La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2016 | FRANCE | N°15/05214

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 16 novembre 2016, 15/05214


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 Novembre 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05214 et 15/05374



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/09589





APPELANT PRINCIPAL - INTIMÉ INCIDENT

Monsieur [G] [T] [O]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité

1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me Myriam MOUCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0062





INTIME PRINCIPAL - APPELANT INCIDENT

REPUBLIQUE FE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 Novembre 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05214 et 15/05374

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mars 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/09589

APPELANT PRINCIPAL - INTIMÉ INCIDENT

Monsieur [G] [T] [O]

né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

comparant en personne

assisté de Me Myriam MOUCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0062

INTIME PRINCIPAL - APPELANT INCIDENT

REPUBLIQUE FEDERATIVE DU BRESIL REPRESENTE PAR MONSIEUR L'AMBASSADEUR DU BRESIL EN FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-paul ROUBY, avocat au barreau de PARIS, toque : E0201

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [G] [T] [O] a été engagé à compter du mois d'août 1989 par le Consulat du Brésil à [Localité 4] en qualité d'huissier, fonction le classant dans la catégorie des auxiliaires d'appui dite 'APO', créée postérieurement à son embauche.

A partir de 1999, les services du Consulat ayant été absorbés par l'Ambassade, Monsieur [O] a travaillé pour le compte de celle-ci.

Le 21 août 2002, un contrat écrit a été proposé au salarié rappelant que Monsieur [O] a été engagé à compter du 1er août 1989 pour exercer en particulier les fonctions de :

- contrôle de l'entrée, circulation et sortie des personnes à la Chancellerie,

- travaux de photocopie de documents,

- distribution de journaux informatifs et divers à tous les services de l'Ambassade,

- ouverture et fermeture des portes d'entrée de la Chancellerie,

- tâches diverses pour cocktails et autres réceptions,

- aide au transport de colis et divers,

- exécution d'autres tâches analogues,

- standardiste.

Monsieur [O] a refusé de signer ce contrat estimant que certaines des tâches prévues (telles que préparation des cocktails et autres tâches diverses ou analogues) ne correspondaient ni à sa qualification ni à ses missions antérieures.

Un nouveau projet de contrat lui a été soumis en 2004 prévoyant qu'il était chargé de l'accueil du public et de tâches administratives diverses.

Monsieur [O] a également refusé ce contrat estimant que ses fonctions devaient être définies ainsi : 'En qualité d'auxiliaire d'appui,... affecté au service imprimerie, il a en charge notamment : la réalisation d'invitations, de communiqués de presse, de prospectus, la conception et l'exécution de graphismes et maquettes, l'expédition du courrier... Il pourra être affecté à l'accueil du public'.

Dans son courrier daté du 21 avril 2004, Monsieur [O] se plaignait également d'avoir été privé du bénéfice de son treizième mois depuis trois années.

Par un courrier du 18 septembre 2007, Monsieur [O] déplorait qu'il n'ait pas bénéficié de l'augmentation salariale de 5% accordée aux 11 salariés locaux, attribuant cette disparité au fait qu'il avait refusé de signer le contrat de travail qui lui avait été proposé. Invoquant la pression dont il faisait l'objet quant à la reconnaissance professionnelle sollicitée en vain depuis plusieurs années, il déclarait 'se mettre à disposition pour la signature du contrat' et espérait ainsi que 'son ancienneté, ses qualifications, ses connaissances et ses activités seraient enfin prises en considération et que, dans un geste d'équité', l'employeur pourrait 'étudier de rapprocher son salaire de ceux de sa catégorie (APO)'.

Il lui était répondu qu'il n'avait aucune obligation de régulariser un contrat formel et que les augmentations de salaires reposaient sur des critères de mérite et de compétences individuelles, l'Ambassade contestant les pressions alléguées par Monsieur [O].

Au dernier état de la relation contractuelle, Monsieur [O] percevait un salaire brut de 2.215,44 € par mois.

Le 11 mai 2010, l'employeur a notifié à Monsieur [O] un avertissement pour non-respect des horaires de travail (déficit cumulé en mars et avril de 36h43mn).

Le 28 mai 2010, le salarié a contesté les faits invoquant un excédent d'heures travaillées antérieur, s'excusant de ses oublis de pointage et exposant qu'en réalité le déficit n'était que de 14 heures.

L'Ambassade n'effectuait finalement pas de retenue sur le salaire mais maintenait l'avertissement par courrier du 28 mai 2010.

Le 19 juillet 2010, Monsieur [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir la régularisation de son statut, estimant qu'il relevait de la catégorie supérieure, classification qui lui était refusée à tort par l'Ambassade et qu'il subissait une discrimination salariale du fait de ce refus.

Le 27 septembre 2010, un nouvel avertissement a été adressé à Monsieur [O] au motif qu'il avait omis de remettre à 6 diplomates ainsi qu'à l'attaché militaire des invitations données pour une réception à l'Ambassade.

Monsieur [O] contestait cet avertissement en indiquant que s'il était chargé de l'expédition du courrier par affranchissement, il n'entrait pas dans ses fonctions d'en assurer la distribution interne.

Un troisième avertissement a été notifié à Monsieur [O] le 5 novembre 2010 pour des faits survenus les 14 et 15 octobre : mauvaise impression d'une étude, carence d'information quant à l'absence de consommables et à la nécessité d'un approvisionnement, fonctionnement de l'imprimante la nuit sans surveillance et sans avoir prévenu.

Monsieur [O] contestait également la véracité des motifs invoqués par courrier du 6 janvier 2011 et dénonçait le même jour le dénigrement dont il faisait l'objet de la part de la chef de l'administration, Madame [S] et l'incidence de ces agissements sur son état de santé.

Par lettre datée du 27 janvier 2011, remise par huissier le 2 février 2011 Monsieur [O] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 mars 2011.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2011, Monsieur [O] s'est vu notifier son licenciement aux motifs suivants :

'... Nous avons constaté une dégradation progressive mais régulière de la qualité de votre travail et de votre comportement en général, nous conduisant, à 3 reprises, les 11 mai 2010, 27 septembre 2010 et 5 novembre 2010 à vous notifier des avertissements.

Le dernier en date, constatant qu'il représentait le 3ème depuis le début de l'année 2010, vous précisait qu'il s'agissait d'un ultime avertissement avant la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement.

Nous pensions que cette mention, représentant un signal fort à votre attention, vous conduirait à reconsidérer votre comportement dans le sens d'une amélioration substantielle.

Cette Ambassade avait néanmoins accepté, à titre exceptionnel, de vous autoriser à prendre 2 mois consécutifs de congés (ce qui n'est jamais la règle) et vous avait accordé, par anticipation, 2 jours de congés non acquis.

Vous deviez quitter vos fonctions le 12 janvier 2011 à 18 h, après votre service habituel, pour les reprendre le 14 mars 2011 au matin.

Or, ce 12 janvier 2011, il apparaît, ce que vous n'avez d'ailleurs pas contesté, que vous avez quitté votre travail sans motif légitime ni autorisation de vos supérieurs hiérarchiques.

Au cours de l'entretien préalable, vous ne vous êtes pas expliqué sur les raisons qui auraient justifié votre départ anticipé.

Vous vous êtes contenté d'indiquer que vous aviez adressé à la responsable de l'administration, ce même jour, à 12h30, un courriel interne aux termes duquel vous sollicitiez l'autorisation de quitter votre travail à 16h.

Sans attendre la réponse de votre supérieur hiérarchique et sans prendre la peine de lui téléphoner, vous vous êtes accordé le privilège de quitter votre service sans aucune autorisation :celle-ci ne pouvant bien évidemment être réputée acquise par le fait d'une absence de réponse car, comme vous le savez pertinemment, toute absence (hors les cas d'urgence extrême, ce qui n'était pas le cas pour vous) doit faire l'objet d'une autorisation écrite.

Nous relevons qu'à l'occasion de votre départ, vous n'avez pas non plus pris la peine de vous signaler à qui que ce fût, alors même que vous aviez en charge le service de la reprographie de l'Ambassade et que votre départ impromptu a conduit, ce jour là, à l'arrêt anticipé de ce service auquel la Chancellerie a recours d'une manière constante tout au long de la journée.

Madame [K], conseiller qui vous assistait au cours de l'entretien préalable, a elle-même reconnu qu'il s'agissait d'une faute de votre part justifiant, selon elle, une sanction d'avertissement.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons que la multiplicité des avertissements dont vous avez fait l'objet traduit votre volonté de vous soustraire délibérément aux règles de fonctionnement de cette Ambassade.

Nous sommes en effet au regret de constater que vous n'avez nullement tenu compte des avertissements antérieurs et que, par ce nouvel incident du 12 janvier 2011, vous avez clairement démontré que les efforts que l'Ambassade avait fait à votre égard étaient vains et que vous n'envisagiez pas de modifier votre comportement.

In fine, nous voulons vous exprimer notre complète incompréhension face à votre comportement général.

Cette Ambassade a toujours développé une politique constructive de dialogue avec son personnel alors que, de votre côté, vous n'avez eu de cesse de vous soustraire à vos obligations.

Ce comportement devait, malheureusement, conduire à la décision que nous venons de prendre.

De ce fait, cette Ambassade n'avait d'autre recours que d'en tirer les conclusions qui s'imposaient et dont vous devez porter l'entière responsabilité.

Votre préavis commencera à courir le 1er avril 2011 pour s'achever, compte tenu de votre ancienneté, le 30 mai 2011.

Nous vous dispensons d'exécuter votre préavis...'

Par jugement rendu le 12 mars 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a estimé que la demande de Monsieur [O] au titre du harcèlement moral n'était pas recevable, faute d'être chiffrée, considéré que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse mais que la preuve d'une discrimination ou d'une exécution déloyale du contrat de travail n'était pas rapportée dans la mesure où la revendication du statut d'auxiliaire administratif n'était pas fondée.

Le conseil a alloué à Monsieur [O] les sommes suivantes :

- 46.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.465 € à titre d'indemnité pour les frais de traduction de son dossier pour les besoins de la procédure,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées par Pôle Emploi à Monsieur [O] a été ordonné.

Par déclaration enregistrée au greffe le 21 mai 2015, Monsieur [O] a relevé appel de la décision qui lui avait été notifiée le 2 mai.

La République Fédérative du Brésil a également relevé appel par déclaration du 27 mai 2015.

Monsieur [O] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- dire qu'il est victime de discrimination, d'inégalité de traitement et d'agissements constitutifs de harcèlement moral,

- dire qu'il relève de la catégorie 'auxiliaire administratif',

- condamner l'Ambassade du Brésil à lui délivrer des documents sociaux conformes et à lui payer les sommes suivantes :

* 113.710 € à titre de rappel de salaire de 2007 à 2011,

* 11.371 € au titre des congés payés afférents,

* 23.112,19 € au titre du 13ème mois de 2007 à 2011,

* 2.311,20 € au titre des congés payés afférents,

* 106.842,72 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 80.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination et exécution déloyale du contrat de travail,

* 3.645 € au titre des frais de traduction engagés,

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande d'exécution provisoire de la décision a été abandonnée à l'audience.

La République Fédérative du Brésil demande à la cour de :

- dire que le licenciement de Monsieur [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, limiter à 6 mois l'indemnité qui pourrait être due à Monsieur [O] sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail et infirmer la décision en ce qu'elle a ordonné le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées ou, subsidiairement, de limiter l'indemnité due à une somme symbolique,

- dire que les demandes de Monsieur [O] au titre d'un rappel de salaires et ses demandes accessoires sont prescrites,

- subsidiairement, confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Monsieur [O] de sa demande,

- dire que Monsieur [O] ne rapporte pas la preuve d'une prétendue discrimination salariale et d'une exécution déloyale du contrat de travail et confirmer la décision en ce qu'elle a débouté Monsieur [O] de ses prétentions à ce titre,

- confirmer la décision quant au rejet de la demande relative au treizième mois,

- infirmer le jugement entrepris quant à la somme allouée au titre des frais de traduction et dire que l'exposition de ces frais relève des obligations à la charge de toute partie dans l'administration de la preuve de sorte qu'ils doivent rester à la charge de Monsieur [O],

- d'une manière générale, débouter Monsieur [O] de toutes ses demandes et le condamner aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux procédures enrôlées suite à l'appel formé par chacune des parties.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Monsieur [O], s'estimant victime d'une discrimination salariale au regard des salaires perçus par la personne qu'il a remplacée au service de l'imprimerie en 2002, Monsieur [G], ainsi que par comparaison avec la rémunération de Madame [I], qui relevait de la catégorie des auxiliaires administratifs, sollicite d'une part, un rappel de salaires sur la période de 2007 à 2011 et la réparation des préjudices subis pour discrimination, harcèlement et exécution déloyale du contrat, outre un rappel de 13ème mois pour les années 2007 à 2011. Il soutient que ses prétentions relèvent de la prescription quinquennale.

La République Fédérative du Brésil, invoquant la prescription de 5 ans de l'action tendant à la requalification de l'emploi résultant des dispositions de l'article 2224 du code civil et la prescription triennale des salaires prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et relevant que Monsieur [O] ne s'explique pas sur la période au sujet de laquelle il sollicite un rappel de salaires, soutient que les demandes formulées sont prescrites.

Contrairement à ce que fait valoir la République Fédérative du Brésil, la période sur laquelle portent les demandes de nature salariale est explicitée.

Par ailleurs, compte tenu de la date à laquelle la présente instance a été engagée, en vertu de l'article 21 de la loi du 14 juin 2013, le délai de prescription de 5 ans alors applicable n'était pas expiré en sorte que les demandes de Monsieur [O] sont recevables.

Sur la demande relative à la classification

Monsieur [O] fonde sa demande de classification dans la catégorie 'auxiliaire administratif' sur le fait qu'il remplissait des missions ne correspondant pas à celles d'auxiliaire d'appui mais relevant des tâches d'un auxiliaire administratif et ce, au regard de la description de ces catégories résultant du guide d'administration des emplois du Ministère des relations extérieures datant de 1989.

La République Fédérative du Brésil conclut au rejet de cette demande en se fondant sur les dispositions du décret n° 1570 du 21 juillet 1995 de l'Etat du Brésil qui réglemente la situation du personnel local au service des postes (= emplois) à l'étranger.

Si l'article 113 du guide d'administration des emplois évoque pour 'le personnel subalterne' l'exécution de missions de nature non administrative en se référant à des emplois tels que garçons de bureau/coursiers, chauffeurs, femme/homme de ménage et employés domestiques, l'article 3 du décret, texte plus récent, prévoit que le personnel local se répartit en 5 fonctions dont celles d'auxiliaire d'appui, défini comme exécutant des tâches liées à la prestation de services généraux et celle d'auxiliaire administratif défini comme exécutant des activités de nature administrative.

Or, un service de l'imprimerie relève des services généraux et la définition de l'article 3 n'exclut pas de la catégorie auxiliaire d'appui des agents qui, tels Monsieur [O], effectuent des missions supposant un certain savoir-faire et des compétences de nature plus intellectuelle.

Par ailleurs, il ressort expressément du décret (article 9) que les recrutements des agents locaux dépendent d'un processus sélectif public et de l'existence d'une place vacante et que le transfert du personnel local d'un emploi à un autre ne peut se faire que si l'agent remplit les exigences spécifiques et si sa candidature est approuvée à l'issue du processus sélectif public organisé pour pourvoir la place vacante.

Or, comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, Monsieur [O], engagé en 1989 comme auxiliaire d'appoint, n'a jamais participé aux processus de recrutement d'auxiliaire administratif mis en oeuvre par l'Ambassade à plusieurs reprises au vu des pièces qu'il verse aux débats (et notamment au cours des années 2007, 2008, 2009 et 2010).

Par ailleurs, si d'autres agents d'appui sont devenus auxiliaires administratifs en 2012, d'une part, aucune pièce ne vient justifier quelles ont été les modalités d'accession de ces agents à la catégorie supérieure, d'autre part, à supposer que cette accession se soit réalisée dans le cadre d'un accord collectif conclu au sein de l'Ambassade, Monsieur [O], licencié en mars 2011, ne peut se prévaloir de cet accord postérieur à la rupture de son contrat.

Dès lors, il n'est pas fondé à revendiquer la classification d'auxiliaire administratif pas plus qu'à solliciter un rappel de salaires par comparaison avec Madame [I], recrutée dès l'origine en qualité d'auxiliaire administratif, catégorie dont il ne peut pas relever.

La décision déférée qui l'a débouté de ses demandes à ce titre sera en conséquence confirmée.

Sur la demande au titre du treizième mois

Monsieur [O] sollicite le paiement d'un rappel de 13ème mois et des congés payés afférents, exposant qu'à l'occasion de son affectation au poste de garçon de bureau/messager en 2000, l'employeur a supprimé cet avantage financier.

La République Fédérative du Brésil fait valoir qu'à compter du 1er janvier 2000, le treizième mois ainsi que la prime de vacances (représentant un tiers du 13ème mois) ont été mensualisés pour l'ensemble du personnel et qu'il n'y a donc pas eu suppression de cet avantage.

L'examen des bulletins de paie de décembre 1999 et de janvier 2000 permet de vérifier la pertinence des explications données par l'employeur : l'augmentation du salaire brut de base (passé de 9.307,75 francs à 10.617 francs) correspond à la mensualisation du 13ème mois (775,65 francs), de la prime de vacances (258,55 francs) et de l'augmentation de salaire de 275,05 francs dont a bénéficié Monsieur [O] lors de son changement de fonctions.

Monsieur [O] a donc été à juste titre débouté de cette demande par la décision déférée.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-1, L. 1232-4, L. 1232-6, L.1235-1 et R.1232-1 du Code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception qui doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

En l'espèce, la réalité des faits reprochés à Monsieur [O] dans la lettre de licenciement adressée le 29 mars 2011, à savoir le départ anticipé de deux heures de son poste de travail en vue de son départ en congé exceptionnel de deux mois accordés par son employeur, n'est pas contestée et, au regard de l'obligation de respecter les horaires de travail caractérise une faute du salarié.

Monsieur [O] reconnaît qu'il était d'usage de solliciter l'autorisation de quitter prématurément son poste de travail mais soutient qu'il a satisfait à ses obligations.

L'examen des pièces produites à ce sujet fait apparaître qu'il a adressé le jour même à 12h33 un mail à sa supérieure hiérarchique en vue d'un départ à 16 heures destiné à lui permettre de prendre son avion à 19 h.

Il n'est pas justifié de la date d'achat du billet, nécessairement antérieure.

En adressant très tardivement ce message alors même que cette autorisation pouvait être sollicitée auparavant, Monsieur [O], qui n'ignorait pas qu'il lui fallait un accord préalable puisqu'il indique lui-même dans son message : 'au cas où il me soit approuvé', a incontestablement commis une faute : la tardiveté de la demande était de nature à interdire au destinataire du message de donner, ou non, son accord ; en outre, bien que n'ayant pas obtenu de réponse, Monsieur [O] a néanmoins quitté son poste, s'affranchissant ainsi des règles applicables.

Si, comme l'ont relevé les premiers juges, cette faute ne pouvait à elle seule caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, la gravité de ces agissements doit être appréciée au regard des antécédents disciplinaires antérieurs.

Or, Monsieur [O] avait, dans les mois précédents, fait l'objet de trois avertissements.

S'il en conteste la pertinence, la cour relève les éléments suivants :

- s'agissant de l'avertissement délivré le 11 mai 2010 pour non-respect de ses horaires de travail : si Monsieur [O] an a contesté l'ampleur, il a néanmoins admis par courrier du 28 mai 2010 la réalité des faits estimant qu'il n'était débiteur 'que de 14 heures' envers son employeur ;

- s'agissant de l'avertissement délivré le 27 septembre 2010 : Monsieur [O] a contesté que la distribution interne du courrier relevait de ses compétences : cependant, s'il établit qu'il était investi de missions de travaux d'imprimerie au sein de l'Ambassade, il restait néanmoins chargé de fonctions relevant de celle de garçon de bureau/messager et assurait la distribution du courrier ;

- s'agissant de l'avertissement délivré le 5 novembre 2010 : Monsieur [O] en a également contesté la teneur mais il a néanmoins admis dans son courrier du 6 janvier 2011 que le travail confié n'avait pas été accompli dans les délais requis puisque seuls 40 exemplaires sur les 150 sollicités étaient prêts, qu'il n'avait manifestement pas vérifié lui-même que ces exemplaires étaient correctement imprimés et qu'enfin, il n'avait pas anticipé le manque de consommables nécessaires au fonctionnement de l'imprimante, situation l'ayant conduit à laisser la machine fonctionner durant la nuit, ce qui au-delà de la capacité de celle-ci à fonctionner seule, pose à l'évidence des difficultés en terme de sécurité.

Compte tenu de ces différents éléments, la cour estime que les sanctions notifiées au salarié sont justifiées.

Au regard de l'existence de plusieurs incidents fautifs précédemment sanctionnés par l'employeur, il sera considéré que les faits reprochés à Monsieur [O] dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse, la décision déférée étant réformée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par Monsieur [O]

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, Monsieur [O] invoque à la fois le fait qu'il a été victime d'une discrimination résultant du refus de l'employeur d'accéder à ses demandes de régularisation de son statut et d'alignement de son salaire sur les autres salariés relevant de la catégorie AA, d'une inégalité de traitement, d'actes de harcèlement et de la mauvaise foi ainsi que de la déloyauté de son employeur.

La discrimination reposant sur la classification du salarié n'est pas fondée dans la mesure où Monsieur [O] ne peut prétendre à relever de la catégorie AA.

S'agissant de l'inégalité de traitement, Monsieur [O] invoque trois éléments :

Il expose en premier lieu que lorsqu'il a été affecté au service de l'imprimerie, il a remplacé un autre salarié, Monsieur [G] qui percevait une rémunération brute de 2.339,89 € par mois alors que lui-même avait un salaire s'élevant à 1.806,55 € bruts par mois.

Dans la mesure où aucune précision n'est donnée sur les profils respectifs des deux salariés notamment en terme de formation, d'ancienneté, d'âge et de qualification, l'appréciation de l'identité des situations respectives de Monsieur [O] et de Monsieur [G] auquel il se compare n'est pas possible, la cour relevant néanmoins que ce dernier avait été embauché en 1964 soit 25 ans avant l'appelant. L'inégalité de traitement alléguée ne peut donc être retenue à ce titre.

En second lieu, Monsieur [O] fait valoir qu'en juillet 2007, l'employeur aurait accordé aux autres agents locaux de l'ambassade une augmentation de salaire fondée sur les mérites individuels dont il n'a pas bénéficié malgré l'absence de toute réclamation à l'encontre des prestations qu'il réalisait.

Dans son courrier du 18 septembre 2007 sollicitant des explications à ce sujet, il attribuait cette différence de traitement au fait qu'il avait refusé de signer son contrat selon l'explication verbale qui lui en aurait été donnée par le directeur des ressources humaines.

L'employeur a répondu à ce courrier, contestant la version donnée et précisant que des augmentations ponctuelles avaient été accordées en fonction des mérites et performances individuelles.

Il sera observé d'une part, que l'affirmation d'une augmentation générale de tous les agents à l'exception de Monsieur [O] repose sur ses seules déclarations.

D'autre part, la cour, ne disposant d'aucune pièce ou précision sur la situation des agents qui auraient bénéficié d'une augmentation, ne peut apprécier si la comparaison invoquée par Monsieur [O] est pertinente, d'autant que l'examen de ses bulletins de paie fait apparaître qu'il avait bénéficié d'une augmentation de son salaire en février 2007 et que tout au long de la relation contractuelle, il a régulièrement vu son salaire de base progresser, sa rémunération initiale s'élevant à 6.273,67 francs pour s'élever à 2.215,44 € en dernier lieu.

Enfin, la comparaison avec le salaire perçu par le salarié qui l'aurait remplacé après son départ, Monsieur [G] [Z], n'est pas pertinente dès lors que celui-ci a été recruté dans la catégorie AA dont ne relevait pas Monsieur [O].

Il ne peut donc être retenu que Monsieur [O] a été victime d'une inégalité de traitement en termes de salaire.

Par ailleurs, Monsieur [O] soutient qu'il a été victime de harcèlement de la part de son employeur.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S'agissant de la preuve de tels agissements, il appartient au salarié d'étayer ses allégations par des éléments de fait précis à charge pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

En l'espèce, au soutien de ses allégations, Monsieur [O] invoque les faits suivants, auxquels l'employeur a fourni en réponse divers éléments :

- la discrimination catégorielle et l'inégalité de traitement quant à sa rémunération : ces faits non établis ne peuvent être retenus,

- les pressions exercées à son encontre pour le contraindre à signer un contrat de travail ne correspondant pas à sa situation : la réalité de ses pressions n'est pas établie et Monsieur [O] n'a finalement jamais signé les contrats qui lui ont été proposés,

- la suppression de son 13ème mois et de la prime de vacances : la cour a déjà répondu précédemment sur ces points, estimant que les demandes de Monsieur [O] à ce titre ne sont pas fondées,

- les avertissements dont il a fait l'objet : la cour a estimé qu'ils étaient justifiés,

- des propos et manoeuvres de dénigrement de la part de Monsieur [J], de Madame [I] et enfin de Madame [S] : ces accusations reposent sur les seules allégations de Monsieur [O] et les messages versés aux débats n'établissent pas l'existence de propos désobligeants ou insultants tenus à son égard étant au surplus ajouté que Monsieur [O] a été amené à reconnaître dans un courrier du 1er septembre 2010 le caractère excessif d'un mail adressé par lui-même en juin 2010,

- un changement de bureau à son retour de congé en mars 2011 : la photographie versée aux débats ne permet pas de déduire que ce changement était une mesure de rétorsion, d'autant que plusieurs personnes de l'Ambassade, dont Monsieur [N], ministre conseiller, qui a longuement répondu aux récriminations de Monsieur [O], avaient été déplacées par suite d'une restructuration interne et les doléances de Monsieur [O] à ce sujet ne reposent que sur ses seules affirmations,

- une mauvaise foi caractérisée de l'employeur qui l'a convoqué durant ses congés à l'entretien préalable au licenciement : contrairement à ce que semble soutenir Monsieur [O], l'employeur était effectivement tenu de déclencher la procédure de licenciement dans des délais encadrés par les textes et courant à compter de la connaissance des faits reprochés au salarié,

- plus généralement, le refus de l'employeur de tenir compte de ses revendications : ce refus ne peut être abusif que si les revendications sont légitimes ; or, aucune des prétentions de Monsieur [O] n'est estimée fondée par la cour et il convient de souligner que l'employeur a, au cours de la relation contractuelle, répondu à la plupart des nombreuses réclamations du salarié et justifié les situations vécues comme anormales par Monsieur [O],

- la dégradation de son état de santé : si Monsieur [O] produit des documents médicaux attestant de difficultés psychologiques apparues au cours de l'année 2010, le lien avec ses conditions de travail relaté dans ces documents n'est que le reflet des déclarations faites par le salarié aux médecins qui ont repris ses propos.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être considéré que Monsieur [O] a été victime d'actes de harcèlement moral.

Monsieur [O] invoque enfin la violation de l'obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat.

Cette violation reposant sur les mêmes éléments que ceux allégués au titre des demandes précédentes, qui ne sont pas établis, ne peut qu'être rejetée.

En conséquence, la décision déférée qui a débouté Monsieur [O] de ses demandes indemnitaires sera confirmée.

Sur les autres demandes

Monsieur [O] qui succombe en appel de l'intégralité de ses prétentions sera condamné aux dépens, débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et conservera à sa charge les frais de traduction engagés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ordonne la jonction de la procédures enrôlée sous le n° RG 15/5374 à celle portant le n° RG 15/5214,

Déclare recevable l'action de Monsieur [O],

Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a considéré que le licenciement de Monsieur [O] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la République Fédérative du Brésil au paiement de dommages et intérêts à ce titre, des frais irrépétibles et des frais de traduction,

Réformant la décision de ces chefs,

Dit que le licenciement de Monsieur [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Monsieur [O] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/05214
Date de la décision : 16/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/05214 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-16;15.05214 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award