RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 28 octobre 2016
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07047
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2013 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 10/12373
APPELANTE
Madame [G] [K] née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] TUNISIE
[Adresse 1]
comparante en personne,
assistée de Me Pierre-louis ROUYER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1508
INTIMEE
La SELAFA MJA prise en la personne de Me [K] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL LE VERSEINE
[Adresse 2]
représenté par Me Bruno DE PRÉMARE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1176
PARTIE INTERVENANTE :
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 3]
comparaissant volontairement,
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10,
substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jacqueline LESBROS, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, Président de chambre
Mme Jacqueline LESBROS, Conseiller
Madame Valérie AMAND, Conseiller
Qui en ont délibéré
Greffier : Melle Flora CAIA, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Madame Ulkem YILAR, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La SARL LE VERSEINE dont le gérant est Monsieur [X] exploitait un café restaurant [Adresse 4].
Le 27 septembre 2010, Madame [G] [K], compagne de Monsieur [X] et associée détenant 30 % des parts de la SARL LE VERSEINE, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de voir reconnaître son statut de salariée, de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail verbal par lequel elle a été engagée le 1er novembre 2002 en qualité de serveuse, d'obtenir les indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 50.000 € ainsi qu'un rappel de salaire à hauteur de 63.548,19 € et un rappel d'heures supplémentaires non payées pour la somme de 368.686,15 € outre les congés payés afférents, 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance de référé 11 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a accordé à Madame [G] [K] une provision sur salaires de 20.000 €.
Par jugement du 22 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Paris statuant en formation de départage l'a déboutée de ses demandes.
Madame [G] [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 15 juillet 2013.
Par jugement du 23 octobre 2013, la SARL LE VERSEINE a été placée en liquidation judiciaire et Maître [K] [U] désignée en qualité de liquidateur.
À l'audience du 29 janvier 2016, les conseils des parties et le conseil de l'AGS ont développé oralement les conclusions régulièrement déposées et visées par le greffe auxquelles la cour se réfère plus ample exposée de la procédure antérieure, des faits et moyens des parties.
Madame [G] [K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement qui l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes
Statuant à nouveau,
- constater qu'elle se trouve dans la situation d'une salariée titulaire d'un contrat de travail
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date de la mise en liquidation judiciaire de la SARL LE VERSEINE soit le 23 octobre 2013
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes de la SARL LE VERSEINE, prise en la personne de Maître [K] [U], ès qualité de liquidateur judiciaire,
- rejeter l'ensemble des demandes formulées par l'AGS
- condamner in solidum la SARL LE VERSEINE, prise en la personne de Maître [K] [U], ès qualité liquidateur judiciaire, et l'AGS à lui verser les sommes suivantes :
* 63.548,19 € à titre de rappel de salaire
* 6.354,81 € au titre des congés payés afférents
* 368.686,15 € à titre de rappel des heures supplémentaires non payées
* 36.868,61 € au titre des congés payés afférents
* 72.988,79 € à titre de rappel du repos compensateur
* 49.103,34 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- condamner la SARL LE VERSEINE, prise en la personne de Maître [K] [U] de la SELAFA MJA, ès qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
- condamner in solidum la SELAFA MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LE VERSEINE, et l'AGS Unedic Île-de-France à lui verser la somme de 16.367,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, soit 1.636,77€ ; subsidiairement, à lui verser la somme de 2821,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, soit 282,11€
- condamner in solidum la SELAFA MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL LE VERSEINE, et l'AGS Unedic Île-de-France à lui verser la somme de 17.268 € à titre d'indemnité légale de licenciement ; subsidiairement, la somme de 2.976,20 euros,
- condamner la SARL LE VERSEINE, prise en la personne de Maître [K] [U], ès qualité de liquidateur judiciaire, au paiement des intérêts légaux avec capitalisation à compter de la citation en conciliation,
- condamner la SARL LE VERSEINE, prise en la personne de Maître [K] [U], ès qualité de liquidateur judiciaire, à lui remettre les bulletins de salaire conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard,
- condamner la SARL LE VERSEINE, prise en la personne de Maître [K] [U], ès qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Madame [G] [K] expose qu'elle a travaillé à compter du 1er novembre 2002 comme serveuse engagée par la SARL LE VERSEINE par contrat verbal qui n'a jamais été régularisé, son employeur n'étant autre que son concubin et gérant de la société, Monsieur [X], envers lequel elle se trouvait dans une situation de forte dépendance matérielle et affective. Elle a continué à travailler pour son compte après leur séparation en 2007. Elle s'est vue remettre à compter de 2007 des bulletins de salaire mais affirme n'avoir jamais perçu les sommes qui y sont portées, la SARL LE VERSEINE ne rapportant pas la preuve du paiement de ses salaires. Elle indique avoir toujours travaillé sous les directives de Monsieur [X]comme le prouvent les nombreuses attestations qu'elle produit aux débats. Elle conteste avoir pris la moindre part dans la gestion de la société et maintient qu'elle agissait sous l'autorité de Monsieur. Elle précise qu'elle travaillait du lundi au samedi sans discontinuer, de 7 heures du matin à 2 heures du matin le lendemain.
Maître [K] [U], liquidateur de la SARL LE VERSEINE, demande à la cour de débouter Madame [G] [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; de condamner Madame [G] [K] à lui payer, ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL LE VERSEINE, la somme de 5.000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient au contraire que Madame [G] [K] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle était salariée de la société et expose qu'en réalité, Monsieur [X] et Madame [G] [K] exploitaient ensemble le fonds de commerce jusqu'à leur séparation en 2007. À cette date, Monsieur [X] a repris un fonds de commerce d'alimentation générale situé [Adresse 5], et Madame [G] [K] a alors exploité seule le café-restaurant puis en 2010 avec son nouveau compagnon auquel Monsieur [X] a donné le fonds en location-gérance.
Il résulte des nombres attestations qu'il verse aux débats que Madame [G] [K] n'a jamais été salariée et qu'elle n'était pas dans un lien de subordination mais qu' au contraire elle exploitait et gérait l'établissement et donnait des instructions aux salariés présents ; qu'elle n'a jamais sollicité l'établissement d'un contrat de travail ni réclamé le paiement de salaires prétendument dus ni d'heures supplémentaires. Les bulletins de paie ont été établis par elle-même et ne permettent pas d'établir par eux-mêmes l'existence d'un contrat de travail. L'action de Madame [G] [K] est dictée par la rancoeur dans le contexte d'une séparation difficile après 20 ans de vie commune et des litiges en rapport avec la location gérance et des loyers impayés.
L'AGS demande à la cour de :
À titre principal :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions
dire et juger que Madame [G] [K] ne démontre pas sa qualité de salarié
En conséquence,
- prononcer la mise hors de cause de l'AGS
- ordonner le remboursement des sommes indûment versées par l'AGS
À titre subsidiaire :
- débouter Madame [G] [K] de sa demande de résiliation judiciaire
En tout état de cause, en application de l'article L 3253-8 2°, la garantie de l'AGS ne couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail que dans l'hypothèse où cette rupture est intervenue dans les 15 jours de la liquidation judiciaire ou dans le mois du jugement arrêtant le plan de cession.
Ainsi si la cour venait à fixer la résiliation judiciaire au jour de sa décision, dire et juger que le contrat de travail serait rompu après l'échéance du délai posé par la loi.
- débouter Madame [G] [K] du reste de ses demandes, fins et prétentions
- dire et juger que, s'il y a lieu à fixation, la garantie de l'AGS ne pourra intervenir que dans les limites légales
- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue par les dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article, les astreintes, dommages-intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur et l'article 700 du code de procédure civile étant exclus de la garantie
- juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, avancées pour le compte du salarié, un détroit plafond défini en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS
MOTIFS
Sur l'existence du contrat de travail
Il résulte des articles L 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, les attestations produites par Madame [G] [K] établissent seulement qu'elle était très présente quotidiennement dans l'établissement, aux côtés de Monsieur, mais aucun élément ne vient établir qu'elle exerçait son activité dans un lien de subordination.
Au contraire, les attestations produites par l'intimé démontrent qu'il n'existait aucun lien de subordination mais que Monsieur [X] et Madame [G] [K] exploitaient ensemble le commerce jusqu'à leur séparation. Madame [G] [K] a poursuivi seule l'exploitation à partir de 2008 en qualité de gérant de fait comme en atteste notamment la comptable (pièce 10) Madame [Q] qui indique que Madame [G] [K] lui remettait tous les éléments nécessaires à la tenue de la comptabilité et que Monsieur [X] réglait les factures qu'elle ne pouvait régler faute de trésorerie, ce qui ressort d'actes de gestion. Monsieur [P], fournisseur de la SARL LE VERSEINE, indique que Madame [G] [K] supervisait toutes les négociations commerciales à partir de 2010 et commandait elle-même la marchandise. Monsieur [M] atteste avoir négocié avec Madame [G] [K] les conditions d'organisation, de logistique et de prix pour les soirées d'entreprise organisées dans le restaurant. Les salariés de la SARL LE VERSEINE recevaient les instructions de Madame [G] [K] qui se présentait comme la patronne auprès de la clientèle (pièces 17 et 20 de l'intimé). L'existence de bulletins de paie à ne suffit pas à établir l'existence d'un contrat de travail. Il résulte enfin du jugement déféré que Madame [G] [K] a reconnu devant le conseil qu'elle avait continué l'exploitation après le départ de Monsieur [X] puis qu'elle avait assisté le nouveau locataire-gérant pour s'occuper des approvisionnements et des relations avec les fournisseurs.
Au vu de ces éléments, la cour constate que la preuve d'un lien de subordination n'est pas établie et que Madame [G] [K] échoue à établir l'existence d'une relation de travail salarié.
Il s'ensuit que sa demande de résiliation judiciaire du contrat doit être rejetée ainsi que toutes les demandes qui en découlent au titre des indemnités légales de rupture, de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des heures supplémentaires. De même, aucun travail salarié dissimulé au sens de l'article L 8223-5 du code du travail ne peut être reproché à la SARL LE VERSEINE dont Madame [G] [K] n'était pas salariée.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Sur la demande de remboursement de l'AGS
Par ordonnance de référé du 11 mars 2011, le conseil de prud'hommes de Paris a alloué à Madame [G] [K] une provision de 20.000 € à valoir sur ses salaires.
L'AGS justifie avoir versé à Madame [G] [K] qui ne le conteste pas la somme de 21.345,96 € en exécution de cette décision. Le statut de salarié de Madame n'étant pas établi, l'AGS est bien-fondée à obtenir le remboursement de ces sommes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'issue du litige conduit à confirmer le jugement qui a mis les dépens de première instance à la charge de Madame [G] [K], de la condamner aux dépens d'appel et de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de Maître [K] [U] au titre des frais irrépétibles est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 22 mai 2013.
Y ajoutant,
Prononce la mise hors de cause de l'AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST.
Condamne Madame [G] [K] à payer à l'AGS CGEA ILE DE FRANCE OUEST la somme de 21.345,96 € correspondant à l'avance sur salaires qu'elle a perçue.
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Madame [G] [K] aux entiers dépens.
Le greffier,Le président,