La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/11/2016 | FRANCE | N°15/01201

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 16 novembre 2016, 15/01201


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 16 Novembre 2016



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01201 - S 15/01235



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/11673









APPELANTE

Madame [L] [P] épouse [M]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [

Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

représentée par Me Marc BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, E1694







INTIMEE

SAS SNCF PARTICIPATIONS

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 572 150 977

rep...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 16 Novembre 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01201 - S 15/01235

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F13/11673

APPELANTE

Madame [L] [P] épouse [M]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

représentée par Me Marc BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, E1694

INTIMEE

SAS SNCF PARTICIPATIONS

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 572 150 977

représentée par Me Marie-Hélène BENSADOUN, avocat au barreau de PARIS, P0438 substitué par Me Laetitia LELOUP, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 août 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente de chambre

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et par Madame Marion AUGER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [L] [M] [P] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée le 1er avril 1993 par la société CNC TRANSPORTS, filiale de la SAS SNCF PARTICIPATIONS, en qualité de responsable juridique et assurance.

À compter du 1er janvier 2002, Mme [M]-[P] a été transférée auprès de la SA SeaFrance, filiale du GROUPE SNCF, en qualité de directrice juridique.

En 2009, la société SeaFrance a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi. Par jugement rendu le 28 avril 2010, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SA SeaFrance, convertie en procédure de redressement judiciaire le 30 juin 2010.

Par lettre du 21 décembre 2010, la SAS SNCF PARTICIPATIONS a adressé à Mme [M]-[P] une promesse d'embauche en qualité de cadre supérieur pour être détachée à la SNCF ou dans une de ses filiales, valable pendant 18 mois à partir de la date de cession de la société SeaFrance ou le cas échéant de sa date de liquidation.

Par jugement rendu le 16 novembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société SeaFrance avec une poursuite d'activité jusqu'au 28 janvier 2012, à laquelle il a été mis fin par jugement du 9 janvier 2012.

En janvier 2012, Mme [P] a intégré la cellule liquidative mise en place au sein de la société SeaFrance. Par lettre du 30 avril 2012, elle a informé Me [R] [Z], mandataire liquidateur de la société SeaFrance, de son souhait de quitter cette cellule liquidative en lui demandant de procéder à son licenciement. Par lettre remise en main propre le 23 mai 2012 la société SeaFrance a confirmé à Mme [M]-[P] la fin de sa mission au sein de la cellule liquidative à compter du 6 juin 2012.

Par lettre remise en main propre le 28 mai 2012, Me [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société SeaFrance, a proposé à Mme [M]-[P] une offre de reclassement en qualité de chef du département responsabilité et mission infraction au sein de la direction juridique de la société SNCF. La salariée a refusé cette offre.

Par lettre remise en main propre le 31 mai 2012, la société SeaFrance a notifié à Mme [M]-[P] son licenciement pour motif économique et lui a proposé un contrat de sécurisation professionnelle qui a été accepté par la salariée.

Par lettre du 15 mars 2013, Mme [M]-[P] a informé la SAS SNCF PARTICIPATIONS de son souhait «'d'activer la promesse d'embauche'» dont elle bénéficiait.

Après un échange de courriels et un entretien du 24 mai 2013 avec M. [H] [E], directeur stratégie groupe de la la SAS SNCF PARTICIPATIONS, par lettre du 31 mai 2013, ce dernier a confirmé à Mme [M]-[P] son «'étonnement quant au souhait [de celle-ci] d'activer une promesse d'embauche'», lui indiquant qu''«'en effet la proposition d'offre de reclassement que vous avez refusée, au sein du groupe SNCF, dans des conditions d'emploi comparables à celles de la promesse d'embauche [...] vaut exécution de ladite promesse'» et lui rappelant «'que'deux emplois vous ont été proposés, l'un à la présidence, l'autre à la direction juridique et que vous n'avez pas entendu y donner suite'».

Invoquant un non-respect de la promesse d'embauche par la société SNCF PARTICIPATIONS, le 25 juillet 2013, Mme [M]-[P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice distinct. Elle a été déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens par jugement rendu le 4 décembre 2014.

Mme [M]-[P] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclarations des 2 et 3 février 2015, lesquelles ont donné lieu à deux instances enrôlées sous les numéros 15/01201 et 15/01235.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 31 août 2016, Mme [M]-[P] demande à la cour':

- d'infirmer le jugement déféré

- de dire que la SAS SNCF PARTICIPATIONS s'est soustraite à son obligation d'exécution de la promesse d'embauche faite le 21 décembre 2010 depuis le 15 mars 2013 et que cette inexécution fautive s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- de dire que la SAS SNCF PARTICIPATIONS a violé de façon grave et réitérée ses obligations de bonne foi et de loyauté au mépris de l'article L. 1222-1 du code du travail et que ces violations lui ont causé un préjudice direct et certain

- de condamner la SAS SNCF PARTICIPATIONS à lui payer les sommes suivantes :

' 22 836 € au titre de l'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis,

' 2 283 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

' 60 896 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 137 016 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 1 € symbolique au titre de l'indemnité pour préjudice distinct résultant de la violation par la société intimée de son obligation de bonne foi,

' 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes

- de condamner la SAS SNCF PARTICIPATIONS aux entiers dépens.

La SAS SNCF PARTICIPATIONS a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et a demandé à la cour de :

- à titre principal, dire qu'elle a valablement exécuté la promesse d'embauche au profit de Mme [M]-[P] et, en conséquence, confirmer le jugement déféré

- à titre subsidiaire, limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal et débouter Mme [M]-[P] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi

- en tout état de cause, condamner Mme [M]-[P] au paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient de joindre les instances enrôlées sous les numéros 15/01201 et 15/01235.

Sur l'exécution de la promesse d'embauche

Mme [M]-[P] soutient que par lettre du 21 décembre 2010, la société SNCF PARTICIPATIONS lui a proposé de façon nominative, ferme et inconditionnelle un poste de cadre supérieur groupe 7 de la convention collective nationale des transports routiers, à savoir une fonction de direction ainsi que cela résulte de la définition conventionnelle, avec reprise de son ancienneté au 1er avril 1993 moyennant une rémunération annuelle fixe de 79 340 € à laquelle s'ajoutait une part variable correspondant à 15'% de son salaire en cas de réalisation des objectifs, avec une date d'embauche effective intervenant dans le délai de 18 mois à compter de la cession ou de la liquidation de la société SeaFrance, qu'il s'agit donc d'une promesse d'embauche valant contrat de travail à durée indéterminée.

Mme [M]-[P] affirme qu'elle a fait part de son intention d'accepter cette promesse d'embauche le 15 mars 2013, soit dans le délai qui lui était imparti pour ce faire, que dès lors la société intimée avait l'obligation de tout mettre en oeuvre afin de l'affecter au poste proposé dans les conditions visées supra, qu'en considérant qu'elle aurait du faire valoir ladite promesse au moment de la notification de son licenciement, les premiers juges ont dénaturé la promesse d'embauche et ont opéré une confusion entre la nature et la portée de la promesse et les offres de reclassement qui lui ont été faites, lesquelles ne peuvent valoir exécution de la promesse d'embauche en raison de leur différence de régime juridique, étant en effet souligné que l'offre de reclassement n'émanait nullement de la société SNCF PARTICIPATIONS mais du mandataire liquidateur de la société SeaFrance et que la société SNCF PARTICIPATIONS n'a jamais opposé la caducité de la promesse d'embauche du 21 décembre 2010.

En toute hypothèse Mme [M]-[P] relève l'inadéquation entre les postes proposés et le contenu de la promesse d'embauche.

Elle fait valoir à cet égard, sur le premier poste proposé, de manière informelle, de responsable juridique nouvelles technologies/informatique, qu'elle n'avait aucune compétence particulière en ce domaine et que ce poste devait être accepté dans l'urgence ce qu'elle n'était pas en mesure de faire ayant besoin d'une phase de repos après la période éprouvante au sein de la cellule liquidative, que le poste de responsable juridique n'était pas un poste de cadre dirigeant, ne correspondait pas à son parcours et ne lui a pas été proposé en exécution de la promesse d'embauche, et sur le poste de secrétaire du conseil d'administration, que ce poste n'était pas conforme aux engagements de la société intimée dans le cadre des discussions préalables en l'absence de clause de sortie initialement envisagée, l'ayant conduit à refuser cette proposition.

La société SNCF PARTICIPATIONS ne conteste pas que la lettre du 21 décembre 2010 constitue une promesse d'embauche et affirme qu'elle a valablement exécuté cette promesse d'embauche en proposant plusieurs postes à Mme [M]-[P].

En effet, dès le mois de mars 2012 un poste de chef du département technologies de l'information et de la communication (JTIC) lui a été proposé, qu'après le refus de l'intéressée, le poste de chef du département responsabilité et mission infraction au sein de la direction juridique de la SNCF lui a été proposé en avril 2012, mais a également été finalement refusé par Mme [M]-[P] le 10 mai 2012 après discussions, que ce même poste lui a été proposé par lettre remise le 28 mai 2012 dans le cadre de la procédure de reclassement interne par le mandataire liquidateur de la société SeaFrance, que Mme [M]-[P] l'a à nouveau refusé, enfin que le poste de secrétaire du conseil d'administration de la SNCF a été proposé en mai 2012 à Mme [M]-[P] qui l'a également refusé.

La société SNCF PARTICIPATIONS fait valoir que ces propositions de poste constituaient non des offres de reclassement mais une exécution de la promesse d'embauche dans la mesure où d'une part elles émanaient de la direction juridique du groupe SNCF et non du liquidateur, d'autre part que ces trois postes étaient en parfaite adéquation avec les termes de la promesse d'embauche.

Elle affirme qu'en réalité le refus de Mme [M]-[P] s'explique par sa volonté de percevoir les indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail avec la société SeaFrance, ce qu'elle a tenté de garantir en exigeant une clause de sortie, non prévue dans la promesse d'embauche, qu'or la SNCF, qui n'était nullement tenue par un tel engagement et n'avait aucune raison de cumuler un maintien dans l'emploi avec des indemnités de rupture, n'a finalement pas donné suite à cette demande de clause de sortie ce qui explique le refus manifesté par Mme [M]-[P].

*

Il est constant que la promesse d'embauche vaut contrat de travail et que la rupture par l'employeur de son engagement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La lettre adressée par la société SNCF PARTICIPATIONS à Mme [M]-[P] le 21 décembre 2010, qualifiée par les deux parties de promesse d'embauche, est libellée comme suit':

«'Je vous confirme notre proposition d'embauche à SNCF Participations, en qualité de cadre supérieur, groupe 7 de la convention collective nationale des transports routiers, pour être détachée à la SNCF ou dans une de ses filiales.

Compte tenu de votre temps d'activité passé dans le groupe, votre ancienneté sera décomptée à partir du 1er avril 1993.

Votre rémunération brute annuelle fixée à 79 430 € sera décomposée de la façon suivante':

Douze mensualités de 6 110 €

Une prime de fin d'année correspondant à 1 mensualité, versée en novembre et acquise du 1er janvier au 31 décembre.

De plus, il pourra s'y ajouter une part variable, versée en avril de l'année N+1, d'un montant maximum de 15% de votre salaire annuel fixe, liée à la réalisation d'objectifs fixés avec vous par votre hiérarchie.

A la date de votre embauche vous serez affiliée à un régime obligatoire de mutuelle et de prévoyance.

Cette offre sera valable pendant 18 mois à partir de la date de cession (closing) de SeaFrance, ou, le cas échéant, à partir de sa date de liquidation. Au-delà elle deviendra caduque.

[...]'».

M. [D] [G], président du conseil de surveillance de SeaFrance d'octobre 2008 jusqu'à la liquidation de celle-ci, atteste des conditions dans lesquelles cette promesse d'embauche est intervenue, indiquant ainsi qu'en «'2010,'alors que la société SeaFrance était dans une situation critique ... Mme [M]-[P] ... a été «'approchée en vue de rejoindre la compagnie d'assurance Allianz'». Considérant qu'il était indispensable ... que Mme [M]-[P] demeure en poste chez SeaFrance, je lui ai de renoncer à cette proposition en contrepartie de la promesse d'embauche que SNCF PARTICIPATIONS lui a consentie le 21 décembre 2010'».

Ainsi que le relève à juste titre Mme [M]-[P], l'offre de reclassement qui lui a été faite le 22 mai 2012 par Me [Z], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SeaFrance, s'inscrit dans le cadre de l'exécution par le mandataire liquidateur, ès qualités, de l'obligation de reclassement incombant à l'employeur qui procède à un licenciement pour motif économique, et non dans celui de l'exécution par la société SNCF PARTICIPATIONS, entité juridique distincte de la société SeaFrance en liquidation, de la promesse d'embauche du 21 décembre 2010.

La société SNCF PARTICIPATIONS invoque par ailleurs une première proposition d'emploi faite en mars 2012 à Mme [M]-[P], dans le cadre de l'exécution de la promesse d'embauche, sur un poste de chef du département technologies de l'information et de la communication, refusé par Mme [M]-[P] par courriel du 31 mai 2012.

Outre qu'aucune précision n'est donnée sur ce poste par la société intimée qui ne produit pas de pièce émanant de ses services relatif à cette offre, la cour relève que cette proposition d'emploi n'est au demeurant pas rappelée par M. [E], directeur stratégie groupe de la société SNCF PARTICIPATIONS, dans sa lettre adressée à Mme [M]-[P] le 31 mai 2013, qui ne fait état au titre de l'exécution de la promesse d'embauche qu'il invoque, outre de la proposition d'offre de reclassement, que de deux emplois proposés à Mme [M]-[P], l'un à «'la direction juridique'»' et l'autre à «'la présidence'».

S'agissant du premier poste, soit celui de responsable du département juridique responsabilité, il ressort d'un courriel adressé à Mme [M]-[P] le 3 mai 2012 par Mme [Q] [T], de la direction juridique groupe de la SNCF, que le poste proposé s'inscrivait 'spécifiquement dans le cadre des démarches de reclassement des salariés de SeaFrance mises en oeuvre pour éviter leur licenciement, Mme [T] précisant à cet égard que si Mme [M]-[P] était licenciée sans avoir été reclassée faute d'accord préalable sur la proposition qui lui était faite, il ne pouvait lui être garanti par la suite son recrutement sur le poste proposé, ainsi que les conditions d'embauche et que celle-ci se ferait le cas échéant par voie d'un nouveau contrat de travail, sans reprise de l'ancienneté. Il ne peut donc être soutenu que cette offre d'emploi s'est faite en exécution de la promesse d'embauche.

Concernant le second poste, soit celui de secrétaire du conseil d'administration de la SNCF il ressort des échanges de courriels que des discussions se sont instaurées entre les parties sur les conditions d'engagement de Mme [M]-[P] sur ce poste, lesquelles ont échoué par suite du refus de la société SNCF PARTICIPATIONS d'accéder à la demande de Mme [M]-[P] de prévoir une clause de sortie ainsi qu'en atteste M. [D] [G] dans son témoignage, déjà cité, en ces termes':

«'... j'ai suivi de près les discussions sur la proposition de poste de secrétaire du conseil d'administration de la SNCF faite à Mme [M]-[P] en mai 2012. Ce poste, qui intéressait beaucoup Mme [M]-[P], était très exposé et «'politique'». J'ai proposé à Mme [M]-[P] d'assortir cette offre d'une clause de sortie dont le montant était dégressif en fonction du temps passé. En contrepartie de cette clause, Mme [M]-[P] ne percevait pas son indemnité de licenciement. Le principe de cette clause a été confirmé et validé par M. [S] [D] ainsi que lors d'un entretien avec le directeur de cabinet de M. [M] [I], M. [C] [C] ... Il y eut cependant un revirement de la SNCF': Mme [T] [U], amenée à succéder à M. [S] [D] début juin 2012, a refusé la clause de sortie par la voix de la DRH, Mme [B]. Lorsque j'ai appris le refus de Mme [T] [U], j'ai proposé à Mme [M]-[P] de faire intervenir M. [S] [D]. Mme [M]-[P] a décliné ma proposition au motif qu'elle ne pourrait pas travailler avec Mme [T] [U], à laquelle elle aurait été rattachée, en entamant cette collaboration sur un tel désaccord ...'».

Me [Z], témoigne également de ce qu'à l'occasion des discussions qu'il a eues avec Mme [M]-[P] afin qu'elle accepte d'intégrer la cellule liquidative, celle-ci lui avait indiqué «'qu'elle pourrait accepter une offre de reclassement inférieure à ses prétentions et éventuellement renoncer à son indemnité conventionnelle de licenciement, qui s'élevait à 109 116 €, en contrepartie d'un engagement de lui verser une somme dégressive au fil du temps si son nouveau poste ne lui convenait pas et qu'elle devait le quitter'».

Au vu de l'ensemble de ces éléments et compte tenu du contexte particulier dans lequel la promesse d'embauche a été consentie à Mme [M]-[P], il ne peut être considéré que la société SNCF PARTICIPATIONS a satisfait à son obligation d'exécuter la promesse d'embauche par les seuls postes proposés à Mme [M]-[P].

Au surplus la liquidation de la société SeaFrance ayant été prononcée par jugement du 16 novembre 2011, la promesse d'embauche dont bénéficiait Mme [M]-[P] était valable jusqu'au 16 mai 2013.

C'est dès lors à juste titre que celle-ci a sollicité à nouveau, par lettre du 15 mars 2013, la société SNCF PARTICIPATIONS afin qu'elle exécute sa promesse d'embauche, de sorte que le refus opposé le 31 mai 2013par la société intimée de donner suite à cette demande de la salariée, est constitutif d'un non-respect de ses engagements qui s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à cette date, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes dont la décision sera infirmée.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture

Considérant la rémunération de la salariée telle que prévue dans la promesse d'embauche, soit un salaire mensuel brut moyen de 7 612,04 € rémunération variable incluse, l'ancienneté de l'intéressée reprise à compter du 1er avril 1993, l'effectif de plus de 10 salariés de l'entreprise, les circonstances de la rupture et ses conséquences pour Mme [M]-[P] étant relevé à cet égard qu'elle déclare avoir retrouvé un emploi aux conditions salariales équivalentes en décembre 2013 et ne produit pas de pièce relative aux revenus qu'elle a pu percevoir antérieurement, il est justifié de lui allouer la somme de 90 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du même code, la société SNCF PARTICIPATIONS sera condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée dans la limite de six mois.

Mme [M]-[P] est également bien fondée en ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, s'élevant à 22 836 €, outre 2 283 € pour les congés payés afférents, et d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 60 896 €, non contestées en leur quantum.

Les créances salariales produisent intérêts à compter de la réception par la société SNCF PARTICIPATIONS de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Mme [M]-[P] qui ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à titre de préjudice moral.

La société SNCF PARTICIPATIONS supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à Mme [M]-[P] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

JOINT les instances enrôlées sous les numéros 15/01201 et 15/01235;

CONDAMNE la SAS SNCF PARTICIPATIONS à payer à Mme [L] [M]-[P] les sommes suivantes':

' 22 836 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 283 € pour les congés payés afférents

' 60 896 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation

' 90 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

ORDONNE à la SAS SNCF PARTICIPATIONS de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [L] [M]-[P] dans la limite de six mois;

CONDAMNE la SAS SNCF PARTICIPATIONS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/01201
Date de la décision : 16/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°15/01201 : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-16;15.01201 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award