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17/11/2016 | FRANCE | N°15/08828

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 17 novembre 2016, 15/08828


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 17 Novembre 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08828



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 9 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 14/02238





APPELANTE



SA SUPER JEAN NICOT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie PERRIN, avocat au barreau de PAR

IS, P0064







INTIMÉ



Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1] (TUNISIE)

comparant en personne, assisté de Me Juliette PAPPO, avoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 17 Novembre 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/08828

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 9 juin 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section encadrement- RG n° 14/02238

APPELANTE

SA SUPER JEAN NICOT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie PERRIN, avocat au barreau de PARIS, P0064

INTIMÉ

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1] (TUNISIE)

comparant en personne, assisté de Me Juliette PAPPO, avocat au barreau de PARIS, D1094

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 9 juin 2015 ayant':

-condamné la SA SUPER JEAN NICOT SUPERMARCHE à payer à M. [Y] [W] les sommes indemnitaires de 30'000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal partant de son prononcé, et 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [Y] [W] de ses autres demandes,

-condamné la SA SUPER JEAN NICOT SUPERMARCHE aux dépens';

Vu la déclaration d'appel de la SA SUPER JEAN NICOT SUPERMARCHE reçue au greffe de la cour le 14 septembre 2015';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 15 septembre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA SUPER JEAN NICOT qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions de condamnation au profit de M. [Y] [W] qui sera débouté de l'ensemble de ses demandes, et condamné à lui régler la somme de 2'500 € sur le fondement de l'article 700 du code e procédure civile';

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 15 septembre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [Y] [W] qui demande à la cour, infirmant la décision déférée en ce y compris sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau,

- de condamner la SA SUPER JEAN NICOT à lui verser les sommes de':

40'000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

6'208,80 € de rappel de salaires afférents aux jours supplémentaires travaillés et 620,88 € d'incidence congés payés sur la période septembre 2011/décembre 2013,

17'193,90 € d'indemnité pour travail dissimulé,

3'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner à la SA SUPER JEAN NICOT de lui remettre les bulletins de paie et une attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir.

MOTIFS

Sur le rappel de salaires et le travail dissimulé

La SA SUPER JEAN NICOT a engagé M. [Y] [W] en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 31 décembre 2010 en tant qu'« adjoint responsable magasin »-niveau 5-coefficient 200 de la convention collective du commerce de gros et de détail à prédominance alimentaire, moyennant un salaire de 2'180 € bruts mensuels.

Aux termes d'un avenant du 1er septembre 2011, sous réserve d'« une période probatoire » jusqu'au 29 février 2012, M. [Y] [W] est promu aux fonctions de « Chef de magasin »-catégorie cadre-niveau conventionnel 7, avec un salaire de base porté à 2'715,65 € bruts mensuels auquel s'ajoutent une prime annuelle, ainsi qu'une prime sur objectifs « chaque quadrimestre », y étant en outre stipulé que « cette rémunération est forfaitaire et indépendante du temps passé par Monsieur [Y] [W] pour l'accomplissement de ses fonctions ».

*

Au soutien de sa demande à ce titre, M. [Y] [W] rappelle que sa rémunération convenue était de nature forfaitaire avec sur ses bulletins de paie l'indication d'un « forfait annuel 216 jours de travail » ou 228 jours desquels étaient déduits 12 jours de RTT, indique qu'en réalité il travaillait bien au-delà de ce forfait, et précise que sur la période du 1er septembre 2011 au 5 décembre 2013 il lui est dû un rappel représentant la somme de 6'208,80 € (+ 620,88 €) au titre de dimanches travaillés, outre une indemnité légale pour travail dissimulé de 17'193,90 € représentant 6 mois de salaires.

En réponse, la SA SUPER JEAN NICOT fait observer que c'est l'intimé, régulièrement soumis à un forfait de 216 jours annuels, qui fixait lui-même ses plannings de travail, ce qui rend ses réclamations infondées.

*

Il résulte de la combinaison des articles L.3121-43 et suivants, L.3171-4 et D.3171-10 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d'une convention de forfait jours, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié, et qu'au vu de ces éléments et de ceux présentés par son collaborateur à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, si nécessaire, toutes mesures d'instruction utiles.

Dès lors ainsi que la preuve n'incombe spécialement à aucune des parties au contrat de travail, il doit être procédé par la cour à l'examen des éléments lui étant soumis de nature à justifier des jours effectivement travaillés par M. [Y] [W] et que la SA SUPER JEAN NICOT est tenue tout autant de lui fournir dans le respect du principe du contradictoire.

*

M. [Y] [W], qui ne conteste pas la validité même de la convention de forfait jours à laquelle il était soumis dans la limite de 216 jours annuels par référence à l'article 5.7.2 « Forfait défini en jours » de la convention collective applicable, verse aux débats plusieurs attestations de clients mais aussi d'anciens collègues de travail, ainsi que les plannings successifs du magasin élaborés en septembre 2011 puis en mai 2012, à l'examen desquels il apparaît que son temps de travail dépassait largement les limites dudit forfait en raison de sa présence régulière au sein du magasin de nombreux dimanches, en moyenne un sur trois, durant la période concernée, ce à quoi la SA SUPER JEAN NICOT oppose un unique argument tiré du fait que c'est l'intimé qui arrêtait les plannings, argument en soi inopérant dès lors qu'il n'est pas permis de considérer que M. [Y] [W] avait une entière liberté en la matière indépendamment de toute directive reçue de l'appelante dans l'exercice par celle-ci de son pouvoir de direction.

Infirmant le jugement entrepris, la société appelante sera en conséquence condamnée à régler à M. [Y] [W], au vu de son décompte - pages 19 et 20 de ses conclusions -, la somme de 6'208,80 € de rappel de salaires au titre des jours travaillés au-delà des 216 jours annuels, et 620,88 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2014, date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation.

*

Il le sera tout autant sur la demande indemnitaire de M. [Y] [W] pour travail dissimulé dès lors que l'appelante ne pouvait sérieusement ignorer l'amplitude de travail réelle de ce dernier qui lui remettait ses plannings de travail, amplitude dépassant de manière significative le forfait annuel théorique de 216 jours, ce qui caractérise l'intention coupable de la SA SUPER JEAN NICOT en tant qu'élément constitutif du travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié au sens de l'article L.8221-5 du code du travail, de sorte qu'en application de l'article L.8223-1 elle sera condamnée à lui payer la somme indemnitaire de ce chef de 17'193,90 € représentant 6 mois de salaires, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le licenciement

Par une lettre du 8 novembre 2013, l'appelante a convoqué M. [Y] [W] à un entretien préalable prévu le 21 novembre, et à l'issue duquel elle lui a notifié le 5 décembre 2013 son licenciement pour « insuffisance professionnelle et des manquements dans l'exercice de (ses) fonctions dont (il fait) preuve ».

La lettre de licenciement sur laquelle s'appuie la SA SUPER JEAN NICOT, telle que reprise et explicitée dans ses écritures, fait ainsi état contre M. [Y] [W] d'une baisse anormale du chiffre d'affaires du magasin de la [Adresse 1] dès le dernier trimestre de l'exercice 2012, avec la confirmation d'une dégradation des résultats au vu de la situation comptable provisoire arrêtée au 31 août 2013 et d'une situation complémentaire jusqu'en octobre, cette baisse significative s'accompagnant d'un taux élevé de démarque inconnue, tous éléments révélateurs, selon elle, de son « insuffisance professionnelle » dans les domaines à la fois des performances commerciales tant quantitatives (résultats) que qualitatives (relations avec la clientèle) et du management de ses collaborateurs.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M.[Y] [W] percevait une rémunération en moyenne de 2'865,65 € bruts mensuels.

*

L'article L.1235-1 du code du travail rappelle qu'en cas de litige, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur, qu'il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

*

L'insuffisance de résultats reprochée d'une manière générale à M. [Y] [W] au regard des objectifs convenus d'un commun accord sur les quatre derniers mois de l'année 2011 ainsi que l'année 2012, et unilatéralement fixés par la SA SUPER JEAN NICOT sur l'année 2013 à défaut d'une acceptation explicite de la part de ce dernier, en termes d'« évolution du chiffre d'affaires » , de « marge situation » et de « frais de personnel intérim compris », ne peut constituer en tant que telle une cause de licenciement, en ce qu'il appartient à la cour, au vu des éléments fournis par les parties, de rechercher si le fait de ne pas les avoir atteints résulte soit d'une insuffisance professionnelle du salarié, soit d'un comportement fautif directement imputable à celui-ci, ce à quoi l'appelante fait expressément allusion en lui reprochant son « insuffisance professionnelle » et des « manquements » dans l'exercice de ses fonctions de responsable de magasin.

Au vu des seules pièces produites par la SA SUPER JEAN NICOT - sous cotes 8 et 11 -, au-delà des résultats comptables arrêtés au 31 août 2013 faisant effectivement apparaitre en synthèse une marge brute globale en baisse de 17,40% au 31 août 2013 (469'000 €) par rapport au 31 août 2012 (568'000 €) - la marge brute intégrant les données « Chiffre d'affaires » et « Coût d'achat des ventes » -, force est de relever qu'elle n'apporte pas la démonstration attendue d'une insuffisance des résultats du magasin concerné en lien direct avec une insuffisance professionnelle et un comportement fautif de la part de M. [Y] [W].

Sur ce point en effet, l'employeur ne peut se prévaloir que d'une attestation de son directeur adjoint, en la personne de M. [J], qui affirme que l'intimé changeait les plannings pour éviter d'assurer les fermetures du magasin, sans que cela soit confirmé ou corroboré par d'autres éléments suffisamment probants - sa pièce 21.

De son côté, M. [Y] [W] peut se prévaloir du témoignage de M. [A], ancien directeur commercial des magasins G20 SUPER JEAN DOMINIQUE et SUPER JEAN NICOT, vantant ses qualités professionnelles, ainsi que de plusieurs attestations de clients et de collègues de travail se plaignant du système de chauffage défaillant et des défectuosités affectant le tapis roulant de la caisse principale, en dépit de ses demandes d'intervention - pièces 32 et 33, 46 à 54.

Il en ressort que le licenciement de M. [Y] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Si le jugement critiqué sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [Y] [W], l'infirmant sur le quantum, l'appelante sera condamnée sur le fondement de l'article L.1235-3 à lui payer la somme indemnitaire à ce titre de 20'000 € représentant l'équivalent de 7 mois de salaires, compte tenu de son âge lors de la rupture (34 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (un peu moins de 3 années), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de l'intégralité des indemnités de chômage versées à M. [Y] [W] dans la limite de 6 mois.

Sur les documents sociaux, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'appelante délivrera à M. [Y] [W] les bulletins de paie ainsi qu'une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, et sera condamnée en équité à lui payer la somme complémentaire de 3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [Y] [W], ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens';

L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA SUPER JEAN NICOT à régler à M. [Y] [W] les sommes de':

6'208,80 € de rappel de salaires au titre des jours travaillés au-delà des 216 jours annuels, et 620,88 € de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant du 28 février 2014,

17'193,90 € d'indemnité légale pour travail dissimulé,

20'000 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt';

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la SA SUPER JEAN NICOT aux organismes intéressés de l'intégralité des indemnités de chômage versées à M. [Y] [W] dans la limite de 6 mois,

ORDONNE la remise par la SA SUPER JEAN NICOT à M. [Y] [W] des bulletins de paie et d'une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt ;

CONDAMNE la SA SUPER JEAN NICOT à payer à M. [Y] [W] la somme de 3'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SA SUPER JEAN NICOT aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/08828
Date de la décision : 17/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/08828 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-17;15.08828 ?
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