RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 16 Novembre 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10391
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/00037
APPELANTE
Madame [O] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]
comparante en personne,
assistée de M. Didier CRUSSON, Délégué syndical, muni d'un pouvoir
INTIMEE
SAS PERRENX & COMPAGNIE FIDUCIAIRE DE GESTION ET D'EXP ERTISE COMPTABLE (FIGEC) Prise en la personne de son Représentant Légal, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 672 038 486
représentée par Me Marie louise SERRA, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Mme Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame [J] a été engagée oralement par la SAS Perrenx et Cie suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 24 octobre 1983, en qualité d'assistante comptable débutante.
Elle est devenue assistante contrôleur, cette évolution ayant été matérialisée par un document contractuel du 18 avril 1996, puis chef de mission à compter du 1er janvier 2003.
Les relations contractuelles étaient régies par celle des expert-comptables et commissaires aux comptes
La société emploie moins de 10 salariés.
A partir du mois de juin 2012, une baisse de rémunération est intervenue.
Mme [J] a été placée en arrêt de travail à compter du 30 août 2012.
A la suite de deux visites de reprise des 12 mars 2013 et 29 mars 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [J] inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise.
L'inspection du travail, saisie d'un recours par l'employeur, a confirmé cette inaptitude de la salariée à tout poste, le 16 mai 2013.
Le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspection du travail par jugement du 17 novembre 2014.
L'inspection du travail a, le 19 janvier 2015, confirmé l'inaptitude définitive de la salariée. Elle a par une nouvelle décision du 28 avril 2015, retiré la décision du 19 janvier 2015 puis, pris le jour même une nouvelle décision déclarant la salariée inapte à tout poste dans l'entreprise.
Par un jugement du 13 avril 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de la SAS Perrenx et ainsi confirmé l'inaptitude définitive de Madame [J] à tout poste au sein de l'entreprise.
Madame [J] avait entre temps saisi le conseil de prud'hommes de Créteil en paiement de diverses sommes.
Par jugement du 27 août 2015, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté Madame [J] de toutes ses réclamations et n'a pas fait droit aux demandes reconventionnelles de l'employeur.
Appelante de ce jugement, Madame [J] en sollicite l'infirmation, demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner la SAS à lui verser les sommes suivantes :
* A titre principal,
- 105964,36 euros au titre d'un rappel de salaire pour la période de juin 2012 à juillet 2016 outre les congés payés afférents ou 86 411,71 euros outre les congés payés afférents,
- 18 969,89 euros au titre de la prime d'ancienneté de juin à juillet 2016 outre les congés payés afférents,
-16 693,43 euros au titre du maintien de salaire de mai à août 2013 à la suite de l'inaptitude outre les congés payés afférents
* A titre subsidiaire
- 8257,80 euros au titre du rappel de salaire conventionnel de juin 2012 à juillet 2016 outre les congés payés afférents ou 932,70 euros, outre les congés payés afférents,
-758,51 euros au titre de la prime d'ancienneté conventionnelle de juin 2012 à juillet 2016 outre les congés payés afférents,
- 4717,35 euros au titre du maintien de salaires de mai à août 2013 suite à l'inaptitude, outre les congés payés afférents,
* Dans tous les cas :
- 2345,04 euros bruts à titre de remboursement des indemnités de prévoyance,
- 2345,04 euros nets à titre de remboursement des indemnités de prévoyance,
- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et financier,
- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour abus de droit et procédure abusive,
- 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite encore la remise des bulletins de paie d'avril à juillet 2016 sous astreinte de 30 € par jour de retard à compter du 15e jour suivant la notification de l'arrêt de la cour, un bulletin de paie conforme à la décision sous astreinte de 30 € par jour de retard et par document à compter du 15e jour suivant la notification de l'arrêt en cours.
La SAS Perrenx et Cie conclut à la confirmation du jugement déféré, s'oppose à l'ensemble des réclamations formulées et sollicite le paiement des sommes suivantes :
- 10 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- 50 2338,90 euros en remboursement des sommes indûment versées,
- 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.
MOTIFS :
sur la demande de rappel de salaire
Madame [J] expose avoir à compter du mois de juin 2012 subi une baisse de sa rémunération passant par une baisse de la rémunération de base et par la suppression des heures supplémentaires qu'elle effectuait régulièrement chaque mois.
Outre qu'elle s'interroge sur la validité du contrat de travail du 18 avril 1996 auquel l'employeur se réfère, elle soutient qu'en l'absence d'avenant lors du changement de fonction et de coefficient en janvier 2003, seuls les bulletins de salaire fixent les éléments de sa rémunération.
Elle précise par ailleurs avoir été en arrêt travail de septembre 2012 à août 2013, période au cours de laquelle elle n'a pas perçu que le maintien partiel de sa rémunération ainsi que les indemnités versées par le régime de prévoyance.
Elle ajoute que si la SAS Perrenx et Cie a bien repris le paiement des rémunérations depuis le mois de septembre 2013, elle persiste à lui verser un salaire sur une base inférieure à celui qu'elle percevait avant le mois de juin 2012.
La SAS Perrenx et Cie rappelle qu'aucun contrat de travail écrit n'a été établi au moment de l'embauche de Madame [J], qu'un document contractuel a été matérialisé le 18 avril 1996 lorsque Madame [J] a été promue « assistant contrôleur », qu'il était alors prévu que sa rémunération correspondrait « à titre principal, à 41 % des honoraires encaissés », qu'en raison de son expérience et de l'évolution de sa fonction, Madame [J] s'est vu affecter un portefeuille de clients plus importants ce qui lui a permis de connaître une hausse sensible de sa rémunération de l'ordre de 50 % entre 1996 et 2011.
Elle fait observer que Madame [J] n'a jamais discuté les conditions de fixation de sa rémunération durant toute l'exécution de son contrat de travail jusqu'au mois de juillet 2012.
Pour lui, seul un changement dans le mode d'écriture des bulletins de paie est intervenu dès lors que la salariée a perçu même en juin 2012 une rémunération de 5428,18 euros à l'instar de celle de mai 2012 arrêtée à 5406,17 euros et à celle d'avril 2012 arrêtée à 5406,17 euros.
L'examen des documents communiqués par les parties révèle qu'un seul document contractuel a été signé par les deux parties en 1996 lorsque Madame [J] a été promue assistant contrôleur.
Il ressort des écritures concordantes des parties sur ce point qu'à compter du 1er janvier 2003, Madame [J] a occupé des fonctions de chef de mission.
Selon les bulletins de salaire remis à la salariée chaque mois à compter du 1er janvier 2003 et jusqu'au mois de juin 2012, la rémunération comportait des appointements, un intéressement, des majorations pour des heures supplémentaires et une prime d'ancienneté.
À compter de novembre 2009, il est plus spécialement spécifié que le salaire de base de Madame [J] correspondant à 130 heures réglées suivant un taux horaire de 32,5452 €. Il est à noter qu'antérieurement, les heures supplémentaires majorées étaient réglées à hauteur de la somme de 40,68 euros.
Le taux horaire du salaire de base a légèrement progressé ultérieurement passant à 32,61 euros
Outre le salaire de base, certains bulletins de salaire font état d'un versement d'un intéressement. Ainsi en a-t-il été au mois d'octobre 2009, sur le bulletin duquel apparaît un intéressement à hauteur de 13 409,06 euros et encore sur le bulletin au mois de juillet 2011 pour un montant de 11 000 euros.
Or, sur le bulletin du mois de juin 2012, le taux horaire a été ramené à la somme de 14,3942 €, ce qui caractérise indéniablement une modification de la rémunération de la salariée exigeant son accord .
La SAS Perrenx et Cie peut difficilement soutenir que seul « un changement dans les écritures du bulletin de paie est intervenu», étant observé que l'employeur lui-même expert-comptable ne peut méconnaître les conséquences de la fixation d'un taux horaire de rémunération pour un salarié.
Dans ces conditions, c'est sur la base d'une rémunération mensuelle de 4240,13 euros que doit être analysée la demande de rappel de salaire formulée par la salariée.
En revanche, Madame [J] ne peut exiger le paiement d'heures supplémentaires qu'elle n'a pas été amenée à faire à compter de juillet 2012.
Dans ces conditions, l'employeur doit régler à Mme [J] un salaire sur cette base de 4240,13 euros par mois pour la période de juin à septembre 2012.
Mme [J] a ensuite été placée en arrêt de travail à compter du 30 août 2012.
A la suite de deux visites médicales des 12 mars 2013 et 29 mars 2013, le médecin du travail a déclaré l'inaptitude définitive de Mme [J] à tout poste dans l'entreprise.
L'inspection du travail, saisie d'un recours par l'employeur a confirmé l'inaptitude de la salariée à tout poste, le 16 mai 2013.
La salariée a encore été en arrêt de travail jusqu'au mois d'août 2013.
Le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspection du travail par jugement du 17 novembre 2014.
L'inspection du travail a, par une nouvelle décision du 28 avril 2015, déclaré la salariée inapte à tout poste dans l'entreprise.
Par un jugement du 13 avril 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de la SAS Perrenx et ainsi confirmé l'inaptitude définitive de Madame [J] à tout poste au sein de l'entreprise.
La cour relève que le jugement du tribunal administratif en date du 17 novembre 2014 annulant la décision de l'inspection du travail confirmant les avis d'inaptitude délivrés par le médecin du travail n'a fait l'objet d'aucun recours.
De plus, la décision prise par l'inspection du travail le 28 avril 2015, après le retrait de celle qu'elle avait rendue quelques mois plus tôt, n'est pas rétroactive.
En conséquence et compte tenu de la demande reconventionnelle en remboursement d'indû, la cour renverra les parties à faire leurs comptes sur la base d'un salaire mensuel de 4240,13 euros selon les indications suivantes :
Pour la période de septembre 2012 au mois de mars 2013, maintien du salaire pendant l'arrêt maladie,
pour la période de mars 2013 au 28 avril 2015 ; aucune somme n'est due par l'employeur,
pour la période postérieure au 28 avril 2015, l'employeur doit les salaires et congés payés afférents.
De même, l'employeur sera tenu au paiement de la prime d'ancienneté correspondant à 15% de la rémunération due pour les périodes au cours desquelles l'employeur doit assurer le maintien du salaire et le paiement des salaires.
Sur les demandes relatives aux indemnités de prévoyance
Madame [J] réclame le remboursement d'indemnités prévoyance pour un montant brut de 2345,04 euros ainsi que pour un montant net de 2345,04 euros. Elle explique avoir pris contact avec l'organisme Humanis prévoyance qui n'a pas voulu lui donner les informations utiles dans la mesure où le client est la SAS Perrenx et Cie et non la salariée elle-même.
La SAS Perrenx et Cie ne conteste pas qu'elle percevait les indemnités de prévoyance pour les reverser ensuite Madame [J].
C'est à celui qui prétend s'être libéré d'une obligation de communiquer les éléments de nature à justifier de cette libération.
Or, la SAS Perrenx et Cie ne verse absolument aucun élément pour justifier qu'elle a intégralement reversé à la salariée les indemnités perçues de l'organisme de prévoyance.
Dans ces conditions, il sera fait droit la demande formulée dans les termes repris dans le dispositif.
Sur les différentes demandes de dommages et intérêts formulées par les deux parties
Chacune des parties a contribué depuis 2012 aux préjudices qu'elles invoquent .
La cour les déboutera de leurs prétentions respectives à cet égard.
Sur la demande de remise des bulletins de salaire
La demande de remise de bulletins de salaire conformes aux termes du présent arrêt est légitime. Il y sera fait droit. Aucune astreinte ne sera toutefois ordonnée, aucune circonstance particulière ne le justifiant.
Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande d'accorder à Mme [J] une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Perrenx et Cie qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Statuant sur les demandes en paiement de salaire de maintien de salaire et de remboursement d'indû ;
Dit que l'employeur doit, sur la base d'un salaire mensuel de 4240,13 euros, régler à la salariée ;
- le salaire dû pour la période de juin à septembre 2012 outre les congés payés afférents,
- le maintien de salaire pour la période de septembre 2012 à mars 2013,
- le salaire mensuel à compter du 29 avril 2015, outre les congés payés afférents,
- la prime d'ancienneté correspondant à 15 % de la rémunération due pour les périodes au cours desquelles l'employeur doit assurer le maintien du salaire et le paiement des salaires, outre les congés payés afférents,
- 2 345,04 euros bruts à titre de remboursement des indemnités de prévoyance,
- 2 345,04 euros nets à titre de remboursement des indemnités de prévoyance,
- 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Renvoie les parties à faire leurs comptes pour tenir compte des sommes déjà versées par l'employeur,
Ordonne la remise des bulletins de paie conformément aux termes du présent arrêt,
Déboute Mme [J] de ses demandes de dommages et intérêts et d'astreinte,
Déboute la SAS Perrenx et Cie de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Perrenx aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT