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25/11/2016 | FRANCE | N°13/12351

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 25 novembre 2016, 13/12351


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 25 Novembre 2016

(n° ,8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/12351



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 12/09597





APPELANTE

SA SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]



représentée par Me Isabelle AYACHE REVAH, avocat au barreau de PARIS, toque : B0859,

sub

stitué par Me Olivia DU JONCHAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0859







INTIME

Monsieur [X] [W]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] (MAROC)



comparan...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 25 Novembre 2016

(n° ,8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/12351

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 12/09597

APPELANTE

SA SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

représentée par Me Isabelle AYACHE REVAH, avocat au barreau de PARIS, toque : B0859,

substitué par Me Olivia DU JONCHAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0859

INTIME

Monsieur [X] [W]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] (MAROC)

comparant en personne,

assisté de Me Florence LAUSSUCQ-CASTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E2034

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, président de chambre

Madame Valérie AMAND, conseiller

Madame Jacqueline LESBROS, conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

-contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Président et par Madame Ulkem YILAR, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [X] [W] et la SA SOCIETE GENERALE du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement - chambre 6, rendu le 4 octobre 2013 qui a fixé la moyenne des trois derniers salaires mensuels de Monsieur [X] [W] à la somme de 12.583,33 € et a condamné la SA SOCIETE GENERALE à lui payer avec intérêts légaux à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation les sommes de :

51.000 € au titre du bonus 2011

27.000 € au titre du bonus 2012

ainsi que la somme de 232.446,86 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts légaux à compter du jugement et 700 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

Monsieur [X] [W] né au mois d'Août 1953 a été engagé à compter du 7 Septembre 1981 par la Société Générale Marocaine de Banques ; selon attestation de cette banque en date du 28 novembre 1986, il était sous-directeur ;

Par courrier de la Société Générale en date du 3 février 1987, il a été détaché au sein de la SA SOCIETE GENERALE à [Localité 2] en qualité de cadre assimilé à la classe VIII ; après avoir occupé différentes fonctions ( directeur de projets d'INFI à la branche internationale Finance, dirigeant en charge de la succursale de la Société Générale à Londres à compter du 1er Mars 1996) , à compter du 15 Mai 2004 il a été nommé à la direction des ressources humaines pour y assurer les fonctions de directeur des opérations dénommé RESG/ORG ou encore SG Consulting ; dans le dernier état, son salaire mensuel de base était de 12.583,33 € auquel s'ajoutait une part variable ;

La direction de l'Organisation est rattachée au département TPS (Transformation, Processus et Systèmes d'Information créé en 2011) lui-même rattaché à la direction des Ressources du Groupe ; la direction de l'organisation est en fait un cabinet de consultants interne au groupe qui intervient exclusivement auprès des différentes entités du groupe pour réaliser des missions de conseil et d'expertise ( rapprochement ou création d'entités, centralisation ou régionalisation d'activités, évaluation des entités ou des projets, assistance à la structuration et au pilotage de projet, optimisation de processus et de structures, définition de stratégies et mise en 'uvre organisationnelle...etc) ;

L'entreprise est soumise à la convention collective des banques, elle emploie plus de 11 salariés ;

Le 21 Mars 2012 Monsieur [X] [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 avril suivant en vue d'un licenciement; Monsieur [X] [W] s'est rendu à cet entretien assisté d'un délégué syndical ;

Monsieur [X] [W] a été licencié le 13 avril 2012 avec dispense d'effectuer son préavis de trois mois ;

Après avoir rappelé que Monsieur [X] [W] occupe le poste de Directeur de l'Organisation depuis le 15 mai 2004, à l'appui du licenciement la SA SOCIETE GENERALE invoque l'impossibilité de poursuivre la collaboration avec lui en raison du caractère stratégique pour l'entreprise du rôle du service de l' Organisation et au sein de ce service, du rôle majeur que doit jouer son responsable ; la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige vise les griefs suivants :

'- depuis plusieurs mois votre hiérarchie a été amenée à vous exprimer ses motifs d'insatisfaction quant au fonctionnement du service RESG/TPS/ORG que vous animez : elle a déploré à plusieurs reprises votre fonctionnement en mode isolé eu égard notamment à votre reporting insignifiant et à votre manque de coopération avec les autres services de RESG

- malgré les demandes de la direction, le service de l'organisation n'évolue pas, n'impulse pas les changements souhaités et se satisfait d'une prestation a minima en deçà de nos attentes traduisant un défaut d'adhésion à la politique de l'entreprise

- l'organisation interne du service est également figée depuis des années et l'activité n'arrive pas à s'extraire d'une pratique par trop routinière. En effet, la priorisation de vos missions est peu rigoureuse et vous n'avez jamais engagé de réflexion ni sur les domaines d'expertises à apporter au service pour le faire évoluer, ni sur les pistes d'amélioration à mettre en 'uvre quant au modèle de recrutement et aux profils à recruter

- Vous même occupez votre poste depuis 8 ans et vous vous êtes montré dans l'incapacité d'évoluer. Au cours des deux dernières années où il vous a été demandé de vous projeter dans une autre activité au sein de l'entreprise, vous n'avez levé aucune piste en vue de votre évolution professionnelle et de notre côté nous avons dû constater que votre dossier, que nous avons mis sur le marché de l'emploi interne, n'était pas retenu par les directions pour le « pourvoi » de leurs postes'.

La lettre de licenciement rappelle au salarié les dispositions découlant de l'article 26-1 de la convention collective de la Banque et que la rupture du contrat prendra effet au terme du préavis de trois mois sous réserve du résultat éventuel de la demande de révision qu'il a la faculté d'adresser à l'employeur directement ou par l'intermédiaire des délégués du personnel ou des représentants des organisations syndicales dans un délai de 10 jours calendaires à compter de la première présentation de la lettre ;

Le 19 avril 2012, se prévalant des dispositions de l'article 26-1 de la convention collective précitée Monsieur [X] [W] a régulièrement saisi son employeur d'une demande de révision de la décision de licenciement ; suivant réponse en date du 4 Mai 2012, l'employeur a maintenu le licenciement ;

Monsieur [X] [W] a perçu une indemnité de licenciement de 229.017 € ; les 18 et 24 juillet 2012 le salarié a contesté son solde de tout compte et notamment le montant de son indemnité de licenciement ;

Monsieur [X] [W] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 28 Août 2012 ;

Monsieur [X] [W] sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne le principe des condamnations prononcées à son profit au titre des bonus 2011 et 2012 et des frais irrépétibles mais demande de le réformer pour le surplus en jugeant que son licenciement est fondé sur un motif discriminatoire lié à l'âge et qu'il est nul ;

Subsidiairement il demande de juger que la SA SOCIETE GENERALE n'a pas respecté une garantie conventionnelle de fond, que son licenciement pour insuffisance professionnelle est sans cause réelle et sérieuse ; il demande « en tout état de cause » de condamner la SA SOCIETE GENERALE à lui payer avec intérêts légaux capitalisés, remise des bulletins de salaire et de l'attestation Pôle emploi, les sommes de :

51.000 € à titre de rappel de bonus 2011

81.000 € au titre du bonus 2012 et subsidiairement la somme de 43.875 €

52.068 € à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement

90.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral

826.357 € à titre d'indemnité en réparation du préjudice de « retraite surcomplémentaire »

44.200 € pour perte d'une demi annuité dans la base de calcul de la retraite complémentaire

931.149 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement d'ordonner une expertise pour chiffrer son préjudice de retraite

10.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

La SA SOCIETE GENERALE demande l'infirmation du jugement en retenant qu'elle n'a pas violé de garantie de fond, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et non discriminatoire et que Monsieur [X] [W] a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et des bonus 2011 et 2012 ; elle sollicite le rejet des demandes du salarié dont elle demande la condamnation à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile ; subsidiairement, elle demande de limiter le montant des dommages intérêts alloués à Monsieur [X] [W] à la somme de 232.446,86 € ou à celle de 210.542,08 € en cas de majoration de l'indemnité conventionnelle de licenciement et le montant des rappels de bonus aux sommes de 51.000 € pour 2011 et 27.000 € pour 2012

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .

Sur le licenciement

a) Sur la demande principale fondée sur la nullité en raison du caractère discriminatoire

Monsieur [X] [W] qui conteste en tout état de cause le caractère réel et sérieux de son licenciement, soutient d'abord que son licenciement est nul, qu'il s'inscrit dans un contexte économique très difficile pour la SA SOCIETE GENERALE et qu'il repose en fait sur des considérations tendant à lui faire réaliser des économies conséquentes par l'élimination « discriminatoire » d'un salarié âgé remplacé par un salarié percevant une rémunération moindre et réduisant ainsi le coût de la sur-retraite complémentaire qui lui est due alors qu'il bénéficiait « d'une retraite chapeau et ne disposait pas des annuités suffisantes lui permettant de prendre sa retraite » ;

La SA SOCIETE GENERALE conteste les arguments de Monsieur [X] [W] et le caractère discriminatoire invoqué en raison de l'âge et au regard de la sur-complémentaire ; elle expose de manière détaillée et probante dans ses conclusions l'absence d'incidence du licenciement du salarié sur le montant de sa sur-complémentaire puisque le régime prévoit que les périodes d'indemnisation par pôle emploi s'ajoutent aux annuités d'activité professionnelle et que la rémunération retenue par le régime de la sur-complémentaire est la dernière rémunération annuelle perçue de la Société Générale, ledit montant étant revalorisé en fonction de l'évolution annuelle du point AGIRC ce qui garantit au salarié une augmentation du référentiel de calcul jusqu'à la liquidation de ses droits ;

Il ne se déduit pas de l'établissement par la SA SOCIETE GENERALE d'une liste des salariés bénéficiaires du régime de retraite sur-complémentaire la preuve du caractère discriminatoire du licenciement de Monsieur [X] [W], l'explication fournie par l'employeur mettant notamment en évidence et à bon droit compte tenu de l'âge des salariés mentionnés et de leur date de naissance que la liste litigieuse a en fait été réalisée en 2005/2006 au moment de mise en 'uvre de la Loi Fillon sur la réforme des retraites donc bien antérieurement au licenciement de Monsieur [W] ; en outre il est d'une bonne gestion des ressources humaines d'une entreprise de connaître la répartition de ses salariés par tranche d'âge ; enfin, sans que soit apportée la preuve contraire, la SA SOCIETE GENERALE fait état de ce que 12% de ses effectifs soit environ 5000 salariés sont âgés de 55 ans et plus et que des contrats de génération sont négociés avec les organisations syndicales pour maintenir l'emploi des seniors tout en assurant la transmission des savoirs et compétences ;

C'est également sans fondement valable que Monsieur [X] [W] soutient que son licenciement reposerait en réalité sur un motif économique déguisé ; en effet, le poste de Monsieur [X] [W] n'a pas été supprimé puisqu'il a immédiatement été remplacé par Monsieur [B] qui l'occupe toujours et le département RESG/TPS n'a pas été concerné par des suppressions d'emplois, enfin SG Consulting auquel appartenait Monsieur [X] [W] a même vu son nombre de collaborateurs augmenter passant de 39 en avril 2012 à 46 puis 58 un an après le départ de l'appelant avec 4 recrutements externes ; ni l'existence d'une économie caractérisée découlant du remplacement de Monsieur [X] [W] par Monsieur [B] ni le gel de son salaire en raison de son âge alors qu'il bénéficiait d'une rémunération de haut niveau ne sont sérieusement établis ;

En conséquence de ce qui précède, il ne résulte pas des faits invoqués par l'appelant, même pris dans leur ensemble, la preuve de l'existence d'une discrimination liée à l'âge de sorte que Monsieur [X] [W] doit être débouté de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination ainsi que de sa demande de dommages intérêts afférente.

b) Sur le bien fondé du licenciement

Monsieur [X] [W] soulève avant tout examen des griefs invoqués à son encontre, la violation par l'employeur d'une garantie conventionnelle de fond posée par l'article 26 de la convention collective de la banque qui dispose pour les licenciements pour motif non disciplinaire qu' « avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l'insuffisance résulte d'une mauvaise adaptation de l'intéressé à ses fonctions » et ajoute que « le licenciement pour motif non disciplinaire est fondé sur un motif objectif et établi d' insuffisance » ;

En l'espèce le licenciement n'est pas de nature disciplinaire ; la lettre de licenciement rappelle que Monsieur [X] [W] occupe le poste depuis le 15 Mai 2004 et il ressort des évaluations annuelles de 2005 à 2010 inclus que Monsieur [X] [W] était noté sur cette période comme parfaitement adapté à son poste puisqu'on peut y relever encore en 2010 les termes « Fonction bien assurée », objectifs opérationnels « au niveau des attentes », objectifs de développement comportemental « au niveau des attentes» avec en commentaires du responsable hiérarchique « Monsieur [X] [W] a continué de diriger avec efficacité SG Consulting » ;

En 2010, au terme d'une l'évaluation du supérieur hiérarchique globalement satisfaisante, on note toutefois la mention suivante « il devra dans l'année qui vient évoluer dans le groupe » ;

Le voeu exprimé par le supérieur hiérarchique dans l'évaluation de 2010 et les termes de l'entretien d'évaluation du 30 novembre 2011 pour une fixation d'objectifs en date du 7 juillet 2011 font ressortir que même s'il est fait état d' une bonne gestion des équipes, d'un budget réalisé à plus de 150% , des indices de satisfaction clients très élevés, d'une bonne gestion des ressources dans un contexte avec visibilité limitée, des objectifs opérationnels répondant au niveau d'attente, le supérieur hiérarchique indique « après plusieurs années à la tête de SG Consulting, une mobilité serait souhaitable en 2012 pour donner un nouvel élan » et au cours de cette dernière évaluation figurent des appréciations qui constitueront en fait le fondement du licenciement : « attention de rester positif, même dans un contexte difficile pour la banque », « en dessous des attentes » s'agissant des objectifs de développement comportemental, «fonction insuffisamment assurée », concernant l'appréciation de la tenue de poste « pas assez de liens avec le reste de RESG ou du groupe», «être plus force de proposition en termes de stratégie » et encore «Monsieur [X] [W] apparaît désabusé voire négatif et partage ses sentiments assez largement, ce qui à ce niveau de responsabilité impacte la perception et le moral de ses collègues, clients et équipes » ;

L'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relèvent du pouvoir de l'employeur ; même si ces dernières appréciations peuvent sembler pour partie en opposition avec toutes celles qui avaient été portées les années antérieures, elles témoignent en fait d'une impossibilité voire d'une incapacité du salarié, à fournir dans la continuité une prestation à la hauteur des attentes de l'employeur chez un cadre de haut niveau donc d'une mauvaise adaptation au poste et à la stratégie de développement et d'évolution souhaitées par l'employeur ;

Les griefs de la lettre de licenciement font reproche au salarié de ne plus répondre aux attentes de l'employeur sur le poste qu'il occupe compte tenu des stratégies à développer et de ne plus jouer le rôle moteur attendu sur ce poste ce qui traduit une inadaptation au poste et aux attentes de la SA SOCIETE GENERALE en 2012 ;

En conséquence de cette mauvaise adaptation à ses fonctions à la date de son licenciement et en application de l'article 26 de la convention collective de la Banque « avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste » ;

Le fait d'avoir fait figurer à deux reprises dans les entretiens annuels du salarié qu'une mobilité était souhaitable ou en 2010 d'avoir attiré son attention sur la nécessité de se projeter dans une évolution de son poste, ne répond pas à la condition préalable au licenciement de « recherche de solution envisageable » pour éviter le licenciement ; et la SA SOCIETE GENERALE n'apporte aucun élément justifiant qu'elle a sérieusement recherché le moyen de ne pas procéder au licenciement de Monsieur [X] [W] qui avait toujours donné satisfaction depuis de nombreuses années, jusqu'à ce qu'il apparaisse en fait souhaitable à l'employeur d' insuffler « un sang neuf » à la tête du service géré par Monsieur [X] [W] qui ne manifestait plus l'allant jugé souhaitable par l'employeur puisqu'elle lui a en réalité fait recevoir un adjoint le 2 février 2012 et que le 18 avril 2012 cet adjoint était annoncé par l'employeur aux collaborateurs de SG Consulting comme remplaçant Monsieur [X] [W] aux fonctions de directeur de SG Consulting.

Il s'ensuit que la SA SOCIETE GENERALE n'a pas rempli l'obligation qui lui incombait aux termes de l'article 26 de la convention collective qui constitue une garantie conventionnelle préalable et protectrice du salarié de sorte que le non respect de cette garantie prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ce qui rend sans objet l'examen du bien fondé des différents griefs visés par la lettre de licenciement.

Sur les demandes à caractère financier

Monsieur [X] [W] fait valoir que son indemnité de licenciement de 229.017 € n'a été calculée que sur la période du 3 février 1987 au 15 juillet 2012 et il réclame un complément d'indemnité de licenciement pour la période du 7 Septembre 1981 au 3 Février 1987 ;

La SA SOCIETE GENERALE rétorque à juste titre que la société Générale marocaine de Banques est une société de droit marocain qui pour avoir des liens capitalistiques avec elle n'en est pas moins une entité distincte dont les salariés sont soumis à la législation marocaine de sorte que Monsieur [X] [W] était soumis à la législation marocaine qui effectuait les prélèvements fiscaux sur son salaire « jusqu'à son départ » le 31 décembre 1986 ainsi qu'elle en a attesté le 28 novembre 1986 ;

Il n'est pas justifié que lors de son intégration au sein de la SA SOCIETE GENERALE de PARIS le 3 février 1987 puis de son embauche définitive, il avait été convenu entre les parties d'une reprise de l'ancienneté de Monsieur [X] [W] pour le travail accompli au sein d'une entité distincte et autonome et de droit marocain alors même qu'il est justifié que Monsieur [X] [W] avait reçu un solde de tout compte de la Société Générale Marocaine de Banques en la quittant ; dès lors, la demande de rappel d'indemnité de licenciement est non fondée et il y a lieu de la rejeter étant relevé que pour le calcul de l'ancienneté retenue la SA SOCIETE GENERALE fait observer, ce qui n'est pas contesté, qu'elle n'a pas tenu compte du congé sans solde pris par Monsieur [X] [W] du 1er juillet 2003 au 14 Mai 2004 ;

Il est justifié que Monsieur [X] [W] a toujours bénéficié d'un bonus annuel qui cependant n'était ni contractuel, ni conventionnel, ni constant dans son montant, ni calculé selon des objectifs fixés au salarié de sorte qu'il était discrétionnaire et ne constituait pas un élément de la rémunération; ainsi en 2005 Monsieur [X] [W] avait perçu la somme de 80.000 €, celle de 90.000 € en 2006 et 2007 et celle de 81.000 € au titre des années 2008-2009 et 2010 ;

Monsieur [X] [W] et la SA SOCIETE GENERALE s'accordent pour reconnaître que le montant de cette prime annuelle ainsi que cela était rappelé chaque année dans la lettre d'attribution tenait compte des prestations et résultats individuels du salarié; ne constituant pas au sens strict du terme un élément de la rémunération du salarié, le montant était laissé à l'appréciation de l'employeur ;

Le 22 Mars 2012 la SA SOCIETE GENERALE a informé Monsieur [X] [W] qu'au titre de l'année 2011 lui était allouée la somme de 30.000 € ; l'évaluation annuelle de Monsieur [X] [W] pour l'année 2011 comportait des points négatifs concernant l'appréciation des objectifs de développement comportemental, déplorait un manque de contribution à la réflexion stratégique du groupe et de RESG, exprimait le regret de voir Monsieur [X] [W] faire partager son désabusement à son équipe, ce qui impactait le moral et la perception de ses collègues, de sorte que le moindre montant du bonus versé est justifié par des raisons sérieuses et qu'il y a lieu d'infirmer le jugement de ce chef en rejetant la demande de complément de bonus sollicité par l'appelant ;

Il convient par ailleurs de rejeter la demande de bonus au titre de l'année 2012 dès lors que le bonus était annuel et qu'aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne prévoyait la proratisation de ce bonus dont l'appréciation portait sur une année entière ;

Après examen des arguments et études des deux cabinets missionnés par chacune des deux parties, il ressort sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise, qu'il convient de rejeter les deux demandes de Monsieur [X] [W] relatives à la retraite sur-complémentaire à prestation définies, dite « retraite chapeau » ;

En effet, cette retraite chapeau garantit au salarié une rente globale versée sous déduction des rentes à laquelle il peut prétendre au titre des régimes de base et des régimes complémentaires et la SA SOCIETE GENERALE prend en charge le différentiel entre le montant perçu au titre de ces deux régimes et le montant garanti par le régime sur-complémentaire ; l'article 3 du régime de la sur-complémentaire prévoit que les périodes de chômage indemnisées par Pôle emploi sont comptabilisées au titre des anciennetés prises en compte pour le calcul des droits au titre du régime de sorte que Monsieur [X] [W] continue à acquérir des trimestres tant qu'il est inscrit et indemnisé par Pôle emploi y compris au titre de L'ARE et jusqu'à l'âge auquel il pourra bénéficier d'une retraite à taux plein avec une rémunération annuelle prise en compte pour le calcul du montant garanti, revalorisée en fonction de l'évolution annuelle du point AGIRC d'où la garantie d'une augmentation du référentiel de calcul jusqu'à la liquidation des droits ;

Le licenciement de Monsieur [X] [W] étant sans causse réelle et sérieuse, il y a lieu en application de l'article L 1235-3 du Code du Travail de lui allouer la somme de 400.000 € comme étant appropriée au préjudice subi compte tenu notamment de son âge, de son salaire, de la perte de chance de percevoir un bonus annuel au titre de l'année 2012, de sa prise en charge par Pôle emploi, de la difficulté à retrouver un emploi équivalent, de sa perte de chance de poursuivre sa carrière jusqu'à sa retraite au sein d'une société où il avait effectué un grand parcours professionnel en donnant longtemps satisfaction à l'employeur ;

Il n'est pas établi de circonstances particulières entourant le licenciement ayant porté atteinte au respect et à la dignité de la personne de Monsieur [X] [W] de sorte que la demande de dommages intérêts pour préjudice moral distinct sera rejetée ;

Il y a lieu d'allouer la somme de 3500 € à Monsieur [X] [W] au titre des frais irrépétibles et de dire que la SA SOCIETE GENERALE supportera ses propres frais irrépétibles.

Il convient de dire que les condamnations portent intérêts légaux à compter de la présente décision et de faire droit à la demande de capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

Il y a lieu d'ordonner la remise des documents conformes à la présente décision ;

Il convient d'ordonner le remboursement par la SA SOCIETE GENERALE aux organismes intéressés des allocations versées à Monsieur [X] [W] dans les conditions prévues à l'article L 1235-4 du code du travail dans la limite de six mois.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement par substitution de motifs en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [X] [W] est sans cause réelle et sérieuse mais ne revêt pas un caractère discriminatoire ou brutal,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la SA SOCIETE GENERALE à payer à Monsieur [X] [W] la somme de 400.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les condamnations prononcées portent intérêts légaux à compter de ce jour et ordonne leur capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

Ordonne le remboursement par la SA SOCIETE GENERALE aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à Monsieur [X] [W] suite à son licenciement dans la limite de six mois,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la SA SOCIETE GENERALE aux entiers dépens et à payer à Monsieur [X] [W] la somme de 3500 € au titre des entiers frais irrépétibles.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 13/12351
Date de la décision : 25/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°13/12351 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-25;13.12351 ?
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