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04/11/2016 | FRANCE | N°14/14565

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 04 novembre 2016, 14/14565


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 04 NOVEMBRE 2016



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14565



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013033404





APPELANTE



SAS M.I.L PARIS ayant pour nom commercial 'MODE IN LUXE -PARIS RIVIERA-LV PRESTIGE'

RCS PARIS B

533 074 712

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Jacques MONTACIE de la Société Civile ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 04 NOVEMBRE 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/14565

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2014 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013033404

APPELANTE

SAS M.I.L PARIS ayant pour nom commercial 'MODE IN LUXE -PARIS RIVIERA-LV PRESTIGE'

RCS PARIS B 533 074 712

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jacques MONTACIE de la Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane DRAI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1066

Substitué par Me Solène DEBARRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1373

INTIMEE

Société PAYPAL (EUROPE) S.A.R.L. ET CIE

RCS LUXEMBOURG B 118 349

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

LUXEMBOURG

Représentée par Me Charlotte de FRANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : J098

Ayant pour avocat plaidant Me Xavier CARBASSE, avocat au barreau de PARIS, toque: J098

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseillère

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN

ARRET :

- Contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise CHANDELON, président et par Madame Josélita COQUIN, greffier présent lors du prononcé.

La société MIL Paris, immatriculée le 21 juin 2011, commercialise des produits de luxe sur internet, notamment sur le site Ebay. Pour les besoins de son exploitation, son gérant, Monsieur [K] [O] a ouvert, le 14 juillet 2011, un compte auprès de la société PayPal (Europe) SARL et Cie SCA (ci-après PayPal) qui offre une prestation de paiements sécurisés en ligne.

Le 12 février 2013, la société PayPal informait la société MIL Paris qu'elle retirait de son compte la somme de 32.000 €, prix payé par une cliente américaine, Madame [F], pour l'acquisition, le 18 décembre précédent, d'un sac Hermès, dans l'attente de la décision de la société American Express, émetteur de la carte de paiement utilisée, saisie d'une opposition. Cette dernière ayant admis le bien fondé de la position de Madame [F], la société PayPal a notifié à la société MIL Paris, le 26 février 2013, la fermeture de son compte, l'invitant le lendemain à régulariser sa position débitrice et lui précisant, le 2 mars suivant : «nous pouvons revoir votre compte dès que vous aurez résolu votre solde débiteur».

Reprochant à la société PayPal ne pas avoir réactivé le compte malgré les virements opérés le 6 mars 2013 pour combler le solde débiteur, la société MIL Paris a engagé la présente procédure par exploit du 22 mai 2013.

Par jugement du 29 avril 2014, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société PayPal à payer à la société MIL Paris la somme principale de 1 € outre une indemnité de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 juillet 2014, la société MIL Paris a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 23 juin 2016, elle demande à la cour :

- d'infirmer la décision,

- de condamner la société PayPal à lui verser 182.000 € de dommages-intérêts au titre de son préjudice économique et 150.000 € pour son préjudice d'image, avec intérêts, capitalisés à compter du 22 mai 2013,

- de l'enjoindre sous astreinte de 10.000 € par jour de retard à procéder à une réouverture du compte, ou, à défaut, la condamner à 110.000 € de dommages-intérêts complémentaires,

- de lui allouer une indemnité de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 27 juin 2016, la société PayPal forme un appel incident tendant à l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a refusé d'ordonner le rétablissement du compte de l'appelante et jugé qu'elle ne justifiait pas de son préjudice.

Elle réclame une indemnité de 20.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2016.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR

Sur le titulaire du compte litigieux

Considérant que la société PayPal soutient que le compte a été ouvert par Monsieur [K] [O] et que ce dernier l'a mis à disposition de la société MIL Paris ;

Considérant cependant que cette argumentation est démentie par les pièces produites ;

Considérant ainsi que l'ouverture d'un compte «Business» s'opère par voie informatique et requiert en premier lieu que le demandeur précise la forme sociale sous laquelle il exerce son activité ; qu'il apparaît ainsi, en comparant «les extraits d'informations » des comptes ouvert d'une part par Monsieur [K] [O], dont il sera fait état ci-après, d'autre part par la société MIL Paris que ces dernières renseignent, contrairement aux premières, une rubrique «Business info» en y portant le nom de la société, celui de son dirigeant ne figurant que dans un cadre intitulé «User Info» ; qu'au surplus dans toutes les correspondances électroniques afférentes à l'opposition de Madame [F], la société PayPal s'adressait exclusivement à la société MIL Paris ce dont il peut être déduit qu'elle est bien titulaire du compte litigieux ;

Sur la résiliation de la convention de compte

Considérant que la société PayPal soutient que l'incident ayant opposé la société MIL Paris à la cliente américaine n'est pas à l'origine de sa décision de résilier le contrat mais qu'il a déclenché une enquête de ses services lui permettant de constater le lien entre le compte litigieux et celui ouvert par Monsieur [K] [O] le 25 mai 2006, clôturé le 7 juin 2008 pour contrefaçon ; qu'elle précise que cette décision est liée à la fermeture, le 6 juillet 2008 du compte Ebay ouvert, le 21 septembre 2006, par Monsieur [K] [O] sous l'identifiant «clark75016» à la suite de réclamations liées à la violation de droits de propriété intellectuelle ; qu'elle s'estime en conséquence fondée à se prévaloir de l'article 9.k de ses conditions générales (CGU) interdisant à tout utilisateur de contrôler un Compte PayPal engagé dans une (des) activités interdites déclinées dans les articles précédents, sous peine, selon l'article 10.2, de suspension ou de résiliation du contrat ; qu'elle précise encore que même en l'absence de clause résolutoire, une partie peut toujours, si la gravité du comportement de l'autre le justifie, prendre l'initiative d'une résiliation du contrat sans respect du préavis convenu ;

Considérant que la société MIL Paris estime avoir été victime d'une résiliation abusive, ayant satisfait à la seule demande dont son prestataire l'avait saisie, à savoir rembourser le solde débiteur de son compte ; qu'elle ajoute que la société PayPal ayant accepté de lui ouvrir un compte en toute connaissance du nom de son dirigeant, ne peut venir soutenir aujourd'hui qu'il serait lié à celui de Monsieur [K] [O] clôturé dans les conditions précitées ;

Considérant qu'il résulte des courriels adressés à l'appelante que :

- le 5 février 2013, la société PayPal a avisé la société MIL Paris de l'opposition formée par sa cliente auprès de la société American Express,

- le 12 février 2013, elle l'a informée retirer du compte le prix payé,

- le 26 février 2013, elle lui a notifié une fermeture du compte au vu de certaines activités pour protéger les activités de PayPal et de l'ensemble de ses utilisateurs en lui précisant les étapes de la clôture du compte, lui ouvrant cependant un droit de contestation,

- le 27 février 2013, elle l'a invitée à ramener à zéro le solde débiteur de son compte pour pouvoir continuer d'accéder librement à (son) compte PayPal,

- le 2 mars 2013, elle lui précisait refuser pour l'instant l'accès à son compte ayant besoin d'informations complémentaires ajoutant nous pourrons revoir votre compte dès que vous aurez résolu votre solde débiteur ;

Considérant que l'intimée produit, au soutien de son argumentation :

- un courriel du 27 février 2013 adressé par la société PayPal à Monsieur [K] [O] précisant « Votre compte PayPal a été restreint de façon permanente pour cause de violation du Règlement sur les utilisations autorisées de PayPal. Merci de vous référer aux informations suivantes : Pseudo(s)eBay:clark75016,

- le courriel adressé le même jour, par Monsieur [K] [O] à la société Ebay sollicitant son indulgence pour une erreur ponctuelle suite à une méconnaissance de (sa) part,

- un courriel non daté adressé par la société eBay à Monsieur [K] [O] identifié sous le pseudonyme clark 75016 lui notifiant un refus de réactiver son compte ;

Considérant que Monsieur [K] [O] a interprété ces derniers échanges de correspondances comme des rappels des sanctions qui lui avaient été personnellement infligées courant 2008 tandis que la société PayPal soutient qu'ils s'inscrivent dans le cadre de la procédure de résiliation engagée ;

Sur la mise en 'uvre d'une clause résolutoire

Considérant, sans même qu'il soit besoin d'analyser si l'article 9.k des CGU répond aux strictes exigences requises de toute clause résolutoire pour limiter le nombre des résolutions soustraites à l'appréciation des juges, qu'il incombe à la partie qui entend s'en prévaloir de le notifier clairement à son co-contractant ;

Considérant qu'en l'espèce seul l'échange de correspondance entre les parties au contrat doit être pris en compte, la société MIL Paris n'ayant pas à s'interroger sur la portée d'un courriel adressé à son seul dirigeant qui ne peut en toute hypothèse valoir acquisition de la clause résolutoire à son encontre ;

Et considérant qu'en l'espèce, aucun courriel ne vise une clause résolutoire ;

Sur la résiliation unilatérale mise en 'uvre

Considérant que si la société PayPal soutient à bon droit que toute partie peut résilier un contrat sans préavis si le comportement de son co-contractant le justifie, une telle initiative reste soumise au contrôle, a posteriori, du juge ;

Et considérant qu'en l'espèce la cour ne peut que constater :

- la contradiction entre les courriels des 26 et 27 février 2013, le premier justifiant la résiliation par une conduite répréhensible de la société MIL Paris tandis que le second revient (sans le préciser) sur cette décision subordonnant la réactivation du compte à la remise de fonds,

- l'absence de toute précision, dans le courrier de résiliation du 26 février, sur la nature des activités reprochées à la société MIL France ;

Considérant qu'aucune irrégularité n'est alléguée concernant la vente à l'origine de cette procédure et qu'aucune autre faute ne peut être reprochée à la société MIL France, qui a précisé le nom de son dirigeant en sollicitant l'ouverture d'un compte auprès de la société PayPal, ce dont il résulte que la résiliation ne pouvait intervenir, conformément aux dispositions de l'article 10-3 des CGU, qu'en respectant un délai de préavis de deux mois ;

Sur le préjudice subi

Sur le préjudice économique

Considérant que pour solliciter la somme de 182.000 €, la société MIL Paris produit un rapport d'expertise comptable qui retient une marge brute de 30 % soit un total de 607.000 € sur le cumul des chiffres d'affaires des exercices arrêtés en juin 2013/2014 et 2015 soit 2.024.000 € ; qu'il poursuit son raisonnement en considérant que le service PayPal permet d'accroître les ventes de 30% pour parvenir à la somme demandée ;

Considérant que l'intimée réplique principalement que l'article 14-5 des CGU limite sa responsabilité aux pertes et dommages raisonnablement prévisibles résultant directement du manquement allégué et que les prétentions de l'appelante ne rentrent pas dans cette définition ; qu'elle considère encore que le préjudice allégué n'est pas démontré, que la société MIL Paris a poursuivi son activité, en forte progression, après avoir été privée de ses services et qu'elle ne peut, en toute hypothèse voir indemniser une perte supérieure aux deux mois du préavis qu'elle devait respecter pour opérer une résiliation conforme aux prévisions contractuelles ;

Considérant que l'article 10-3 des CGU, dont la validité n'est pas discutée, ouvre à la société PayPal une faculté de résiliation sous réserve du respect d'un préavis de deux mois ;

Considérant ainsi que le préjudice économique subi en lien avec les manquements de l'opérateur doit être limité aux conséquences de la privation du système de paiement sécurisé pendant cette période ;

Considérant que la marge brute de 30 % avancée peut être admise compte tenu de la nature de l'activité exercée et que la possibilité d'accroître ses ventes en ligne en proposant un système de paiement sécurisé est démontrée, aussi bien par les courriels de consommateurs produits que par la publicité de PayPal qui considère qu'avec la dernière version de son produit, une progression des ventes de 28 % peut être enregistrée, pourcentage qui sera pris en compte ;

Mais considérant que ne peuvent être retenus les chiffres d'affaires des exercices 2014 et 2015, l'incident étant né en début d'année 2013 ; qu'il apparaît ainsi qu'en retenant une marge brute de 170.400 € pour l'année 2013 (30 % x 568.000 €, montant du chiffre d'affaires) soit 28.400 € pour deux mois, la perte de chance d'avoir une clientèle de 28 % supérieure peut être évaluée à 7.952 €, somme au paiement de laquelle il convient de condamner la société PayPal ; qu'au regard de sa nature indemnitaire, cette créance portera intérêts de droit à compter du présent arrêt et non de l'exploit introductif d'instance comme il est sollicité ;

Sur le préjudice d'image

Considérant qu'il n'est pas justifié, qu'en l'absence de toute information des clients de la société MIL France sur les raisons pour lesquelles elle ne propose pas un paiement via le système PayPal, il ne peut être présumé et que sa forte croissance, son chiffre d'affaires ayant été doublé entre son premier exercice et le dernier produit (juin 2015) en exclut l'augure ;

Sur la demande de réouverture du compte

Considérant que le principe de liberté contractuelle autorise, sauf exceptions légales, tout opérateur aussi bien à ne pas contracter qu'à résilier les conventions à durée indéterminée dans lesquelles il est engagé sous réserve de respecter le formalisme légal ou contractuel afférent ; qu'il en résulte que la société MIL Paris est mal fondée aussi bien à solliciter la réouverture de son compte qu'à réclamer une indemnité de rupture ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant qu'il y a lieu de confirmer la condamnation prononcée par la juridiction consulaire ; que chaque partie succombant partiellement en cause d'appel, il n'y a pas lieu à application de cette disposition au titre de cette procédure ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de réouverture du compte et alloué à la société MIL Paris une indemnité de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la société PayPal (Europe) SARL et Cie SCA à payer à la société MIL Paris la somme de 7.952 €,

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société PayPal (Europe) SARL et Cie SCA aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 14/14565
Date de la décision : 04/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°14/14565 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-04;14.14565 ?
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