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08/11/2016 | FRANCE | N°16/04138

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 08 novembre 2016, 16/04138


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 08 Novembre 2016





(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04138



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F14/06256





APPELANTE

Madame [I] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sophie GACHET-BARETY, a

vocat au barreau de PARIS, toque : D2113





INTIMEE

SA DEMOS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Patrick LAURENT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1589



COMPOSITION DE LA COUR :
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 08 Novembre 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04138

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F14/06256

APPELANTE

Madame [I] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sophie GACHET-BARETY, avocat au barreau de PARIS, toque : D2113

INTIMEE

SA DEMOS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Patrick LAURENT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1589

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Madame [I] [H], engagée par la société LG2P devenue DEMOS à compter du 16 décembre 2002, en qualité de Responsable studio externe, au dernier salaire mensuel brut de 3.222,21 euros, a saisi la juridiction prud'homale le 7 mai 2014 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis a été licenciée pour inaptitude par lettre du 16 juillet 2014 énonçant le motif suivant :

'... Le 19 juin 2014, le médecin du travail a jugé que vous êtes 'inapte définitive' à votre poste, et précisé que votre état de santé ne lui 'permet pas de faire des

propositions de postes à des tâches existantes dans l'entreprise' .

Nous avons interrogé par écrit le médecin du travail en lui demandant de nous préciser, le cas échéant, les types d'activités et/ou de tâches qui seraient compatibles avec votre état de santé. ll nous a répondu par écrit que votre état de santé ne 'permet pas d'envisager un reclassement dans l'entreprise, ni au sein du groupe DEMOS.'

De ce fait, ne pouvant pas vous proposer un reclassement, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, lequel a eu lieu avec moi-même le vendredi 11 juillet. Au cours de cet entretien, vous n'avez pas contesté l'impossibilité de vous reclasser mais avez prétendu, en substance, que votre inaptitude avait pour seule cause de prétendus manquements de l'entreprise à ses obligations relativement à l'exécution de votre contrat de travail, sans donner de précisions sur les manquements reprochés.

Nous considérons avoir respecté nos obligations a votre égard et, en tout état de cause, nous ne sommes pas responsables, directement ou indirectement, de la dégradation de votre état de santé et de votre inaptitude.

Nous vous notifions donc votre licenciement, et ce pour le motif suivant :

reclassement impossible après inaptitude au poste constatée régulièrement par le médecin du travail...'.

Par jugement du 21 septembre 2015, le Conseil de prud'hommes de PARIS a débouté Madame [H] de ses demandes d'indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Madame [H] en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 19 septembre 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [H] sollicite la résiliation de son contrat aux torts de l'employeur et de déclarer nul son licenciement pour inaptitude. A titre subsidiaire, elle demande de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et, à titre infiniment subsidiaire de constater l'inégalité de traitement dont elle a été victime et de condamner la société DEMOS au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail. Elle demande de condamner la société DEMOS à lui verser les sommes suivantes :

- 57.999,18 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

- 9.666,63 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis

- 966.66 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

-10.000 euros à titre de dommages intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail

- 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 19 septembre 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société DEMOS sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de Madame [H] à lui payer 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

****

MOTIFS

Sur la demande de résiliation du contrat pour harcèlement moral

Principe de droit applicable :

Il appartient au salarié qui se prétend victime de harcèlement moral d'établir la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement ; celui-ci se définit, selon l'article L 1152-1 du code du travail, par des actes répétés qui ont pour objet ou pour effet, indépendamment de l'intention de leur auteur, une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Lorsque les faits sont établis, l'employeur doit démontrer qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Application du droit à l'espèce:

Madame [H] se plaint d'une absence de reconnaissance pour n'avoir pas été nommée directrice artistique malgré sa demande et fait état d'une absence d'évolution de carrière et d'un refus des formations qu'elle demandait pour s'adapter à son poste. Elle se plaint de discrimination salariale en indiquant qu'une graphiste placée sous sa responsabilité gagnait seulement 100 € de moins et que l'assistante de Direction s'est vue accorder un salaire mensuel quasi-identique au sien (150 € de moins) alors qu'elle n'assumait pas les mêmes responsabilités et ne justifiait ni de diplômes équivalents, ni de son expérience. Elle se plaint aussi de n'avoir pas été intéressée au chiffre d'affaires qu'elle réalisait et que seule une prime qualité lui était versée au mois de décembre.

Par ailleurs, Madame [H] expose que les résultats d'un questionnaire transmis le 22 novembre 2013 aux salariés portant sur l'organisation et le fonctionnement de la SA DEMOS ont montré que 57% des salariés considèrent que la reconnaissance vis-à-vis du salarié s'est dégradée, que 68% des salariés ont souligné que la charge de travail s'est alourdie, que les équipes sont en sous-effectifs, qu'il y a beaucoup de départs et aucun remplacement et que pour 49% des salariés, l'ambiance se dégrade, et que 89% des salariés estiment que le climat s'est détérioré. Ce questionnaire n'apporte aucun élément de nature à établir des actes de harcèlement dont Madame [H] aurait été victime.

S'agissant des reproches formulés, Madame [H] produit des entretiens annuels d'évaluation faisant apparaître son souhait d'être nommée Directrice artistique car elle considère avoir réalisé les fonctions de ce poste mais le seul fait qu'elle ait pu être occasionnellement présentée comme telle à des clients ne conduit pas à lui attribuer cette qualité. A cet égard, l'intéressée produit un unique document , en date de 2010, d'une présentation aux clients en tant quedirectrice artistique, et aucun élément ne permet d'établir que l'intéressée exerçait effectivement des fonctions de directrice artistique. En toute hypothèse, le fait que l'intéressée n'ait pas été promue à ce poste ne révèle pas un comportement harcelant de la part de l'employeur.

Par ailleurs, sur l'évolution de carrière, Madame [H] se fonde sur ces mêmes entretiens annuels, en ce qu'ils formulaient des souhaits d'évolution de carrière. Sur ce point, l'employeur rappelle à juste titre que l'intéressée a bien bénéficié d'une évolution de carrière puisqu'elle a bénéficié d'une promotion la faisant intégrer au statut de cadre en 2007. Enfin, le fait que l'intéressée ne soit pas satisfaite de son évolution de carrière ne constitue en aucune manière en l'espèce un acte de harcèlement.

Sur la discrimination salariale, Madame [H] n'apporte pas d'élément de nature à établir qu'elle faisait l'objet d'une discrimination puisque les personnes qu'elle prend en exemple, certes moins qualifiés, sont aussi moins bien rémunérées. La société DEMOS apporte quant à elle la preuve de l'absence de discrimination salariale.

Enfin aucun élément versé au débat ne permet d'affirmer l'existence d'une surcharge de travail subie par la salariée.

S'agissant des refus de formation, il apparaît que l'employeur a précisément accepté une des trois formations demandées en 2012, ce reproche étant en l'espèce sans fondement.

En l'espèce, au vu des pièces versées au débat, Madame [H] n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants faisant présumer l'existence de ce harcèlement et n'apporte aucun élément de preuve de nature à caractériser des actes répétés qui auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de l'intéressée.

Ainsi, s'il est exact que Madame [H] a pu ressentir un mal être et s'est trouvée en arrêt de travail ininterrompu depuis le 4 novembre 2013, puis a été déclarée inapte définitive à son poste le 19 juin 2014, sur le fondement de l'article R4624-31, aucun élément ne permet de relier son état de santé à des actes de harcèlement moral ou à un comportement harcelant.

Il en résulte que la demande de résiliation du contrat pour harcèlement moral n'est pas fondée. Le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude

L'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise et à l'impossibilité de reclassement n'exonère pas l'employeur de son obligation de recherche de reclassement au sein de l'entreprise. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse si l'employeur n'a pas respecté son obligation de recherche de reclassement.

Il résulte des éléments versés au débat que, suite à l'avis d'inaptitude du médecin du travail indiquant que l'état de santé de la salariée ne permettait pas de faire des propositions de postes à des tâches existantes dans l'entreprise, l'employeur a effectivement sollicité à nouveau le médecin du travail en lui demandant le 20 juin 2014 par écrit de lui préciser les types d'activités et/ou de tâches qui seraient compatibles avec l'état de santé de Madame [H].

En réponse écrite en date du 27 juin 2014, le médecin du travail confirme que l'état de santé de la salariée ne permet pas d'envisager un reclassement dans l'entreprise, ni au sein du groupe DEMOS.

Cependant la lettre de licenciement indique clairement que la société DEMOS s'est dispensée de toute recherche de reclassement préalable au licenciement pour inaptitude, l'employeur s'en remettant simplement à l'avis du médecin du travail en estimant ne pas pouvoir proposer un reclassement, sans même identifier des postes susceptible d'être proposés au sein du groupe ou même tenté d'identifier une solution de reclassement au sein du groupe.

Il s'ensuit que l'employeur n'établit pas qu'il a procédé en l'espèce à une recherche loyale de reclassement et que, dès lors, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur est donc condamné à payer à la salariée la somme de 9.666,63 euros représentant 3 mois de salaire à titre d'indemnité compensatrice de préavis en application de la convention collective Syntec applicable aux relations entre les parties et 966,66€ au titre des congés payés y afférents.

S'agissant de l'indemnisation du préjudice, au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [H], de son âge, de son ancienneté de neuf ans, et des conséquences du licenciement à son égard, compte tenu du fait que Madame [H] a plus de deux ans d'ancienneté et que la société DEMOS occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 29.000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Il résulte des précédents motifs que la salariée n'apporte pas d'éléments permettant d'établir la réalité d'une discrimination salariale. Il s'en suit que la demande de la salariée n'est pas fondée et que le jugement du Conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Madame [H] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d' indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société DEMOS à payer à Madame [H] la somme de :

- 29.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 9.666,63 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 966,66€ au titre des congés payés y afférents,

CONFIRME le jugement pour le surplus

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société DEMOS à payer à Madame [H] en cause d'appel la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ,

LAISSE les dépens à la charge de la société DEMOS .

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/04138
Date de la décision : 08/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°16/04138 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-08;16.04138 ?
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