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28/10/2016 | FRANCE | N°14/10728

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 28 octobre 2016, 14/10728


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 28 Octobre 2016

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10728



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX - RG n° 12/00642





APPELANTE

SAS EISMANN

[Adresse 1]



représentée par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN




>

INTIME

Monsieur [X] [A]

[Adresse 2]



assisté de Me Nathalie VALLEE, avocat au barreau de ROUEN







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 28 Octobre 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/10728

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Juin 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MEAUX - RG n° 12/00642

APPELANTE

SAS EISMANN

[Adresse 1]

représentée par Me Luc MASSON, avocat au barreau de ROUEN

INTIME

Monsieur [X] [A]

[Adresse 2]

assisté de Me Nathalie VALLEE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Août 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Christophe BACONNIER, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce CAVROIS, président

Madame Valérie AMAND, conseiller

Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller

Qui en ont délibéré

Greffier : Mme Ulkem YILAR, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Président et par Madame Ulkem YILAR, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [X] [A] a été embauché en qualité de cadre commercial, à l'époque en Allemagne, par la société EISMANN INTERNATIONAL TIEFKUHLSPEZIALITATEN Gmbh (la société EISMANN INTERNATIONAL plus loin) par contrat à durée indéterminée en date du 1er août 1990.

Le 1er avril 1998, Monsieur [X] [A] a été détaché en France au poste de Directeur Financier de la société EISMANN CITY FRANCE, société de droit français devenue la société EISMANN.

A cet effet, trois contrats de détachement ont été successivement établis pour les périodes du 01.04.1998 au 31.03.2001, du 01.04.2001 au 31.12.2003, puis du 01.01.2004 au 31.12.2004.

A compter du 1er octobre 2004, M. [A] a occupé le poste de directeur de projets et la société EISMANN a réglé les salaires et charges correspondant à cet emploi.

Aucun contrat écrit n'a été régularisé pour la période postérieure au 31 décembre 2004 et la situation de détachement s'est poursuivie jusqu'au 27 janvier 2010 : au dernier état de ses services, le salaire mensuel moyen de M. [A] était d'un montant de 5 105,44 €.

Le 8 décembre 2009, la société EISMANN a remis aux membres du Comité d'entreprise, un dossier d'information et de consultation sur le projet de licenciement pour motif économique de huit salariés, en vue d'une réunion du Comité d'Entreprise fixée au 11 décembre 2009.

Ce dossier mentionnait que l'effectif global de la société était de 586 salariés au 30 novembre 2009 et que le nombre de licenciements économiques envisagés était de 8 salariés répartis sur les sites de [Localité 1], [Localité 2] & [Localité 3].

La société EISMANN exposait que le projet de licenciement pour motif économique de ces

huit salariés était lié à la réorganisation de l'entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité et, s'agissant du poste de Monsieur [A], il était rappelé que ce dernier occupait un poste de directeur des projets, que la situation économique de la société ne permettait pas de mettre en place des projets initialement programmés pour 2010 ; que par ailleurs, compte tenu de la mise en place effective de l'informatique dans les agences et du développement pour chaque vendeur d'un matériel informatique embarqué, le maintien du poste de Monsieur [A] n'était plus justifié et serait supprimé.

Par lettre recommandée avec AR datée au 14 décembre 2009 présentée le 21 décembre 2009, la Société EISMANN a convoqué à un entretien préalable Monsieur [A], entretien devant se tenir le 22 décembre suivant'; en raison de la présentation tardive de ce courrier ne permettant pas de respecter le délai obligatoire de 5 jours ouvrables, la société EISMANN a reporté au 6 janvier 2010 la date de l'entretien préalable, par lettre du 22 décembre 2009.

L'entretien préalable a eu lieu le 6 janvier 2010.

Les raisons économiques du licenciement envisagé ont été exposées à M. [A] lors de

l'entretien préalable.

Lors de l'entretien préalable, l'employeur a remis à Monsieur [X] [A] :

- le document de présentation de la convention de reclassement personnalisé

- un document comportant l'ensemble des propositions de reclassement.

Aucune offre de reclassement ne correspondant à ses fonctions, Monsieur [X] [A] a refusé les reclassements proposés le 20 janvier 2010.

Le 22 janvier 2010, Monsieur [A] acceptait la convention de reclassement personnalisé (CRP).

La rupture du contrat de travail est par suite, intervenue le 27 janvier 2010.

Le 8 février 2010, le solde de tout compte et le certificat de travail ont été remis à Monsieur [X] [A].

Le licenciement pour motif économique de Monsieur [X] [A] a été notifié par lettre recommandée avec AR du 20 février 2010.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Monsieur [X] [A] avait une ancienneté de près de 20 ans et la société EISMANN occupait à titre habituel au moins onze salariés, 586 en l'occurrence .

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Monsieur [X] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux le 16 septembre 2010 qui, par jugement du 13 juin 2014 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a rendu la décision suivante :

«DECLARE Monsieur [X] [A] recevable en ses demandes.

DIT que la rupture du contrat de travail le 22 janvier 2010 est constitutive d'un licenciement d pourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE la société EISMANN à payer à Monsieur [X] [A] les sommes suivantes :

- 70 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 10 210,88 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

ORDONNE l'exécution provisoire.

DEBOUTE Monsieur [A] du surplus de ses demandes.

CONDAMNE la société EISMANN à payer à Monsieur [A] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la société EISMANN aux entiers dépens de l'instance».

Entre temps, Monsieur [X] [A] a demandé sa réintégration au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL par lettre du 22 novembre 2010 et son contrat de travail été rompu en Allemagne par lettre du 20 décembre 2010 à effet du 31 juillet 2011.

Un contentieux a opposé la société EISMANN INTERNATIONAL à Monsieur [X] [A] sur les conditions de rupture de son contrat de travail en Allemagne et sur appel du jugement rendu le 12 mai 2011 par le tribunal du travail de Düsseldorf, un arrêt devenu définitif a été rendu le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf.

La société EISMANN a relevé appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Meaux le 13 juin 2014 par déclaration parvenue au greffe de la cour le 3 octobre 2014.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 août 2016.

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées, la société EISMANN demande à la cour de :

«Recevoir la société EISMANN en son appel.

Infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Vu l'article 26, alinéa 1er de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 / Convention de Lugano du 16 septembre 1988 ; l'article 33, § 1 du Règlement CE n° 44/2001 et de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007,

Vu la décision de la 15ème Chambre du Landarbeitsgericht (juridiction d'appel) de DUSSELDORF en date du 15 décembre 2011,

Constater que la décision susvisée du 15 décembre 2011 bénéficie de plein droit en France, de l'autorité de la chose jugée dont elle est revêtue en Allemagne ;

Dire qu'il résulte de cette décision que M. [A] a été salarié de la société EISMANN INTERNATIONAL TIEFKUHL-HEIMSERVICE Gmbh (venant aux droits de la société EISMANN INTERNATIONAL TIEFKUHLSPEZIALITATEN Gmbh) de 1er août 1990 au 31 juillet 2011 ;

Constater la situation de détachement de M. [A] au sein de la SAS EISMANN du 14 avril 1998 au 27 janvier 2010 et, postérieurement, sa réintégration au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL TIEFKUHL-HEIMSERVICE Gmbh.

Dire que la rupture du contrat de travail intervenue le 27 janvier 2010 est non avenue et dépourvue d'effet ;

En conséquence, vu l 'article L. 1235-3 du Code du travail,

Déclarer les demandes de Monsieur [A] irrecevables et en tout état de cause, mal fondées.

Débouter Monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu l 'article 13 76 du Code civil,

Condamner Monsieur [X] [A] à payer à la société EISMANN la somme de 44.220,86 € indûment versée au titre de l'indemnité de licenciement et la somme de 5.105,44 € indûment versée au titre de l'indemnité de préavis.

Condamner Monsieur [X] [A] à payer a la société EISMANN la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le condamner aux dépens.

A titre subsidiaire, réduire le montant des dommages intérêts au minimum prévu par l'article L. 1235-3 du Code du travail».

A l'appui de ces moyens, la société EISMANN fait valoir que':

- la situation de détachement de Monsieur [X] [A] au sein de la société EISMANN en France et l'unicité du contrat de travail exécuté successivement en Allemagne de 1990 à 1998, en France de 1998 à 2010 dans le cadre de détachements, et in fine en Allemagne, sont définitivement jugées

- le détachement de Monsieur [X] [A] en France suivi de la réintégration en Allemagne au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL rend caduque la rupture du contrat en France survenue le 27 janvier 2010

- en outre la réintégration dans son emploi survenue postérieurement à son licenciement, éteint le droit aux indemnités de rupture de Monsieur [X] [A]

- l'unicité du contrat de travail, la réintégration et les conditions de rupture du contrat de travail le 31 juillet 2011 ne peuvent plus être remises en cause en raison de la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf

- il n'y a pas eu de novation du contrat de travail

d'ailleurs le certificat de travail établi le 4 février 2010 par la société EISMANN mentionne bien une ancienneté depuis 1990

- les indemnités de rupture versées à Monsieur [X] [A] en France doivent être restituées compte tenu de ce qu'il a été réintégré dans son emploi et que son licenciement économique du 18 février 2010 est «'non avenu et dépourvu d'effet'» (sic).

Lors de l'audience et par conclusions régulièrement déposées, Monsieur [X] [A] s'oppose à toutes les demandes de la société EISMANN et demande à la cour de':

«Voir dire recevable et bien fondé Monsieur [X] [A] en son appel incident devant la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de PARIS, Y ajoutant,

Constater l'existence d'une relation contractuelle entre la société EISMANN et Monsieur [A], distincte de cette unissant ce dernier avec la société EISMANN TIEFKUI-IL-HEIMSERVICE Gmbh,

Confirmer la décision rendue par le Conseil des Prud'hommes de MEAUX en date du 13 juin 2014, en ce qu'elle a dit que le licenciement de Monsieur [A] en date du 22 janvier 2010, est constitutif d'un licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

En revanche, infirmer la décision entreprise s'agissant du quantum des dommages et intérêts alloués et dire que la société EISMANN sera tenue au paiement de la somme de 122.530,56 € a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société EISMANN a payer à Monsieur [A] une somme de 10.210,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Rejeter comme totalement infondées toutes demandes, fins et conclusions contraires de la société EISMANN,

La confirmer pour le surplus et notamment s'agissant de l'allocation de la somme de 1.200,00 € allouée en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner enfin la société EISMANN au paiement d'une indemnité d'un montant de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.»

A l'appui de ces moyens, Monsieur [X] [A] fait valoir que':

- la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf qui ne porte que la rupture de son contrat de travail avec la société EISMANN INTERNATIONAL, survenue le 31 juillet 2011 en Allemagne, n'a aucune autorité de la chose jugée sur le présent litige qui porte que son licenciement économique par la société EISMANN le 20 février 2010

- en outre la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf ne fait que constater qu'une transaction est survenue entre lui et la société EISMANN INTERNATIONAL relativement à la rupture du contrat conclu entre ces deux parties en 1990

- la relation de travail entre lui et la société EISMANN est survenue de 1998 à 2004 dans le cadre de son détachement, l'employeur restant la société EISMANN INTERNATIONAL, et d'octobre 2004 à février 2010 dans le cadre d'un autre contrat de travail avec la société EISMANN

- aucun élément de la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf ne permet d'écarter l'existence de deux contrats de travail distincts, l'un avec la société EISMANN INTERNATIONAL et l'autre avec la société EISMANN , peu important qu'une réintégration soit survenue en Allemagne au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL après son licenciement économique par la société EISMANN

la réglementation applicable au détachement interdit de considérer que Monsieur [X] [A] est resté détaché de la société EISMANN INTERNATIONAL d'octobre 2004 à février 2010

- peu importe qu'aucun contrat de travail n'a été formalisé entre lui et la société EISMANN, l'existence du contrat de travail à durée indéterminée étant constante et aucun formalisme n'étant nécessaire à cet égard à la différence du détachement

- il est constant que jusqu'en octobre 2004, il a été détaché et payé par la société EISMANN INTERNATIONAL et que son régime social relevait du droit allemand et que d'octobre 2004 à février 2010 il était payé par la société EISMANN et que son régime social relevait du droit français

- son licenciement économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que le motif économique n'a été énoncé qu'après l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé, dans la lettre de licenciement en l'occurrence'; en outre la lettre de licenciement est insuffisamment motivée la recherche de reclassement n'est ni sérieuse ni loyale,

- l'indemnité compensatrice de préavis allouée par le premier juge doit être confirmée (10.2010,88 €) mais les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être portés à 24 mois soit 122.530,56 €

- les demandes reconventionnelles de la société EISMANN sont mal fondées'; la réintégration n'est survenue qu'en Allemagne au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL et non en France au sein de la société EISMANN'; les indemnités de rupture versées n'ont donc pas à être restituées.

Lors de l'audience, les conseils des parties ont plaidé par observations et s'en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l'affaire a alors été mise en délibéré à la date du 7 octobre 2016 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.

Sur les moyens relatifs à la portée de la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf ne porte que sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [X] [A] avec la société EISMANN INTERNATIONAL, survenue le 31 juillet 2011 en Allemagne, que la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf n'a aucune autorité de la chose jugée sur le présent litige qui porte que le licenciement économique de Monsieur [X] [A] par la société EISMANN le 20 février 2010, qu'en outre la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf ne fait que constater qu'une transaction est survenue entre la société EISMANN INTERNATIONAL et Monsieur [X] [A] relativement à la rupture du contrat conclu entre ces deux parties en 1990, qu'enfin la relation de travail entre Monsieur [X] [A] et la société EISMANN est survenue de 1998 à 2004 dans le cadre de son détachement tel qu'établi par 3 avenants, l'employeur restant la société EISMANN INTERNATIONAL, et que la relation de travail entre Monsieur [X] [A] et la société EISMANN s'est poursuivie d'octobre 2004 à février 2010 dans le cadre d'un autre contrat de travail avec la société EISMANN au motif que':

- aucun élément de la décision rendue le 15 décembre 2011 par la juridiction d'appel de Düsseldorf ne permet d'écarter l'existence de deux contrats de travail distincts, l'un avec la société EISMANN INTERNATIONAL et l'autre avec la société EISMANN , peu important qu'une réintégration soit survenue en Allemagne au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL après le licenciement économique de Monsieur [X] [A] décidé par la société EISMANN,

- aucun élément de preuve ne permet de considérer que Monsieur [X] [A] est resté détaché de la société EISMANN INTERNATIONAL d'octobre 2004 à février 2010,

l'existence du contrat de travail à durée indéterminée entre Monsieur [X] [A] et la société EISMANN, d'octobre 2004 à février 2010, est établi par le fait que Monsieur [X] [A] a été payé par la société EISMANN et que son régime social relevait du droit français d'octobre 2004 à février 2010 alors que jusqu'en octobre 2004, Monsieur [X] [A] a été payé par la société EISMANN INTERNATIONAL et que son régime social relevait du droit allemand, étant rappelé qu'il exerçait alors ses fonctions dans le cadre de son détachement auprès de la société EISMANN comme cela ressort des avenant produits

- le fait que le certificat de travail établi le 4 février 2010 par la société EISMANN mentionne une ancienneté depuis 1990 ne suffit pas à établir qu'il n'existe qu'un unique contrat de travail'; en effet la reprise d'ancienneté à 1990 dans le cadre du contrat de travail qui s'est formé en octobre 2004 avec la société EISMANN, découle de la relation de travail qui existait depuis 1990 entre Monsieur [X] [A] et le groupe EISMANN.

Sur le licenciement économique

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail ; lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, il suffit que le motif économique soit énoncé dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.

Il est constant que l'entretien préalable a eu lieu le 6 janvier 2010 et que lors de l'entretien préalable, l'employeur a notamment remis à Monsieur [X] [A], le document de présentation de la convention de reclassement personnalisé, que le 22 janvier 2010, Monsieur [A] acceptait la convention de reclassement personnalisé (CRP), que la rupture du contrat de travail est par suite, intervenue le 27 janvier 2010 et que le licenciement pour motif économique de Monsieur [X] [A] a été notifié le 20 février 2010 par lettre datée du 18 février 2010.

Sur le moyen tiré de ce que le motif économique n'a été énoncé qu'après l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé, la cour retient que le moyen est bien fondé au motif que :

- les deux lettres de convocation à l'entretien préalable ne contiennent ni l'une ni l'autre l'énonciation d'un motif économique

- le compte rendu de l'entretien préalable (pièce n° 7 employeur) ne permet pas de retenir que le motif économique a été énoncé

- le motif économique n'a été énoncé que dans la lettre de licenciement du 18 février 2010 alors que la convention de reclassement personnalisé a été acceptée le 22 janvier 2010 par Monsieur [X] [A].

Dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par Monsieur [X] [A], la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement économique de Monsieur [X] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Monsieur [X] [A] demande la somme de 122.530,56 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société EISMANN s'y oppose.

Il est constant qu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Monsieur [X] [A] avait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise de 11 salariés et plus ; il y a donc lieu à l'application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dont il ressort que le juge octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats, compte tenu de l'âge de Monsieur [X] [A], de son ancienneté, de la durée de son chômage, de la perte des avantages en nature, des difficultés financières générées par son licenciement abusif, du dommage moral qui a été nécessairement subi par Monsieur [X] [A] à la suite de la perte de son emploi dans des conditions injustes, que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 70.000 euros.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a octroyé à Monsieur [X] [A] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 70.000 euros.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Monsieur [X] [A] demande la somme de 10.210,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ; la société EISMANN s'y oppose.

Il est constant que Monsieur [X] [A] étant cadre, la durée du préavis est fixée à 3 mois, qu'il a déjà perçu 5105,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (pièce n° 24 employeur) lors de son licenciement économique.

L'indemnité compensatrice de préavis restant due doit donc être fixée à la somme de 10.210,88 euros.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a octroyé à SALARIE la somme de 10.210,88 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail

L'article L.1235-4 du code du travail dispose «Dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées».

Le licenciement de Monsieur [X] [A] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l'application de l'article L.1235-4 du Code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société EISMANN aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [X] [A], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les demandes reconventionnelles

La société EISMANN demande au visa de l 'article 1376 du Code civil, que Monsieur [X] [A] soit condamné à lui payer la somme de 44.220,86 € indûment versée au titre de l'indemnité de licenciement et la somme de 5.105,44 € indûment versée au titre de l'indemnité de préavis.

Le moyen est nouveau.

A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que les demandes reconventionnelles de la société EISMANN sont mal fondées au motif que la réintégration n'est survenue qu'en Allemagne au sein de la société EISMANN INTERNATIONAL et non en France au sein de la société EISMANN, que le licenciement économique a produit tout son effet en ce qui concerne le contrat de travail existant entre Monsieur [X] [A] et la société EISMANN et que les indemnités de rupture versées n'ont donc pas à être restituées.

Le moyen de ce chef est donc rejeté.

Sur les demandes accessoires

La cour condamne la société EISMANN aux dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société EISMANN à payer à Monsieur [X] [A] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel.

L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant nécessairement des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société EISMANN aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [X] [A], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage,

Condamne la société EISMANN à verser à Monsieur [X] [A] une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la société EISMANN aux dépens.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/10728
Date de la décision : 28/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°14/10728 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-28;14.10728 ?
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