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15/11/2016 | FRANCE | N°16/03271

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 15 novembre 2016, 16/03271


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 15 NOVEMBRE 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03271



Décision déférée à la Cour : Déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2014 constatant le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest en date du 18 décembre 2013





DEMANDEUR A LA R

ÉVOCATION :



SCP [A] - [W]-[E]-[H]-[L] pris en la personne de Maître [T] [L], Mandataire Judiciaire

ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 15 NOVEMBRE 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03271

Décision déférée à la Cour : Déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2014 constatant le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest en date du 18 décembre 2013

DEMANDEUR A LA RÉVOCATION :

SCP [A] - [W]-[E]-[H]-[L] pris en la personne de Maître [T] [L], Mandataire Judiciaire

ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS VALCO [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0065

assistée de Me Fanny LOUVET substituant Me Thierry PARIENTE, avocat plaidant du barreau de PARIS,

DÉFENDERESSE A LA RÉVOCATION :

Société SELECT HUNGARIA société de droit hongrois

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]2

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Anne LOISEAU substituant Me Anja DROEGE GAGNIER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R216

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2016, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s'y étant pas opposé, devant Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et Madame SALVARY, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente

Madame SALVARY, conseillère

Monsieur MULLIEZ, conseiller, appelé pour compléter la cour conformément aux dispositions de l'ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 22 août 2016 par Madame le premier président de la cour d'appel de PARIS

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente de chambre.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

LA SAS VALCO, société de droit français, ayant pour activité l'étude, la conception et la construction de centres de traitement de déchets, et la société de droit hongrois SELECT HUNGARIA, ont conclu le 27 janvier 2003 un contrat de maîtrise d'oeuvre aux termes duquel SELECT HUNGARIA a commandé à la société VALCO la conception et la construction en Hongrie d'un site industriel de tri de et de recyclage de déchets.

Deux virement sont intervenus de la société SELECT HUNGARIA au profit de la société VALCO les 31 janvier 2003 et 1er avril 2004 d'un montant respectif de 2 249 664,05 euros et 1 994 970 euros, soit au total 4 244 634, 05 euros, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été reversés par la société VALCO à la société luxembourgeoise NEUMAN et la société anglaise STF ;

Le 28 juillet 2009, la société SELECT HUNGARIA, reprochant à la société VALCO de n'avoir pas fourni la documentation technique nécessaire à l'obtention du financement bancaire et des autorisations administratives relatives à la construction de l'usine, a saisi le tribunal de Budapest d'une demande tendant notamment à se voir rembourser les acomptes versés de 4 250 000 euros avec intérêts au taux de retard.

Par jugement du 22 mars 2013, le tribunal de Budapest a fait droit à cette demande en mettant à la charge de la défenderesse les frais de justice. Ce jugement a été confirmé par décision de cour d'appel de Budapest le 18 décembre 2013, elle-même confirmée le 22 mai 2014 par la Cour suprême de Hongrie.

A la suite de la requête déposée le 5 décembre 2014 sur le fondement de l'article 509-2 du code de procédure civile dans sa version alors applicable, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris a déclaré exécutoire en France la décision rendue le 18 décembre 2013 par la cour d'appel de Budapest.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 22 janvier 2015, la société VALCO a été placée en liquidation judiciaire et la SCP [W] [E] [H] [L] (SCP [A]) représentée par Me [L], désignée en qualité de liquidateur.

Le 2 février 2016, la société [A] a formé un recours à l'encontre de la décision du greffier en chef déclarant exécutoire l'arrêt de la cour d'appel de Budapest, objet de la présente instance. Elle en a fait de même à l'encontre de la décision ayant déclaré exécutoire en France le jugement du tribunal de première instance de Budapest (affaire pendante n° 16/03266).

La SELECT HUNGARIA a fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de la société VALCO entre les mains de la Direction Générale des Finances Publiques Trésorerie municipale de Pointe-à-Pitre, obtenant ainsi le versement d'une somme de 514 716 euros.

Par conclusions notifiées le 15 septembre 2016, la SCP [A], prise en la personne de Maître [T] [L], mandataire judiciaire de la société VALCO, demande à la cour de révoquer la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris ayant constaté le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest, en conséquence de condamner la société SELECT HUNGARIA à restituer à la SCP [A], ès qualité, l'intégralité des sommes versées par la Direction Générale des Finances Publiques Trésorerie municipale de Pointe-à-Pitre, soit la somme de 514 716 euros, de débouter la société SELECT HUNGARIA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de l'ensemble de ses demandes, de condamner la société SELECT HUNGARIA à payer à la société [A], ès qualités, la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Frédérique ETEVENARD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 7 septembre 2016, la société SELECT HUNGARIA demande à la cour de confirmer la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2014 constatant le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest en date du 18 décembre 2013, de débouter la SCP [A], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes, de condamner la SCP [A] es qualités à payer à la société SELECT HUNGARIA la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamner la SCP [A] ès-qualités à payer à la société SELECT HUNGARIA la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, y compris les frais de traduction, au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU.

MOTIFS

Sur la demande de révocation de la déclaration constatant la force exécutoire de la décision de la cour d'appel de Budapest

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les décisions rendues dans un Etat membre et qui y sont exécutoires sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarées exécutoires sur requête de toute partie intéressée; que suivant les articles 43 et 45.1 du même règlement, l'une ou l'autre des parties peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire, la juridiction saisie du recours ne pouvant alors refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 34 précité, 'une décision n'est pas reconnue si :

1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis';

Considérant qu'à l'appui de son recours, la SCP [A], ès qualités, fait valoir principalement que la reconnaissance de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest doit être refusée pour être manifestement contraire à l'ordre public français et en particulier à l'exigence de motivation qui suppose une réponse spécifique et explicite aux conclusions régulièrement présentées par les parties ; qu'en omettant de répondre au moyen tiré de l'existence d'une fraude à l'origine des deux virements litigieux de la société HUNGARIA à la société VALCO sur la base d'opérations de nature fictive entre des entités entretenant des liens étroits, suivis du reversement de ces fonds par la société VALVO à deux sociétés domiciliées, l'une au Luxembourg, l'autre au Royaume-Uni, les sociétés NEUMAN et STF n'ayant jamais entretenu de liens d'affaires avec elle, la décision hongroise a méconnu l'obligation de motivation sur des arguments ayant une incidence évidente sur la solution du litige et l'existence d'un droit de créance de SELECT HUNGARIA; que la société VALCO a d'ailleurs régularisé une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris visant à faire constater la collusion frauduleuse dont elle a fait l'objet pour obtenir sa condamnation indue ;

Considérant que la société SELECT HUNGARIA répond pour l'essentiel que la clause relative à l'ordre public ne doit jouer que dans des cas exceptionnels et qu'elle est d'interprétation stricte; que l'exigence de motivation varie selon la nature de la décision, les tribunaux n'étant pas tenus d'apporter une réponse détaillée à chaque argument soulevé ; que la procédure civile hongroise s'est déroulée de manière contradictoire, dans le respect des droits de la défense, que l'arrêt hongrois est motivé en fait et en droit, que le grief de fraude ne représentait, à partir du deuxième jeu d'écritures de VALCO devant le tribunal de Budapest après changement de conseil, et devant la cour d'appel, qu'un caractère subsidiaire par rapport à ses autres demandes tendant à dire, en contrariété avec ses premières conclusions, que les virements d'argent de SELECT HUNGARIA étaient la contrepartie des prestations fournies par VALCO et que les reversements de celle-ci aux entreprises NEUMAN SA et STF avaient pour but, en lien avec le projet, de 'préparer ses prestations à venir', que les digressions de l'appelante sur la fraude tendent à faire oublier les agissements frauduleux de ses propres actionnaires qui ont fait disparaître ses actifs au détriment de SELECT HUNGARIA, son créancier le plus important ;

Considérant que la cour d'appel de Budapest relève que l'existence d'une fraude était invoquée devant le tribunal par la société VALCO ' dans le cas où le demandeur continue(rait) à mettre en cause l'accomplissement (de ses obligations contractuelles), position qui reviendrait selon cette société à reconnaître que 'le montant a été versé d'une façon frauduleuse et non pas à des fins économiques' ;

Considérant que la cour d'appel de Budapest a confirmé l'appréciation du tribunal quant à l'étendue des obligations contractuelles de la société VALCO au vu du contrat initial de 2003 et ses modifications ultérieures en constatant que seule cette société était en capacité de répondre aux exigences d'études techniques liées au projet y compris celles formalisées par l'établissement de crédit, signataire de l'offre de prêt avec SELECT HUNGARIA, pour en conditionner l'octroi; que la cour d'appel de Budapest a validé également la motivation des premiers juges s'appuyant sur l'expertise judiciaire contradictoire selon laquelle les documents élaborés par VALCO étaient 'nécessaires à la phase préparatoire mais pas suffisants pour connaître la technologie', et notamment pour permettre à la banque partenaire d'évaluer la demande et d'octroyer le crédit nécessaire à la réalisation du projet ;

Qu'elle poursuit en confirmant le refus du tribunal de grande instance de Budapest d'admettre 'l'exception d'imputation' invoquée par VALCO, approuvant le taux d'achèvement des prestations par cette société qualifiées de 'transmission préalable de données', et le caractère insuffisant de cette transmission ;

Considérant que ce faisant, la cour d'appel de Budapest a nécessairement entendu écarter le grief d'une prétendue fraude découlant d'une absence de cause aux deux versements de janvier 2003 et avril 2004 ;

Considérant dès lors que l'arrêt de la cour d'appel de Budapest ne méconnaît pas l'obligation de motivation et qu'à ce titre, aucune violation de l'ordre public français ne peut être opposée à sa reconnaissance dans l'ordre juridique français ;

Qu'il y a donc lieu de déclarer de rejeter la demande de la SCP [A], ès qualités, de révocation de la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2014 constatant le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest en date du 18 décembre 2013 et de confirmer cette déclaration;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société SELECT HUNGARIA

Considérant qu'il n'est pas établi que la demande en justice formée par la SCP [A], ès qualités, a dégénéré en abus de droit ; qu'il convient donc de débouter la société HUNGARIA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la SCP [A] ès qualités, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; qu'il n'y a pas lieu d'y inclure ceux de traduction engagés par chacune des parties, justifiés par le caractère international des relations contractuelles à l'origine du différend, et dont elles doivent à ce titre rester définitivement tenues ;

Considérant que la demande de la SCP [A] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée ; qu'il en sera de même s'agissant de la demande de la société SELECT HUNGARIA formée sur le même fondement, eu égard à la situation économique de l'appelante en liquidation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de la SCP [W] [E] [H] [L] représentée par Me [L], ès qualités de mandataire judiciaire de la société VALCO, tendant à la révocation de la déclaration du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2014 constatant le caractère exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Budapest en date du 18 décembre 2013;

Confirme ladite déclaration ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la SCP [W] [E] [H] [L] représentée par Me [L], ès qualités de mandataire judiciaire de la société VALCO, aux dépens de première instance et d'appel, hors des frais de traduction qui resteront à la charge de la partie qui les a engagés, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE, faisant fonction de présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/03271
Date de la décision : 15/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°16/03271 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-15;16.03271 ?
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