La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2016 | FRANCE | N°15/13119

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 24 novembre 2016, 15/13119


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 24 Novembre 2016



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13119



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Novembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 15/00049



APPELANTE

RATP EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL

Département PPP Protection Sociale A.T.

[Adresse 1]r>
[Localité 1]

représenté par Me Catherine LANFRAY- MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354



INTIMEE

Madame [L] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Capucine d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 24 Novembre 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/13119

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Novembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MEAUX RG n° 15/00049

APPELANTE

RATP EN LA PERSONNE DE SON REPRESENTANT LEGAL

Département PPP Protection Sociale A.T.

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Catherine LANFRAY- MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1354

INTIMEE

Madame [L] [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Capucine de ROHAN-CHABOT, avocat au barreau de PARIS, toque C1314

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 3]

[Localité 3]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseiller

Mme Marie-Odile FABRE-DEVILLERS, Conseiller

Greffier : Mme Anne-Charlotte COS, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Claire CHAUX, Présidente et par Mme Anne-Charlotte COS, greffier présent lors du prononcé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP à l'encontre du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux en date du 16 novembre 2015 dans un litige l'opposant à Madame [L] [C].

EXPOSE DU LITIGE

Madame [L] [C], responsable de l'entité Prestations en espèces au sein de la Caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP (CCAS ) a effectué par mail du 4 décembre 2012 une déclaration d'accident du travail pour des faits du même jour, joignant un certificat médical initial en date du 04/12/12 visant des « signes cliniques de souffrance psychologique : pleurs, angoisse, insommies, tremblements ».

Le 7 décembre 2012, la caisse représentée par Madame [O], RRH, a établi une deuxième déclaration d'accident du travail, reprenant les termes de la propre déclaration de Madame [C].

Par décision du 20 février 2013, la CCAS a rejeté la demande de prise en charge de l'accident déclaré au titre de la législation professionnelle. Madame [C] a contesté cette décision en saisissant le 12 avril 2013, la commission de recours amiable. A défaut de décision explicite de celle-ci, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux le 20 janvier 2015.

Par jugement rendu le 16 novembre 2015, ce tribunal a :

- dit que la décision de la CCAS de la RATP n'est pas entachée d'une irrégularité tirée du défaut d'impartialité de l'organisme social,

- dit que la CCAS de la RATP n'a pas méconnu les dispositions des articles R 441 ' 10 et 441 ' 14 du code de sécurité sociale,

- annulé la décision de rejet implicite de la Commission de Recours Amiable de la CCAS de la RATP,

- dit que l'accident dont a été victime Madame [C] le 4 décembre 2012 est un accident du travail qui sera pris en charge au titre de la législation professionnelle,

- condamné la caisse à payer à Madame [C] la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie Autonome des Transports Parisiens demande à la cour de  :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé la décision rendue le 20 février 2013 prise sur délégation par la responsable des affaires juridiques de la CCAS et retenu l'absence de décision implicite compte tenu de la prolongation des délais d'instruction,

- infirmer le jugement déféré sur la matérialité de l'accident, celle-ci n'étant nullement établie,

- dire et juger bien fondée la notification du refus de prise en charge à titre professionnel du 20 février 2013,

- condamner Madame [C] à lui verser une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Madame [C] demande à la cour de voir :  

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé la décision rendue le 20 février 2013 et prononcer la nullité de la dite décision, au motif que c'est le service des affaires juridiques dans lequel elle travaillait qui a statué sur sa demande, et son supérieur direct qui s'est chargé de l'enquête, ce qui ne répond pas aux exigences de neutralité et d'indépendance,

- constater l'absence de réponse de la caisse dans les délais légaux impartis par l'article R 441-10 du code de sécurité sociale et en conséquence, le caractère professionnel de l'accident,

- confirmer le jugement déféré pour le surplus, l'accident étant en lien direct avec ses fonctions, ayant eu lieu sur son lieu de travail et durant le temps de celui-ci,

- condamner la caisse à lui payer une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

1 ° ) Sur la validité de la décision de refus de prise en charge du 20 février 2013

Madame [C] demande l'infirmation du jugement sur ce point considérant que c'est son propre service juridique dans lequel elle travaillait qui a statué sur sa demande de reconnaissance d'accident du travail et que c'est son employeur direct qui a diligenté l'enquête relative à cette demande. La caisse s'oppose à cette demande, aux motifs que le directeur avait toute latitude pour déléguer l'instruction du dossier à la responsable des affaires juridiques, laquelle avait les compétences requises pour y procéder.

S'il est légitime de s'interroger sur l'impartialité de la délégataire , il n'en demeure pas moins que l'examen de la décision critiquée ne fait pas apparaître aucun élément objectif de partialité,

La décision est donc valide de ce chef .

2 ° ) Sur l'existence d'une décision implicite de reconnaissance de l'accident

Madame [C] met en cause l'absence de réponse à sa demande de reconnaissance d'accident du travail dans les délais impartis, absence aboutissant selon elle, à une décision implicite d'acceptation. La caisse s'y oppose, invoquant la prorogation des délais en raison des nécessités de l'instruction.

Des documents produits, il résulte que Madame [C] a effectué par mail du 4 décembre 2012 une déclaration d'accident du travail pour des faits du même jour, déclaration dont la copie manuscrite comporte le cachet de la caisse en date du 10 décembre 2012.

L'article R 441-10 du Code de Sécurité Sociale prévoit que la caisse dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de cet accident et qu'il en est de même pour la 1ère fois d'une lésion présentée comme se rattachant à un accident du travail. En vertu de l'article R 441-14 du même code, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime... avant l'expiration du délai prévu par lettre recommandée avec accusé de réception, pour bénéficier d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois.

En l'espèce, la Caisse justifie avoir adressé à la déclarante le 21 décembre 2012, soit bien dans le délai de 30 jours précité, sa décision de proroger les délais d'instruction. Madame [C] en a accusé réception le 26 décembre 2012.

Ce moyen doit donc être écarté.

3 ° ) Sur la matérialité de l'accident du 4 décembre 2012

La caisse conteste la matérialité de l'accident et reproche au jugement entrepris d'avoir retenu des souffrances le jour des faits tout en constatant que les propos menaçants n'étaient pas établis et sans lien avec la situation professionnelle conflictuelle établie. Madame [C] indique au contraire que l'accident est en lien direct avec ses fonctions , qu'il a eu lieu sur son lieu de travail et qu'il est établi tant par les témoignages de ses collègues que par le certificat médical initial.

En vertu de l'article L 411-1 du Code de Sécurité Sociale, pour bénéficier de la présomption d'origine professionnelle, il appartient au salarié d'apporter la preuve que l'accident non seulement s'est réellement produit mais encore qu'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Il est donc nécessaire d'établir un fait ayant date certaine et en lien avec le travail et cette preuve, qui ne peut résulter de ses seules propres affirmations, ne peut être faite qu'autant que le demandeur soumet des éléments corroborant ses allégations mais d'origines extérieures à lui-même.

Il appartient alors dans un deuxième temps à l'employeur de détruire la présomption d'origine professionnelle qui en découle en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, Madame [C] a effectué par mail du 4 décembre 2012 une première déclaration d'accident du travail pour des faits du même jour, expliquant : « le 04.12.12, à 11 h 20, je suis convoquée chez [R] [V], responsable d'unité, dans son bureau pour étudier avec lui et en présence de [F] [O], RRHU, et de [O] [K], directeur du CCAS l'alarme du CHSCT concernant mon entité.. .alarme déclenchée suite à une série d'événements concernant le comportement de M.[K] à l'égard de mes collaborateurs et de moi-même'.Lors de cette réunion, M.[K] et mon responsable hiérarchique direct m'agresse verbalement et me menace de conséquences professionnelles lors de mon prochain EAP, me déclare que je n'ai aucun pouvoir et qu'il n'a aucune confiance en moi. Ces propos insultants et menaçants et cette humiliation en présence de M.[V] et de Mme [O] sont contraires au code éthique de la RATP et portent atteinte à mon intégrité physique et psychique. Je m'effondre en larmes et suis prise de tremblements. A l'issue de cette réunion, je suis accompagnée pour consulter l'espace santé où je suis reçue par le Docteur [L] qui m'établit un CMI avec arrêt de travail du 04/12/12 au 11/12/12. »

Le certificat médical initial du Dr [L] en date du 04/12/12 vise des « signes cliniques de souffrance psychologique : pleurs, angoisse, insommies, tremblements » .

Le 07/12/12, la caisse en la personne de Mme [O], RRH, établit une deuxième déclaration d'accident du travail, reprenant entre guillemets les termes de la propre déclaration de Madame [C], précisant que le siège des lésions est la tête et la nature, un trouble psychologique.

Cette déclaration sera suivie d'une lettre de réserves du 10/12/12 sous la signature de M.[K], où celui-ci rappelle le contexte des alarmes sociales déposées pour des pratiques managériales avec intimidations répétées, la teneur de l'entretien du 04/12/12, et où il indique avoir pris la parole notamment pour annoncer la nomination d'un PDG assumant la responsabilité des décisions prises en matière de AT / MP, concluant que Madame [C] s'était mise à pleurer.

Il en résulte que le 4 décembre 2012, durant le temps et sur le lieu du travail, la salariée s'est retrouvée en pleurs, ce qui constitue bien un fait en relation avec les conditions de travail. Même si le climat décrit apparaît difficile entre les protagonistes, peu importe qu'il y ait eu ou non des propos insultants, menaçants ou humiliants, dès lors qu'il est établi que ce jour- là précisément un fait soudain et particulier est survenu, la crise de larmes. Cet état de pleurs est confirmé notamment par Mme [C] [W], cadre, qui ajoute même des tremblements, tout comme M.[H] [I], agent de maîtrise, Mme [P], employée, M.[Q] [M], employé. Le caractère lésionnel se déduit aussi du certificat médical dans lequel le médecin prescripteur évalue l'état comme suffisamment grave pour justifier un arrêt de travail.

Le caractère professionnel de l'accident est donc établi et la caisse n'apporte aucun élément de nature à démontrer que cet état présenté par Madame [C] le 4 décembre 2012 proviendrait d' une cause totalement étrangère au travail.

En conséquence, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris.

4 ° ) Sur les demandes annexes

L'équité commande d'allouer à Madame [C] une somme complémentaire de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter la demande présentée par la caisse sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Caisse de coordination aux assurances sociales de la Régie Autonome des Transports Parisiens à verser à Madame [C] une somme complémentaire de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la CCAS de la RATP de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne la CCAS de la RATP au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 321,80 €.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/13119
Date de la décision : 24/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/13119 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-24;15.13119 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award