La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/2016 | FRANCE | N°15/10792

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 02 novembre 2016, 15/10792


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 02 Novembre 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10792



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/03284





APPELANT

Monsieur [B] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 1]

r

eprésenté par Me Emeric LACOURT substitué par Me Vanessa ESTIEUX, avocat au barreau d'ARDENNES





INTIMEE

SA BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 662 042 449

représentée par Me Chri...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 02 Novembre 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10792

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/03284

APPELANT

Monsieur [B] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 1]

représenté par Me Emeric LACOURT substitué par Me Vanessa ESTIEUX, avocat au barreau d'ARDENNES

INTIMEE

SA BNP PARIBAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 662 042 449

représentée par Me Christophe FERREIRA SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0575 substitué par Me Anne-sophie BOUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0575

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

Greffier : Mme Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Antoinette COLAS, Président de chambre et par Mme Valérie LETOURNEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

M. [A] a signé un premier contrat d'apprentissage avec la SA BNP Paribas le 10 juin 2013 alors qu'il était en licence professionnelle de banque.

Lorsque M. [A] a accédé au groupe d'apprentissage Master I et II management banque assurance de l'université Paris XIII, un contrat d'apprentissage a été conclu avec la SA BNP Paribas pour la période du 1er octobre 2014 au 31 août 2016.

Mme [T] [U], cadre de banque était sa tutrice.

M. [A] a été affecté à l'agence de [Localité 2] Nation.

Le 17 mars 2015 M. [A] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 2] afin de voir prononcer la rupture du contrat d'apprentissage aux torts de la SA BNP Paribas et de voir condamner celle-ci à lui verser diverses sommes.

Le 20 mars 2015, la SA BNP Paribas a pris une mesure conservatoire à l'encontre de M. [A] et a saisi à son tour le conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts de l'apprenti.

Par jugement du 2015, le conseil de prud'hommes de [Localité 2] a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts de M. [A] à la date du 20 mars 2015 et l'a condamné à rembourser à la SA BNP Paribas les salaires perçus depuis le 20 avril 2015. Le conseil de prud'hommes a débouté les parties du surplus de leurs réclamations respectives.

M. [A] a relevé appel du jugement, demande à la cour de surseoir à statuer, d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de condamner la SA BNP Paribas à lui verser les sommes suivantes :

- 31 500 € au titre du préjudice subi du fait la rupture anticipée du contrat d'apprentissage,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant du harcèlement subi,

- 1800 € au titre du rappel de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents,

- 59,26 euros au titre des heures supplémentaires outre les congés payés afférents,

- 1800 € au titre du 13e mois,

- 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA BNP Paribas conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sollicite la condamnation de M. [A] à lui rembourser la somme de 6 166,62 euros au titre des salaires indûment perçus à compter du 20 avril 2015 avec les intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2015 et capitalisation de ceux-ci.

La banque réclame à son tour une indemnité de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.

Motifs

Sur la demande tendant à surseoir à statuer

M. [A] soutient que le dossier de son employeur est constitué, pour partie, d'attestations de salariés dirigées contre lui et dont il conteste formellement le contenu.

Il expose avoir déposé une plainte pour faux le 22 janvier 2016, laquelle plainte a fait l'objet d'un classement sans suite.

Il demande à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la communication par le procureur de la république du dossier pénal relatif à la plainte à laquelle il n'a pas été donné de suite.

L'article 4 du code de procédure civile pénale dispose que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer directement ou indirectement une influence sur la solution du procès civil.

L'action publique n'a absolument pas été mise en mouvement du fait du classement sans suite décidé par M. le Procureur de la République à la suite du dépôt de plainte pour faux effectué par M. [A], et de l'absence de saisine d'un juge d'instruction.

En tout état de cause, la cour faisant application des dispositions précitées ne fera pas droit à la demande de sursis à statuer.

Sur les demandes de résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage

M. [A] soutient avoir été victime d'un harcèlement de la part de l'employeur, justifiant que la résiliation du contrat d'apprentissage soit prononcée aux torts de l'employeur.

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Comme faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement M. [A] invoque :

- le blocage de ses cartes bancaires et l'opposition à sa carte de paiement, au motif fallacieux de la perte de ladite carte mettant ainsi fin à ses moyens de paiement,

- la violation du secret bancaire et la décision de l'employeur de la clôture de son compte avant de se raviser,

- l'impossibilité d'accéder à son application SDO et par suite, l'entrave à l'exercice de ses fonctions,

- l'effacement de tous ses badgeages depuis le 18 mars,

- sa mise à l'écart depuis le 16 mars 2015,

- la fermeture de tous ses accès informatiques.

Il ajoute que la dégradation de ses conditions de travail a été à l'origine d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à l'origine de plusieurs périodes d'arrêts de travail.

Ces faits, pour partie établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement.

La banque répond que M. [A] a, en violation des règles déontologiques, augmenté lui-même le plafond de paiement de sa carte bleue de 6000 à 30 000 € en utilisant les canaux internes de la banque, qu'il a, pour ce faire, utilisé la carte SDO de son maître d'apprentissage Madame [U] alors que ces cartes sont strictement personnelles et dotées de codes confidentiels.

Elle renvoie au courriel du 13 février 2015 aux termes duquel M. [A] a précisé « je confirme que j'ai augmenté moi-même le plafond de la carte sans en mesurer les conséquences.[...]j'étais en binôme avec [T] j'ai profité de son absence de quelques minutes pour augmenter les plafonds ».

M. [A] a confirmé ses propos lors d'un entretien du 23 février 2015 puisqu'il a indiqué « je reconnais avoir utilisé la carte SDO pour augmenter mon plafond [...]. ».

Après avoir fait observer que M. [A] a été absent pour maladie du lundi 16 février au 20 février , puis du 28 février au 15 mars puis à compter du 20 mars, qu'il a donc été très peu présent dans l'agence après la découverte de l'opération frauduleuse commise par lui, l'employeur explique que M. [A], qui perçoit une rémunération mensuelle brute de 1800 € ne pouvait ignorer qu'une augmentation du plafond de paiement de sa carte bancaire à 30 000 € lui aurait été refusée par son conseiller s'il en avait formulé la demande, qu'il a donc utilisé sciemment la carte SDO que sa tutrice lui avait remise pendant son absence pour s'octroyer un avantage qui lui aurait été refusé.

La SA BNP Paris relève qu'opposition a été faite à la carte bancaire de M. [A] concomitamment à la connaissance de son utilisation frauduleuse le 13 février 2015 pour l'empêcher d'utiliser un crédit qu'il s'était octroyé de manière frauduleuse.

Elle précise que M. [A] pouvait se présenter à n'importe quel guichet d'une agence BNP pour retirer de l 'argent et qu'il a été bénéficiaire d'une nouvelle carte bancaire dans un délai de 13 jours.

De même, selon la banque, le retrait de sa propre carte SDO répondait à la préoccupation consistant à ne pas favoriser la mise en oeuvre d'une autre opération frauduleuse, dès lors qu'il avait utilisé les canaux internes de la banque pour procéder aux opérations sur ses propres comptes.

S'agissant du badgeage, la SA BNP Parisbas établit qu'elle a supprimé le système de badgeage pour les alternants à compter du début de l'année 2015 mais que tous les alternants n'avaient pas été reçus le même jour pour être informés de cette suppression. Elle produit les éléments montrant que la fin du badgeage a coïncidé avec les entretiens prévus pour notamment annoncer cette mesure ainsi pour Mesdames [K], le 19 janvier 2015, [J] le 22 janvier 2015 et [S], le 30 janvier 2015.

Elle justifie que M. [A] a été reçu le 25 janvier et ne badgeait plus depuis cette date.

D'après les éléments communiqués et les circonstances propres à l'espèce, dans la mesure où M. [A] a effectivement contrevenu au règlement intérieur et aux règles déontologiques élémentaires en utilisant une carte SDO que lui avait remise sa tutrice pour, en son absence, s'octroyer, en tant que client une marge de crédit de 30 000 €, les décisions ultérieurement prises par la banque pour limiter les risques d'utilisation frauduleuse de sa carte bancaire en tant que client, alors qu'il pouvait retirer des espèces dans n'importe quelle agence, et qu'il a disposé d'une nouvelle carte une dizaine de jours plus tard et pour l'empêcher de commettre d'autres actes frauduleux en tant que membre du personnel reposent sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La cour ne fera pas droit à la demande de résiliation judiciaire formée par M. [A].

L'utilisation frauduleuse d'une carte SDO en l'absence de la titulaire de la carte, que ne conteste pas M. [A], peu importe qu'elle lui ait été remise dès lors qu'il ne conteste pas que Mme [U] ne l'a absolument pas autorisé à procéder à la manipulation opérée pour augmenter sa marge de crédit en tant que client caractérise une violation grave de ses obligations en tant qu'apprenti et justifie que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage à ses torts.

C'est pertinemment que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage de M. [A] et fixé au 20 mars la date de prise d'effet de cette rupture du contrat soit à la date de la notification de la mise à pied conservatoire étant relevé que le juge peut en effet fixer la résiliation dudit contrat d'apprentissage au jour où l'une des parties a manqué gravement à ses obligations ou au jour où ce manquement a donné lieu à une mise à pied conservatoire.

Le jugement sera confirmé.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage

Faisant application des dispositions de l'article 25 de la convention collective prévoyant que la suspension de rémunération qui peut accompagner une mise à pied conservatoire ne peut excéder un mois, la banque a repris le paiement des rémunérations jusqu'à la notification du jugement du conseil de prud'hommes.

C'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné la restitution de la somme de 6166,22 euros au profit de la banque dans la mesure où du fait de la résiliation du contrat à effet à compter du 20 mars 2015, les salaires versés postérieurement au 20 avril 2015 étaient indus.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de débouter les deux parties de leurs demandes respectives d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [A] qui succombe dans la présente instance sera condamné aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Rejette la demande tendant au sursis à statuer ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts de M. [A] et fixé au 20 mars 2015 la date des effets de la rupture et en ce qu'il a condamné M. [A] à rembourser à la SA BNP Paribas les rémunérations indûment perçues depuis le 20 avril 2015,

Y ajoutant,

Déboute M. [A] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage aux torts de l'employeur et de ses demandes subséquentes;

Dit que la somme de 6166,22 euros porte intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement ayant ordonné son exécution provisoire,

Prononce l'anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil,

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [A] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/10792
Date de la décision : 02/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/10792 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-02;15.10792 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award