RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 22 Novembre 2016
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11329
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 12/04439
APPELANT
Monsieur [M] [M]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Bernard CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R109 et de Me Pierre CHAUFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : R109
INTIMEE
SA ACCOR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
N° SIRET : 602 036 444
représentée par Me Catherine LE MANCHEC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0438
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Laurence SINQUIN, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [M] [M] a été engagé par la société [G] [C], à compter du 2 mars 1964, puis a intégré le groupe ACCOR. Il a occupé successivement le poste de Vice-Président du groupe de 1992 à 1997, puis à la faveur d'un changement d'organisation sociale, il a été désigné comme membre du Directoire le 7 janvier 1997, puis comme Vice Président du Directoire, le 3 janvier 2003.
Le 9 janvier 2006, lors d'un changement de gouvernance de la société, sur décision de l'assemblée générale des actionnaires, son mandat social n'a pas été renouvelé et il a été mis à la retraite le 15 avril 2006.
Monsieur [M] a sollicité dans le cadre de la rupture de son contrat de travail l'application d'une clause de départ contractuelle, établie le 1er octobre 1992 et rédigée dans les termes suivants :
« Suite à nos récents entretiens, nous vous confirmons que, si vous êtes amené à quitter notre groupe de sociétés pour quelque raison que ce soit, hormis votre propre démission ou un licenciement résultant d'une faute lourde vous incombant, vous bénéficierez d'une indemnité de départ égale à 1/10 de rémunération annuelle par année de présence à compter de votre entrée dans notre groupe, soit le 2 mars 1964.
Pour le calcul de cette indemnité, votre rémunération annuelle sera réputée être égale à la moitié de la totalité des rémunérations perçues par vous au cours des 24 mois précédant la signification de votre départ.
Par ailleurs et d'un commun accord, votre préavis est porté à 12 mois compte tenu des responsabilités que vous assumez en tant que Vice-Président Exécutif.
Par dérogation aux dispositions habituelles en la matière, vous conserverez le bénéfice des plans d'options d'achat d'actions qui vous auront été attribués.
Enfin et à compter de la cessation de vos activités au sein du groupe, vous vous interdisez pendant une année d'exercer une activité professionnelle au sein d'une entreprise d'hôtellerie et de restauration concurrente de ACCOR. En contrepartie de cet engagement, vous recevrez une indemnité de non-concurrence égale à une année de rémunération calculée comme indiqué précédemment.
Pour la bonne règle, veuillez nous confirmer votre accord sur les termes de cette lettre en signant le double ci-joint ».
Le 16 décembre 1996, une nouvelle clause est venue modifier les conditions fixées précédemment:
« Nous vous avons adressé un courrier le 1er octobre 1992, précisant vos conditions d'indemnisation au cas ou vous seriez amené à quitter le groupe.
Ces propositions, que vous aviez à l'époque acceptées, correspondaient à une situation particulièrement troublée pour ACCOR et pour ses dirigeants. La situation a très favorablement évolué depuis cette date et, dans la perspective de la modification des organes de direction du Groupe, nous souhaitons fixer les nouvelles conditions d'indemnisation au cas où vous seriez amené à quitter notre groupe de sociétés pour quelque raison que ce soit, hormis votre propre démission ou un licenciement par suite d'une faute lourde vous incombant.
Dans l'hypothèse de votre départ dans les conditions décrites ci-dessus, vous bénéficierez, par dérogation aux dispositions du groupe, du maintien de la totalité des options de souscription d'actions Accor qui vous ont été consenties jusqu'au 31 décembre 1996 et de celles qui pourraient vous être consenties au cours de l'année 1997, ainsi que d'une indemnité de départ égal à trente douzièmes de votre rémunération globale annuelle à laquelle s'ajoutera l'indemnité de préavis de six mois ; le montant de ces indemnités totales étant plafonné à 9 millions de francs.
Ce montant plafond évoluera annuellement en fonction de l'indice d'augmentation du coût de la vie en France.
Pour le calcul de cette indemnité, votre rémunération annuelle sera réputée être égale à la moitié de la totalité des rémunérations perçues par vous au cours des 24 mois précédant la signification de votre départ.
Pour la bonne règle, veuillez nous confirmer votre accord, en signant le double ci-joint, sur les termes de cette lettre qui annule et remplace notre courrier du 1er octobre 1992. »
Ce document signé du Directeur Général du groupe ACCOR, Monsieur [B], n'a été signé par Monsieur [M] que le 16 juin 1998.
Monsieur [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 26 juillet 2006 et a soulevé une exception d'irrecevabilité tirée de ce que la convention de 1996 serait un faux. Le conseil des prud'hommes a sursis à statuer et a renvoyé les parties à saisir leTribunal de Grande Instance de Paris compétent. Le jugement a fait l'objet d'un appel et par un arrêt du 5 octobre 2010, la Cour d'appel de Paris a débouté Monsieur [M] de sa demande tendant à faire déclarer fausse la lettre 16 décembre 1996.
La Cour de Cassation saisie de l'affaire a considéré dans son arrêt du 12 avril 2012 que la Cour d'Appel avait légalement justifié sa décision.
A la suite de ce contentieux, Monsieur [M] a demandé le rétablissement de l'affaire devant le conseil de prud'hommes, le 26 juillet 2006, afin d'obtenir, au principal, des indemnités de rupture, un complément sur son indemnité de départ, une contrepartie de sa clause de non concurrence et des dommages-intérêts.
Par jugement du 25 février 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a fixé la rémunération mensuelle du salarié à hauteur de 24 000 euros et a condamné la société ACCOR au paiement de :
- 72000 euros de complément de préavis
- 432 000 euros de complément d 'indemnité contractuelle de départ outre les intérêts de droit et les dépens.
Monsieur [M] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions visées au greffe le 20 septembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [M] demande à la cour de dire que la clause de départ s'applique en cas de mise à la retraite, que l'accord de 1996 est caduque faute pour les signataires de détenir les pouvoirs de représentation de la société au moment de l'acceptation de l'offre, faute d'un délai raisonnable entre l'offre et l'acceptation et en raison de la fraude de la société qui n'a pas obtenu l'accord du Conseil de Surveillance en 1998. Il demande que les indemnités soient calculées sur la base d'une rémunération mensuelle de 87 136 euros correspondant à son salaire fixe, variable et à l'indemnité versée en qualité de mandataire social.
Par conclusions visées au greffe le 20 septembre 2016, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne les moyens, la société ACCOR demande à la Cour à titre principal, de considérer que les accords de 1992 et 1996 ne sont pas applicables dans l'hypothèse d'une mise à la retraite et que seule la rémunération fixe perçue au titre du contrat de travail doit servir de base de calcul pour les indemnités.
A titre subsidiaire, elle soutient que l'accord de 1996 a fait disparaître celui de 1992, que le délai d'acceptation ne le rend pas caduque, seul l'offrant pouvant se prévaloir du délai raisonnable ; que la caducité ne résulte pas non plus du fait que Monsieur [B] signataire pour le compte de la société ACCOR ait perdu en 1998 ses pouvoirs de représentation de cette société, ni de ce que le conseil de surveillance n'ait pas été consulté en 1998.
Elle ajoute enfin qu'en vertu du principe de l'Estopel, Monsieur [M] ne peut prétendre sans fraude que malgré sa signature, il n'entendait pas accepter l'offre modificative de 1998 et sollicite de la Cour qu'elle constate l'irrecevabilité de la demande.
Elle conclut enfin au rejet de la demande concernant la clause de non concurrence inexistante dans l'avenant de 1996, à la limitation de l'indemnisation du préavis à hauteur de 6 mois de salaire et au maintien des stocks options.
Sur l' indemnité de départ, elle estime qu'il s'agit d'une clause pénale modifiable par le juge et demande, au regard des sommes déjà perçues par Monsieur [M], de la réduire à zéro.
Pour plus ample exposé des faits de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience.
MOTIFS
Sur la clause de départ applicable
Dès lors que la clause datée du 16 décembre 1996 a été reconnue comme n'étant pas un faux , il convient à la Cour de vérifier, si comme le soutient Monsieur [M], elle n'est pas caduque.
Cet accord a été signé en décembre 1996 par Monsieur [B], Directeur Général du Groupe ACCOR et il n'est pas contesté qu'à cette date, il avait pouvoir pour engager la société.
Même si en 1997, la structure sociale va changer et que Monsieur [B] devient alors Président du Conseil de surveillance du Groupe ACCOR, aucune décision de la société n'est venue remettre en cause cette offre.
La signature n'étant que l'engagement de la société, le principe de sécurité juridique des conventions conduit à considérer qu'il importe peu que le représentant ait vu son statut ou ses pouvoirs modifiés, il appartenait à la seule société de dénoncer ou de modifier le cas échéant les offres passées sous l'égide de l'ancienne direction ou dans le cadre de l'ancienne organisation statutaire.
L'accord du Conseil de Surveillance ne s'imposait que dans l'hypothèse où la société aurait estimé que la convention serait préjudiciable à ses intérêts et qu'il faille la remettre en cause.
Dans le cas plus particulier de l'espèce, les trois parties à la convention disposaient chacun de fonctions et de mandats, Monsieur [B] comme Président, Monsieur [J] comme vice-Président du Conseil de Surveillance et Monsieur [M] comme membre du Directoire et chacune d'elles était susceptible de dénoncer la convention au Conseil de Surveillance et de la soumettre à son avis.
Monsieur [M] considère que l'offre signée en décembre 1996 ne lui a été transmise pour acceptation que le 16 juin 1998, soit 18 mois plus tard et que ce délai ne correspond pas au délai raisonnable requis dans cette hypothèse.
Le délai raisonnable vise à s'assurer que lorsqu'une offre est émise, elle demeure encore conforme à la volonté de l'offrant lorsqu'elle est acceptée par l'autre partie. Dès lors, il n'appartient qu'à l'offrant de ce prévaloir de ce délai.
En l'espèce, si Monsieur [M] considérait que l'offre était tardive, il disposait de la faculté de la refuser. La nullité de l'offre ne peut pas être invoquée par l'appelant.
Monsieur [M] soutient enfin que l'apposition de sa signature sur l'offre n'était en réalité pas une acceptation et il en veut pour preuve la présence d'un huissier de justice mandaté par ses soins le jour de la signature pour accréditer cette thèse.
En l'espèce, si manifestement les conflits sous-jacents existants entre les parties ont pu crée une méfiance de Monsieur [M] à l'égard de l'acte qui était soumis à sa signature, il a pu en toute conscience mesurer l'impact d'une telle décision au regard des contreparties qui lui étaient offertes à cette date par la société . Rien ne permet de dire que le simple fait de s'assurer de la présence d'un huissier ait un effet sur l'acceptation remise. La signature apposée par Monsieur [M] a valeur de consentement.
Au vu de ces motifs, aucun élément ne permet de conclure à la caducité ou à la nullité de la convention de 1996.
Les termes même de l'accord de 1996, notamment ceux de son dernier paragraphe, permettent sans doute possible de considérer qu'il est venu modifier les dispositions prises 4 années plus tôt et que ce sont donc les dernières dispositions qui demeurent applicables dans les relations entre les parties à compter de la date d'acceptation de l'offre en 1998.
Sur l'application des dispositions de l'accord de 1996
La société ACCOR fait valoir que les dispositions de la convention de 1996 ne sont pas applicables dans l'hypothèse de la mise à la retraite et que cette clause n'a été établie que pour les cas de licenciements.
Le seule lecture des dispositions contractuelles suivantes : " Nous souhaitons fixer les nouvelles conditions d'indemnisation au cas où vous seriez amené à quitter notre Groupe de sociétés pour quelques raisons que ce soit, hormis votre propre démission ou un licenciement par suite d'une faute lourde vous incombant..." suffit à conclure que la mise à la retraite du salarié n'a jamais été envisagée comme une cause d'exclusion de l'accord.
La société ne peut pas non plus sérieusement soutenir que l'hypothèse de la retraite n'a pas été envisagée dans l'accord des parties alors que Monsieur [M] était âgé de 59 ans au moment de son acceptation.
La société ACCOR ne démontre pas non plus que la mise en retraite du salarié rendait impossible l'octroi d'un avantage contractuel tel que celui convenu entre les parties. Assimilant le bénéfice de la clause à une indemnité de licenciement, elle rappelle l'impossible cumul des indemnités de licenciement et des indemnités de mise à la retraite.
Si dans l'hypothèse où la mise à la retraite est irrégulière et où la rupture est requalifié en licenciement, les indemnités octroyées au titre de la mise à la retraite ne se cumulent pas avec les indemnités versées au titre du licenciement, c'est en raison du fait que les premières sont assimilées aux secondes.
En l'espèce aucun licenciement n'est intervenue et Monsieur [M] sollicite le bénéfice d'une clause de départ conventionnelle qui n'est pas par sa nature totalement assimilable à une indemnité de licenciement. Même si la clause a nécessairement un caractère indemnitaire du fait de la rupture à l'initiative du seul employeur, elle a aussi un caractère rémunératoire justifié par l'importance des fonctions du mandataire social.
En l'espèce, la société invoque le code du travail et celui de la sécurité sociale mais ne démontre pas l'existence d'une disposition législative ou réglementaire qui, dans l'hypothèse de la mise à la retraite d'un salarié, exclut le bénéfice des clauses contractuelles émanant de l'application du contrat de travail telle qu'une clause de départ.
Le fait que le salarié ait été destinataire d'autres avantages conventionnels comme une "retraite chapeau" ou une rémunération de ses stocks options ne démontrent pas qu'il n'ai pas droit au bénéfice de sa clause de départ. L'existence ou l'absence d'un préjudice est également indifférent.
La société ACCOR estime que l'accord est une clause pénale dont le montant est soumis à l'appréciation du juge et énumérant l'ensemble des sommes déjà perçues par le salarié, demande la réduction de son montant à zéro.
Monsieur [M] soutient que la clause est une faveur unilatérale consentie par la société compte tenue de la personne du salarié et de sa place dans la création de la société et qu'elle n'a pas le caractère d'une clause pénale.
En l'espèce, les termes de la convention de 1996 constituent bien une clause contractuelle par laquelle les parties ont évalué forfaitairement et d'avance, l'indemnité à laquelle donnerait lieu l'inexécution de l'obligation contractée, soit la rupture unilatérale par l'employeur du contrat sans faute du salarié.
En application de l'article 1152 du code civil, la clause doit donc s'analyser comme une clause pénale et peut être réduite ou augmenté par le juge dès lors qu'elle apparaît excessive ou dérisoire.
Sur le salaire de référence
L'accord contractuel de 1996 reprend les même termes que ceux de 1992 s'agissant du calcul des indemnités de départ : " La rémunération annuelle sera égale à la moitié de la totalité des rémunérations perçues par vous au cours des 24 mois précédant la signification de votre départ."
La société soutient que la rémunération envisagée par les parties concerne le seul salaire fixe de Monsieur [M]. Pour exclure la rémunération de mandataire, elle assimile les modalités de calcul à celles de l'indemnité de licenciement. Elle fait valoir en outre que toute autre décision aurait du être soumise à l'accord du Conseil de Surveillance, compétent pour la rémunération des mandataires sociaux.
Monsieur [M] explique qu'il disposait d'une rémunération tripartite : un salaire mensuel fixe de 24000 euros, un salaire variable fixé sur objectifs et déterminé annuellement par le Conseil de Surveillance après avis du Comité de rémunération et une indemnité comme vice président du Directoire. Il estime que quelque soit le régime juridique de ces rémunérations, les parties avaient convenu de les intégrer dans le calcul des indemnités de départ. Il ajoute que le Conseil de Surveillance n'avait pas à se prononcer l'employeur disposant dans le cadre de son pouvoir de direction de la possibilité de déterminer un avantage au profit du salarié par rapport aux dispositions légales.
En vertu de l'article L 225-63 du code de commerce, le Conseil de Surveillance dispose d'une compétence exclusive pour déterminer les rémunérations des membres du Directoire, du Président ou vice président et ainsi leur nature les distingue des règles applicables au contrat de travail. Par voie de conséquence, l'assimilation que l'employeur fait dans les modalités de calcul des indemnités de départ et de l'indemnité de licenciement est inopérante.
Il ressort des éléments financiers communiqués par les deux parties que les rémunérations, votées tous les ans pour Monsieur [M], étaient constituées d'un fixe et d'un variable qui, selon les années, était déterminé à partir de deux ou trois objectifs (niveau du BNPA, Objectifs sectoriels, objectifs annuels spécifiques).
Monsieur [M] retient les sommes de 1010836 euros pour 2004 et 1080836 euros pour 2005 figurant dans le document de référence ACCOR 2005. Cette évaluation comprend des avantages en nature et en l'absence d'éléments précis sur ce point, la cour n'est pas en mesure de vérifier le montant exact des rémunérations à partir de ces données.
Par contre, chaque année Monsieur [M] était destinataire de la décision du comité de rémunération. Pour l'année 2004, le courrier du Président du Directoire établit la partie fixe à la somme de 550 000 euros et la partie variable à 400000 euros. Pour 2005, la société transmet un courrier en date du 12 janvier 2005, fixant la partie fixe de la rémunération à 572000 euros et la part variable à 450 000 euros. En conséquence , il convient de s'en tenir aux montants annuels fixés précisément dans ces courriers.
Au travers d'un courrier en date du 24 juillet 1999, il ressort que la partie fixe de la rémunération de Monsieur [M] comprend en partie la rétribution de ses activités en qualité de mandataire social. Dès lors, en raison de l'accord des parties, rien ne justifie que les sommes versées pour l'exercice de ses fonctions de mandataire soient exclues du montant de ses rémunérations.
En l'espèce, sauf à considérer arbitrairement que les sommes allouées sont trop importantes, il n'apparaît pas de distorsion entre le préjudice né du fait de la rupture et le montant des indemnités convenues d'accord parties. Au regard du plafond fixé en francs et tenant compte de l'évolution du coût de la vie, il convient d'allouer à Monsieur [M] une indemnité contractuelle de départ de 1 269 278 euros, déduction faite de l'indemnité de départ à la retraite.
L'application de la clause du 16 décembre 1996 induit nécessairement un rappel de salaire au titre du préavis fixé à 6 mois du salaire de référence et les congés payés y afférents. A ce titre, la société sera condamnée au paiement de la somme de 420 996 euros déduction faite des sommes déjà versées au titre du préavis (72000 euros).
En application de l'accord de 1996, il y a lieu également de rejeter la demande relative à l'application de la clause de non concurrence, la dite clause n'ayant pas été reprise dans la nouvel accord des parties.
Sur les autres demandes indemnitaires
Sur le non-respect des accords contractuels, la procédure vexatoire et l'atteinte à l'image
Monsieur [M] soutient qu'après 42 ans d'ancienneté, il a été mis à la porte sans égards et sans information préalable, qu'il a été sommé de quitter son bureau en 48 heures et privé de ses indemnités conventionnelles. Il estime que cette attitude de la société lui a occasionné un préjudice en terme d'image et constitue une atteinte à son honneur.
La société ACCOR conteste la version des faits du salarié et indique qu'au contraire, son départ a été l'occasion pour le Directeur Général du groupe de faire un discours très flatteur sur la collaboration de Monsieur [M].
Toute demande de dommages-intérêts suppose la mise en cause de la responsabilité de l'auteur et la réparation d'un préjudice. En l'espèce, s'il est incontestable que la mise à la retraite a été mal vécue par Monsieur [M], il n'établit pas que cette décision ait été fautive ou que les circonstances de son départ aient été inadaptées et lui aient occasionné un préjudice.
La demande sera rejetée.
Sur la discrimination lié à l'âge
Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L'article L 1134 - 1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ; au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Monsieur [M] soutient que sa mise à la retraite procède d'une discrimination liée à l'âge, son employeur lui ayant reproché ses méthodes de travail et précisé qu'il souhaitait rajeunir les équipes.
La société affirme que les conditions de la mise à la retraite de Monsieur [M] étaient régulières et que la décision n'a pas de caractère abusif ni discriminant. Elle précise que ce départ s'inscrit dans un projet plus global qui ne concerne pas seulement le salarié mais qui vise dans le cadre du changement de gouvernance, à décentraliser les pouvoirs de direction.
Il ressort du Document de référence ACCOR de 2005, que la date de la rupture des relations de travail avec Monsieur [M] correspond à un bouleversement du mode de gouvernance de la société. La décision résulte d'un vote de l'assemblée des actionnaires et le salarié ne peut en tirer argument pour estimer que cette décision procède d'un grief personnel sur ses méthodes de travail. Ce changement a conduit plusieurs des dirigeants historiques de la société à quitter le groupe dans les mois précédents le départ de Monsieur [M].
Il est également acquis que le salarié arrivait au terme de l'exercice de son mandat social en janvier 2006 et que les dispositions légales de mise à la retraite étaient réunies.
Monsieur [M] ne transmet pas d'élément laissant supposer l'existence d'un abus ou d'une discrimination résultant de cette décision.
Dans ces circonstance, sa demande sera rejetée.
Sur la rupture d'égalité avec les dirigeants
En application du principe "à travail égal, salaire égal", énoncé par les articles L. 2261-22-II-4, L. 2771-1-8 et L. 3221-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ; Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Monsieur [M] estime qu'il a été privé de 75% de sa rémunération pour le calculs de ses indemnités de départ alors qu'il disposait de 42 années d'ancienneté et de trois mandats sociaux et soulève l'existence d'une inégalité de traitement avec les différents dirigeants.
Il précise que Monsieur [Y], Président du Directoire de 1997 à 2006, a bénéficié d'un protocole d'accord, le 30 septembre 2005,et d'une indemnisation de départ de 12 millions d'euros dont 1 million de préavis.
Pour Monsieur [T], il indique qu'il a bénéficié d'un protocole transactionnel le 10 janvier 2006, pour un total de 1million 910 000 euros alors qu'il a été membre du Directoire durant un mandat et que Monsieur [J], désigné Directeur général en 2006 , a bénéficié de 5 millions d'euros à son départ en 2010 avec 5 années d'ancienneté.
Il estime enfin que sa situation n'est pas comparable à celle de Monsieur [H] qui a été indemnisé par des participations et n'avait pas de clause de départ identique.
La société ACCOR considère que l'égalité de traitement ne peut être invoquée dans la mesure où la situation des autres dirigeants n'étaient pas identiques à celles de Monsieur [M].
Pour invoquer l'égalité de traitement, il est par nature indispensable qu'un ou plusieurs autres salariés soient placés en situation comparable pour pouvoir opérer une comparaison dans leur rémunération ou les avantages octroyés.
En l'espèce, Monsieur [M], numéro deux du Groupe, exerçait des fonctions propres qui ont induit sa rémunération. Il ne peut être envisagé de comparer sa rémunération avec celle du numéro un (Monsieur [Y] ).
Les conditions de départ et notamment la mise à la retraite de Monsieur [M] ne permettent pas non plus de comparer sa situation à celle de Monsieur [T], qui a été licencié, ou celle de Monsieur [J] qui a quitté la société près de 5 ans plus tard.
La position de mandataire sociaux de ces salariés a également pour conséquence que leur rémunération est décidé par le conseil de surveillance ou le conseil d'administration et donc bien au delà des critères tirés de leur ancienneté ou du nombre de leurs mandats.
La place unique que le salarié occupait comme numéro 2 du groupe ne permet pas d'opérer les comparaisons nécessaires pour établir l'existence d'une inégalité de traitement.
La demande sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement ;
Et statuant à nouveau ;
CONDAMNE la société ACCOR à payer à Monsieur [M] la somme de :
- 1269 278 euros à titre d'indemnité de départ ;
- 420 996 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 42099 euros au titre des congés payés y afférents,
VU l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société ACCOR à payer à Monsieur [M] en cause d'appel la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
CONDAMNE la société ACCOR aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENTE