RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 23 Novembre 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05048
Décision déférée à la Cour : SUR RENVOI APRES CASSATION du 15 avril 2015 suite aux deux arrêts de la cour d'appel de PARIS (6-7) des 31 janvier 2013 et 12 septembre 2013 concernant un jugement rendu le 09 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - section encadrement - RG n° 09/01711
APPELANTE
FONDATION LEOPOLD BELLAN
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par Me Benoît DIETSCH, avocat au barreau de PARIS, R155
INTIME
Monsieur [L] [G]
[Adresse 3]
[Adresse 4]
comparant en personne, assisté de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, P0392
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 septembre 2016, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, président de chambre
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par un jugement du 9 septembre 2010, le conseil de prud'hommes de Créteil a':
- condamné la fondation LEOPOLD BELLAN à régler à M. [L] [G] les sommes de':
' 21'593,94 € d'indemnité compensatrice de préavis et 2'159,39 € de congés payés afférents
' 43'181,88 € d'indemnité de licenciement
' 43'187,88 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite
' 388'690,92 € d'indemnité pour violation du statut protecteur
' 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté M. [L] [G] de ses autres demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire
- condamné la fondation LEOPOLD BELLAN aux dépens.
Sur un appel interjeté par la fondation LEOPOLD BELLAN le 15 octobre 2010, la cour d'appel de Paris a rendu un arrêt le 12 septembre 2013 qui a confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré et, y ajoutant, l'a condamnée à payer à M. [L] [G] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
Par un arrêt du 15 avril 2015, la Cour de cassation a censuré en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris avec renvoi de la cause et des parties devant ladite cour autrement composée.
Par un courrier reçu au greffe le 4 mai 2015, la fondation LEOPOLD BELLAN a saisi la cour d'appel de Paris autrement composée en tant que cour de renvoi dans le délai de quatre mois en application de l'article 1034 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 7 septembre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la fondation LEOPOLD BELLAN demande à la cour ':
- d'infirmer le jugement entrepris
- statuant à nouveau, à titre principal, de débouter M. [L] [G] de toutes ses demandes et, subsidiairement, de juger que l'indemnité pour violation du statut protecteur pour un conseiller prud'homal est limitée à 30 mois de salaires
- en tout état de cause, de condamner M. [L] [G] à lui régler la somme de 10'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [L] [G], dans ses écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 7 septembre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, demande à la cour de':
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé nul son licenciement, ainsi qu'en ses dispositions sur les indemnités de rupture
- l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la fondation LEOPOLD BELLAN à lui payer les sommes indemnitaires':
.à titre principal :
' 215'939,40 € pour violation du statut protecteur
' 86'375,76 € pour licenciement illicite
' 21'593,94 € d'indemnité compensatrice de préavis et 2'159,39 € de congés payés afférents
' 43'187,88 € d'indemnité conventionnelle de licenciement
' 43'187,88 € pour licenciement vexatoire
.subsidiairement, à défaut de reconnaissance d'un statut protecteur':
' 86'375,76 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
' 21'593,94 € d'indemnité compensatrice de préavis et 2'159,39 € d'incidence congés payés
' 43'181,88 € d'indemnité conventionnelle de licenciement
' 43'187,88 € pour licenciement vexatoire
.en tout état de cause, 10'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS'
Sur la nullité du licenciement
M. [L] [G] a été initialement engagé par l'association d'aide médico sociale à domicile (AMSAD) en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 1er juillet 2003 en qualité de «Directeur général», moyennant un salaire de 6'335 € bruts mensuels.
Aux termes d'un courrier daté du 25 mars 2009, l'AMSAD informe ses salariés de ce que son conseil d'administration a approuvé le 19 mars le projet de reprise de ses activités par voie de fusion absorption opérée par la fondation LEOPOLD BELLAN, y étant précisé que le comité central d'entreprise de ladite fondation a également émis un avis favorable avant que son conseil d'administration ne l'approuve le 12 mars 2009.
Dans ce même courrier, l'AMSAD précise que':'«l'ensemble du personnel est automatiquement repris par la nouvelle entité juridique ' La Fondation Leopold Bellan se substituera à l'AMSAD et vous serez donc considérés en droit comme salarié de la Fondation Leopold Bellan depuis votre entrée à l'AMSAD, sans que cela ne nécessite d'avenants à vos contrats de travail».
Par une lettre du 13 mai 2009, la fondation LEOPOLD BELLAN a convoqué M. [L] [G] à un entretien préalable prévu le 29 mai, et lui a notifié le 30 juin 2009 son licenciement pour faute grave suite à la réception d'un procès-verbal de la direction départementale du travail et de l'emploi du 30 avril 2009 «relatif aux infractions constatées au sein de votre établissement concernant le dépassement de la durée maximale du travail hebdomadaire et aux règles du repos hebdomadaire».
Avant la rupture de son contrat de travail, M. [L] [G] a été élu le 3 décembre 2008 conseiller prud'homal au conseil de prud'hommes de Paris, avec une prise de fonction le 27 janvier 2009.
*
M. [L] [G] soulève à titre principal la nullité de son licenciement avec toutes conséquences indemnitaires de droit dès lors, précise-t-il, que la fondation LEOPOLD BELLAN n'a pas sollicité et encore moins obtenu une autorisation administrative préalable, et qu'il ne peut être soutenu que son admission aux fonctions de conseiller prud'homal présenterait un caractère frauduleux pour avoir tenu celle-ci dans l'ignorance de son élection, de sorte qu'il estime être en droit de lui opposer le statut légal protecteur afférent, ce que conteste l'appelante qui indique que M. [L] [G] ne peut valablement s'en prévaloir puisqu'il ne l'en a jamais informée.
*
Comme le rappelle à bon droit la fondation LEOPOLD BELLAN, la seule poursuite ou reprise par elle-même du contrat de travail de M. [L] [G] en application de l'article L.1224-1 du code du travail suite à l'opération de fusion absorption avec l'AMSAD ayant pris effet le 1er mai 2009, ne l'a pas de façon automatique mise en situation de pouvoir connaître le mandat de conseiller prud'homal dont est titulaire ce dernier, s'agissant par hypothèse d'un mandat extérieur à l'entreprise, et dans la mesure où M. [L] [G], qui entend se prévaloir du régime légal protecteur y étant attaché, n'établit pas qu'il en a informé l'appelante, son nouvel employeur, au plus tard lors de l'entretien préalable prévu le 29 mai 2009, il ne peut valablement le lui opposer, peu important à cet égard que les instances dirigeantes de l'AMSAD ait pu avoir cette information.
Au surplus, contrairement encore à ce que soulève M. [L] [G], le débat ne porte pas tant sur le caractère frauduleux de son admission aux fonctions de conseiller prud'homal, ce qui n'a pas été invoqué par la fondation LEOPOLD BELLAN, que sur l'obligation qui lui était faite d'en informer celle-ci de manière complète et loyale au plus tard à la date prévue pour l'entretien préalable, ce dont il s'est manifestement abstenu.
*
Pour l'ensemble de ces raisons, la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a jugé nul le licenciement de M. [L] [G] avec le prononcé contre l'employeur des sanctions indemnitaires afférentes (dommages-intérêts pour licenciement illicite et pour violation du statut protecteur), demandes au titre desquelles il sera en conséquence débouté.
Sur le bien fondé du licenciement':
A titre subsidiaire, M. [L] [G] conteste la cause réelle et sérieuse de son licenciement qui, selon lui, présente un caractère économique, outre le fait qu'il n'a jamais pu obtenir de son employeur - du temps de l'AMSAD - les moyens nécessaires à l'exercice de ses fonctions et notamment en personnel, les manquements ainsi relevés par l'administration du travail, loin de lui être imputables, étant structurels, ce que la fondation LEOPOLD BELLAN réfute.
Nonobstant ce que prétend M. [L] [G], qui se prévaut d'attestations - ses pièces 17 à 19 - d'anciens administrateurs de l'AMSAD faisant état, soit «de difficultés (ou) de contraintes financières», soit «dès la fin des années 90 de graves difficultés financières au service prestataire», sans plus d'explications, il n'est pas démontré que la cause réelle exacte de son licenciement serait de nature économique, et que son licenciement pour motif disciplinaire reposerait sur un fallacieux prétexte.
La fondation LEOPOLD BELLAN produit aux débats le procès-verbal de l'inspection du travail de Paris après deux contrôles opérés au sein de l'AMSAD les 28 novembre 2008 et 16 février 2009, procès-verbal dont elle a pu prendre connaissance le 4 mai 2009, lequel a mis en évidence de nombreux dépassements de la durée hebdomadaire maximale de travail ainsi que des manquements aux règles sur les temps de repos.
M. [L] [G], contrairement à ce qu'il affirme, est le responsable direct de cette situation en sa qualité de directeur, «cadre dirigeant», de l'AMSAD avec de larges attributions, notamment dans le domaine de la «gestion du personnel» si l'on se reporte à son contrat de travail.
Les manquements lui étant reprochés ne sont pas, comme il le prétend, de nature structurelle, mais le résultat de défaillances fautives de sa part dans la gestion des salariés de l'association.
Si, dans de telles conditions, son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, compte tenu toutefois du temps de réaction anormalement long de la part de la fondation LEOPOLD BELLAN qui, bien qu'informée de la situation dès le 4 mai 2009, n'a rompu le contrat de travail que le 30 juin, il ne peut être retenu contre M. [L] [G] une faute grave qui se définit comme celle rendant impossible la poursuite de la relation de travail entre les parties avec la nécessité d'un départ immédiat du salarié de l'entreprise sans indemnités.
Par ailleurs, il n'apparaît pas que ce licenciement soit intervenu de manière vexatoire à l'origine d'un préjudice distinct que M. [L] [G] aurait subi.
*
La décision déférée sera ainsi confirmée en ce qu'elle a débouté M. [L] [G] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et pour licenciement vexatoire.
La cour l'infirmera sur les montants des indemnités de rupture conventionnelles (convention collective nationale des organismes d'aide ou de maintien à domicile), de sorte que la fondation LEOPOLD BELLAN sera condamnée à régler à M. [L] [G] les sommes de :
- 14 395,96 € (2 x 7 197,98 € de salaire mensuel moyen de référence) d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (article 5.8) équivalente à deux mois de salaires pour une ancienneté supérieure à une année , et 1 439,59 € de congés payés afférents ;
- 4 318,78 € d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 5.9, soit 7 197,98 € : 10 = 719,79 € x 6 années) ;
avec intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation (pour mémoire).
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens'
La fondation LEOPOLD BELLAN sera condamnée en équité à payer à M. [L] [G] la somme complémentaire de 2'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS'
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a débouté M. [L] [G] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire, ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,
DÉBOUTE M. [L] [G] de ses demandes en nullité de son licenciement et paiement de dommages-intérêts pour licenciement illicite ainsi que pour violation du statut protecteur;
Ecartant la faute grave, CONDAMNE en conséquence la fondation LEOPOLD BELLAN à régler à M. [L] [G] les sommes de :
' 14 395,96 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et 1 439,59 € de congés payés afférents
' 4 318,78 € d'indemnité conventionnelle de licenciement
avec intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la fondation LEOPOLD BELLAN à payer à M. [L] [G] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la fondation LEOPOLD BELLAN aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT