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04/11/2016 | FRANCE | N°15/04227

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 04 novembre 2016, 15/04227


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 04 NOVEMBRE 2016



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04227



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/09601





APPELANTE



ETABLISSEMENT PUBLIC SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR LA DESTRUCTION DES RÉSIDUS URBAINS (SIDRU)r>
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au ba...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2016

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04227

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/09601

APPELANTE

ETABLISSEMENT PUBLIC SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR LA DESTRUCTION DES RÉSIDUS URBAINS (SIDRU)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Ayant pour avocat plaidant Me Didier MALKA, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132

INTIMÉE

SOCIÉTÉ DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

IRLANDE

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Maître Frédéric GROS, avocat au barreau de PARIS, toque : J001

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

La Cour statue sur l'appel principal régulièrement interjeté par le SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU, à l'encontre du jugement prononcé le 29 janvier 2015, par le Tribunal de Grande Instance de PARIS et sur l'appel incident formé par la DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY, enseigne DEPFA BANK, dans le litige les opposant entre elles.

FAITS, PROCEDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le SIDRU a confié à la société NOVERGIE la construction et la gestion d'un centre d'incinération des déchets et de valorisation des résidus urbains dénommé AZALYS et situé à [Adresse 3].

La construction de ce centre en 1998, outre les subventions publiques, a été financée :

- par un prêt contracté par le SIDRU auprès de la Caisse d' Epargne à hauteur de 13,57 millions d'euros, le 30 mars 1999 d'une durée de 30 ans au taux fixe de 5,10% l'an,

- par une opération de crédit bail d'un montant de plus de 42 millions d'euros conclue entre la société NOVERGIE et deux société financières spécialisées dont le SIDRU a pris en charge une quote-part à hauteur de 35 millions d'euros et au titre de laquelle le SIDRU paye un taux d'intérêt fixe à la Banque Européenne d'Investissement de 5,92 % l'an.

Dans le cadre d'une gestion active de sa dette le SIDRU a eu recours à partir de 2003 à des contrats d'échange de taux dénommés swap de taux d'intérêt.

En 2003 le SIDRU a conclu avec la SOCIETE GENERALE un contrat d'échange de taux en relation avec sa dette propre qu'il a résilié en 2005, puis deux swaps avec NATIXIS en relation l'un avec sa dette propre et l'autre avec sa dette crédit-bail.

Aux termes du swap conclu en 2005 en relation avec sa dette crédit-bail, le SIDRU s'est engagé sur un capital de 32.492.067,88 euros :

- à recevoir de NATIXIS un taux fixe de 5,92 % l'an,

- à régler à NATIXIS : du 15 décembre 2005 au 15 décembre 2008 un taux fixe de 2,40 % l'an et du 15 décembre 2008 au 15 décembre 2018 un taux variable déterminé selon un plafond de 14,40 % et un plancher de 2,40 %.

Le SIDRU a lancé au mois de novembre 2006 un appel d'offres afin de rechercher un nouveau conseil en gestion de dette dans le but de réduire les charges financières.

Un premier processus de négociation a été engagé et abouti à deux propositions de contre swap concernant la dette propre : ces deux propositions n'ont pas été retenues par le SIDRU qui a finalement fait modifier les conditions financières du swap NATIXIS, dette propre, par un avenant signé le 5 février 2007.

Dans le courant du mois d'avril 2007 le SIDRU a de nouveau sollicité la DEPFA au titre de la couverture du swap NATIXIS crédit-bail : 4 propositions successives de contre swap visant à créer un nouvel échange de flux financiers pour couvrir l'exposition au titre du flux sous-jacent, ont été proposées par DEPFA au SIDRU.

Le contre swap litigieux a finalement été signé le 19 juillet 2007 entre le SIDRU et DEFPA, sur un montant nominal de 19.498.190,09 euros sur la base du document pré contractuel présenté le 19 mai 2007 dont il résulte :

- la réception par le SIDRU, pendant toute la durée du contrat entre le 15 décembre 2008 et le 15 décembre 2018, d'un taux d'intérêt équivalent à celui dû à NATIXIS soit un taux maximum de 14,40 % et un taux minimum de 2,40 %

- le versement par le SIDRU à DEFPA pendant un an soit du 15 décembre 2008 au 15 décembre 2009 d'un taux d'intérêt de 3,68 % l'an et du 15 décembre 2009 au 15 décembre 2018 d'un taux d'intérêt de : 4,68 %+ l'an 1,7 x max (0 ; EUR/USD-EUR/CHF). Cette formule affecte un coefficient multiplicateur sur la valeur maximale entre 0 et le différentiel du taux de change d'un euro en dollar américain avec le taux de change d'un euro en franc suisse. Il varie selon l'évolution de la différence de parité de change entre deux devises de référence, le dollar et le franc suisse par rapport à l'euro et augmente si le cours du franc suisse dépasse le cour du dollar américain et ce, jusqu'en 2018.

Il est constant qu'à la fin du mois de février 2010, la formule du taux payé par le SIDRU à la DEPFA équivalait à un taux fixe de 28,5 %.

Le SIDRU a demandé à Monsieur [E] [I], expert en finances inscrit sur la Cour d'Appel de PARIS, d'analyser le swap conclu avec la DEPFA BANK ; celui-ci a rendu un rapport le 15 décembre 2010 complété par deux notes en date du 5 septembre 2012 et du 1er juillet 2013.

La DEPFA BANK a demandé à un spécialiste en produits dérivés et mathématiques financières, Monsieur [M] [L], d'analyser le swap DEPFA. Celui-ci a établi un rapport le 21 décembre 2012, complété par une note du 22 avril 2014.

Le tiers du swap NATIXIS non concerné par le contre swap conclu avec la banque DEPFA a été résilié par le SIDRU le 7 mars 2012 moyennant le paiement d'une soulte à la société NATIXIS d'un montant de 190.000 euros.

A la veille de l'entrée en vigueur de la formule de taux indexée sur le différentiel et compte tenu de l'évolution du taux de change de l'euro contre le dollar américain d'une part et contre le franc suisse d'autre part, le SIDRU a sollicité début 2009 auprès de la banque DEPFA une restructuration de ce taux ainsi que des éléments d'informations sur le coût d'une sortie anticipée de ce contrat.

Les parties n'ont pu parvenir à un accord en dépit de la médiation mise en oeuvre à la fin de l'année 2010 pour les emprunts à risques des collectivités locales.

Il est constant que le taux dû par le SIDRU à la DEPFA est passé de 13,35 % à 25 % au mois de mars 2011 puis à 34 % en avril 2011, pour atteindre 55 % au mois d'août 2011.

Le SIDRU a suspendu les paiements des échéances du contre swap à compter du mois de juillet 2011.

La DEPFA a fait signifier au SIDRU des mises en demeure de régler les échéances impayées à compter du 4 août 2011.

Aux termes de la dernière mise en demeure signifiée le 13 mai 2014, la DEPFA a réclamé au SIDRU la somme de 9.931.946,48 euros au titre des échéances mensuelles impayées entre le 15 juillet 2011 et le 14 avril 2014 outre la somme de 279.419,33 euros au titre des intérêts de retard dus en application de l'article 9 de la Convention cadre du 19 juillet 2007.

Par acte d'huissier de justice en date du 11 mai 2011, le SIDRU a assigné la DEPFA BANK aux fins de :

- prononcer la nullité de la convention de swap conclue entre la DEPFA BANK et le SIDRU le 19 juillet 2007,

- condamner la DEPFA BANK à supporter les frais de cette annulation,

- condamner à titre subsidiaire la DEPFA BANK à régler au SIDRU des dommages et intérêts correspondant aux montants des intérêts payés ou échus qui excèdent un taux d'intérêt de 6,40 %,

- dire que ces dommages et intérêts viendront en déduction, le cas échéant, de toute somme réclamée par la DEPFA BANK au titre du swap jusqu'à son terme ou résiliation,

- condamner la DEPFA BANK à payer au SIDRU en cas de résiliation du swap par l'une ou l'autre partie des dommages et intérêts correspondant à la soulte qui serait due par le SIDRU,

- juger en conséquence que le SIDRU pourra payer le montant de la soulte par compensation avec le montant des dommages et intérêts auxquels la société DEPFA BANK sera condamnée,

- condamner la DEPFA BANK à régler au SIDRU une somme de 160.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner la DEPFA BANK aux dépens.

Le jugement entrepris a :

- débouté le SIDRU de sa demande de nullité,

- reconnu le manquement de la DEPFA à son devoir de mise en garde au motif que la formule retenue pour la majoration du taux de base expose le SIDRU à un risque financier illimité, que la charge d'intérêts maximale que le SIDRU peut être amené à servir à DEPFA BANK n'est pas déterminable faute de plafonnement de taux et qu'elle est suceptible de le placer dans l'impossibilité de mettre un terme au contrat puisque le coût de sa résiliation est calculé sur sa valeur de marché,

- condamné la DEPFA BANK à régler au SIDRU la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné le SIDRU à régler à la DEPFA BANK la somme de 9.931.946,48 euros avec intérêts conventionnels tels que définis par l'article 9-1 de la Convention cadre du 19 juillet 2007 à compter du 15 juillet 2011, date de la première échéance impayée, et capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la DEPFA BANK à régler au SIDRU la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- rejeté le surplus des demandes,

Le SIDRU au terme de ses dernières écritures signifiées par voie dématérialisée le 27 juin 2016, demande :

- l'infirmation du jugement à titre principal en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat de swap conclu le 19 juillet 2007 entre DEPFA et SIDRU,

- de juger que le consentement du SIDRU a été vicié pour dol et en tout état de cause par une erreur sur les qualités substantielles du contrat,

- de prononcer la nullité de la convention de swap à la charge de DEPFA,

En conséquence,

- de condamner DEPFA à restituer au SIDRU le solde des intérêts que le SIDRU a payé en exécution du contrat jusqu'au 15 juin 2011 soit la somme de 2.791.415,28 euros,

- de juger que les sommes réclamées par DEPFA au titre de sa lettre du 5 mars 2015 à hauteur de 19.915.197,60 euros sont nulles et non avenues,

A titre subsidiaire,

- de juger que DEPFA a violé ses obligations professionnelles et en particulier ses obligations d'information et de mise en garde,

- réformer le jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages et intrêts dus au SIDRU à la somme de 120.000 euros,

- condamner DEPFA à payer au SIDRU la somme de 21.571.282,24 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire que ces dommages et intérêts se compenseront avec les sommes réclamées par DEPFA au titre de sa lettre du 5 mars 2015 soit 19.915.97, 60 euros,

En tout état de cause,

- condamner DEPFA à verser au SIDRU une somme de 200.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur la nullité du contrat de swap, le SIDRU invoque en premier lieu l'erreur.

Il fait valoir que le document pré contractuel de présentation du swap contient des informations trompeuses sur la nature du risque et que son représentant, Monsieur [P], non assisté d'un conseil, est un profane en la matière. A cet égard il souligne que l'aléa du contrat ne fait pas obstacle à la commission d'une erreur et il cite une jurisprudence ayant retenu l'erreur substantielle commise par un franchisé sur la rentabilité de l'activité entreprise. Il soutient qu'en réalité la formule de swap dissimule une vente d'options d'achat à découvert, s'agissant d'une option implicite car c'est la définition du taux d'intérêt payé qui incorpore l'option. Il souligne que le swap DEPFA est un instrument spéculatif et qu'il n'est pas un instrument de couverture au regard des normes comptables car tant le critère de l'accroissement du risque que le critère de la décorrélation du swap et de son sous-jacent ne sont pas remplis. Selon l'appelant, le tribunal a dénaturé la convention des parties en considérant que le swap avait rempli sa fonction de couverture au regard de la seule «jambe receveuse» du contrat de swap, c'est à dire de la seule branche dans le cadre de laquelle le SIDRU reçoit sur le swap NATIXIS 14,40 % maximum alors que le contrat d'échange doit être analysé dans son ensemble. Selon l'appelant, le tribunal a également fait une mauvaise appréciation de l'erreur en soutenant que le SIDRU avait connaissance du caractère illimité du profil de risque, point qui n'est pas contesté par le SIDRU qui dénonce au contraire la malhonnêteté de la présentation qui a été faite de ce risque par la banque qui a trompé le SIDRU sur le profil du risque du produit.

Le SIDRU invoque en second lieu le dol.

Il soutient que la DEPFA a dissimulé volontairement les informations déterminantes concernant le fait que le SIDRU devenait un vendeur d'options, réalité qui a été confirmée par différents experts et qu'ainsi en réalité c'est le SIDRU qui couvre le risque de change de DEPFA. Il souligne que la banque a trompé le SIDRU sur la probabilité de réalisation du risque en se basant sur des évolutions historiques et en faisant croire au SIDRU que le scénario catastrophe pertinent aboutirait à un taux inférieur à 6,40 % ; ce faisant selon le SIDRU, la banque anticipait nécessairement le franchissement de la barrière qu'elle espérait nécessairement pour que l'opération lui soit financièrement profitable.

A titre subsidiaire le SIDRU fait valoir que la banque a manqué à son obligation d'information règlementée par l'article L 533-4 du code monétaire et financier :

- elle n'a pas vérifié la compétence du SIDRU,

- elle n'a pas communiqué les informations utiles, concernant la vente avec option d'achat et concernant l'indication selon laquelle un scénario catastrophe peu probable aboutirait à un taux inférieur à 6,40 % mais a présenté le produit de manière rassurante et incitative,

- elle a décrit le fonctionnement de la formule du swap de manière erronée,

- elle n'a pas informé le SIDRU des montants de la valeur de remplacement du contrat dans l'hypothèse d'une sortie avant terme,

- elle n'a pas agi au mieux des intérêts de SIDRU.

Le SIDRU fait valoir à titre très subsidiaire que la DEPFA a manqué à son obligation de mise en garde car le SIDRU n'est pas un opérateur averti en matière de conventions de swap, les précédentes conventions conclues étant de nature différente de la convention litigieuse or, selon l'appelant, la banque a fait une présentation incitative et rassurante qui est directement à l'origine d'une perte de chance très élevée de ne pas conclure le swap DEPFA qui doit s'appliquer à l'ensemble des sommes réclamées.

Enfin, sur les dommages et intérêts qui lui sont dus, le SIDRU soutient que la perte de chance de ne pas contracter est une quasi certitude qui ne peut être inférieure à 95 % car le président du SIDRU n'était pas pressé de contracter le contre-swap compte tenu du sentiment qu'il avait que le swap NATIXIS allait peut-être arrêter de se dégrader. Il précise que cette perte de chance liée à l'empressement de la DEPFA à lui faire signer le contre swap doit s'appliquer à l'ensemble des pertes auxquelles le SIDRU a été exposé.

La DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY a développé les conclusions signifiées par voie dématérialisée le 25 août 2016 tendant à :

Au vu de la Convention Cadre FBF du 19 juillet 2007 et de l'Acte de Confirmation du SWAP DEPFA et du SIDRU du 15 juillet 2007,

Au vu des articles 1110 et suivants, 1134, 1147 et 1382 du Code Civil,

Au vu de l'article 1154 du Code Civil,

Sur l 'action en nullité

- juger que les swaps sont par nature des opérations dont l'issue est aléatoire, établis à leur date de conclusion selon le principe d'équivalence actuarielle et donnant lieu à l'échéance à un profit pour l'une des parties et à une perte corrélative pour l'autre,

- juger qu'un swap de couverture consiste pour la banque swappeuse à prendre en charge ce que doit exactement sa contrepartie à un tiers en échange d'un autre flux reçu de cette contrepartie,

- juger que le SIDRU n'a commis aucune erreur sur la substance de l'opération de swap contractée à l'occasion de la conclusion de la Convention Cadre FBF du 19 juillet 2007 et de l'Acte de Confirmation du Swap DEPFA du 15 juin 2007,

- juger que le SIDRU n'a pas été victime d'un dol à l'occasion de la conclusion de la Convention Cadre FBF du 19 juillet 2007et de l' Acte de Confirmation du Swap DEPFA du 15 juin 2007,

- de juger que cette convention et cet acte ne sont entâchés d'aucune cause de nullité,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le SIDRU de sa demande de nullité de la convention d'échange de taux du 19 juillet 2007,

- rejeter l'ensemble des demandes formulées par le SIDRU,

Sur l'action en responsabilité

A titre principal,

- juger que le SIDRU est un investisseur expérimenté et averti,

- juger que la DEPFA BANK n'a manqué à aucune de ses obligations et qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard du SIDRU,

- juger qu'aucun dommages et intérêts de quelque nature n'est dû par DEPFA BANK,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que DEPFA BANK a satisfait à son obligation d'information en sa qualité de prestataire de service d'investissement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la DEPFA à indemniser le SIDRU à hauteur de 120.000 euros,

- débouter le SIDRU de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- juger que le préjudice subi par le SIDRU ne saurait excéder 120.000 euros,

A titre reconventionnel,

- juger que le SIDRU est tenu à ses obligations de paiement au titre (i) du montant total des impayés dus par le SIDRU à ce jour et s'élevant à 12.116.409,21 euros et (ii) de la valeur de remplacement du swap litigieux s'élevant à 7.371.548,67 euros constituant ensemble le solde de résiliation du swap litigieux,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le SIDRU au paiement des sommes impayées,

Le réformant quant au montant alloué,

- condamner le SIDRU au paiement (i) du montant total des impayés dus par le SIDRU à ce jour et s'élevant à 12.116.409,21 euros et des intérêts de retard de 427.239,72 euros (courus jusqu'au 2 mars 2015) et (ii) de la valeur de remplacement du swap litigieux, notifiée le 27 février 2015 avec effet au 2 mars 2015, s'élevant à 7.371.548,67 euros soit la somme totale de 19.915.197,60 euros à parfaire des intérêts de retard non encore liquidés dus conformément aux stipulations des articles 8.2.5 et 9.1 de la Convention FBF jusqu'à la date de paiement effectif,

- ordonner la capitalisation des intérêts de retard,

En tout état de cause,

- condamner le SIDRU à payer à la DEPFA BANK la somme de 100.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La DEPFA BANK à titre préliminaire soutient que le SIDRU a fait le choix systématique de l'opacité, de la rétention de document et s'est employée à dissimuler des informations, à dénaturer les faits et a fait une utilisation sournoise des enregistrements des conversations téléphoniques.

Elle souligne que le SIDRU est un investisseur expérimenté et averti ayant déjà conclu par le passé de nombreux avenants au swap NATIXIS dette propre et au swap NATIXIS crédit-bail et que le SIDRU dès 2003 s'est intéressé aux swaps structurés. Elle rappelle la compétence des représentants du SIDRU dans le domaine financier dont le Président, [P] [N], Enarque et ancien conseiller du ministre des Finances a confirmé qu'il maîtrisait la formule proposée, et dont le Vice-Président, [V] [P], avait antérieurement négocié et pratiqué des formules très voisines et de nombreux conseils ayant assisté le syndicat pour la gestion de sa dette.

Sur l'action en nullité, la banque rappelle le caractère aléatoire des swaps, le principe d'équilibre actuariel des swaps et soutient que l'apparition d'un profit pour l'une des parties et d'une perte corrélative pour l'autre partie, est la conséquence logique de ce caractère nécessairement aléatoire, sauf hasard extraordinaire d'égalité entre les taux Euribor réels et les taux Forwards.

Sur l'absence d'erreur, la banque rappelle que le swap DEPFA répondait aux besoins clairement exprimés par le SIDRU : de réduire les charges financières, moyennant une prise de risque dont le curseur a lui-même été fixé par le SIDRU ainsi que le prouvent les négociations dont le contenu est rapporté par la production des mails entre les parties et la production des enregistrements des conversations téléphoniques. Elle souligne également que le swap DEPFA constitue bien une opération de couverture ce qui n'est pas toujours le cas (certains swaps n'étant mis en place que dans l'unique but de spéculer sur un gain éventuel), que la notion de couverture n'est pas exclusive de la notion de risque et qu'il répond bien aux critères établis par la jurisprudence.

Sur le caractère spéculatif à raison des potentiels de risques illimités encourus, elle soutient que le risque est rentré dans le champ contractuel par le fait que le SIDRU avait conscience de l'absence de plafond du taux d'intérêt et que cette spéculation est circonscrite au domaine de l'obligation de mise en garde.

Sur le dol, la banque fait valoir que contrairement à ce qui est soutenu, le contrat d'option invoqué n'existe pas, car le contrat d'option s'analyse en une promesse unilatérale de vente ou d'achat qui confère un droit potestatif or le SIDRU n'a pas agi en qualité de vendeur d'une option à la DEPFA. En effet, condition ne signifie pas option et le SIDRU avait compris que l'indexation structurelle était conditionnelle.

Sur la monnaie de paiement, la banque souligne que le contrat ne présente pas de risque de change puisqu'il a été souscrit en euro et que le fait que la formule de taux repose sur le cours du franc suisse contre celui du dollar ne peut avoir d'impact que sur le montant des intérêts dus à chaque échéance.

Subsidairement, la banque rappelle que la qualification d'un contrat complexe ne peut être exclusive, que la jurisprudence citée est inopérante et que la probabilité de réalisation des risques n'a jamais été dissimulée mais envisagée par :

- la remise de tableaux de simulation,

- la communication des taux forwards,

- le rapport RISKEDGE,

- l'absence de toute intention de nuire.

Sur l'action en responsabilité, exercée à titre subsidaire,

la banque indique avoir fourni une information exacte, complète et objective et que les reproches formulés sont inopérants : en effet, il n'y a pas de contrat d'option, l'hypothèse d'un taux de 6,40 % était une simulation, la formule était complètement comprise par le SIDRU, il n'y a pas de risque de change et une information parfaitement claire sur la valeur de remplacement et les modalités de résiliation du swap DEPFA. Elle rappelle qu'en matière de prestation d'investissement le principe de la primauté des intérêts du client ne s'applique pas, et qu'en tout état de cause la banque, contrairement à ce que soutient le SIDRU n'a pas « anticipé un franchissement de la barrière » puisqu'elle démontre qu'elle était elle-même couverte par un swap miroir de l'opération mise en place auprès d'un teneur de marché. En outre la banque souligne que les cours de change à terme dits « forwards » ne sont pas des anticipations de marché mais des outils de calculs dénués de toute valeur prédictive.

Sur le devoir de mise en garde, la banque rappelle que seul l'investisseur profane bénéficie de cette protection.

Les demandes de dommages et intérêts devront être rejetées faute pour le SIDRU de démontrer le lien de causalité entre la faute et le dommage et de rapporter la preuve d'un préjudice indemnisable. La perte de chance de ne pas contracter un swap DEPFA est très faible car la volonté du SIDRU d'intervenir sur les swaps en cours a été actée. La perte de chance de conclure un autre swap moins risqué n'est pas non plus démontrée car DEPFA a communiqué de nombreux contre swaps auxquels le SIDRU n'a pas donné suite. Enfin, le quantum des demandes est changeant et la base de calcul hétéroclite quant aux montants additionnés et, en toute hypothèse, la condamnation au paiement des impayés devra être majorée selon la banque, de la valeur de remplacement du swap correspondant au total du solde de résiliation.

SUR QUOI,

LA COUR :

SUR L'ERREUR

Considérant les dispositions de l'article 1110 du code civil selon lesquelles l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ;

Considérant qu'il s'évince de ce texte que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat, que l'erreur s'apprécie in concreto par référence à la situation personnelle de celui qui s'en prétend victime et que la charge de la preuve de l'erreur incombe à celui qui s'en prévaut ;

Considérant qu'en l'espèce le premier contrat de swap signé par le SIDRU avec NATIXIS avec prise d'effet au 15 décembre 2005 et échéance au 15 décembre 2018 permettait au SIDRU selon une périodicité mensuelle et sur la base d'un montant nominal de 32.492,067 euros de recevoir un taux de 5,92 % et de payer en contre partie un taux de 2,40 % jusqu'au 15 décembre 2008 puis un taux compris entre 2,40 % et 14,40 % selon la formule 14,40 % - 10 x (CMS 30 ans ' CMS 2 ans) ;

Que la mise en place du contre-swap signé avec DEPFA le 12 juin 2007 répondait au souhait du SIDRU, compte tenu de la baisse des taux d'intérêt, de réduire son exposition au risque de taux induit par la souscription du swap de pente auprès de NATIXIS ;

Que ce contre-swap présente les caractéristiques suivantes :

date de départ : 15 décembre 2008

date d' échéance : 15 décembre 2018

périodicité : mensuelles

notionnel : 19.498.190 euros

taux reçu par le SIDRU : 14,40 %-10 (CMS 30 ans ' CMS 2 ans) avec un taux minimum de 2,40 % et un taux maximum de 14,40 %

taux payé par le SIDRU : 3,68 % jusqu'au 15 décembre 2009 puis selon la formule suivante: 4,68 + 1,7 x Max (0 ; EURUSD ' EURCHF) ;

Que cette formule signifie que le taux est majoré par un coefficient multiplicateur appliqué à la différence entre le taux de change d'un euro en dollar américain avec le taux de change d'un euro en franc suisse ;

Que ce swap permet donc au SIDRU de bénéficier d'un taux bonifié de 3,68 % pendant une période d'une année à l'issue de laquelle le taux payé est indexé sur une formule reposant sur un écart entre 2 devises ;

Que ce taux n'est plus plafonné et peut atteindre un niveau très élevé si le franc suisse dépasse le dollar, le taux bonifié de 4,68 % ne bénéficiant au SIDRU que tant que le franc suisse se maintient en dessous du cours du dollar américain ;

Considérant que l'opération d'échange de taux a été confirmée le19 juillet 2007 dans le cadre de la Convention Cadre FBF relatives aux Opérations sur Instruments Financiers à Terme qui prévoit entre autres dispositions les modalités de résiliation de la transaction, le calcul et le paiement du solde de résiliation et particulièrement en son article 6-7 réécrit par l'article 8-5 que chaque partie :

«(i) agit pour son propre compte et a pris elle-même la décision de conclure cette transaction et d'estimer que cette transaction est appropriée à ses besoins et conforme aux règles qui lui sont applicables sur la base de son propre jugement et des conseils de ceux de ses conseillers qu'elle a jugé utile de consulter ;

( iv) est capable de mesurer les avantages de cette transaction, de comprendre ses termes et d'analyser les risques qui lui sont liés soit par elle-même soit par des conseils qu'elle recueille » ;

Considérant que l'acceptation de la mise en place d'une parité de devise par le SIDRU procède de la substance même du contrat selon un équilibre déterminé à la date de sa mise en place étant observé que la variabilité du taux de la jambe payeuse du contrat était inconnue au moment de l'échange des consentements, la probabilité d'une évolution défavorable du différentiel de change étant estimée faible, compte tenu des données historiques de référence reprises dans la présentation du swap indexé dans le document échangé le 31 mai 2007 ;

Qu'au regard des normes comptables applicables en 2007 il s'agit bien d'une opération de couverture dès lors que la jambe receveuse du contrat permet au SIDRU de recevoir pour la période de 2009 à 2018 un taux équivalent à celui payé par lui à NATIXIS et que le SIDRU bénéficie en outre pour l'année 2009 d'un taux bonifié à 3,68 % ;

Qu'il ne peut être valablement soutenu que l'erreur procèderait de ce que le contrat de swap n'est pas un instrument de couverture au regard des normes comptables à défaut de respecter les critères 1 et 3 de l'avis rendu par le Conseil des Normes Comptables en date du 10 juillet 1987, tenant d'une part à la réduction du risque de variation de valeur affectant l'élément couvert et, d'autre part, à l'absence de corrélation entre les variations de valeur de l'élément couvert et celles du contrat de couverture ou celles de l'instrument financier sous jacent, dès lors que cet avis n'est devenu applicable qu'avec son adoption par le Règlement 99-03 du 29 avril 2009 du Comité de Réglementation ;

Que les préconisations de la circulaire NOR/INT/B/92/00260/C du 15 septembre 1992 invoquées par l'expert mandaté par le SIDRU, [E] [I], n'ont pas de valeur normative et ne peuvent servir de support valable à l'invocation d'un vice du consentement quand bien même ces préconisations auraient été méconnues par le contrat;

Considérant que la présentation trompeuse du contrat invoqué par le SIDRU quant à sa substance même, ne peut nullement s'évincer du document intitulé «disclaimer» en date du 31 mai 2007 ayant servi de base à l'accord des parties en considération d'une hypothèse présentée comme «extrêmement défavorable où le taux payé serait de 6,37 % et n'ayant qu'une possibilité très faible de se produire» ;

Qu'en effet le SIDRU est un contractant éclairé, dont le Directeur, [P] [N], Maire de la Commune de [Localité 1], Enarque, Chef de Mission au contrôle général économique et financier pour le Ministère des Finances, disposait de toutes les compétences pour comprendre et analyser les conséquences possibles, bien que présentées comme peu probables, d'une forte progression de l'euro contre le dollar et d'une forte progression du franc suisse contre l'euro ;

Que les échanges téléphoniques enregistrés et retranscrits qui ont précédé la signature du contrat entre [V] [P], Vice-Président du SIDRU et principal interlocuteur de DEPFA, établissent que le SIDRU a eu recours, parallèlement à ce contrat à plusieurs autres swaps (les mécanismes du swap et du contre-swap étant identiques) pour la gestion de sa dette et qu'il avait une parfaite conscience du risque pris ainsi qu'en font foi les propos échangés au cours de la conversation du 29 mai 2007 entre Messieurs [P] et [F] de la DEPFA :

« M.[P] : je reprends contact avec vous. Je suis intéressé par votre formule, par contre je veux être certain qu'on a bien regardé le maximum que vous puissiez faire parce que, quand même, je souhaiterais vous faire travailler.

(')

J'ai une formule très voisine qui m'est proposée par quelqu'un, par [A] pour ne pas vous cacher. Elle est légèrement différente très légèrement(...) Revérifiez quand même si vous pouvez aménager votre formule(...) Ce que j'aurais aimé c'est que vous me communiquiez les forwards du 30. Du CMS 30 et le forward du 1 an. Parce que j'ai un autre swap sur [Localité 3] que vous avez dû voir. Qui est avec un 6,52 moins 10 fois les deux CMS ; donc là j'aimerais avoir une proposition pour cela mais si vous pouviez me communiquer rapidement les 2 forwards. Je suis en train de faire des études de mon côté, si vous voulez, ça me ferait gagner du temps. Vous me communiquez jusqu'en ' Je sais que ça devient un peu aléatoire avec la volatilité au-delà d'une certaine limite mais enfin au moins jusqu'en 2018 quoi, pareil...

M.[F] : Donc en fait la formule qui vous intéresse le plus est celle où vous êtes sécurisés pendant combien de temps sur le SIDRU '

M.[P] : je pense faire uniquement la sécurisation de départ. C'est à dire que je ne ferai pas de sécurisation après 2009 » ;

Conversation entre M. [F] et M. [N] le 11 juin 2007 :

M. [N] : les taux longs repartent et devraient repartir un peu, je ne suis pas un spécialiste loin de de là mais j'ai le sentiment puisque nous avons un CMS actuellement que les taux longs repartent et devraient repartir un peu (...) Le second élément c'est que je suis l'évolution du taux de change entre l'Euro et le Dollar et que la formule qui nous est proposée est une formule dans laquelle toute évolution favorable de l'Euro par rapport au dollar nous sera défavorable or moi mes anticipations c'est quand même que l'Euro va continuer durablement à s'apprécier contre le dollar. Je voudrais votre sentiment sur ce point.

(')

M.[F] : le risque très important à court terme est lié au fait que les taux courts devraient rester suffisamment élevés dans les mois à venir voire peut-être 2 ans, tant que du moins la croissance économique mondiale reste élevée or le problème c'est que si dans le même temps vous avez des taux longs qui repartent à la baisse alors ça pourra causer une inversion de la courbe mécaniquement.

M.[N] : ce qui serait dramatique pour nous.

(...)

M.[F] : (') la fameuse crise de l'immobilier américain qu'on avait anticipé à cause de la faillite de plusieurs établissement immobiliers subprimes aujourd'hui s'avère pas si grave que ça. Les investisseurs sont restés sur leur tendance haussière euphorique(...) la plupart des analystes du marché prédisent que d'ici quelques mois on aura une forte correction de ces marchés boursiers (..) et donc au contraire une reprise des marchés obligataires ce qui signifiera une baisse très importante des taux longs (') et vous allez vous retrouver rapidement dans une position à risque(...)

La principale chose qu'il faut savoir quand on fait une gestion de dette active qui revient à faire de l'optimisation de dette avec une prise de risque sur des positions de marché , c'est qu'il ne faut surtout pas mettre ses oeufs dans le même panier. (') Vous avez deux parités à regarder : notre position c'est que l'euro, on partage un peu votre point de vue, devrait plutôt baisser un peu par rapport au dollar(...) la variable d'ajustement devrait se faire sur les petites devises.

M.[N] : donc ça va être bon pour le franc suisse '

Exactement.(...) on devrait avoir une postion euro/franc suisse qui devrait augmenter c'est à dire un franc suisse qui devrait plutôt se déprécier par rapport à l'euro (..;) dans la mesure où la Suisse qui exporte à peu près 53% de sa production vers la zone euro n'a strictement aucun intérêt à voir sa monnaie trop s'apprécier par rapport à l'euro.(...)»

Considérant qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le SIDRU a donné son consentement au contrat de contre-swap dans le cadre d'une gestion active de sa dette avec, dès le départ, la volonté affirmée de limiter la sécurisation du contrat jusqu'en 2009 et d'accepter, dans un second temps, une prise de risque sur les positions du marché, en misant sur une légère baisse de l'euro par rapport au dollar et sur une dépréciation du franc suisse par rapport à l'euro ;

Que cette position soutenue par DEPFA a été discutée puis finalement adoptée par le SIDRU aux termes de nombreux échanges qui établissent la parfaite compréhension par ce dernier des mécanismes financiers proposés par la banque dans le cadre de la gestion active de sa dette et sa parfaite appréhension des risques encourus dans l'hypothèse d'une dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse, scénario dont la faible probabilité ne rendait pas impossible la réalisation, particulièrement dans le contexte de crise financière de 2007 au demeurant évoqué par la DEPFA ;

Que la vente implicite d'option d'achat à découvert qui serait, selon le SIDRU, intégrée dans le swap, ne peut en tout état de cause être constitutive d'une erreur sur la substance même du contrat puisque le SIDRU a accepté en connaissance de cause d'encourir un risque de perte illimité dont la seule issue est la sortie anticipée du contrat dans l'hypothèse d'une évolution défavorable de l'indexation ;

Qu'il s'en suit que le SIDRU échoue à rapporter la preuve d'une erreur sur la probabilité de la réalisation d'un risque qu'il avait les moyens en termes d'analyse financière et de discernement lié à son expérience de la pratique du mécanisme du swap, d'appréhender ;

Qu'il doit en conséquence être débouté de sa demande de nullité fondée sur l'erreur sur la substance ;

SUR LE DOL

Considérant que les dispositions de l'article 1116 du code civil retiennent le dol comme une cause de nullité de la convention, lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté ;

Qu'il s'évince de ces dispositions que le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ;

Considérant qu'au soutien des manoeuvres dolosives qu'il invoque, le SIDRU fait état de la dissimulation par DEPFA d'un contrat d'option implicite qui mettrait le SIDRU dans la position d'un vendeur d'option d'achats à découvert ;

Que par ce contrat d'option, le SIDRU s'engagerait auprès de la DEPFA à lui vendre des francs suisse contre des dollars tous les mois à un cours plancher garanti par le SIDRU à chaque fois que le cours du marché est en faveur de DEPFA et en défaveur du SIDRU ;

Considérant néanmoins que le dol ne peut procéder d'un raisonnement analogique mais suppose que soit démontrée la réalité de manoeuvres commises dans le but de tromper son co-contractant ;

Qu'en l'espèce la réalité de ce contrat d'options n'est pas démontrée et ne peut l'être puisqu'il s'agit d'une représentation du contrat de swap à laquelle se livre le SIDRU, sur la base d'un rapport de la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes ;

Qu'en l'espèce il ne s'agit pas d'une promesse unilatérale de vendre ou d'acheter un actif à un prix et à une date déterminée mais d'une indexation structurelle consentie, qui repose sur la différence de parité de change, inconnue lors de la conclusion du contrat, et nécessairement aléatoire, entre deux devises de référence, le dollar et le franc suisse par rapport à l'euro ;

Qu'en outre la DEPFA produit aux débats le contrat de swap dit swap miroir, souscrit par elle auprès du CREDIT SUISSE, pour la couverture du contre-swap litigieux, en date du 15 décembre 2008, à hauteur du même nominal et sur la même période ;

Que le SIDRU ne répond pas sur l'opportunité de souscrire une telle couverture dans l'hypothèse avancée par lui de la dissimulation d'un contrat d'option à découvert sous le contre-swap litigieux ;

Qu'il s'en suit que le SIDRU échoue à rapporter la preuve de manoeuvres dolosives et doit être débouté de ce chef ;

SUR LE DEVOIR D'INFORMATION ET DE MISE EN GARDE

Considérant les dispositions de l'article L 533-4 du code Monétaire et Financier dans sa version Modifié par Loi n° 2003-706 du 1 août 2003 - art. 46 (V) et 66 JORF 2 août 2003, applicable au litige, selon lesquelles les prestataires de services d'investissement sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.

Que ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers.

Qu'elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir.

Qu'elles obligent notamment à :

1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;

2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;

4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d' investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;

5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ;

7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché.

Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu.

Considérant qu'en l'espèce la compétence du SIDRU en matière d'analyse financière a été démontrée, qu'il est également établi par l'examen des documents pré-contractuels et contractuels que la banque DEPFA a précisé qu'elle opérait pour son compte propre et a invité le SIDRU à prendre un ou des conseils pour l'éclairer dans son choix du contrat d'échange de taux ;

Que la banque a communiqué au SIDRU des informations claires et utiles pour un opérateur initié comme le SIDRU, concernant le mécanisme de l'indexation, et que la simulation d'un scénario catastrophe limité à un taux inférieur à 6,40 %, présentée comme peu probable, ne peut être analysée comme un manquement, dès lors que le SIDRU disposait de toutes les informations pour procéder à d'autres simulations par référence notamment à la hausse du franc suisse par rapport à l'euro, étant rappelé qu'un tableur lui a été communiqué à cette fin ainsi que les courbes d'évolution du taux de change de l'euro en dollar américain et en franc suisse et une courbe du différentiel de ces deux taux de change pour la période allant de 1989 à 2006 ;

Que le SIDRU ne peut valablement faire grief à DEPFA de ne l'avoir pas informé des montants de la valeur de remplacement du contrat dans l'hypothèse d'une sortie avant terme puisque ces montants sont calculés ainsi que le précisent les articles 8-1 à 8-2-5 de la Convention Cadre au moment de la résiliation, la charge de déterminer les valeurs de remplacement et les montants dus étant confiée à la partie non défaillante ;

Considérant néanmoins que l'exposition au risque financier qui a pu être parfaitement mesurée par le SIDRU, opérateur averti, si elle présente un caractère illimité du fait de la formule d'indexation retenue, conserve à chacune des parties à tout moment la possibilité contractuelle de sortir du contrat moyennant un coût calculé compte tenu de la valeur de marché au moment du désengagement ;

Que l'expérience avérée du SIDRU en matière de swaps vaut également en matière de contre-swap puiqu'il s'agit du même mécanisme et que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que l'expérience passée des représentants du SIDRU, nonobstant la compétence de son président en matière de finances, ne suffit pas à retenir qu'il est un investisseur expérimenté quand, bien au contraire, cette compétence assumée l'a mis en mesure d'appréhender dans son ensemble le risque lié à l'acceptation de la formule litigieuse ;

Qu'il s'en suit que le jugement doit être réformé de ce chef ;

Considérant qu'il n'est par conséquent pas établi que la banque DEPFA ait commis un manquement à son obligation d'information pré-contractuelle qui soit à l'origine d'une perte de chance pour le SIDRU de contracter un autre swap ;

Que la banque n'avait pas d'obligation particulière de mise en garde à l'égard de l'opérateur averti que constituait le SIDRU, de sorte que le jugement doit être réformé sur ce dernier point et le SIDRU débouté de l'intégralité de ses demandes ;

SUR LE MONTANT DES SOMMES DUES

Considérant qu'il y a lieu de condamner le SIDRU au paiement :

- du montant total des impayés dus à ce jour et s'élevant à 12.116.409,21 euros

- des intérêts de retard à hauteur de la somme de 427.239,72 euros (courus jusqu'au 2 mars 2015)

- de la valeur de remplacement du swap litigieux, notifiée le 27 février 2015 avec effet au 2 mars 2015, s'élevant à 7.371.548,67 euros

soit la somme totale de 19.915.197,60 euros à parfaire des intérêts de retard non encore liquidés dus conformément aux stipulations des articles 8.2.5 et 9.1 de la Convention FBF jusqu'à la date de paiement effectif outre la capitalisation des intérês qui est de droit ;

SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Considérant qu'en équité il a lieu en équité de faire droit à la demande présentée par la DEPFA à hauteur de la somme de 30.000 euros que le SIDRU sera condamné à lui régler ;

PAR CES MOTIFS

Déclare le SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU, recevable mais mal fondé en son appel principal ;

Déclare la DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY, enseigne DEPFA BANK, recevable et partiellement fondée en son appel incident ;

Réforme le jugement en ce qu'il a condamné la DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY, enseigne DEPFA BANK, à régler au SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU, une somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute le SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU de l'intégralité de ses demandes ;

Réforme le jugement sur le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre du SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU;

Statuant à nouveau :

Condamne le SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU à régler à la DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY :

le montant total des impayés dus à ce jour et s'élevant à 12.116.409,21 euros, les intérêts de retard à hauteur de la somme de 427.239,72 euros (courus jusqu'au 2 mars 2015),la valeur de remplacement du swap litigieux, notifiée le 27 février 2015 avec effet au 2 mars 2015, s'élevant à 7.371.548,67 euros soit la somme totale de 19.915.197,60 euros à parfaire des intérêts de retard non encore liquidés dus conformément aux stipulations des articles 8.2.5 et 9.1 de la Convention FBF jusqu'à la date de paiement effectif ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 du code civil ;

Condamne le SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU à régler à la DEPFA BANK PUBLIC LIMITED COMPANY une indemnité de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne le SYNDICAT INTERCOMMUNAL pour la DESTRUCTION des RESIDUS, dit SIDRU aux entiers dépens ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/04227
Date de la décision : 04/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°15/04227 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-04;15.04227 ?
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