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22/11/2016 | FRANCE | N°15/05722

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 novembre 2016, 15/05722


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 22 Novembre 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05722



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 mai 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 12/11557





APPELANTES



SOCIETE CRED

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Francine MARCOVITCH, avocat au barreau de PARIS

, A0432 substitué par Me Delphine MAILLET, avocat au barreau de PARIS



SOCIETE MEDIA WEAVER

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Francine MARCOVITCH, avocat au barreau de PAR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 22 Novembre 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05722

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 mai 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 12/11557

APPELANTES

SOCIETE CRED

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Francine MARCOVITCH, avocat au barreau de PARIS, A0432 substitué par Me Delphine MAILLET, avocat au barreau de PARIS

SOCIETE MEDIA WEAVER

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Francine MARCOVITCH, avocat au barreau de PARIS, A0432 substitué par Me Delphine MAILLET, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [K] [F]

[Adresse 3]

[Adresse 2]

représenté par Me Sabine GUEROULT, avocat au barreau de PARIS, D1491

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, Président

Madame Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Madame Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, président, et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER ont une activité de production exécutive de cinéma. Les entreprises sont soumises à la convention collective des techniciens de la production cinématrographique ; elles comprennent moins de 11 salariés. La moyenne mensuelle des salaires de [K] [F] s'établit à 4.924,72 €.

[K] [F], né en [Date naissance 1], a été engagé par contrat à durée déterminée par la SARL CRED du 16.09.08 et jusqu'au 31.12.2009 en qualité de assistant gestion comptable statut cadre en remplacement de L. [L] en absence maladie prolongée à temps complet (169h par mois) ; les fonctions de comptable des sociétés de production clientes devaient s'exercer au siège social. Il a continué à exercer ces fonctions après la fin de ce contrat à durée déterminée.

Par ordonnance de référé en date du 04.02.2013, le CPH de Paris a fait droit à la demande de rappel de salaire sur temps plein du salarié formée à l'encontre de la SARL CRED, la SARL MEDIA WEAVER et de la SARL DAMOCLES du mois d'octobre 2012 à décembre 2012 et a condamné solidairement les 3 sociétés à lui payer la somme de 14.583,80 € à titre de rappel de salaire et de congés payés.

[K] [F] n'a plus travaillé pour le compte des sociétés appelantes à partir du 21.03.2013.

Le 21.03.2013 les sociétés gérées par Ch [R] ont été reprises par D. [C] (COGERE) et elles ont fait savoir à [K] [F] qu'elles n'étaient plus en mesure de poursuivre la collaboration d'intermittent ; le lendemain par LRAR, le conseil de [K] [F] a mis en demeure les sociétés DAMOCLES et AZYLIUM, de permettre à son client de revenir travailler alors qu'il lui avait été intimé la veille de remettre les clés des locaux.

Le 31.10.2013 la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du 04.02.2013 et condamné in solidum les sociétés CRED et MEDIA WEAVER à lui payer à titre provisionnel la somme de 8.584,42 € brut à valoir sur ses salaires et congés payés au titre du dernier trimestre 2012 ; elle a condamné in solidum ces deux sociétés à remettre au salarié des bulletins de paie rectifiés conforme à la décision rendue au titre de la période travaillée du 01.10.2012 au 31.12.2012 ainsi qu'au paiement de 800 € en vertu de l'article 700 CPC.

Lors de l'assemblée générale s'étant tenue le 15.12.2014, la dissolution de la société AZYLIUM a été décidée ainsi que sa liquidation amiable.

Le CPH de Paris a été saisi par [K] [F] le 19.10.2012 en vue de voir déclarer co-employeurs les sociétés CRED, MEDIA WEAVER, DAMOCLES et AZYLIUM et en requalification des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée avec résiliation judiciaire de la relation de travail et indemnisation des préjudices subis.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 05.06.2015 par la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER du jugement rendu le 20.05.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 5 en formation de départage, qui a :

- DECLARE les demandes recevables ;

-RECONNU une situation de co-emploi entre les SARL CRED, MEDIA WEAVER,DAMOCLES et AZYLIUM ;

- REQUALIFIE. les relations de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et la rupture de ces relations en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- FIXE le salaire moyen de [K] [F] comme suit :

3837,94 euros (TROIS MILLE HUIT CENT TRENTE-SEPT EUROS QUATRE-VINGT-QUATORZE CENTIMES) bruts par mois pour 1'année 2009, le Conseil ayant statué dans la limite des prétentions emises, une somme totale de 3 841,26 euros (TROIS MILLE HUIT CENT QUARANTE-ET-UN EUROS VINGT-SIX CENTIMES) ayant été réglée sur1'année au titre de 118 heures supplémentaires,

4 463 ,65 euros (QUATRE MILLE QUATRE CENT SOIXANTE-TROIS EUROS SOIXANTE-CINQ CENTIMES) bruts par mois pour l'annee 2010, une somme totale de 3 880,35 euros (TROIS MILLE HUIT CENT QUATRE-VINGT EUROS TRENTE-CINQ CENTIMES) ayant été réglée sur l'année au titre de 99 heures supplémentaires,

4 1 16,32 euros (QUATRE MILLE CENT SEIZE EUROS TRENTE-DEUX CENTIMES) bruts par mois pour l'année 2011, une somme totale de 5 760,70 euros (CINQ MILLE SEPT CENT SOIXANTE EUROS SOIXANTE-DIX CENTIMES) ayant été réglée sur l'année au titre de 138 heures supplémentaires,

4 933 ,83 euros (QUATRE MILLE NEUF CENT TRENTE-TROIS EUROS QUATRE-VINGT-TROIS CENTIMES) bruts par mois pour 1'armee 2012, une somme totale de 2 693,98 euros (DEUX MILLE SIX CENT QUATRE-VINGT-TREIZE EUROS QUATRE-VINGT-DIX-HUIT CENTIMES) ayant été réglée sur l'année au titre de 74 heures supplémentaires et le salaire moyen devant être fixe à la somme de 5 542,51 euros (CINQ MILLE CINQ CENT QUARANTE-DEUX EUROS CINQUANTE-ET-UN CENTIMES)pour le seul mois de septembre 2012,

4 924,72 euros (QUATRE MILLE NEUF CENT VINGT-QUATRE EUROS SOIXANTE-DOUZE CENTIMES) bruts par mois pour l'année 2013 ;

- CONDAMNE in solidum les SARL CRED, MEDLA WEAVER, DAMOCLES et AZYLIUM à payer à [K] [F] les sommes suivantes :

4 932,31 euros (QUATRE MILLE NEUF CENT TRENTE-DEUX EUROS TRENTE-ET-UN CENTIMES) à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée,

125 666,90 euros (CENT VINGT-CINQ MILLE SIX CENT SOIXANTE-SIX EUROS),

QUATRE-VINGT-DIX CENTIMES) à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification des contrats dc travail à durée déterminée à compter du 1er janvier 2009, ainsi que 12 566,70 euros (DOUZE MILLE CINQ CENT SOIXANTE-SIX EUROS SOIXANTE-DIX CENTIMES) au titre des congés payés y afférents,

14 796,93 euros (QUATORZE MILLE SEPT CENT QUATRE-VINGT-SEIZE EUROS QUATRE-VINGT-TREIZE CENTIMES) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

14 796,93 euros (QUATORZE MILLE SEPT CENT QUATRE-VINGT-SEIZE EUROS QUATRE-VINGT-TREIZE CENTIMES) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 1 479,70 euros (MILLE QUATRE CENT SOIXANTE-DIX NEUF EUROS SOIXANTE DIX CENTlMES) au titre des congés payés y afférents,

35 000,00 euros (TRENTE-CINQ MILLE EUROS) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et 1 200,00 euros (MILLE DEUX CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- RAPPELLE que l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents et 1'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2013 et que le surplus des sommes allouées est assorti des intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- ORDONNE aux SARL CRED, MEDIA WEAVER, DAMOCLES ct AZYLIUM de remettre à [G] des bulletins de paie rectifiés et un certificat de travail couvrant la période allant du 1er janvier 2009 au 21 mars 2013, ainsi qu'une attestation destinée au Pôle Emploi, le tout conformément à la présente décision ;

- ORDONNE le remboursement par les SARL CRED, MEDIA WEAVER, DAMOCLES et ZYLIUM aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à [K] [F], du jour de la rupture des relations contractuelles au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, conformément à l'article L. 1235-4 du Code du travail ;

- REJETTE toute autre demande ;

- ORDONNE la communication du présent jugement à Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris pour information et éventuelles suites à donner sur les utilisations de l'assurance chômage entre 2009 et 2013 alors que les parties, en ce compris [K] [F], ont appliqué, dans les faits, un contrat de travail à durée indeterminée à temps complet comme cela ressort du présent jugement ;

- CONDAMNE in solidum les SARL CRED, MEDIA WEAVER, DAMOCLES et AZYLIUM aux dépens ;

- DIT n'y avoir lieu a l'exécution provisoire de la présente decision, étant rappelé que [K] [F] en bénéficié de droit, conformément aux articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du Code du travail, la moyenne mensuelle brute des trois derniers salaires étant fixée à la somme de 4 927,76 euros (QUATRE MILLE NEUF CENT VINGT-SEPT EUROS SOIXANTE-SEIZE CENTIMES) et les charges sociales devant être déduites pour le recouvrement des créances salariales.

A l'audience de plaidoiries de la cour d'appel du 22.09.2016, [K] [F] renonce à ses demandes à l'encontre des sociétés DAMOCLES et AZYLIUM.

Les sociétés CRED et MEDIA WEAVER demandent à la cour de réformer le jugement et de rejeter les demandes de [K] [F] ; à titre subsidiaire, de ramener ses demandes à de plus justes proportions notamment au regard des indemnités de pôle emploi perçues qui devront être déduites des condamnations à intervenir, le salarié étant condamné à garantir ces restitutions à pôle emploi ; elles ont demandé de le condamner à payer la somme de 3.000 € pour frais irrépétibles.

De son côté, [K] [F] demande de confirmer le jugement, et de :

- Donner acte à M. [F] qu'il renonce à formuler des demandes nouvelles à l'encontre des sociétés DAMOCLES ET AZYLIUM à l'égard desquelles le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 20 mai 2015 est donc définitif,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment s'agissant de la

condamnation à 35.000 € a titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Yajoutant,

- Condamner solidairement les sociétés CRED et MEDIA WEAVER à verser à M. [F] :

18.078,76 euros supplémentaires à titre de rappel de salaire au titre de la requalification des CDD à temps partiel en CDI à temps complet à compter du 1er janvier 2009, portant le montant de leur condamnation a la somme totale de 143.745,66 € bruts,

1.807,87 euros supplémentaires au titre des congés payés afférents, portant le montant de leur condamnation à la somme totale de 14.374,56 € bruts,

33.798,15 € au titre de |'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

1.409,71 euros supplémentaires au titre de l'indemnité de requalification de CDD en CDI, portant le montant de Ieur condamnation à la somme totale de 6333,02 €,

2.085.74 euros supplémentaires au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, portant le montant de Ieur condamnation à la somme totale de 16.882,67 €,

2.085.74 euros supplémentaires au titre du préavis, portant le montant de leur condamnation à la somme totale de16.882,67 €,

208,57 euros au titre des congés payés afférents, portant le montant de leur condamnation à la somme totale de 1.688,26 € bruts,

15.000 € au titre d'un licenciement vexatoire,

1.000 € au titre de dommages et interets pour défaut d'information de M [F] de son droit au DIF,

- Condamner solidairement les sociétés CRED et MEDIA WEAVER à verser à M [F] la somme de 5.000 euros au titre de I'articIe 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner solidairement les sociétés CRED et MEDIA WEAVER aux entiers frais et dépens de la procédure ;

- Ordonner aux sociétés CRED et MEDIA WEAVER Ia remise des bulletins de paie du 1er janvier 2009 au 21 mars 2013 et du certificat de travail du 16 septembre 2008 au 21 mars 2013 ;

- Assortir l'ensembIe des condamnations d'une astreinte à hauteur de 100 euros par jour de

retard à compter de Ia mise à disposition au greffe de Ia décision à intervenir.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience.

Sur le co-emploi

Une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre que s'il existe entre elles une confusion d'activité, d'intérêt et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale d'une société envers l'autre.

[K] [F] estime avoir exercé ses fonctions indifféremment pour les sociétés la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER qui doivent être considérées comme co-employeurs ; il observe la similarité de leur activité, de localisation, d'équipement, ces sociétés l'ayant embauché pour prendre en charge la gestion de la comptabilité de leurs clients appartenant à un portefeuille commun, et ce, sous la supervision exclusive de C [R] qui lui a signifié la fin de son contrat de travail par les courriers en date du 21.03.2013. Cette situation a été reconnue par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 31.10.2013.

Pour s'opposer à ces prétentions, la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER ont constaté l'absence de lien de subordination ; elles déclarent qu'une répartition inégale entre associés différents ne peut démontrer la réalité d'une immixtion de gestion entre ces sociétés, qu'il s'agissait de la simple mise en commun de moyens entre petites structures, peu important qu'il y ait eu un client commun.

Or la cour d'appel dans son arrêt du 31.10.2013 a bien caractérisé l'existence d'un co emploi entre la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER dès lors qu'elle a relevé que les deux sociétés concernées étaient gérées par C. [R] avec pour activité "la production de films pour le cinéma" ; que les bulletins de paie étaient rédigés de manière identique, [K] [F] se voyant attribuer la qualité d'administrateur de production, statut cadre, sous la convention collective de production cinématographique ; que le siège social des deux sociétés était situé au même endroit : [Adresse 4], où [K] [F] exerçait son activité en utilisant une adresse courriel identique "[Courriel 1]", un même numéro de téléphone ou de télécopie, pour communiquer avec les clients, et que notamment le client "SWISSKISS" était rémunéré indifféremment par les deux sociétés ; que les attestations ASSEDIC ont été établies par la même Mme [M] ; que le courrier mentionnant la reprise des deux sociétés a été rédigé par la seule C. [R] le même jour, ce courrier mettant fin à la collaboration dite "intermittent".

En outre, les extraits Kbis sont produits qui confirment les constatations faites par le premier juge ; les attestations ASSEDIC mentionnent que [K] [F] a été embauché par la SARL CRED à compter du 02.03.2009 et par la SARL MEDIA WEAVER à compter du 16.02.2009 soit à la même période, alors qu'en réalité il avait bénéficié d'un contrat à durée déterminée avec la SARL CRED à partir du 16.09.2008 ; sont produites les attestations ASSEDIC successives établies par les 3 sociétés la SARL CRED, la SARL MEDIA WEAVER, AZYLIUM, alternativement depuis janvier 2009 de sorte que [K] [F] a été embauché en continu jusqu'au 21.03.2013. Par ailleurs, [K] [F] a produit des échanges de courriels qui démontrent si nécessaire qu'il travaillait pour le compte de la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER qui avaient bien des clients en commun tels ARMADA FILM, SWISSKISS, NOVEL STUDIO, MELTING POT AGENCY ; il démontre en outre que la société UNDERCURRENT s'est plaint de ce que le montant de certaines factures aurait été utilisé pour rémunérer [K] [F] (courriel du 14.11.2012).

En conséquence le jugement rendu sera confirmé.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein

Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit le motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise (L 1242-1 C.Trav).

Tout contrat de travail à durée déterminée conclu en dehors des cas de recours autorisés, sans respect des dispositions relatives aux durées maximales ou aux conditions de successions et de renouvellement, sans contrat écrit ou sans définition précise de son objet ou encore non transmis au salarié dans les deux jours suivant l'embauche, est requalifié automatiquement en contrat à durée indéterminée en application de l'article L 1245-1 C.Trav. ; les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit.

Les appelantes ne produisent pas de contrat de travail signé par [K] [F] qui a cependant continué à exercer ses fonctions dans les mêmes conditions après la fin du contrat à durée déterminée signé avec la SARL CRED soit postérieurement au 31.12.2009 ; seules sont produites des attestations ASSEDIC pour de courtes périodes de travail successives pour le compte de la SARL CRED, la SARL MEDIA WEAVER et AZILIUM, évoquant des contrats à durée déterminée se chevauchant même avec le contrat à durée déterminée, accompagnées des bulletins de salaire correspondants.

La SARL CRED ne produit pas la justification du remplacement de L. [L] qui aurait été le motif du premier contrat à durée déterminée.

Cette succession de prestations identiques pour le compte de mêmes employeurs, n'ayant pas donné lieu à signature de contrats, ne respecte pas les conditions légales.

Cette succession de contrats pour toutes ces raisons cumulées doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée dès le 16.09.2008 en application des dispositions de l'article L 1245-1 du code du travail.

Sur la durée du travail, les appelantes font valoir que [K] [F] bénéficiait du statut d'intermittent du spectacle en sa qualité d'ouvrier engagé par des contrats à durée déterminée dans le domaine de la production cinématographique. Or outre le fait que [K] [F] bénéficiait du statut de cadre et non d'ouvrier, et que ses fonctions de comptable n'étaient aucunement liées à une production particulière mais exercées à titre permanent à longueur d'année, il ressort des éléments produits par la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER que [K] [F] travaillait à la semaine et faisait des heures supplémentaires qui lui étaient rémunérées, les bulletins de paie ne précisant pas les jours ni les heures travaillés, et que par ailleurs il n'est pas démontré que le salarié participait à l'activité de la société MARS ET COMPAGNIE qui était gérée par [R] [F] et utilisait les services de la SARL CRED. Par suite, les employeurs sont dans l'impossibilité d'établir, ce qui leur appartient en l'absence d'écrit, la preuve du temps partiel, la répartition du travail dans la semaine ou le mois, et la possiblité dans laquelle [K] [F] se serait trouvé de prévoir son rythme de travail. Ce contrat doit être requalifié de contrat à temps plein sur la base de 39 heures par semaine.

La SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER seront condamnées in solidum à verser au salarié une indemnité correspondant à un mois de salaire correspondant au dernier salaire mensuel versé.

Le jugement rendu doit être confirmé sauf en ce qui concerne la date du contrat requalifié et le montant de l'indemnité de requalification qui doit être fixée à 4.924,72 €.

Sur le rappel de salaire

[K] [F] sollicite un rappel de salaire à partir du 01.01.2009 sur la base d'un temps plein à raison de 169 h par mois, soit un temps de travail identique à celui pratiqué dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée initialement conclu à défaut d'éléments contraires.

La SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER se sont bornées à titre subsidiaire à demander la réduction pure et simple des demandes "à de plus justes proportions" sans la motiver.

Il convient dès lors d'accorder les sommes réclamées qui ont été calculées sur les taux horaires définis dans le jugement prud'homal sous réserve des heures supplémentaires alors que les heures supplémentaires réalisées figurent sur les bulletins de salaire produits et ont donc d'ores et déjà été réglées.

Les reliquats se montent donc à :

- 2009 : 21.167,94 €

- 2010 : 31.642,25 €

- 2011 : 25.054,10 €

- 2012 : 30.534,58 €

- 2013 : 3.413,69 €

soit un total de : 111.812,56 € montant au paiement duquel doivent être condamnées in solidum les deux appelantes outre les congés payés.

Ces dernières ne peuvent pas faire valoir les sommes perçues par [K] [F] de Pôle Emploi ; en revanche, une copie de la décision lui sera transmise pour information puisqu'il n'a pas été contesté que [K] [F] aurait bénéficié d'indemnités au titre d'intermittent.

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

[K] [F] ne se prévaut plus de la résiliation judiciaire de son contrat de travail qui motivait sa demande à l'origine ; cette demande doit être considérée comme abandonnée.

Les co-employeurs de [K] [F] ne lui ont plus fourni de travail à partir du 21.03.2013 date à laquelle la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER ont par courrier rompu les relations contractuelles. Il s'agit d'un licenciement verbal qui comme tel doit être considéré comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

[K] [F] a droit au versement de l'indemnité conventionnelle de licenciement (13.132,59 €), de l'indemnité de préavis conventionnelle (14.874,16 € ) et des congés payés afférents, et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera fixée à 40.000 € compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de [K] [F], de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces communiquées et des explications fournies à la cour.

Le jugement rendu sera confirmé sauf en ce qui concerne les montants.

Sur les autres demandes

Sur le travail dissimulé, les dispositions des articles L 8221-5 et 8223-1 du code du travail ne peuvent trouver application dès lors que c'est le salarié lui même qui a établi ses bulletins de paie, certaines attestations ASSEDIC, et qu'il n'a aucunement contesté la situation pendant toute la durée de la relation de travail ; il ne peut donc se prévaloir lui même de ces dispositions irrégulières qu'il avait néanmoins acceptées et appliquées, contribuant ainsi à la fraude qu'il dénonce.

[K] [F] réclame l'indemnisation du licenciement qu'il a subi dans des conditions vexatoires ; cependant si la brutalité de la rupture résulte des courriers en date du 21.03.2013, [K] [F] ne démontre pas le préjudice qu'il aurait subi eu égard aux circonstances dans lesquelles ont été exécutées les relations de travail et à l'absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à cette rupture ; les appelantes produisent en effet des bulletins de salaire correspondant à des prestations réalisées par [K] [F] pendant l'exécution du contrat de travail pour les co-employeurs, qui donnent la liste des très nombreuses sociétés domiciliées au [Adresse 4], mais également la justification de ce qu'un de leur client, SWISSKISS, les a quittées pour la société MARS ET COMPAGNIE en janvier 2013 tenue par la famille de [K] [F].

Dans un même esprit [K] [F] ne démontre pas le préjudice subi pour l'absence d'information sur droit individuel à la formation édicté par l'article L 933-1 et s. du code du travail, eu égard aux fonctions exercées dans l'entreprise.

Enfin, lorsque le licenciement illégitime est indemnisé en application des articles L1235-2/3/11 du code du travail, le conseil ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-5, le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ; en l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence d'un mois.

Il serait inéquitable que [K] [F] supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que la SARL CRED qui succombe doit en être déboutée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement :

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement rendu le 20.05.2015 par le Conseil de Prud'hommes de Paris section Encadrement chambre 5 en formation de départage en ce qu'il a reconnu la situation de co-emploi entre la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER, requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée temps complet, condamné in solidum notamment la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER au paiement d'une indemnité de requalification, de rappel de salaire, des indemnités de rupture et d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné la remise d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi rectifiés,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DIT que la requalification en contrat à durée indéterminée intervient à compter du 16.09.2008 ;

DIT que la rupture des relations de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE in solidum la SARL CRED et la SARL MEDIA WEAVER à payer à [K] [F] les sommes de :

- 4.924,72 € au titre de l'indemnité de requalification ;

- 111.812,56 € à titre de rappel de salaire et 11.181,25 € de congés payés afférents,

- 14.874,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis conventionnelle et 1.487,41 € pour congés payés afférents,

- 13.132,59 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 40.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

DIT que la SARL CRED devra transmettre à [K] [F] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Assedic/Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif sans que l'astreinte soit nécessaire ;

REJETTE les autres demandes ;

Y ajoutant,

ORDONNE, dans les limites de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SARL CRED à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à [K] [F] à concurrence de un mois de salaire,

CONDAMNE la SARL CRED aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [K] [F] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/05722
Date de la décision : 22/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/05722 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-22;15.05722 ?
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