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23/11/2016 | FRANCE | N°14/07918

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 23 novembre 2016, 14/07918


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 23 Novembre 2016

(n° , pages)



(Rédacteur de l'arrêt Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07918



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2008 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT RG n° 06/00089, confirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES en date du 24 novembre 2009 lui-mÃ

ªme cassé partiellement par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 juin 2011, lui-même confirmé partiellement par un arrêt de la Cour d'Appel de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 23 Novembre 2016

(n° , pages)

(Rédacteur de l'arrêt Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07918

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Juin 2008 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT RG n° 06/00089, confirmé partiellement par arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES en date du 24 novembre 2009 lui-même cassé partiellement par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 29 juin 2011, lui-même confirmé partiellement par un arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES du 13 février 2013 et lui-même cassé par un arrêt de la cour de cassation en date du 21 mai 2014.

APPELANT

Monsieur [U] [O]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Georges GINIOUX, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

INTIMEE

société BT services, venant aux droits de la société CS systèmes d'information

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Jean-Michel CHEULA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0699, substitué par Me Olga OBERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0699

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [U] [O] a été embauché par la société Athesa, société de prestations de services informatiques devenue la CSSI aux droits de laquelle vient désormais la société BT Services, à compter du 01juillet 1998 en qualité d'ingénieur de production.

Depuis juillet 2001 il exerce des mandats représentatifs.

Le 19 janvier 2006, Monsieur [O] s'estimant victime de discrimination syndicale, de harcèlement moral et de mauvaise exécution du contrat de travail a saisi le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt.

Par décision en date du 19 juin 2008, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur [O] de toutes ses demandes.

Par arrêt en date du 24 novembre 2009 la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement susvisé en ce qui concerne ses dispositions relatives à la discrimination et au harcèlement moral. L'infirmant pour le surplus elle a condamné la société BT Services à payer à Monsieur [O] une somme de 6000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral pour manquement de l'employeur à fournir du travail au salarié pendant l'année 2005 outre la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 29 juin 2011 la Cour de Cassation a cassé la décision susvisée seulement en ce qu'elle déboute le salarié de sa demande au titre de la discrimination et condamne la société BT Services à lui payer la somme de 6000 € en réparation de son préjudice moral et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Par arrêt en date du 13 février 2013 la cour d'appel de Versailles a dit que Monsieur [O] a été victime d'une discrimination dans l'attribution des missions entre 2003 et 2005 et a condamné la société BT Services à lui payer la somme de 10'000 € en réparation de son préjudice outre celle de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 21 mai 2014 la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu le 13 février 2013 mais seulement en ce qu'il a condamné la société BT Services à payer à Monsieur [O] la somme de 10'000 € en réparation du préjudice causé par la discrimination au motif que pour condamner l'employeur au paiement de cette somme l'arrêt retient que le salarié fait valoir qu'entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2006 son salaire n'aurait été augmenté que de 1,56 % que toutefois il est noté dans le compte rendu d'entretien d'évaluation du 11 mars 2005, signé du salarié, que celui-ci avait obtenu depuis son entrée dans l'entreprise jusqu'à cette date une augmentation de salaire totale de 350 € équivalent à une augmentation de 8 % en 7 ans, ce qui remet en question ses déclarations, alors que la mention en cause dans le compte rendu de l'entretien annuel dans la rubrique « Autres sujets que vous souhaitez voir aborder au cours de l'entretien » ne visait que l'évolution de carrière et l'évolution salariale souhaitées par le salarié ; la cour d'appel a dénaturé ce document clair et précis. La Cour de cassation a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris.

Par conclusions déposées le 4 octobre 2016, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [O] demande à la cour de dire qu'il a fait l'objet d'un traitement discriminatoire de 2001 à 2007 puis de 2012 à 2016 Il demande la condamnation de la société BT services à lui payer les sommes suivantes :

- 175'763 €en réparation du préjudice non salarial, dont 30 000 € au titre du préjudice moral,

- 16'524,50 euros en réparation du préjudice salarial de 2001 à 2008,

- 15'430,38 euros en réparation du préjudice salarial de 2009 à 2012,

- 19'809,44 euros en réparation du préjudice salarial de 2013 à 2016,

- 30'000 € en réparation du harcèlement moral subi,

- 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande qu'il soit fait injonction à la société BT Services de fixer son salaire et de lui attribuer un coefficient, en accord avec lui, à compter du 1er octobre 2016 de sorte que soient neutralisés tous les effets de la discrimination subie depuis 2000 et de respecter à son égard l'accord d'entreprise relatif au fonctionnement des institutions représentatives du personnel.

Par conclusions déposées le 4 octobre 2016, développées oralement et auxquelles il est fait expressément référence, la société BT Services conclut au rejet de toutes les demandes de Monsieur [O] et à sa condamnation à lui rembourser les sommes de 6000 € et de 10'000 € avec intérêts au taux légal respectivement à compter du 29 juin 2011 et du 21 mai 2014. Subsidiairement elle demande à la cour de dire que cette obligation de remboursement résulte de plein droit de l'annulation des arrêts de la cour d'appel de Versailles de 2009 et 2013 et encore plus subsidiairement de dire que les sommes indûment versées à Monsieur [O] donneront lieu à compensation. Enfin elle sollicite la condamnation de Monsieur [O] à lui payer une indemnité de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la discrimination :

Il a été définitivement jugé par la cour d'appel de Versailles dans les dispositions de son arrêt en date du 13 février 2013 non frappées par la cassation que, pendant la période comprise entre 2001 et 2006 inclus invoquée par M. [O], ce dernier a été victime d'une mesure discriminatoire par privation prolongée de travail entre 2003 et 2005.

M. [O] prétend qu'il fait également l'objet de discrimination salariale depuis 2001, d'une discrimination dans l'évolution de sa carrière puisqu'il aurait dû bénéficier du coefficient 150 après 6 ans d'exercice au coefficient 130, qu'après un retour à la normale dans l'attribution des missions entre 2007 et 2012, il est victime de nouvelles mesures discriminatoires depuis mai 2013 : absence d'entretiens d'évaluation, de formation, absences d'augmentation salariales, non attribution prolongée de missions.

En application de l'article L 1134-1 du code du travail il incombe au salarié d'établir les éléments de fait qui laissent présumer l'existence d'une discrimination, et dans une telle hypothèse il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

- sur l'absence de formations depuis 2013 : M. [O] a bénéficié de formations régulières jusqu'en 2013 inclus, formations à la médiation en 2011 et 2012, formation cursus ITIL courant 2013. Il n'en a pas suivi en 2014 et 2015, cependant il ne résulte ni de l'accord du 19 septembre 2012, ni des pièces produites qu'il existe dans l'entreprise une règle ou un usage prévoyant un droit au suivi d'une formation annuelle. L'accord du 19 septembre 2012, relatif aux moyens et au fonctionnement des organisations syndicales et instances représentatives du personnel au sein de BT services, prévoit que les représentants du personnel ont accès dans les mêmes conditions que les autres salariés, aux actions de formation prévues dans le plan de formation de BT Services. M. [O], qui n'a pas sollicité la moindre formation depuis 2014 ne démontre pas, ne pas avoir eu accès dans les mêmes conditions que les autres salariés au plan de formation de l'entreprise. Ce fait ne sera pas retenu.

- sur l'absence d'entretiens d'évaluation depuis 2013 : aux termes de l'accord du 19 septembre 2012 les représentants du personnel doivent faire l'objet d'une évaluation professionnelle dans les mêmes conditions que l'ensemble du personnel, cette évaluation doit être effectuée chaque année par référence aux qualités mises en 'uvres, aux résultats professionnels obtenus, abstraction faite de l'exercice de leurs activités syndicales. Or, M. [O] a fait l'objet d'un entretien le 24 mai 2012 pour la période 2011/2012 puis a été destinataire le 18 février 2016 d'un courriel pour l'organisation de son entretien annuel d'évaluation auquel il n'a jamais répondu. La société ne justifie pas l'avoir par la suite relancé et convoqué. Il est donc établi que M. [O] n'a pas eu d'entretien annuel d'évaluation depuis 2013. Ce fait permettant de présumer une mesure discriminatoire est établi. La société ne donne aucune explication pour le justifier.

- sur le non respect de la convention collective en matière d'évolution de carrière :

Contrairement à ce que soutient M. [O] l'annexe II de la convention collective Syntec relative à la classification des ingénieurs et cadres ne prévoit nullement une élévation au coefficient 150 après 6 ans d'exercice au coefficient 130. Le coefficient 150 correspond à la position 2 . 3 et à un poste d'ingénieur ou cadre ayant au moins de 6 ans de pratique en cette qualité et qui, partant des directives données par leurs supérieurs doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens et ingénieurs travaillant à la même tâche. M. [O], hormis pour une mission fin2009 /début 2010, ne justifie pas avoir dans l'exercice de ses missions régulièrement dirigé des employés techniciens ou ingénieurs. Il ne prétend pas, au demeurant, que les autres ingénieurs de production se voient confier des tâches de direction d'équipe. Ce fait n'est pas établi.

- sur la privation de travail par non attribution de mission depuis 2013 : Il est établi et non contesté que M. [O] ne s'est vu proposer et n'a été affecté sur aucune mission depuis juin 2013, il est depuis lors en situation dite d'inter-contrats.

L'employeur tente de le justifier par les réticences, l'inertie, la mauvaise volonté de M. [O] pour participer à des missions. La société BT Services se contente de fournir un copie de courriels échangés entre le salarié et le service des ressources humaines suite à la non participation de M. [O] à une réunion des salariés en situation d'inter-contrats le 30 octobre 2012. Postérieurement à cette date M. [O] a travaillé jusqu'en avril 2013 et a été en formation en mai 2013. En revanche la société ne fournit aucun élément de preuve de nature à démonter qu'entre juin 2013 et septembre 2016 inclus elle a affecté M. [O] sur la moindre mission. La SA BT Services ne justifie d'aucun élément objectif étranger à toute discrimination expliquant ce défaut de fourniture de travail à M. [O] pendant cette période de plus de trois ans. La réalité de cette mesure discriminatoire est démontrée.

- sur la discrimination salariale :

M. [O] fait valoir qu'il n'a pas bénéficié des mêmes augmentations salariales que les autres salariés de l'entreprise, notamment d'augmentations individuelles qu'il n'a pas perçu de primes, en raison de ses activités de représentant du personnel.

Il est constant que depuis le mois de juin 2011 la rémunération de M. [O] n'a pas été augmentée, ni avant ni après l'entrée en vigueur l'accord du 19 septembre 2012, soit à compter de la proclamation des résultats des élections au sein de BT Services qui ont eu lieu le 20 mars 2013.

Cet accord prévoit en son article 5. 1 que les représentants du personnel 'seront assurés a minima tous les 3 ans d'un pourcentage d'augmentation individuelle égale à la moyenne sur les 3 années de l'augmentation perçue sur l'ensemble de la population à situation comparable c'est-à-dire dans leur catégorie professionnelle, à coefficient, diplôme et ancienneté équivalents sur les 3 ans précédant l'augmentation', ne disposant que pour le futur il s'en déduit que M. [O], réélu le 20 mars 2013, aurait dû connaître une augmentation de rémunération en avril 2016.

Ces faits, permettent de présumer une mesure discriminatoire.

La société réfute toute discrimination salariale et produit des tableaux nominatifs comparatifs concernant les 312 salariés ayant la même classification que lui, IC POS 2-2, étant précisé que le tableau en pièce 115, qui précise l'emploi occupé, se substitue au tableau en pièce 106 incomplet quant à la liste des salariés concernés suite à un problème d'extraction, et sur lequel n'était pas mentionné le type de poste des salariés. Elle produit également un tableau comparatif concernant le niveau de rémunération (fixe+ variable) des salariés de même classification et de même ancienneté (18 ans ) au 31 décembre 2015 que M. [O].

M. [O] ne verse aux débats aucun élément permettant de considérer que ces panels de salariés seraient incomplets, il se contente par voie de pure allégation d'indiquer qu'il détiendrait des informations confidentielles de nature à les remettre en cause. Pour autant il ne cite le nom d'aucun salarié qui ne figurerait pas, à tort, sur ces listes comparatives. Il convient donc de considérer que ces panels de comparaison sont probants.

Le panel de tous les salariés classés à la position 2-2, quelques soient l'emploi et l'ancienneté, démontre que leur rémunération moyenne annuelle brute s'élève à ce jour à la somme de 46 552 € , M. [O] bénéficiant d'une rémunération annuelle d'un montant de 53 900 €. Le salaire moyen des 71 salariés occupant le même poste d'ingénieur que M. [O] s'élève à la somme de 42 193 € et M. [O] se situe au 6ème rang des plus fortes rémunérations parmi ces 71 ingénieurs.

La comparaison du salaire moyen de M. [O] avec celui des ingénieurs, ingénieurs systèmes, ingénieurs réseaux, ingénieur sécurité fait ressortir également un écart très largement favorable à M. [O]. Enfin il se déduit de la comparaison entre les situations des huit cadres et ingénieurs de l'entreprise ayant les mêmes classification 2-2 et ancienneté au 31 décembre 2015 (18 ans), que M. [O] est le salarié qui bénéficie de la rémunération (primes et variables inclues) la plus élevée soit 53 900 € annuel bruts contre 42 419 € en moyenne, ou encore 44 340 € pour les seuls ingénieurs.

M. [O] ne peut déduire du fait qu'il n'ait bénéficié en 2006 que de l'augmentation de 30 € par mois accordée à tous les salariés et non d'une augmentation individuelle, ou qu'il n'ait depuis son embauche en 1998, soit également pendant la période antérieure à sa désignation comme représentant du personnel, bénéficié que d'une seule gratification sous forme d'une prime d'un montant de 500 € bruts en octobre 2007, qu'il a été victime de discrimination salariale, alors même que les éléments susvisés démontrent que sa rémunération est plus élevée que celle des salariés se trouvant dans une situation similaire à la sienne.

M. [O] n'a pas été victime de discrimination salariale et sera débouté de ses demandes subséquentes en indemnisation d'un préjudice salarial et en fixation de son salaire et de son coefficient en accord avec lui.

* Sur la réparation du préjudice de M. [O] pour discrimination syndicale :

Le salarié, privé de travail entre 2003 et 2005 et entre juin 2013 et septembre 2016 et d'entretiens d'évaluation depuis 2013 a subi un préjudice moral qui sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 12 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour.

M. [O] soutient avoir également subi un préjudice spécifique du fait de sa mise à l'écart caractérisé par une perte de valeur professionnelle. Il demande donc la réparation de la perte de la chance de conclure un nouveau contrat de travail. Cependant M. [O] qui a retrouvé une activité professionnelle normale pendant plusieurs années, entre 2006 et mai 2013, ne justifie nullement de la réalité de ce préjudice.

Enfin la discrimination salariale n'ayant pas été retenue il ne sera pas fait droit aux demandes de M. [O] à ce titre.

* Sur le harcèlement moral :

Aux termes des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

M. [O] prétend avoir été victime de harcèlement moral depuis 2001 ce qui a généré une souffrance morale, il invoque plus précisément les actes de discrimination subis et des 'tracasseries' dans le remboursement de ses titres de transport.

Il a été définitivement jugé par la cour d'appel de Versailles, le 24 novembre 2009, que M. [O] n'avait pas été victime de faits de harcèlement moral entre mai 2002 et juillet 2006, et qu'il était mal fondé à réclamer le remboursement de frais professionnels engagés en mai et juin 2009 ces dispositions n'ayant pas fait l'objet d'une cassation par l'arrêt en date du 29 juin 2011.

S'agissant de la période postérieure à juillet 2006 il est établi que M. [O] a fait l'objet de mesures discriminatoires entre juin 2013 et septembre 2016.

En revanche la seule pièce médicale qu'il produit concerne des prescriptions médicamenteuses pour des maladies intercurrentes à son affection chronique exonérante. Cette ordonnance ne fait, et ne permet de faire, aucun lien avec les conditions de travail du salarié.

S'agissant du remboursement de ses frais de transport les seules pièces qu'il verse aux débats sont relatives à un échange de courriels faisant suite à une proposition de la responsable des ressources humaines le 11 février 2014 de faire un point avec lui à ce sujet. Cette proposition s'est conclue par un accord pour lui rembourser ses frais de transport en commun à hauteur de 50 % depuis le mois de février 2013 et pour mettre en place, via un outil informatique, un remboursement automatique mois après mois pour l'avenir. Le paiement du reliquat est intervenu en mars 2014. M. [O], dans un mail du 13 mars 2014, relie sa demande avec son passage au statut de 'sédentaire' ; en tous les cas il n'apparaît pas que cet échange des mois de février/mars 2014 ait été précédé de demandes de remboursement formulées par le salarié et rejetées par l'employeur. Ces démarches administratives usuelles, qualifiées de 'tracasseries' par M. [O], ne peuvent être retenues comme fait constitutif de harcèlement moral.

Il s'en déduit que les griefs invoqués par M. [O] et dont la réalité est établie et qui, non fondés sur des éléments objectifs étrangers à tout acte de harcèlement, permettent de constater qu'il a été victime de harcèlement moral sont les mêmes que ceux permettant de caractériser la discrimination dont il a été victime entre juin 2013 et septembre 2016.

Cependant les dommages intérêts alloués au titre de la discrimination réparent le préjudice moral résultant pour le salarié de la privation de travail, d'entretiens professionnels, de sa mise à l'écart et non l'atteinte à sa dignité et à sa santé.

En conséquence, il convient de condamner la SA BT Services à payer à Monsieur [O] la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour en application des dispositions de l'article 1153'1 du code civil.

* Sur la demande de faire injonction à la SA BT Services de respecter l'accord d'entreprise du 19 septembre 2012 :

Il y a lieu d'enjoindre à l'employeur de respecter cet accord et d'accorder à M. [O] , à compter du 01 avril 2016 un pourcentage d'augmentation individuelle égal à la moyenne de l'augmentation perçue par l'ensemble des salariés ayant une situation comparable c'est-à-dire relevant de la même catégorie professionnelle, à coefficient, diplôme et ancienneté équivalents, pendant les 3 années précédentes soit entre avril 2013 et mars 2016 inclus.

* Sur la demande de la société en condamnation de Monsieur [O] à restituer les sommes perçues en exécution des arrêts de la cour d'appel de Versailles:

Les arrêts de cassation, emportent de plein droit obligation de restitution des sommes versées en exécution des dispositions des arrêts de la Cour de Versailles ayant fait l'objet de cassation et constituent les titres exécutoires ouvrant droit à celle-ci, après compensation avec les sommes allouées par la présente décision. Dès lors il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SAS BT Services France Distribution en condamnation de à restitution.

* Sur les autres demandes

La SA BT Services qui succombe partiellement conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [O] qui se verra allouer une indemnité de 1 500 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

RÉFORME le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de sa demande en paiement de dommages intérêts au titre de la discrimination syndicale,

statuant de nouveau et y ajoutant,

DIT que M. [O] a été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral entre juin 2013 et septembre 2016,

CONDAMNE la SA BT Services à payer à M. [O] la somme de 12 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de la discrimination syndicale dont il a été victime entre les années 2003 et 2005 et entre juin 2013 et septembre 2016,

CONDAMNE la SA BT Services à payer à M. [O] la somme de 3000 € en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi entre juin 2013 et septembre 2016,

ENJOINT à la SA BT Services d'appliquer l'accord d'entreprise du 12 septembre 2012 et d'accorder à M. [O], dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un pourcentage d'augmentation individuelle égal à la moyenne de l'augmentation perçue par l'ensemble des salariés ayant une situation comparable c'est-à-dire relevant de la même catégorie professionnelle, à coefficient, diplôme et ancienneté équivalents, pendant les 3 années précédentes soit entre avril 2013 et mars 2016 inclus, avec effet à compter du 01 avril 2016,

DÉBOUTE M. [O] de ses autres demandes,

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la demande formée par la SA BT Services en restitution des sommes versées en exécution des dispositions des arrêts de la cour d'appel de Versailles en date des 24 novembre 2009 et 13 février 2013 ayant fait l'objet de cassation,

ORDONNE la compensation entre les créances réciproques des parties,

CONDAMNE la SA BT Services à payer à M. [O] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA BT Services aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/07918
Date de la décision : 23/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°14/07918 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-23;14.07918 ?
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