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16/11/2016 | FRANCE | N°14/08533

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 16 novembre 2016, 14/08533


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/08533



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 14000150





APPELANTS



Madame [Z] [T] épouse [D]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1970 à

REIMS (51100)



Représentée par Maître Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Maître Olga ZAKHAROVA-REN...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/08533

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 14000150

APPELANTS

Madame [Z] [T] épouse [D]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1970 à REIMS (51100)

Représentée par Maître Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Maître Olga ZAKHAROVA-RENAUD de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

SCP [J] [R] PRISE EN LA PERSONNE DE MAITRE [F] [R], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la SARL PRESTIGE BEAUTE, [Adresse 2]

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 2]

Immatriculé au RCS de Reims sous le numéro n° : B 535 221 148

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Maître Olga ZAKHAROVA-RENAUD de la SCP BOURGEON MERESSE GUILLIN BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0166

INTIMÉE

SAS GUINOT

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 5]

Immatriculé au RCS de Paris sous le numéro n° : 632 041 877

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Maître Tamara CAMILLO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0438 substituant Maître Gilles MENGUY, avocat au barreau de PARIS, toque : C0438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente, chargée du rapport, et Madame MOUTHON-VIDILLES, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère

Monsieur François THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS'ET PROCÉDURE

Le groupe Guinot Mary Cohr anime un réseau d'instituts de beauté sous franchise.

Madame [Z] [D], exerçant un emploi salarié à temps partiel en tant que clerc de notaire et n'étant titulaire d'aucun diplôme d'esthéticienne, a souhaité investir dans le développement d'une enseigne franchisée dans le domaine des soins esthétiques. Pour ce faire, elle s'est rapprochée du groupe Guinot qui lui a fourni un certain nombre de documents et d'informations précontractuels, puis a créé la société Prestige Beauté, immatriculée le 7 octobre 2011 au Registre du commerce et des sociétés de Reims.

Le 17 octobre 2011, la société Prestige Beauté, gérée par Madame [D], a souscrit un contrat d'affiliation au réseau Guinot pour l'exploitation sous l'enseigne éponyme d'un magasin en centre-ville de Reims.

La société Prestige Beauté a été placée en liquidation judiciaire le 2 avril 2013.

C'est dans ce contexte que le 19 février 2013, Madame [D] et la société Prestige Beauté ont assigné la société Guinot, afin d'obtenir la nullité du contrat pour dol, ainsi que la condamnation de la société Guinot au paiement de diverses sommes d'argent.

Par jugement du 26 mars 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

-débouté Mme [Z] [D] et la SCP [J] [R], prise en la personne de Me [F] [R], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Prestige Beauté, de leur demande de nullité du contrat du 17 octobre 2011,

-débouté Mme [Z] [D] et la SCP [J] [R], prise en la personne de Me [F] [R], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Prestige Beauté, de toutes leurs demandes financières,

- débouté la société Guinot de sa demande d'exploiter pleinement le fonds de commerce sous enseigne Guinot sis [Adresse 6] et ce, sous astreinte,

-débouté la société Guinot de sa demande d'inscription au passif de la société Prestige Beauté,

-condamné Mme [Z] [D] et la SCP [J] [R], prise en la personne de Me [F] [R], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Prestige Beauté, à payer à la société Guinot la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédurecivile, déboutant pour le surplus,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

-condamné Mme [Z] [D] et la SCP [J] [R], prise en la personne de Me [F] [R], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société Prestige Beauté, aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros dont 17,42 euros de TVA.

La cour,

Vu l'appel formé par Mme [Z] [D] et la SCP [J] [R], ès qualités, prise en la personne de Maître [F] [R] ;

Vu les dernières conclusions du 13 juin 2016 de la SCP [J] [R], ès qualités, et de Madame [Z] [D], par lesquelles il est demandé à la cour de :

-infirmer le jugement, en ce qu'il a débouté la société Prestige Beauté et son mandataire liquidateur, ainsi que Madame [D] de leurs demandes,

et, statuant à nouveau,

-dire que tant l'erreur substantielle que le dol commis par la société Guinot implique la nullité du contrat,

-condamner en conséquence la société Guinot à payer à la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes suivantes : 413.515 euros au titre des pertes subies cumulées par la société Prestige Beauté ; subsidiairement, 20.607,18 euros au titre des sommes perçues par la société Guinot et 196.571 euros au titre de l'investissement réalisé en pure perte par le franchisé, et encore plus subsidiairement, 194.535,35 euros au titre du passif déclaré et admis à la procédure de liquidation judiciaire de Prestige Beauté, et, enfin, 50.000 euros au titre de la sanction du dol commis par la société Guinot,

-constater que l'état de santé de Madame [D] s'est dégradé à l'occasion de l'exploitation déficitaire du contrat de franchise et de l'attitude fautive de la société Guinot et que Mme [D] a subi une perte de chance importante de pouvoir se relancer dans la vie des affaires,

-condamner en conséquence la société Guinot à verser à Madame [D] la somme de 100.000 euros à titre de réparation de son préjudice moral,

-débouter la société Guinot de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-subsidiairement, procéder à la compensation avec la somme due par la société Guinot à la société Prestige Beauté, soit la somme de 3.358 euros, somme que la société Guinot sera en tout état de cause condamnée à verser à la société Prestige Beauté.

-condamner la société Guinot à payer à la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, ainsi qu'à Madame [D], chacun, la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance ;

Vu les dernières conclusions du 10 septembre 2014 de la société Guinot, intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté Madame [Z] [D] de ses demandes, et la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté, de ses demandes,

-débouter Madame [Z] [D] et la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté, de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes d'inscription au passif de la société Prestige Beauté et, en conséquence ordonner l'inscription au passif de la société Prestige Beauté des sommes de 7.219,79 euros et de 126.818 euros,

-condamner la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Prestige Beauté et Mme [Z] [D] à payer à la société Guinot la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Sur la demande en nullité du contrat d'affiliation

L'article L.330-3 du code commerce dispose que «toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause».

Selon les dispositions de l'article L.330-3 du code de commerce, le document d'information pré contractuelle (ci-après DIP), «dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités». Selon l'article R.330-1 du code commerce, le DIP doit contenir :

-«1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités (') ;

2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque (') ;

3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. (...) ;

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ; 5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ; b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ; Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ; c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ; d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités. Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation'.

La méconnaissance, par un franchiseur, de son obligation pré-contractuelle d'information n'entraîne la nullité du contrat de franchise ou d'affiliation que s'il est démontré que celle-ci est constitutive d'un dol, d'une réticence dolosive ou d'une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé.

Sur la prétendue erreur portant sur la rentabilité du projet

En premier lieu, les appelants font grief à la société Guinot d'avoir méconnu son obligation pré-contractuelle d'information, en leur ayant fourni des informations erronées ou incomplètes dans le DIP. Ils soutiennent que le consentement de la société Prestige Beauté a été vicié, s'agissant de la rentabilité du projet, dans la mesure où la société Guinot a caché l'absence de rentabilité des établissements pilotes, n'a pas révélé que le réseau d'affiliés était déficitaire et a remis des documents servant de base au compte de résultat prévisionnel trompeurs, ainsi qu'un état erroné du marché local. Or, la rentabilité constitue une qualité substantielle du contrat de franchise et d'affiliation et ces renseignements erronés les auraient conduits à contracter.

Sur la présentation des sites pilotes

Les appelants exposent que le document d'information précontractuelle fourni par la société Guinot présente une évolution favorable du chiffre d'affaire des 4 établissements pilotes, alors que la société Maxmat était clairement déficitaire de 2006 à 2010, et les trois autres sociétés sans réelle rentabilité. De plus, la société Guinot aurait induit Madame [D] et la société Prestige Beauté en erreur en prétendant que le mode de fonctionnement des établissements-pilotes était identique à celui des instituts affiliés.

Or, même si les chiffres d'affaires des sites pilotes ne figurent pas au nombre des mentions obligatoires du DIP, il convient de vérifier que les informations relatives à ceux-ci qui sont fournies sont exactes.

La société Guinot présente, dans le DIP, l'évolution des chiffres d'affaires de ses établissements pilotes sur 5 ans, de 2000 à 2005, période pendant laquelle ceux-ci atteignent des valeurs supérieures à 300.000 euros (Pièce n°4 page 21), ce qui s'avère exact.

Il résulte cependant des comptes des sites-pilotes depuis 2008 et jusqu'à 2012, versés aux débats par les appelants, que la société Maxmat a toujours été déficitaire de 2006 à 2012, mise à part l'année 2011, et que les sociétés Bellatrix, Marine et l'établissement [Localité 1] affichaient un résultat très faible pendant ces mêmes années, le maximum s'élevant à 22 700 euros annuels, la troisième année d'exploitation, concernant la seule société Marine, qui cumulait pourtant l'exploitation de trois centres de beauté. Ces informations tempèrent singulièrement les données relatives aux seuls chiffres d'affaires, en donnant une image beaucoup moins favorable de l'expérimentation du concept sous forme d'affiliation. Au surplus, les appelants exposent à juste titre que ces pilotes étaient issus de la franchise 'Le Salon de Beauté' réservée aux esthéticiennes diplômées et n'étaient pas proposés, contrairement aux contrats d'affiliation, aux investisseurs non spécialisés.

Sur la rentabilité des affiliés

La société Guinot aurait également caché, selon les appelants, à Madame [D] et à la société Prestige Beauté, que le réseau d'affiliés était déficitaire depuis sa création en 2010, et que de nombreux affiliés avait été placés en liquidation judiciaire, ces informations montrant l'absence de rentabilité réelle du réseau. La société Guinot n'a pas fait figurer au DIP la liste des affiliés, la liste de ceux d'entre eux ayant quitté le réseau l'année précédant la remise du DIP et le motif de ces départs, la liste des instituts 'dépositaires', et, enfin, les comptes annuels des deux derniers exercices de l'affilieur, qui auraient mis en évidence la baisse de chiffre d'affaires de la société Guinot, alors que ces informations étaient déterminantes pour le consentement éclairé de Mme [D] et imposées par le code de commerce.

Or, le DIP ne contient pas de présentation du réseau des affiliés, conforme à l'article précité, se contentant de renvoyer au site Internet de la société Guinot, ce qui ne satisfait pas aux prescriptions légales. En effet, les affiliés n'ont pas reçu communication de la date de signature de l'ensemble des contrats d'affiliation des membres du réseau, les empêchant ainsi d'appréhender avec exactitude la pérennité de celui-ci.

Par ailleurs, la liquidation de la société Twin's Institut à Grasse, dans l'année précédant la signature du DIP, en 2011, n'est pas mentionnée.

En outre, la société Prestige Beauté et Mme [D] produisent, sans être sérieusement contredites par la société Guinot, un état financier du réseau affiliation, faisant apparaître des pertes au titre des deux premières années d'exploitation, pour les affiliés déposant leurs comptes.

Enfin, la présence, dans la zone d'implantation prévue par le contrat proposé, de 4 instituts « dépositaires » qui sont en réalité des distributeurs agréés Guinot (Pièce 8), déjà installés sur la ville de Reims avant l'arrivée de la société Prestige Beauté, n'est pas mentionnée, contrairement aux prescriptions rappelées plus haut de l'article R. 330-1 5° d du code du commerce.

Ces omissions constituent des manoeuvres dolosives ayant vicié le consentement de Madame [D] et de la société Prestige Beauté, qui auraient été alertées par la faible rentabilité des sites pilotes, les exercices déficitaires des deux premières années d'exploitation des affiliés et la présence concurrente, sur Reims, de 'dépositaires' Guinot.

Sur la présentation du marché

La société Prestige Beauté et Madame [D] exposent que la société Guinot a fait figurer au DIP l'état local de la ville de [Localité 2], sans commune mesure avec celle de Reims, et a communiqué, seulement dans un second temps, l'état du marché de la ville de Reims qui présentait des statistiques anciennes et incomplètes.

La société Guinot soutient que l'état local du marché communiqué avec le DIP était bel et bien celui de [Localité 2], dans la mesure où il s'agissait de faire figurer un exemple local de marché dans le DIP, et que, par ailleurs, la société Prestige Beauté s'est vue communiquer un état local du marché correspondant effectivement à la ville de Reims en août 2011, autrement dit plus de 21 jours avant la signature du contrat d'affiliation. La société Guinot prétend aussi que les documents ne sont en rien trompeurs et, les hypothèses de chiffres d'affaires présentées dans les documents n'étant pas contractuelles, ne pouvaient engager sa responsabilité.

Or, s'il appartient au franchisé, sur la base des éléments communiqués par le franchiseur, de réaliser lui-même une analyse d'implantation précise, encore faut-il que les éléments essentiels fournis par celui-ci pour éclairer son cocontractant soient exacts et complets et lui permettent de se déterminer en toute connaissance de cause. La présentation sincère du marché local constitue une obligation déterminante et essentielle du franchiseur.

Il résulte du dossier que l'état local du marché daté d'août 2011 rassemble pour l'essentiel des statistiques anciennes datant de l'année 2007 et une analyse sociodémographique établie à partir d'informations d'évolution de population de 1999 à 2007, alors que le contrat d'affiliation a été signé en octobre 2011, plus de 4 ans plus tard. Surtout, il fait état de la concurrence dans la zone de proximité immédiate et dans la zone de proximité élargie, sans préciser la présence de 4 instituts « dépositaires » Guinot (Harmonie Beauté [Adresse 2] ; [Adresse 2] ; [Adresse 2]), revendeurs de produits Guinot et dispensant les soins Guinot.

Cette omission est de nature à affecter le chiffre d'affaires et la rentabilité prévisionnels de l'activité, nécessairement contrainte par la concurrence existante. Elle a donc vicié le consentement de Madame [D] et de la société Prestige Beauté.

Sur le compte d'exploitation prévisionnel

Les appelants soutiennent que la société Guinot a remis, au titre des documents servant de base au compte de résultat prévisionnel, des documents trompeurs et trop optimistes et a validé le compte prévisionnel établi par Prestige Beauté sur la base de ces fausses informations.

La société Guinot soutient au contraire qu'elle n'est tenue à aucune obligation de fournir au candidat franchisé un compte d'exploitation prévisionnel et qu'en l'espèce ce n'est pas elle qui a réalisé le bilan prévisionnel de la société Prestige Beauté, mais la société Prestige Beauté elle-même.

Si le franchiseur n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l'article R.330-1 du code de commerce, le document d'information précontractuelle doit contenir «la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation». Il appartient ensuite à chaque franchisé d'établir son compte prévisionnel à partir de ces données. En revanche, si le franchiseur remet un compte d'exploitation, il doit donner des informations sincères et vérifiables.

Il n'est pas démontré que les chiffres retenus dans le « compte de résultat pour un institut affilié', communiqué comme base de calcul à Prestige Beauté, prévoyant en hypothèse basse que le chiffre d'affaires par cabine, pour un institut en comptant trois, peut être évalué à 66.000 euros HT sur la base de 220 jours travaillés par an, soient grossièrement erronés. Tout compte prévisionnel revêt un caractère nécessairement aléatoire, dont la réalisation est liée au talent commercial du franchisé et à l'évolution naturelle du marché concerné. Les comptes de résultats prévisionnels fournis n'ont pas valeur d'engagement contractuel et le franchiseur n'est tenu à aucune obligation de résultat, l'existence d'un écart entre les prévisions fournies à titre indicatif et les résultats effectifs de l'exploitation ne constituant pas, en tant que telle, la preuve de l'insincérité ou de l'irréalisme manifeste de ces prévisions. L'affilié ne rapporte pas cette preuve, en l'espèce, ni que ces erreurs auraient vicié son consentement ou auraient été constitutives d'erreurs substantielles ;

Sur la prétendue erreur sur la nature de la concurrence des dépositaires

En second lieu, les appelants soutiennent que le dol a porté sur la nature de la concurrence des dépositaires. En effet, ils soutiennent que le DIP ne mentionnait pas l'existence des dépositaires, sur le marché local, alors même que cette mention aurait dû y figurer. Par ailleurs, ils exposent avoir été trompés sur la nature de la concurrence que ces dépositaires pouvaient exercer.

L'intimée soutient que contrairement à ce que prétendent les appelants, la société Prestige Beauté et les époux [D] étaient parfaitement informés de l'existence des dépositaires de la marque Guinot, mentionnés dans l'état local du marché, et ce, bien avant la conclusion du contrat d'affiliation. Tout d'abord, le DIP précisait que la liste complète des dépositaires, franchisés et affiliés était disponible sur les sites internet de Guinot. Ensuite, les époux [D] sont allés voir eux-mêmes les instituts dépositaires, ont pris des photographies et les ont communiquées à la société Guinot par mail.

Mais il résulte du dossier que les époux [D] et la société Prestige Beauté ont contracté avec la société Guinot dans la certitude que les prétendus dépositaires ne bénéficiaient pas du savoir-faire Guinot et ne constituaient pas de ce fait une réelle concurrence. Ce n'est qu'en cours d'exécution du contrat que les époux [D] ont découvert que ceux-ci disposaient des mêmes avantages que les affiliés et, surtout, du savoir-faire Guinot : les formations, les signes de ralliement et le marketing, le matériel utilisé pour dispenser les soins, le logiciel... La société Guinot a dissimulé aux époux [D] la véritable nature de la concurrence des dépositaires et est même allée jusqu'à leur mentir, puisqu'ayant découvert par eux-mêmes leur existence, les époux [D] ont questionné Monsieur [B], directeur Affiliation de la société Guinot à leur propos, et ce dernier leur a indiqué que ces dépositaires n'avaient, en aucun cas, le même statut que les affiliés, dans la mesure où ils ne bénéficiaient pas de la formation ainsi que du savoir-faire Guinot.

La société Guinot ne démontre pas que les époux [D] savaient, lorsqu'ils ont contracté, que les dépositaires Guinot proposaient des soins et produits de la marque Guinot identiques à ceux proposés par les affiliés, ne rapportant pas la preuve que les 2 photographies versées au dossier aient été prises par les affiliés au moment des faits, à savoir pendant la période précontractuelle.

Cette réticence imputable à la société Guinot a également altéré le consentement de l'affilié. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants et d'annuler le contrat d'affiliation.

Sur les prétendues fautes de Madame [D]

La société Guinot ne saurait se retrancher derrière les prétendues fautes de Madame [D] dans l'exécution du contrat, celui-ci étant annulé pour vice du consentement.

Sur les préjudices de la société Prestige Beauté

Les appelants soutiennent que la société Prestige Beauté a subi plusieurs préjudices : d'une part, un préjudice consécutif à la nullité qui impose la condamnation de la société Guinot à l'indemniser des pertes subies cumulées, du fait et sous l'emprise du contrat annulé, soit la somme de 413.515 euros au titre des pertes subies, cumulées, la restitution des sommes perçues par la société Guinot au titre du droit d'entrée, du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot, des appareils et du mobilier cabine loués à Guinot et de la location d'enseigne, soit la somme totale de 20.607,18 euros, ainsi que le remboursement des sommes investies en pure perte au titre du prêt contracté, du capital social, de la dette de compte courant de Prestige Beauté contractée auprès de Mme [D], soit la somme totale de 196.571 euros ; d'autre part, un préjudice dû au dol de 50.000 euros.

L'intimée soutient que dans la mesure où le prononcé de la nullité n'est pas justifié, les préjudices lui étant prétendument consécutifs sont inexistants.

Si l'annulation n'est pas une sanction suffisante pour réparer le dommage causé à la victime du dol, cette dernière peut demander des dommages-intérêts à la condition de démontrer l'existence d'un dommage direct causé par la faute de l'auteur du dol.

Il résulte d'une jurisprudence constante que le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime aux dépens du responsable, dans la situation qui aurait été la sienne si l'acte dommageable ne s'était pas produit.

Il y a donc lieu de restituer à la société Prestige Beauté les sommes versées au franchiseur dans le cadre du contrat annulé, dont la preuve est rapportée. Il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 7 000 euros versée au titre du droit d'entrée et la somme de 2 875,18 euros au titre du prix des enseignes lumineuses et drapeaux Guinot.

Par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que la société Prestige Beauté a emprunté la somme de 130 000 euros pour réaliser les travaux et investissements correspondant au coût d'aménagement des locaux. Cette somme dépensée pour l'exécution du contrat doit lui être restituée.

En revanche, elle ne saurait obtenir réparation de toutes les pertes d'exploitation subies pendant l'exécution du contrat, seules une part d'entre elles ayant un lien de causalité certain avec la faute de l'auteur du dol.

Il lui sera alloué de ce chef la somme de 50 000 euros.

Ne démontrant pas une faute distincte de celle réparée par les sommes ci-dessus, elle sera déboutée de sa demande de dommages intérêts supplémentaires pour dol de 50 000 euros.

Il y a donc lieu de condamner la société Guinot à payer à la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes suivantes : 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat ; 130 000 euros au titre des investissements réalisés en pure perte ; 50 000 euros pour une partie de ses pertes d'exploitation.

Sur le préjudice de Madame [D]

Mme [D] soutient avoir subi d'importants préjudices du fait de l'attitude fautive de la société Guinot, puisque le stress généré par son activité déficitaire a provoqué un infarctus qui a altéré définitivement sa santé, qu'elle a du mal à se relancer dans le monde des affaires du fait de la liquidation judicaire de la société Prestige Beauté et que pour faire face aux dettes contractées à cause de l'affiliation Guinot, elle a dû vendre sa résidence principale, ce préjudice étant évalué au total à 100.000 euros.

Il résulte des pièces du dossier, et, notamment, d'un certificat médical versé aux débats, que Madame [D] a, en raison du stress, eu de graves problèmes de santé. Elle s'est retrouvée, par ailleurs, privée de la faculté de se relancer dans les affaires, à la suite de la liquidation judiciaire et du fichage dont elle a fait l'objet.

Il convient de lui allouer de ce chef la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur l'appel incident de la société Guinot

La société Guinot a formé un appel incident pour voir réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu'il a rejeté sa demande d'inscription de différentes créances au passif de la société Prestige Beauté.

Si la société Guinot soutient que la société Prestige Beauté n'a pas réglé toutes les factures relatives à la location du mobilier pour les cabines, des espaces de vente, de l'enseigne façade, les factures relatives à la mise à disposition de l'enseigne drapeau ainsi que les factures relatives au paiement de la redevance de la cabine non aménagée au standard Affilié Guinot, et qu'à ce titre elle reste lui devoir la somme de 7.219,97 euros, elle ne verse aucun commencement de preuve.

La société Guinot ne saurait réclamer les redevances ainsi que les marges sur la vente des produits. qu'elle aurait dû recevoir, jusqu'à l'expiration de la durée (de 5 ans) du contrat, si la société Prestige Beauté n'avait pas fait l'objet d'une liquidation judiciaire, le contrat n'étant pas résilié aux torts de Madame [D] et de la société Prestige Beauté. La somme de 126.818 euros réclamée à ce titre ne sera donc pas admise au passif de la société Prestige Beauté.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Guinot de ses demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Guinot, qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, ainsi qu'à Madame [D], la somme de 10 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Guinot,

Et, statuant à nouveau,

ANNULE le contrat d'affiliation du 17 octobre 2011,

CONDAMNE la société Guinot à payer à la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, les sommes de 9 875,18 euros, au titre des frais engagés pour conclure le contrat, de 130 000 euros au titre des investissements réalisés en pure perte et de 50 000 euros au titre d'une part des pertes subies,

CONDAMNE la société Guinot à payer à Madame [D] la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE la société Guinot aux dépens de l'instance d'appel et de première instance,

CONDAMNE la société Guinot à payer à la SCP [J] [R], prise en la personne de Maître [F] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Beauté, ainsi qu'à Madame [D], la somme de 10.000 euros chacun, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

Vincent BRÉANT Irène LUC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 14/08533
Date de la décision : 16/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°14/08533 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-16;14.08533 ?
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