentée par les consorts [U], le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la résiliation du bail conclu sous conditions suspensives aux torts exclusifs de la société Tui France.

La société Tui France a relevé appel de ce jugement le 13 avril 2016.

Par ses dernières conclusions signifiées le 27 juin 2016 au visa de l'article 1134 du code civil, elle demande à la Cour de:

A titre principal,

- constater que le contrat de bail entre la société Tui France et les Consorts [U] était conclu sous la condition suspensive de communiquer au plus tard le 29 juin 2012, un diagnostic amiante ne révélant pas dans les locaux objets du contrat la présence de matériaux contenant de l'amiante,

- constater que le rapport établi le 27 juin 2012 par le Cabinet Agenda Diagnostic, mandaté par les consorts [U], relevait que certains matériaux étaient susceptibles de contenir de l'amiante, notamment dans les dalles présentes sous la moquette du Local, ce que le rapport établi le 28 juin 2012 par la société BCTB, à la demande la société TUI France, est venu confirmer,

- constater en conséquence qu'à la date du 29 juin 2012, la condition suspensive prévue au bail conclu entre la société Tui France et les consorts [U] et tenant à la communication d'un diagnostic amiante ne révélant pas dans les locaux objets du contrat la présence de matériaux contenant de l'amiante n'était pas réalisée.

En conséquence,

- infirmer purement et simplement le jugement

Et statuant à nouveau,

-  juger que le contrat de bail conclu sous conditions suspensives entre Tui France et les consorts [U] était caduc à la date du 29 juin 2012,
- juger qu'elle n'a commis aucun manquement de quelque nature que ce soit dans l'exécution du contrat de bail conclu sous conditions suspensives,
- débouter purement et simplement les consorts [U] de leur demande tendant à ce que soit prononcée aux torts de la société Tui France la résolution du bail conclu le 21 juin 2012,

- débouter purement et simplement les Consorts [U] de leur demande d'indemnisation.

A titre subsidiaire,

- juger qu'en tout état de cause, les consorts [U] ne démontrent pas avoir subi le moindre préjudice, dès lors que le Local a été reloué, avant d'être revendu, libre de toute occupation, pour un prix bien supérieur à ce qu'il aurait obtenu, s'il avait cédé leur Local occupé,

- juger que le préjudice allégué par les consorts [U] est parfaitement inexistant et en tout état de cause ne présente aucun lien de causalité avec de quelconques agissements de la société TUI France.

En conséquence,

- confirmer le jugement, seulement en ce qu'il a débouté les Consorts [U] de leur demande tendant à obtenir la condamnation de Tui France au paiement d'une somme de 165 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation du bail qu'aurait payé les Consorts [U] à leur ancien locataire
- confirmer le jugement, seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation des Consorts [U] au titre d'une prétendue perte de loyers postérieurement à la date du 13 mai 2013
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer aux Consorts [U] une somme de 341 850 euros.

Et statuant à nouveau,
- débouter purement et simplement les Consorts [U] de leur demande tendant à ce que Tui France soit condamnée à leur payer une somme de 310 000 euros au titre d'une prétendue perte du droit d'entrée,
- débouter purement et simplement les Consorts [U] de l'intégralité de leurs demandes au titre d'une prétendue perte de loyers.
En tout état de cause,
- débouter purement et simplement les Consorts [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner les Consorts [U], solidairement et à tout le moins in solidum à payer à la société Tui France une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les Consorts [U], solidairement et à tout le moins in solidum, aux entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions signifiées le 12 septembre 2016 au visa des articles 1134, 1147, 1162 et 1184 du code civil, l'article L 145-9 du code de commerce et l'article 9 du code de procédure civile, Mme [R], veuve [U] et M. [U] intimés et incidemment appelants, demandent à la Cour de:

- confirmer les jugements du tribunal de grande instance de Paris du 21 octobre 2014 et du 13 janvier 2015,

En conséquence,

- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
- juger que la société Tui France a manqué à son obligation de bonne foi,
- juger que toutes les conditions suspensives du bail ont été réalisées,

- juger que les manquements commis par la société Tui France
entraînent la résolution du bail commercial en date du 21 juin 2012,
- prononcer la résolution du bail conclu le 21 juin 2012 aux torts exclusifs de la société Tui France de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner la société Tui France à leur verser la somme de 520 049,50 euros, sauf à parfaire, en réparation de leurs préjudices liés aux manquements de la défenderesse.
- condamner la société Tui France à leur payer la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner la société Tui France aux entiers dépens de l'instance,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie.

SUR CE

Sur la réalisation de la condition suspensive tenant au diagnostic relatif à la présence d'amiante dans les locaux :

La société Tui France fait valoir à titre principal que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la condition suspensive stipulée au bail en date du 21 juin 2012 et tenant à la production d'un diagnostic ne révélant pas la présence de matériaux contenant de l'amiante dans le local n'était pas réalisée à la date du 29 juin 2012, date fixée contractuellement par les parties, de sorte que le contrat de bail est devenu caduc, ce qui justifie le rejet pur et simple des demandes d'indemnisation des consorts [U] ;

Après avoir rappelé les désormais anciens articles 1176 et 1181 du code civil, la société appelante fait état d'un rapport en date du 28 juin 2012, du cabinet Agenda, chargé par les consorts [U] de réaliser un diagnostic amiante, qui relevait la présence éventuelle de dalles amiantés sous la moquette de la surface de vente de la réserve ; elle explique que souhaitant que l'opération aboutisse, elle avait parallèlement pris l'initiative faire réaliser un autre diagnostic lequel est venu confirmer la présence d'amiante dans les locaux (pièce adverse 15) ;

Elle estime dès lors que le tribunal a fait une mauvaise appréciation en retenant que le diagnostic amiante aurait été négatif, puisque la condition suspensive imposait la communication d'un diagnostic "ne révélant pas la présence de matériaux contenant de l'amiante", la simple possibilité que des matériaux contenus dans les locaux, en l'espèce les dalles présentes sous la moquette du local, puissent en contenir, suffisait donc à établir la non réalisation de la condition suspensive à la date du 29 juin 2012 ;

Par ailleurs, la société Tui France fait valoir que le fait, non démontré, que la condition suspensive tenant à l'absence d'amiante aurait été réalisée postérieurement à la date contractuellement fixée pour sa réalisation est inopérant, le contrat de bail étant caduc dès sa dz signature, que le tribunal a dès lors violé les dispositions de l'article 1176 du code civil ;

Elle réaffirme avoir érigé en condition suspensive du bail non pas l'absence de certitude de la présence d'amiante dans les locaux mais l'absence de matériaux contenant de l'amiante, notamment en raison de son obligation de sécurité de résultat qu'elle a envers ses salariés ;

La société appelante précise que M. [U] le 2 juillet 2012 a dans un premier temps confirmé que le désamiantage ne pouvait être achevé que pour le "mercredi 4 au soir (reconnaissant selon elle par là même la présence d'amiante) avant d'indiquer quelques heures plus tard que sa réalisation pourrait finalement être justifiée au cours du rendez-vous de signature du lendemain, 3 juillet alors que le désamiantage de locaux étant une opération très lourde, exécutée par une entreprise agrée, supposant après une phase de préparation du chantier très minutieuse, la réalisation de plusieurs étapes selon un protocole très précis et obligatoire, excluait dès lors qu'une telle opération puisse être effectuée en 24 heures ;

Elle souligne qu'en outre, M. [U] s'est opposé à tout report du rendez-vous de signature prévu au 3 juillet et considère dès lors, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, n'avoir commis aucun abus en constatant la caducité du bail ;

Les consorts [U] soulignent à l'inverse le manquement de la société Tui France à son obligation de loyauté dans l'exécution du bail sous conditions suspensive sur le fondement de l'article 1134 du code civil, alors que l'ensemble des conditions suspensives contenues dans le bail du 21 juin 2012 avaient été accomplies dans le délai imparti ;

En effet, ils indiquent avoir bien communiqué un diagnostic effectué par le cabinet Agenda ne révélant pas la présence d'amiante dans les locaux dès le 7 juin 2012, mais que la société Tui France a cherché par tous les moyens à discréditer ledit rapport, alors que la mission du diagnostiqueur se limitait bien à un repérage visuel sans destruction de locaux encore occupés par le précédent locataire au moment du diagnostic ;

Ils dénoncent l'attitude la société Tui France qui a, à l'insu des propriétaires, fait réaliser un diagnostic en s'introduisant illégalement dans les locaux, propriété privée, pour faire réaliser un diagnostic elle-même et ainsi chercher à faire échouer une opération de location qu'elle ne souhaitait plus ;

A titre subsidiaire, les propriétaires relèvent que le premier diagnostic établi par la société BCTB à la demande par la société Tui France ne révèle pas la présence d'amiante, et qu'elle n'en apporte pas la preuve ;

Ceci étant exposé, il convient de rappeler que le bail commercial du 21 juin 2012 à effet du 3 juillet 2012 conclu entre les consorts [U] et la société Tui France et portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 8]s, mentionne dans la rubrique 'Durée' qu'il est consenti pour une durée de 9 ans qui commencera à courir à compter de la prise de possession des lieux par TUI France et après réalisation au plus tard le 29 juin 2012 de trois conditions suspensives dont la première consiste à la communication d'un diagnostic amiante ne révélant pas dans les locaux cités en objet la présence de matériaux contenant de l'amiante ;

Il n'est pas contesté que les bailleurs ont produit un dossier de diagnostic technique daté du 27 juin 2012 émanant de la société Agendas Diagnostics concernant les locaux dont s'agit ; il y est attesté par le diagnostiqueur Agenda dans la rubrique 'Note de synthèse du dossier de diagnostic technique' et dans le paragraphe 'Constat de repérage amiante établi à l'occasion de la vente d'un immeuble bâti ': 'Il n'a pas été repéré de matériaux et produits contenant de l'amiante, conformément aux listes A et B figurant à l'annexe 13-9 du code de la santé publique et à notre mission telle que ci-dessus définie' ; ce constat est repris à l'identique dans la rubrique 'conclusion' ;

Dans la rubrique 'conditions d'inaccessibilité', le diagnostiqueur Agenda relève que 'les éléments cachés pouvant masquer des produits ou matériaux contenant de l'amiante ne peuvent être examinés par manque d'accessibilité, la mission impartie n'autorisant pas de démontage ou de destruction' tandis que dans la rubrique 'constatations diverses', le technicien précise 'suite à notre conversation téléphonique du 25 courant avec le représentant de l'acquéreur potentiel, il lui a été précisé que des dalles amiantées pouvaient éventuellement être présentes sous la moquette de la surface de vente et de la réserve. La boutique étant toujours en activité lors de nos visites, nous ne nous sommes pas permis de découper le moquette pour le vérifier. En cas d'intervention sur ce support, le diagnostic amiante avant travaux obligatoire devra le déterminer' ;

Enfin, dans la rubrique 'Résultats détaillés du repérage', le technicien mentionne de façon extrêmement précise les pièces des locaux visités, la désignation pour chacune de ces pièces de l'élément de construction, du substrat et du revêtement, (étant ajouté qu'il avait auparavant sous les indications 'locaux ou parties non visités' et 'composants ou parties de composants qui n'ont pu être inspectés' indiqué la mention 'néant') et en conclut sous la mention 'Matériaux ou produits contenant de l'amiante, sur décision de l'opérateur et après analyse ' en utilisant le terme 'Néant ' ;

Il s'en infère que contrairement à ce qu'indique l'appelante, la simple possibilité que des matériaux contenus dans les locaux, en l'espèce les dalles présentes sous la moquette du local, puissent éventuellement contenir de l'amiante, (ce qui sera d'ailleurs totalement évacué par une analyse ultérieure du 2 juillet 2012), n' établit pas la non réalisation de la condition suspensive à la date du 29 juin 2012 dès lors que selon les conclusions du technicien rappelées, le diagnostic amiante n'a pas révélé dans les locaux cités en objet la présence de matériaux contenant de l'amiante, une simple 'possibilité éventuelle' étant impuissante à mettre en échec ces conclusions, qui obéissent à la Norme 46020, réglementant les "Diagnostic Amiante", qui limite la recherche d'amiante à un constat visuel, norme bien respectée par le diagnostiqueur mandaté par les propriétaires, et qui n'exige nullement des recherches destructives ;

La cour ajoute que le fait que M. [U], désireux de faire aboutir la conclusion du contrat de bail, ait décidé de faire retirer les dalles incriminées sans fondement avant la date déterminée d'entrée dans les locaux et qu'aucune opération de désamiantage n'ait eu lieu comme le souligne la société intimée, s'explique parfaitement par le fait que l'existence de matériaux amiantés n'a pas été démontrée ; de même, le courriel du 2 juillet 2012 de M. [U] indiquant que "les locaux ne contiennent plus d'amiante" vise à signifier à la société Tui France que le sujet est clos et ne constitue nullement, comme le prétend l'appelante, une preuve de la présence d'amiante ; il sera enfin rappelé que d'autres diagnostics tel que celui du cabinet I-Diagnostic réalisé dans les locaux vides confirme strictement les conclusions du rapport précédemment établi par le cabinet Agenda ;

Il sera ajouté que le document établi par la société BTCB censé selon Tui France établir la présence d'amiante dans les locaux, outre le fait qu'il a été établi dans des conditions contestables, sans que les propriétaires en soient avertis, mentionne seulement qu'ayant soulevé un coin de moquette à un endroit où elle était décollée, le technicien constate la présence de dalles 'susceptibles de contenir de l'amiante', ce qui là encore relève de l'hypothèse et n'est étayé par aucun élément technique expliquant pourquoi une telle appréciation est avancée ;

Il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a considéré que la société Tui avait de mauvaise foi refusé de prendre possession des locaux alors que la condition suspensive de non présence d'amiante était réalisée, la production d'un rapport ne révélant pas la présence d'amiante ayant bien été assurée par les consorts [U] dans le délai prévu au contrat ;

Sur les préjudices

A titre subsidiaire, la société Tui France fait valoir que le préjudice allégué par les bailleurs est inexistant, dès lors notamment que le local a été reloué, à tout le moins, à deux reprises avant d'être cédé, libre de toute occupation, ce qui justifie selon elle le rejet pur et simple des demandes des consorts [U] ;

Ainsi elle s'oppose à la demande des bailleurs au titre de la prétendue perte de loyers de 37 000 euros à compter du 3 juillet 2012, jusqu'à l'issue de la première période triennale alléguée par les consorts [U] alors que ceux-ci ont à diverses reprises reloué le local en question et ont même signé une promesse de vente puis ont cédé ledit local le 9 juillet 2014 ;

L'appelante fait état notamment du fait que si les consorts [U] n'ont pas été en mesure de louer leur local entre les mois de juillet 2012 et mai 2013, ce qui n'est pas démontré, c'est uniquement parce que le loyer sollicité était bien au-dessus du prix du marché et du loyer de 37 000 euros convenu dans le bail sous condition suspensive, qu'ils ne prouvent pas l'absence de location entre le 13 janvier 2014 et le 20 avril 2014 et que le mandat confié à la société TourImmo était un mandat de vente et non de location ;

Quant à la demande à hauteur de 310 000 euros au titre de la "perte du droit d'entrée" stipulée au contrat de bail portant sur les locaux du [Adresse 8], la société intimée fait valoir qu'il n'y a pas lieu au paiement d'une somme prévue dans un contrat caduc ;

Elle souligne que si les consorts [U] ont pu vendre à un prix plus élevé leur fonds que lors de son évaluation en novembre 2011, c'est parce-que les locaux étaient vendus libres de tous occupants, ce qui démontre qu'ils n'ont subi aucune perte de droit d'entrée ;

S'agissant de la demande à hauteur de 165 000 euros des consorts [U] au titre de l'indemnité de résiliation du bail, la société Tui France fait valoir qu'elle se confond avec la demande d'indemnisation précédente, et que les consorts n'ont là encore subi aucun préjudice, puisqu'ils ont reloué les locaux, a' deux reprises, a' des conditions tarifaires plus avantageuses, avant de le céder libre de toute occupation a' un prix bien plus avantageux que s'il avait été cédé occupé ;

A titre surabondant, la société Tui France souligne l'inconséquence des consorts [U] qui, avant même de disposer d'un diagnostic amiante, condition suspensive du bail conclu avec la société Tui, avaient dès le 21 juin 2012 résilié le précédent bail ;

Les consorts [U] font valoir à l'inverse que l'absence d'exécution volontaire du contrat ouvre au créancier lésé le droit de réclamer la résolution de celui-ci sur le fondement des dispositions de l'article 1184 du code civil et que le tribunal de grande instance de Paris dans son jugement en date du 13 janvier 2015 a justement fait droit à leurs demandes ;

Ils sollicitent par ailleurs la réparation de leur préjudice sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil, préjudice lié à la conclusion et à la résiliation du bail ;

Ainsi ils demandent la condamnation de la société appelante au paiement de la somme de 165 000 euros au titre de l'indemnité de résiliation du bail qu'ils ont dû payer au précédent locataire en vue d'obtenir la libération anticipée du local et s'estiment bien fondés à lui réclamer une telle somme puisque la condition suspensive s'est réalisée ;

Ils réclament également l'indemnisation de leur préjudice lié consécutivement à la résolution du bail litigieux,

à savoir la perte du droit d'entrée stipulée au bail à hauteur de 310 000 euros, puisqu'ils n'ont jamais pu retrouver de locataire dans le cadre d'un bail commercial classique et encore moins eu la possibilité de négocier un droit d'entrée,

la perte de loyers depuis le 3 juillet 2012, les propriétaires n'ayant consenti que des baux précaires et dérogatoires n'ayant pas abouti au même rendement que si la société Tui France avait conclu le contrat de bail, avec un préjudice annuel s'élevant à la somme de 45 049,05 euros HT (pièces 3 et 18).

Ils estiment que leur préjudice global s'établi à 520 049,50 euros.

Ils font valoir l'indifférence du prix de cession du local dans l'appréciation du préjudice, et notamment que la différence entre le montant établi lors d'une donation en novembre 2011 et le montant de la vente des locaux, correspondant à la pratique du marché immobilier est inférieure au manque à gagner qu'ils ont subi de 990 098 euros, somme qu'ils auraient perçue si le contrat de bail avait abouti avec la société Tui France ;

Or, la cour ayant confirmé le jugement en ce qu'il a considéré que la société Tui avait de mauvaise foi refusé de prendre possession des locaux alors que la condition suspensive de non présence d'amiante était réalisée, il s'ensuit qu'en application de l'article 1184 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement contractuel n'a pas été exécuté, en l'espèce les consorts [U], peut demander la résolution du contrat de bail et l'octroi de dommages et intérêts;

Il y aura donc lieu d'infirmer le jugement du 13 janvier 2015 statuant en omission de statuer et ayant prononcé la résiliation du bail et de prononcer la résolution du bail commercial du 21 juin 2012 ;

Les consorts [U] demandent tout d'abord que la société Tui France soit condamnée à lui payer l'indemnité de 165 000 euros qu'ils ont dû régler au précédent locataire, la société Naudin ;

Or le comportement de la société Tui France est étranger aux dispositions prises par les consorts [U] pour permettre la libération des locaux devant lui étre loués et l'accord pris avec l'ancien locataire à cet égard ne peut lui être opposé et est sans lien avec le refus par la société Tui France d'exécuter ensuite le contrat de bail ;

Les consorts [U] demandent ensuite que le jugement soit confirmé en ce qu'il a condamné la société Tui France à leur payer la somme de 310 000 euros au titre de la perte du droit d'entrée stipulée dans le bail ;

Il n'est pas contesté que le bail du 21 juin 2012 prévoyait ce droit d'entrée et que la non réalisation du contrat en a nécessairement privé les consorts [U] ; là encore, l'argumentation de l'appelante tenant au fait que ce droit n'était pas dû puisque le contrat était caduc ne saurait prospérer dès lors qu'il est établi que comme il a été rappelé, le contrat n'était nullement caduc puisque les conditions suspensives avaient été réalisées ;

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a condamné la société Tui France à payer aux consorts [U] la somme de 310 000 euros au titre de la perte du droit d'entrée stipulée dans le bail ;

Les consorts [U] demandent enfin que la société Tui france soit condamnée à leur payer la somme de 45 049,50 euros au titre de la perte de loyers, considérant que la période d'inoccupation du local a duré 13 mois et 15 jours ;

Or comme l'a parfaitement jugé le tribunal, les consorts [U] n'établissent une absence de location, par les pièces versées aux débats, que durant une période de 10 mois et 10 jours, et il s'ensuit, compte tenu du prix de 37 000 euros prévu dans le bail résolu au titre du montant du loyer annuel, que la société Tui doit être condamnée au paiement de 31 850 euros au titre de la perte de loyers, étant ajouté que l'appelante échoue à démontrer que les consorts [U] auraient volontairement renoncé à louer au profit de la vente ou voulu louer à un prix trop élevé ce qui aurait dissuadé d'éventuels candidats à la location, ne procédant que par affirmation à cet égard ;

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Tui France à payer aux consorts [U], du fait du refus de prendre en jouissance des locaux loués, au paiement de dommages et intérêts d'un montant de 341 850 euros;

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens méritent confirmation ;

Les parties seront déboutées du surplus de leur demandes sauf les consorts [U] de leur demande au titre des frais irrépétibles ;

La société Tui France qui succombe en appel en supportera les dépens et devra verser aux consorts [U] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement déféré et le jugement en omission de statuer du 13 janvier 2015, sauf en ce qu'ils ont prononcé la résiliation du bail du 21 juin 2012,

STATUANT de nouveau de ce chef réformé et ajoutant,

PRONONCE la résolution du bail du 21 juin 2012 aux torts exclusifs de la SAS Tui France,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, sauf de celle formée par les consorts [U] au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la SAS Tui France à payer à Mme [H] [R], veuve [U] et à M. [A] [U] une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions d le'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

S. CAYRE C. BARTHOLIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 14/21271
Date de la décision : 25/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°14/21271 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-25;14.21271 ?
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