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09/11/2016 | FRANCE | N°15/10993

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 09 novembre 2016, 15/10993


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 Novembre 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10993



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° F13/03910



APPELANTE

Madame [Q] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2]

comparante en

personne,

assistée de Me Patrice GRILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0745



INTIMEE

Madame [S] [E] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 2] 197...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 Novembre 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10993

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° F13/03910

APPELANTE

Madame [Q] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Patrice GRILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0745

INTIMEE

Madame [S] [E] épouse [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 2] 1976 à

représentée par Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141 substitué par Me Delphine BRETON, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 141

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/010512 du 13/04/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, Président de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] a été engagée oralement par Mme [Y] en qualité de femme d'entretien à compter du 1er octobre 2010.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute de Mme [B] s'élevait à la somme de 501 €. Le dernier jour travaillé est le 17 avril 2012.

Le 18 avril 2012, Mme [Y] a délivré le certificat de travail.

Alléguant que la rupture du contrat de travail devait être qualifiée de licenciement nul du fait de son état de grossesse, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins d'obtenir les indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement nul, pour perte du DIF, les salaires dus pendant la période de protection.

Par jugement du 13 octobre 2015, le conseil de prud'hommes de Bobigny, statuant en départage, a jugé que la rupture s'analysait en un licenciement nul et a condamné Mme [Y] à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

- 3006 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

- 501 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 50 € pour les congés payés afférents,

- 4884,75 euros au titre des salaires dus pendant la période de protection,

- 488, euros au titre des congés payés afférents,

- 1 euro en réparation du préjudice subi suite non-respect du droit individuel à la formation,

- 200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Appelante de ce jugement Mme [Y] en sollicite la réformation. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de juger que la rupture s'analyse en une démission, de rejeter les demandes formulées par la salariée.

Elle réclame 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] conclut à la confirmation du jugement entrepris ayant reconnu la nullité de la rupture et lui ayant accordé une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

Elle relève appel dudit jugement pour le surplus.

Elle demande à la cour de condamner Mme [Y] à lui verser les sommes suivantes :

- 5385,75 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de protection outre les congés payés afférents,

- 136,50 euros au titre de dommages-intérêts pour perte du droit au DIF,

- 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite également que Mme [Y] lui remette, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, les documents conformes à l'arrêt à intervenir à savoir l'attestation destinée au pôle emploi et le certificat de travail.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIFS

sur la rupture

D'après les circonstances propres à l'espèce, Mme [B] a travaillé chez Mme [Y] du 1er octobre 2010 jusqu'au 17 avril 2012.

Le 18 avril 2012, cette dernière a remis au conjoint de Mme [B] un certificat du travail rédigé en ces termes :

« je soussignée [Y] [Q] demeurant [Adresse 1], certifie avoir employé Mme [S] [B] demeurant [Adresse 1] en qualité de femme de ménage, du 1er octobre 2010 au 17 avril 2012 inclus . Elle me quitte de sa propre initiative, avec mon accord, car enceinte, libre de tout engagement[...] ».

Il est également avéré que Mme [B] a accouché le [Date naissance 3] 2012.

Mme [Y] prétend que Mme [B] a démissionné de son emploi le 17 avril 2012, ce que cette dernière conteste alléguant que Mme [Y] a rompu verbalement le contrat de travail du fait de son état de grossesse.

La démission doit résulter de la manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail.

Pour justifier de la manifestation claire et non équivoque de la volonté de la salariée de rompre le contrat de travail, Mme [Y] communique aux débats l'attestation de Mme [W] [Y], sa mère, née le [Date naissance 4] 1922 rédigée en ces termes :

« Ce mardi 17 avril 2012, l'après-midi alors que j'étais tranquillement assise dans le séjour j'ai soudain entendu [S] crier de ma chambre toute seule, ma fille étant à côté de moi et surgir en pointant ma fille du doigt menaçante près d'elle. J'étais étonnée ne reconnaissant pas la femme menaçante que je côtoyais depuis plus d'un an et demi. Je lui dis « que t'arrive-t-il ici chez moi tu ne hurles pas et tu ne menaces pas ma fille ».

J'affirme sur l'honneur, toujours menaçant ma fille « Fais moi mon compte et déduis ce que je te dois » puis elle a pris la porte et l'a claquée si fort qu'un cadre est tombé et elle n'a jamais remis un pied chez nous. Le mercredi 18 avril, son mari est venu chercher son chèque. Ma fille a donc été dans l'obligation de lui remettre. »

Est également produite aux débats l'attestation de Mme [O] [Q] qui expose « le jeudi 19 avril 2012, j'ai trouvé Mme [Y] en pleurs. Elle m'a confié qu' à la suite d'une remarque, Mme [B] lui a demandé de préparer son compte et est partie en claquant la porte, que dès le lendemain M. [B] est venu réclamer le chèque de son épouse. Mme [Y] ainsi que sa maman étaient complètement désemparées.

Mme [Q] rapporte les propos de Mme [Y] mais n'a pas été personnellement et directement témoin des événements qu'elle relate. Son témoignage ne présente donc pas de valeur pertinente dans le présent débat à cet égard.

Ce témoin comme plusieurs autres attestent néanmoins des bonnes relations ayant existé entre Mme [Y] et Mme [B] tout au long de la collaboration.

Mme [I] [L] et Mme [V] expliquent l'une comme l'autre avoir travaillé sous l'autorité de Mme [Y] alors qu'elles étaient enceintes et attestent que « Mme [Y] s'est montrée alors plus que respectueuse à mon égard. Elle prenait toujours soin de ne pas me fatiguer et m'incitait à faire des pauses régulières[...] » (Mme [L]) «  j'ai bénéficié de pauses supplémentaires et de plus longues durées.

De plus, Mme [Y] n'a jamais hésité à me laisser rentrer chez moi lorsqu'elle s'apercevait que j'étais fatiguée[...] »

Mme [Y] renvoie également aux deux lettres que Mme [B] lui a adressées les 21 et 22 mai 2012, aux termes desquelles, celle-ci réclame une attestation d'employeur destinée au pôle emploi sans faire état d'un quelconque contentieux à propos des modalités de la rupture.

C'est pertinemment néanmoins que les premiers juges ont retenu que les attestations produites n'établissaient pas que la salariée a démissionné le 17 avril 2012.

En dehors de toute manifestation claire et non équivoque de la volonté de la salariée de démissionner, la rupture dont les parties s'accordent à fixer la date au 17 avril 2012 s'analyse en conséquence en licenciement verbal à l'initiative de l'employeur.

Or, l'article L. 1225-4 du code du travail dispose qu'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité qu'elle use ou non de ce droit ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes. L'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.

Au surplus, selon l'article L. 1225-5 du travail, le licenciement d'une salariée est annulé lorsque dans un délai de 15 jours à compter de sa notification, l'intéressé envoie à son employeur [...] un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte. [...]

Outre que l'employeur n'a pas, dans une lettre de licenciement fait état d'un motif ayant trait à une faute grave ou à l'impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement, la cour relève que Mme [Y] a eu connaissance de l'état de grossesse de la salariée au plus tard le 18 avril 2012 lors de la remise du certificat de travail au conjoint de Mme [B], qu'elle ne pouvait en conséquence délivrer les documents de fin de contrat hors démission claire et non équivoque de la salariée et devait réintégrer la salariée.

Compte tenu des circonstances propres à l'espèce telles qu'elles résultent des éléments communiqués, c'est à bon droit que les premiers juges ont qualifié la rupture de licenciement nul.

Dans ces conditions, la salariée était fondée à obtenir, outre les salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, les indemnités de rupture et une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi et résultant du caractère illicite du licenciement.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée 3006 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul, 501 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Par ailleurs, faisant une juste application des dispositions combinées de l'article L. 1225-4 et L. 1225-71 alinéa 2 du code du travail, le conseil de prud'hommes a reconnu à la salariée la possibilité de percevoir les salaires pendant toute la période de protection.

Toutefois, la durée légale du congé de maternité était de 16 semaines, soit 6 semaines avant l'accouchement et 10 semaines après. L'enfant étant né le [Date naissance 3] 2012, la période de protection, qui prend fin quatre semaines après l'expiration du congé de maternité, est arrivée à expiration, dans le cas d'espèce, le 7 mars 2013 et non pas le 7 février 2013 comme l'a retenu de façon erronée le conseil de prud'hommes.

C'est donc la somme de 5 385,75 euros qui revient à la salariée au titre des salaires dus. Les congés payés afférents seront aussi alloués.

Le jugement déféré sera donc réformé sur ce point.

Sur le droit au DIF

Se fondant sur les dispositions de l'article L. 6323-19 du code du travail imposant à l'employeur de mentionner au salarié ses droits en matière de droit individuel à la formation aux termes de la lettre de licenciement, Mme [B], qui relève que l'employeur n'a pas satisfait à cette exigence, réclame des dommages-intérêts dès lors qu'elle aurait pu disposer de 10,5 heures de droit individuel à la formation.

Toutefois, Mme [B] n'apporte aucun élément pour établir la réalité du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de droit individuel à la formation.

Elle sera déboutée du chef de cette demande. Le jugement sera réformé sur point.

Sur la demande de remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux conformes aux termes du présent arrêt est légitime. Il y sera fait droit. Aucune astreinte ne sera toutefois ordonnée, aucune circonstance particulière ne le justifiant.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à M. [B] une indemnité de 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 800 euros sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d'appel.

Mme [Y], qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué à la salariée un rappel de salaire limité à 4884,75 euros outre les congés payés afférents et des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi consécutivement au non respect de l'information sur le droit individuel à la formation,

Le réforme sur ces points,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [Y] à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

- 5385,75 euros au titre du salaire pendant la période de protection outre 538,57 euros au titre des congés payés afférents,

- 800 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Condamne Mme [Y] à remettre à Mme [B] un certificat de travail et une attestation destinée au pôle emploi conformes aux termes du présent arrêt,

Déboute Mme [B] de ses demandes de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du droit individuel à la formation et d'astreinte,

Déboute Mme [Y] de sa demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [Y] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/10993
Date de la décision : 09/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/10993 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-09;15.10993 ?
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