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08/11/2016 | FRANCE | N°15/19333

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 08 novembre 2016, 15/19333


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 08 NOVEMBRE 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19333



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/17512



APPELANT



Monsieur [H] [S] [I] né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 1] (Cote d'Ivoire)



[Adresse 1]

[Ad

resse 2]



représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599







INTIME



Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL prè...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19333

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/17512

APPELANT

Monsieur [H] [S] [I] né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 1] (Cote d'Ivoire)

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599

INTIME

Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet au [Adresse 3]

représenté par Monsieur AUFERIL, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 septembre 2016, en audience publique, le rapport entendu, l'avocat de l'appelant et le Ministère Public ne s'y étant pas opposé, devant Madame SALVARY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente

Madame SALVARY, conseillère

Monsieur MULLIEZ, conseiller, appelé pour compléter la cour conformément aux dispositions de l'ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 22 août 2016 par Madame le premier président de la cour d'appel de PARIS

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur AUFERIL, avocat général, qui a développé oralement ses conclusions écrites

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Madame Dominique GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente de chambre.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique GUIHAL, conseillère, faisant fonction de présidente et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date 22 mai 2015 qui a débouté le ministère public de sa demande de sursis à statuer, déclaré M. [H] [S] [I], né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire) irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, constaté qu'il est réputé avoir perdu la nationalité française le 1er octobre 2008, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et mis les dépens à la charge de M.[H] [I] ;

Vu l'acte d'appel en date du 29 septembre 2015 et les conclusions signifiées au ministère public le 24 mai 2016 par lesquelles M. [H] [I] demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire qu'il est de nationalité française, d'ordonner les mentions prévues aux articles 28 et 28-1 du code civil, et de mettre les frais et dépens à la charge de l'Etat ;

Vu les conclusions du ministère public signifiées à l'appelant le 16 juin 2016 sollicitant la confirmation du jugement en ce qu'il a dit M. [H] [I] irrecevable à revendiquer la nationalité française par filiation et constaté qu'il avait perdu la nationalité française à une date qu'il appartiendra à la cour de fixer, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, de laisser les frais irrépétibles et les dépens à la charge de l'appelant ;

SUR QUOI

Sur l'application de l'article 30-3 du code civil

Considérant qu'aux termes de l'article 30-3 du code civil, 'lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. Le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6" ;

que l'article 23-6 du même code dispose que 'le jugement détermine la date laquelle la nationalité française a été perdue. Il peut décider que cette nationalité a été perdue par les auteurs de l'intéressé et que ce dernier n'a jamais été français' ;

Considérant que le ministère public fait valoir que M. [H] [I] se dit français par sa mère, [X] [E], née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2], en Guinée; que l'appelant a résidé en Côte d'Ivoire depuis sa naissance et que son entrée en France en août 2012 pour y suivre des études précède de peu l'introduction de l'instance devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir constater sa nationalité française ; qu'il passe ses vacances à l'étranger ; qu'il ne peut donc se déduire de ces éléments que l'intéressé réside habituellement en France, les autres éléments, postérieurs à l'assignation, ne pouvant être pris en compte à compter de cette date ; que la mère n'a jamais résidé en France ; qu'il est en conséquence justifié, à la date de l'assignation, d'une fixation des ascendants de l'appelant à l'étranger depuis plus d'un demi-siècle ; que ni Mme [X] [E], ni l'appelant ne disposent d'éléments de possession d'état de Français ; que les conditions cumulatives de l'article 30-3 du code civil sont ainsi réunies sans que la situation, cristallisée au jour de l'assignation du procureur de la République devant le tribunal de grande instance, ne puisse être 'régularisée' en cours de procédure ;

Considérant que M. [H] [I] soutient que les articles 23-6 et 30-3 du code civil ne sont pas applicables à sa situation en relevant, d'une part, que les personnes natives ou ressortissantes d'un territoire anciennement sous souveraineté française n'entrent pas dans le champ d'application des articles 23-6 et 30-3 du code civil et qu'il relève des dispositions dérogatoires du chapitre VII, d'autre part, que le jugement définitif rendu le 22 mai 2015 constatant la nationalité française de la mère de l'appelant est opposable erga omnes et a un caractère déclaratif, donc rétroactif, qui a profité à M. [H] [I] dont la mère était française le jour de sa naissance, enfin que la date supposée de perte de la nationalité française par M. [H] [I], qu'il s'agisse de celle retenue par le tribunal (1er octobre 2008) ou de celle proposée par le ministère public (13 février 2010) ne repose sur aucun fondement juridique;

Que M. [H] [I] fait également valoir qu'il est venu résider en France à compter d'août 2012 pour y faire des études et qu'il y réside toujours, ce qui exclue l'application de l'article 30-3 du code civil ;

Qu'à titre subsidiaire, M. [H] [I] soutient que la fin de non-recevoir posée par l'article 30-3 du code civil a fait l'objet d'une régularisation conformément aux dispositions de l'article 126 alinéa 1 du code de procédure civile puisque par jugement du 22 mai 2015 la mère de l'appelant a été déclarée de nationalité française, ce qui caractérise sa possession d'état de Française, à l'instar de la transcription de l'acte de naissance français de l'intéressée le 1er février 2016 par le consulat de France en Guinée et l'établissement de son passeport français le 23 mars 2016, qu'aucune disposition n'impose que les éléments de possession d'état soient acquis à la date anniversaire des 50 ans des Indépendances ou de l'ascendant visé par l'article 30-3 du code civil ou encore à la date introductive d'instance ; qu'une autre analyse serait constitutive d'une rupture d'égalité de traitement entre les Français selon leur lieu de naissance ; que de même, le principe d'égalité devant la loi interdit d'enfermer l'action déclaratoire de nationalité dans un délai alors que l'action du ministère public pour faire constater l'extranéité d'un individu n'en connaît pas ;

Considérant que les dispositions de l'article 30-3 du code civil sont applicables aux personnes natives ou ressortissants des territoires anciennement sous souveraineté française, aucune distinction n'étant à faire selon les circonstances dans lesquelles le demandeur et ses ascendants se sont établis ou sont demeurés fixés à l'étranger; que l'existence de dispositions spécifiques en matière d'effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance d'anciens départements ou territoires d'outre-mer de la République, prévues au chapitre VII, ne rend pas inapplicables aux intéressés les disposition prévues par l'article 30-3 du code civil inséré dans la section relative à la preuve de la nationalité devant les tribunaux au sein du Titre I bis -chapitre VI du code civil, intitulé ' Du contentieux de la nationalité' ; que la référence aux 'Français d'origine par filiation', dont l'appelant entend tirer la non application de l'article 30-3 du code civil à sa situation, ne ressort pas de ces dispositions mais de celles de l'article 23-6 du même code auquel l'article 30-3 ne renvoie que pour fixer les modalités de constat de la perte de la nationalité française ; qu'en tout état de cause, cette expression vise à distinguer la nationalité française d'origine 'par la naissance en France' (section II du chapitre II du Titre I bis du code civil) de celle 'de la nationalité française d'origine ' par filiation' (section I du chapitre II du Titre I bis du code civil) qui seule est concernée par les articles 23-6 et 30-3 du code civil et nullement à exclure les personnes 'originaires' de territoires anciennement sous souveraineté française ;

Considérant que M. [H] [I] se dit français par filiation au visa de l'article 18 du code civil en sa qualité de fils de Mme [X] [E] épouse [I], elle même française pour être la fille de parents français ce que le tribunal de grande instance de Paris a reconnu par jugement définitif du 22 mai 2015 ;

Considérant que M. [H] [I] est né en Côte d'Ivoire ; qu'il explique résider en France depuis le 25 août 2012 pour y faire ses études ;

Considérant que [la condition tenant à la résidence de l'individu prévue par l'article 30-3 du code civil s'apprécie au jour de l'assignation ]; que s'il est établi que M. [H] [I] est en réalité arrivé en France dès le 28 août 2012 pour y poursuivre des études, sur la base d'un premier visa temporaire d'un an à compter du 25 août 2012, il demeure que l'intéressé, qui ne le conteste pas, 'a résidé habituellement à l'étranger' avant cette date, conformément aux termes de l'article 30-3 précité, et ce depuis sa naissance, étant observé qu'il se domiciliait toujours à [Localité 3] dans son assignation du 13 septembre 2012; [qu'à cet égard, les éléments postérieurs à cette date et qui établissent l'existence d'un séjour temporaire en France exclusivement lié aux études et ponctué de retours à l'étranger pendant les vacances scolaires, n'ont pas à être pris en compte];

Que la condition légale relative à la résidence de l'appelant est donc remplie ;

Considérant qu'il n'est justifié d'aucun élément de possession d'état de Français par M. [H] [I] ;

Considérant que la mère de M. [H] [I] vit à l'étranger depuis sa naissance survenue le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 2] en Guinée, ce territoire ayant accédé à l'indépendance le 1er octobre 1958 ; que le tribunal relève à juste titre que la propriété d'un appartement acquis en France en 1989 par Mme [X] [E] ne prouve pas que celle-ci y a fixé sa résidence ; qu'elle s'est mariée à [Localité 3] en Côte d'Ivoire le 31 octobre 1985, que ses trois enfants y sont nés en 1987, 1989 et 1994 ; que le certificat de résidence établi le 15 octobre 2012 par la préfecture de police d'[Localité 3], mentionne qu'elle est domiciliée à [Localité 4] (Côte d'Ivoire) et qu'elle a sa résidence régulière à [Localité 3]depuis 1979 ; qu'elle résidait donc à l'étranger le 14 février 2010, soit plus d'un demi-siècle après sa naissance;

Qu'il s'en suit que la condition posée par l'article 30-3 du code civil tenant à la fixation à l'étranger de l'ascendant de l'appelant dont ce dernier tient par filiation la nationalité française est acquise à la date du 14 février 2010 ;

Considérant que le fait que Mme [E] ait été reconnue française par filiation par jugement définitif du tribunal de grande instance de Paris en date du 22 mai 2015, sur une saisine de l'intéressée en date du 13 septembre 2012, ne suffit pas à caractériser une possession d'état de Français durant la période antérieure au 14 février 2010 ;

Considérant que les seuls autres éléments invoqués par l'appelant pour établir la possession d'état de Français de sa mère (tels la transcription de son acte de naissance le 1er février 2016 par le consulat de France en Guinée et l'établissement de son passeport français le 23 mars 2016) sont tous postérieurs à ce jugement ; qu'ils ne sauraient donc être pris en compte pour anéantir les effets de la perte par M. [H] [I], à la date du 14 février 2010, de sa nationalité française, sans qu'aucune 'régularisation' ne puisse intervenir en cours de procédure ;

Que par ailleurs les dispositions de l'article 30-3 du code civil, qui ne constituent pas un délai de prescription de l'action mais ont trait au régime probatoire de la nationalité française, ne viennent pas rompre l'égalité devant la loi selon qu'il s'agirait d'une action négatoire ou déclaratoire de nationalité française tel qu'allégué par l'appelant; qu'elles n'introduisent pas davantage une inégalité de traitement entre Français selon leur lieu de naissance ;

Qu'il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a dit M. [H] [I] irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française mais de l'infirmer en ce qu'il a retenu comme date de perte de la nationalité française celle du 1er octobre 2008 pour lui substituer celle du 14 février 2010 ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à la date à laquelle M. [H] [I] est réputé avoir perdu la nationalité française ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Constate que M. [H] [I] est réputé avoir perdu la nationalité française le 14 février 2010;

Condamne M. [H] [I] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE, faisant fonction de présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/19333
Date de la décision : 08/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°15/19333 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-08;15.19333 ?
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