La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2016 | FRANCE | N°15/02845

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 28 octobre 2016, 15/02845


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 28 Octobre 2016

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02845



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/03380









APPELANTES

Madame [A] [S] épouse [T]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1968 à [LocalitÃ

© 1]

comparante en personne,

assistée de M. [I] [A] (délégué syndical ouvrier)



UNION LOCALE CGT [Localité 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [I] [A] (délégué syndical ouvrier)





INTIMEE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 28 Octobre 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02845

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/03380

APPELANTES

Madame [A] [S] épouse [T]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de M. [I] [A] (délégué syndical ouvrier)

UNION LOCALE CGT [Localité 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [I] [A] (délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

SA CABINET NETTER

[Adresse 3]

représentée par Me Nathalie VANDEN BOSSCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0849

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Ulkem YILAR, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par  Madame Naïma SERHIR , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame [A] [T] et l' Union locale CGT [Localité 2] du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Encadrement - chambre 6, rendu le 06 février 2015 qui les a déboutées de leurs demandes.

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La SAS Cabinet NETTER, selon extrait du registre du commerce, a pour activité le conseil en propriété industrielle, elle emploie 22 salariés ;

Madame [A] [T] née le [Date naissance 1] 1968 a été engagée par la SAS Cabinet NETTER le 30 avril 2003 en qualité de comptable, position cadre ; un contrat écrit a été régularisé le 30 octobre 2005 aux termes duquel il est mentionné qu'il est régi par les dispositions générales du code du travail, les règles et usages en vigueur au sein de la société ;

La fonction de Madame [A] [T] est rappelée à savoir « comptable principale, position cadre » ; la durée du travail est fixée à 38h hebdomadaires avec trois quarts d'heure de récupération, la rémunération mensuelle brute était de 2900 € plus un treizième mois et après un an de présence, une prime de mi-année « déterminée par la direction selon les usages de la société » ;

Dans le dernier état de ses fonctions, Madame [A] [T] avait un salaire mensuel de base de 3272,33 € pour 151h 67 plus les heures supplémentaires contractuelles ( 277,67 €) soit 3550 € bruts ;

A l'issue d'un rendez-vous avec son employeur Madame [A] [T] lui a adressé une lettre de démission le 20 Septembre 2012 en ces termes : « Suite à notre rendez-vous du 17 Septembre dernier et à ma demande de régularisation de salaire par rapport à l'échelle salariale de vos collaborateurs, aujourd'hui vous avez à nouveau refusé de prendre en compte ma demande. Ainsi, vous ne me laissez pas d'autre choix que de démissionner ce jour. » ;

Le 4 octobre 2012 Madame [A] [T] est en arrêt de travail jusqu'au 12 octobre 2012 avec sorties autorisées, dans la rubrique « éléments d'ordre médical » l'arrêt de travail mentionne « fatigue » ;

Le 10 octobre 2012 l'employeur a pris acte de la démission de la salariée en s'étonnant qu'elle sous-entende y avoir été contrainte « d'une manière ou d'une autre en faisant le lien avec notre entrevue du 17 Septembre dernier au cours de laquelle nous vous avons expliqué que votre rémunération était parfaitement en phase avec vos attributions actuelles » ; la lettre rappelle par ailleurs que le préavis est d'une durée de trois mois ;

Le 15 octobre 2012, Madame [A] [T] a adressé un courrier à son employeur en indiquant « ma lettre du 20 Septembre 2012 n'est pas une démission mais une prise d'acte. Par conséquent je n'ai pas de préavis à effectuer », elle demande de lui faire parvenir dans les plus brefs délais son solde de tout compte et les documents sociaux ;

Le 22 octobre 2012, la SAS Cabinet NETTER a écrit à Madame [A] [T] en maintenant que la lettre du 20 Septembre 2012 est une démission, qu'elle prend acte de ce qu'elle ne souhaite pas effectuer son préavis et arrête par conséquent les comptes au 14 octobre ; elle mentionne l'acquisition de 120 h au titre du DIF ;

Madame [A] [T] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 10 décembre 2012;

Aux termes d'un dispositif de six pages auquel il est référé, Madame [A] [T] demande l'infirmation du jugement et à titre principal :

- de dire que la convention collective SYNTEC du 15 décembre 1987 est applicable et de fixer son salaire mensuel de base au SMC des cadres position 3.2 augmenté des heures supplémentaires contractuelles et des primes soit 5075,70 € bruts

- de juger que la démission du 20 Septembre 2012 s'analyse en prise d 'acte de rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et qu'elle a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- d'ordonner la production de toutes pièces permettant de connaître le montant des primes de demi-année perçues par les autres salariés du cabinet et de justifier des critères ayant déterminé l'octroi de sommes supérieures à celles qu'elle a perçues

- de condamner la SAS Cabinet NETTER avec exécution provisoire à lui payer avec remise des documents conformes sous astreinte de 100 € par jour et par document et avec intérêts légaux capitalisés à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes les sommes de :

83.553,88 € à titre de rappel de salaire plus congés payés afférents

11.834,34 € au titre des heures supplémentaires plus congés payés afférents

le rappel des primes de mi-année sur la base de la prime de mi-année la plus haute obtenue au niveau du cabinet ou subsidiairement la somme de 6.974 € sur la base de la prime la plus haute qu'elle a obtenue entre les années 2004 à 2012 inclus soit 2475 € en 2008

15.227,10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

15.650,07 € nets à titre d' indemnité de licenciement

80.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5.000 € à titre de dommages intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles

35.000 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

5000 € à titre de dommages intérêts pour non paiement systématique des heures supplémentaires excédant les heures supplémentaires contractuelles entre 2008 et 2012

30.000 € à titre de dommages intérêts pour clause de « subordination privée » illicite

2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

Subsidiairement si la cour ne retient pas l'application de la convention SYNTEC, elle demande par application du principe « à travail égal, salaire égal », de dire que son salaire doit être revalorisé selon les termes qu'elle développe page 19 de ses conclusions ou à défaut d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le salaire qu'elle aurait dû percevoir compte tenu de ses fonctions, de son statut de cadre en comparaison des autres salariés ; elle formule les mêmes demandes que celles exposées à titre principal s'agissant de la démission du 20 Septembre 2012, de la production de pièces concernant le montant des primes de mi-année perçues par les autres salariés supérieures à celle qu'elle a reçue et sollicite la condamnation de la SAS Cabinet NETTER à lui payer avec intérêts légaux capitalisés et exécution provisoire à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes et remise des documents conformes sous astreinte les sommes de :

A titre de rappel de salaire de base relatif à la différence de traitement et selon les trois salariés auxquels elle se compare : 80.275 € plus congés payés afférents ou 33.800 € plus congés payés afférents ou 29.575 € plus congés payés afférents

le rappel de prime de mi-année dans des termes identiques à ceux mentionnés ci-avant au titre de la demande principale soit 6.974 €

selon le salaire retenu, à titre d'indemnité compensatrice de préavis la somme de 16.484,73 € plus congés payés afférents ou 14.545,56 € plus congés payés afférents ou 14.369,28 € plus congés payés afférents

A titre d'indemnité de licenciement soit la somme de 10.165,58 € soit celle de 8.969,17 € ou celle de 8.861,05 €

80.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

5.000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice résultant de l'inégalité de traitement

35.000 € pour travail dissimulé

5.000 € pour non paiement des heures supplémentaires au-delà des heures contractuelles entre 2008 et 2012

30.000 € à titre de dommages intérêts pour clause de « subordination privée » illicite

2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

Plus subsidiairement, elle maintient ses demandes au titre de la démission du 20 Septembre 2012, de la production de pièces concernant la connaissance des primes de mi-année des autres salariés de la SAS Cabinet NETTER, du rappel de salaire de mi-année, de production des documents conformes sous astreinte, d'intérêts capitalisés, d'exécution provisoire et demande de fixer son salaire mensuel moyen à la somme de 4082,50 € bruts et de condamner la SAS Cabinet NETTER à lui payer les sommes de :

10.136,29 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires

12.247,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus congés payés afférents

7.552,62 € à titre d' indemnité de licenciement

80.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

35.000 € pour travail dissimulé

5.000 € pour non paiement des heures supplémentaires au-delà des heures contractuelles

30.000 € à titre de dommages intérêts pour clause illicite de « subordination privée »

2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile

L' Union locale CGT [Localité 2] demande la condamnation de la SAS Cabinet NETTER à lui payer avec intérêts légaux capitalisés à compter de la demande devant le Conseil des Prud'hommes les sommes de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé , non respect d'une convention collective et violation du principe « à travail égal salaire égal » et 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

La SAS Cabinet NETTER demande de dire Madame [A] [T] irrecevable en son appel, la confirmation du jugement et le rejet de l'intégralité des prétentions de l'appelante ; subsidiairement, elle conclut au cantonnement à la somme de 1.184,46 € dans l'hypothèse d'une éventuelle condamnation au titre de heures supplémentaires et en tout état de cause elle sollicite la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre .

Madame [T] a régulièrement interjeté appel lequel est recevable ;

Sur la demande d'application de la convention collective SYNTEC

La SAS Cabinet NETTER est une société dont l'activité est le conseil en propriété industrielle ; aux termes de l'article L 422-1 du code de la propriété intellectuelle, elle offre à titre habituel et rémunéré, ses services au public pour conseiller, assister ou représenter les tiers en vue de l'obtention, du maintien, de l'exploitation ou de la défense des droits de propriété industrielle, droits annexes et droits portant sur toutes questions connexes ; les services ainsi visés incluent les consultations juridiques et la rédaction d' acte sous seing privé ;

Selon bulletins de salaire communiqués, le code NAF de la SAS Cabinet NETTER est 69.10Z ce qui correspond selon la nomenclature INSEE aux activités juridiques, au conseil et assistance juridique notamment en matière de brevets soit donc très exactement l'activité principale à laquelle se livre la SAS Cabinet NETTER ;

La convention collective nationale SYNTEC du 15 décembre 1987 définit le statut des membres du personnel des entreprises ayant notamment pour code NAF ceux qu'elle mentionne et dont l'activité principale est une activité d'ingénierie, de conseil, de services informatiques, des cabinets d'ingénieurs-conseils, des entreprises d'organisation de foires et salons ;

Le champ professionnel d'application de la convention est spécifié par l'article 1er, il n'inclut pas l'activité économique ressortant de la nomenclature 69.10Z de sorte qu' il n'y a pas d'application automatique à l'activité de conseil en propriété industrielle qui ne relève spécifiquement d'aucune convention collective ;

L'application d'une convention collective s'apprécie au regard de l'activité principale de l'employeur ;

Il ressort des pièces versées aux débats que le chiffre d'affaires réalisé par la SAS Cabinet NETTER est généré exclusivement par son activité de conseil en brevets et prestations juridiques en brevets, marques et modèles et que l'effectif majoritaire des salariés est constitué de CPI et de secrétaires juridiques en brevets et en marques c'est à dire d'un personnel hautement qualifié relevant de règles strictes de déontologie incluses dans le règlement intérieur de la CNCPI (compagnie nationale des conseils en propriété industrielle) ;

L'activité de la SAS Cabinet NETTER et l'expertise des CPI recouvre selon le détail qu'en donne la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle tout le domaine de la propriété intellectuelle par la veille à l'acquisition et au maintien des droits de PI dans le monde entier, la défense des droits de PI (contrefaçon, concurrence déloyale), l'établissement d'avis juridiques sur la validité ou la disponibilité des droits de PI, la rédaction de contrats relatifs aux droits de PI, l'évaluation financière des droits de PI, l'avis concernant les aspects fiscaux de PI ....etc de sorte qu'à l'exception d'une habilitation des CPI à représenter leurs clients en justice, l'activité principale de la SAS Cabinet NETTER se rapproche de celle des avocats spécialisés en PI et l'aspect juridique de la profession est par conséquent dominant ;

Il s'ensuit qu'au regard du caractère juridique de l'activité principale de la SAS Cabinet NETTER ne ressortant pas des activités nomenclaturées par la CCN SYNTEC et faute par Madame [A] [T] d'établir une adhésion volontaire de son employeur à cette convention , en l'absence de convention collective applicable aux CPI, la SAS Cabinet NETTER applique à bon droit les dispositions du code du travail, ce que Madame [A] [T] n'ignorait pas puisque son contrat de travail le spécifie ;

Sur la demande de rappel de salaire sur la période du 1er octobre 2005 au 14 octobre 2012

À titre principal Madame [A] [T] fonde sa demande sur le SMC brut des cadres position 3.2 prévu par la convention collective SYNTEC ;

Il convient de rejeter cette prétention en la déclarant d'une part prescrite pour la période 2005 au 10 décembre 2007 eu égard à la date de saisine du Conseil des Prud'hommes (10 décembre 2012) et aux dispositions de l'article L 3245-1 du Code du Travail dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 juin 2013 et d'autre part mal fondée, la convention SYNTEC ayant été jugée ci-dessus non applicable à la relation contractuelle unissant les parties de sorte que doivent être rejetées comme non fondées les demandes de fixation du salaire mensuel à la somme de 5075,70 € brut et celles en découlant quant aux rappels de salaire et indemnités diverses révalorisées de ce chef ;

À titre subsidiaire Madame [A] [T] invoquant le principe « à travail égal, salaire égal » demande de révaloriser son salaire en fonction du salaire des collaborateurs de la SAS Cabinet NETTER qu'elle estime lui être comparables au sein du cabinet à savoir Mesdames [R], [I] et [X] ;

Il est constant que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l 'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L 3221-4 du Code du Travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ;

Il ressort des bulletins de salaire produits que le salaire de base de Madame [A] [T] pour 151h 67 a régulièrement progressé ( 2673,17 € au 1er janvier 2006, 2949,71€ au 1er janvier 2007, 3041,89 € au 1er janvier 2008, 3180,15 € au 1er janvier 2010, 3272,33 € au 1er avril 2011) ; dans le dernier état, le salaire brut contractuel de l'appelante, compte tenu des heures supplémentaires contractuelles était de 3550 € pour 2900 € au 1er octobre 2005 ;

Au soutien de sa demande, Madame [A] [T] a dressé un tableau dans ses conclusions auquel il est référé, faisant ressortir pour elle-même et les trois salariées auxquelles elle se compare que Madame [R] est entrée dans la société seulement en 2005 et Madame [X] en 2007, que Mesdames [I] et [X] ne sont pas cadre, que Madame [R] n'est passée cadre qu'en 2011 alors qu'elle-même est cadre depuis 2005 ; elle indique avoir un BTS de comptabilité et gestion, que Madame [I] entrée dans la société en 1987 n'a que le niveau BEP et Madame [R] aucun diplôme ; sans être contredite, elle indique que la rémunération mensuelle brute en Août 2011 était pour elle-même de 3550 € et de 3950 € pour Madame [I], 3900 € pour Madame [X] et 4500 € pour Madame [R] ;

En droit, le principe d'égalité de traitement en matière de rémunération suppose l'exercice d'un travail égal ou de même valeur et il appartient à l'employeur de démontrer qu'il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou de valeur égale et il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence ;

Madame [A] [T] n'exerçait pas la même fonction que les trois salariées auxquelles elle se compare ; l'employeur verse aux débats les fiches de poste pour chacune des salariés dont les tâches qu'elles comportent correspondent à celles résumées dans le tableau dressé par l'appelante ;

Madame [A] [T] est comptable principale au sens où elle exerce toutes les fonctions classiques de la comptabilité telles que décrites dans la fiche de poste non contestée produite par la SAS Cabinet NETTER en pièce 13 de son bordereau (comptabilité clients, fournisseurs, relances des factures impayées, règlement des factures, saisie des recettes et dépenses, remise des chèques en banque, édition des états comptables, collecte et transmission à l'expert- comptable des éléments nécessaires à l'établissement des paies, établissement des déclarations de taxes diverses sous le contrôle de l'expert-comptable, préparation des états pour l'élaboration du bilan sous la supervisation de l'expert-comptable, diffusion du cours des change, classement et archivage des pièces comptables, préparation des déclaration de TVA);

Madame [I] qui justifie d'une expérience professionnelle de 27 ans au sein de la société occupe le poste dits des « annuités » (30 000 fiches de brevets et dépôts assimilés) et assure en autonomie la totale gestion de ce service qui concerne le suivi de toutes les formalités relatives aux brevets, obtention, maintien via le règlement des redevances annuelles, exploitation ; l'employeur qualifie le poste de sensible puisqu'il génère ainsi qu'attesté par les états financiers 20% du chiffre d'affaires annuel du cabinet et que toute négligence ou erreur de la part de la salariée expose l'employeur à une mise en cause de sa responsabilité professionnelle ; la SAS Cabinet NETTER indique encore que les données saisies et gérées par Madame [A] [T] sont la source d'informations quant à l'historique des brevets et des dépôts assimilés qui doit être fiable ;

Madame [R] qui est de niveau études supérieures et bilingue anglais a intégré la SAS Cabinet NETTER en 2005, elle est assistante de direction et selon l'employeur « le bras droit », elle avait à son embauche une expérience professionnelle de plus de 10 ans dans un autre cabinet en propriété industrielle ; elle a une très large autonomie ; sa fiche de poste mentionne qu'elle assure l'encadrement et la supervision générale de toutes les fonctions administratives du cabinet, qu'elle a notamment la responsabilité des délais de procédure, la facturation des procédures ..., le suivi des audiences devant l'office européen des brevets, la préparation des dossiers ....etc ;

Madame [X] selon sa fiche de poste est secrétaire administrative marques et modèles, elle gère les dépôts de marques et modèles (devis, suivi du processus, courriers ...), elle assure la gestion des renouvellements, assure les recherches d'antériorité ; il s'agit d'une fonction stratégique pour le cabinet mettant en 'uvre une expertise technique et juridique qui contribue à la réalisation du chiffre d'affaires annuel (665 869 € ) ;

Il est ainsi établi que Madame [A] [T] accomplissait en réalité des fonctions classiques de comptable et avec un degré de responsabilité manifestement moindre que celui des salariées auxquelles elle se compare puisque sans rôle d'encadrement et soumise pour l'essentiel au contrôle de l'expert- comptable et du commissaire aux comptes, elle n'accomplissait pas de tâches analogues à celles des trois autres salariées, lesquelles par leur activité et leur niveau de responsabilité en raison de la technicité spécifique de leurs connaissances directement liées et axées sur l'activité de l'entreprise contribuaient à la réalisation du chiffre d'affaires de l'employeur ;

Sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, il ressort des pièces versées aux débats communiquées par les parties et de l'analyse des données objectives ci-dessus, que l'employeur a pu légalement instaurer une différence de niveau de rémunération entre Madame [A] [T] et les autres salariées auxquelles elle se compare sans qu'il y ait rupture d'égalité de traitement ; en conséquence, il convient de débouter Madame [A] [T] de ses demandes de rappel de salaire de ce chef ainsi que des demandes afférentes reposant sur le principe rejeté .

Sur la prime de mi-année

Le contrat de travail prévoit après un an de présence, une prime de mi-année « déterminée par la direction selon les usages de la société » ;

Madame [A] [T] a perçu chaque mois de juin pour les années non prescrites, de 2007 à 2012 incluse, respectivement les sommes de 2240 €, 2475 € en 2008, 1980 €, 2243 €, 1243 € et 1065 € en 2012 ;

Soutenant ne pas connaître les critères objectifs de l'attribution de cette prime et ne pas connaître le montant de la prime perçue par les autres salariés et à défaut par la cour d'ordonner la production des pièces permettant de connaître le montant de la prime perçue par les autres salariés, Madame [A] [T] demande de lui allouer le rappel de la différence entre la prime la plus haute du cabinet et celle qu'elle a reçue ou subsidiairement avec la prime la plus haute qu'elle a perçue en 2008 soit 2475 € ;

La somme de 2475 € représente 75% du salaire contractuel mensuel brut en 2008 perçu par Madame [A] [T] ; il ressort des bulletins de salaire de chacun des mois de juin concernés qu'il existe manifestement une référence et un lien entre le salaire contractuel de base de la salariée et le montant de la prime qui figure sur la même ligne de sorte que le salaire contractuel figurant comme base représente nécessairement 100% , ainsi en 2007, la prime versée représente 70% du salaire contractuel de base, en 2009 elle représente 60% , en 2010 elle est de 65% , en 2011 de 35% et de 30% en 2012 ;

La SAS Cabinet NETTER indique que le pourcentage du salaire contractuel est déterminé annuellement par la direction ce dont atteste l'expert-comptable [Y] [Z] qui précise que le même coefficient est appliqué à tous les salariés ajoutant qu'il a été de 30% en 2012, de 45% en 2013 et de 35% en 2014 ; à titre d'exemple l'employeur communique le bulletin de salaire du mois de juin 2012 de Madame [I] dont il résulte qu'à l'identique de Madame [A] [T] elle a reçu une prime correspondant à 30% de son salaire brut mensuel contractuel de 3950 € ;

Madame [A] [T] n'apporte aucun élément de fait permettant de laisser supposer l'existence d'une quelconque discrimination à son égard dans le mode d'attribution de la prime litigieuse et son calcul par rapport à celui des autres salariés alors que le coefficient d'attribution annuel était décidé chaque année par la direction et aléatoire et qu'il est justifié par l'employeur qu'il était appliqué uniformément à tous les salariés ; il s'ensuit que sans qu'il y ait lieu de faire droit à sa demande de production de pièces Madame [A] [T] est non fondée en sa demande de rappel de prime de mi-année que ce soit sur le fondement de la prime la plus haute du cabinet ou de celle qu'elle a perçue en 2008 .

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

Contractuellement Madame [A] [T] devait travailler 38h par semaine avec trois quarts d'heure de récupération, la pause était de 45 minutes , le contrat de travail mentionne que la salariée pouvait adapter son horaire, sous réserve et abstraction faite de la pause de midi, d'une présence pendant un créneau minimal journalier allant de 10h à 17h , que le décompte des heures de travail s'effectue sur la base d'un système auto- déclaratif et que la salariée doit en conséquence noter chaque jour ses heures d'arrivée et de départ ; il indique encore que le dépassement, en moyenne sur un mois, de l'horaire hebdomadaire est sujet à accord préalable exprès ;

Madame [A] [T] réclame le paiement de 346h 54 supplémentaires non rémunérées entre 2008 et 2012 ; la demande est contestée par l'employeur ;

Madame [A] [T] ne justifie ni d'un accord de l'employeur pour un dépassement, ni de la transmission de relevés déclaratifs à l'employeur au cours de la période non prescrite de la relation salariale dont il pourrait résulter que la salariée effectuait des heures supplémentaires au vu et au su manifeste de son employeur ;

A l'appui de sa demande, la salariée produit uniquement un tableau mentionnant les 52 semaines des années concernées et en regard de chacune d'elles le nombre d'heures qu'elle aurait réalisées au cours de la semaine sans détailler les jours ni fournir aucune précision concernant ses heures d'arrivée, de départ de sorte que ce relevé global ne permet pas un débat contradictoire, étant observé que certaines semaines autres que celles de congés payés, maladie ou avec jour férié, la salariée travaillait moins de 30 ou 35h et qu'elle était toujours payée 38h par semaine ;

Il s'ensuit que la cour considère au vu de l'ensemble des éléments communiqués par les parties que la preuve des heures supplémentaires réclamées n'est pas rapportée et Madame [A] [T] doit être déboutée de sa demande en paiement de ce chef et par conséquent de celle relative aux dommages intérêts pour travail dissimulé.

Sur la demande de requalification de la démission

Dans sa lettre du 20 Septembre 2012 à l'employeur, Madame [A] [T] fait un lien entre sa démission et un fait qu'elle lui reproche de sorte qu'il s'agit en réalité d'une prise d'acte de rupture dont il convient d'apprécier le bien fondé ;

Il a été jugé ci-dessus que le grief de la salariée concernant sa revendication de revalorisation de son salaire par rapport aux salariées sur lesquelles elle estimait devoir être alignée est non fondée ; elle a de même ci-avant été jugée non fondée en ses demandes reposant sur le bénéfice des dispositions de la convention SYNTEC laquelle n'est pas applicable à la relation contractuelle, quant aux heures supplémentaires réclamées et quant à la prime de mi-année dont elle demandait le paiement ; il s'ensuit que cet ensemble de griefs qu'elle fait valoir devant la cour comme justifiant sa prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur sont non fondés et la prise d'acte de rupture du contrat de travail s'analyse par conséquent en une démission ce dont il se déduit que doivent être rejetées les demandes de Madame [A] [T] en paiement d'indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Sur les autres demandes

Il convient de fixer le salaire mensuel moyen de référence de Madame [A] [T] au titre de l'année 2012 eu égard aux primes s'ajoutant au salaire mensuel de base à la somme de 4082,49 € ;

En conséquence de ce qui précède, les demandes de dommages intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles de la convention SYNTEC, non paiement des heures supplémentaires non contractuelles, inégalité de traitement sont non fondées et sont rejetées;

Se fondant sur l'article 10 de son contrat de travail qui stipule que « la personne salariée devra faire connaître à la société sans délai toute modification postérieure à son engagement qui pourrait intervenir dans son état civil, sa situation de famille, son adresse, sa situation militaire notamment » Madame [A] [T] demande des dommages intérêts pour clause de subordination privée illicite ; cette demande est non fondée et doit être rejetée comme ne portant pas atteinte à la vie privée du salarié, la dite clause ayant seulement pour but d'attirer l'attention du salarié sur la nécessité de faire connaître à l'employeur les éléments de son état civil, son domicile, son état de grossesse....etc qui constituent des éléments que l'employeur doit connaître pour remplir le salarié de ses droits tels que congé pour un mariage, une naissance etc ;

La salariée a reçu ses documents sociaux consécutifs et inhérents à la rupture de son contrat de travail suite à sa démission, sa demande de remise sous astreinte formulée devant la cour est sans objet et doit être rejetée ; aucune condamnation n'étant prononcée, il n'y a lieu de statuer sur la demande d'intérêts et de capitalisation ;

En conséquence du rejet des demandes de Madame [T] et de leur caractère non fondé, celles de l'union locale CGT, recevable en son appel, relatives au non respect par la SAS Cabinet NETTER des principes fondamentaux du droit du travail sont également non fondées et doivent être rejetées ;

Madame [A] [T] et l'union locale CGT succombant en leur appel, elles conserveront à leur charge leurs frais irrépétibles ;

Eu égard à la situation respective des parties, il y a lieu de dire que la SAS Cabinet NETTER conservera ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Dit Madame [A] [T] et l' Union locale CGT [Localité 2] recevables en leur appel

Confirme le jugement

Y ajoutant :

Fixe le salaire mensuel moyen de Madame [A] [T] à la somme de 4082,49 € en 2012 ;

Rejette les autres demandes des parties ;

Laisse les dépens à la charge de Madame [A] [T] et de l'Union locale CGT [Localité 2].

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 15/02845
Date de la décision : 28/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°15/02845 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-28;15.02845 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award