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27/10/2016 | FRANCE | N°16/00051

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 27 octobre 2016, 16/00051


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 27 Octobre 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/00051



Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 05 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 15/02255





APPELANTE

Madame [S] [U]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par M. Mi

chel ROUSSON (Délégué syndical ouvrier)





INTIMEES

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE



SOCIETE E...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 27 Octobre 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/00051

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 05 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° 15/02255

APPELANTE

Madame [S] [U]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par M. Michel ROUSSON (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEES

SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE

SOCIETE ENIDIS anciennement dénommée ERDF

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE

SA ELECTRICITE DE FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE

ENGIE (ex GDF SUEZ)

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Michel JOLLY, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Martine CANTAT, Conseiller

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

**********

Statuant sur l'appel interjeté par Mme [S] [U] d'une ordonnance de référé rendue le 05 octobre 2015 par le conseil de prud'hommes de Paris qui, saisi par l'intéressée de demandes dirigées contre les sociétés ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION DE FRANCE (ERDF) et GAZ RESEAU DISTRIBUTION DE FRANCE (GRDF) tendant essentiellement au paiement de provisions pour harcèlement moral, manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et discrimination syndicale ainsi qu'à la communication sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile de divers documents, a dit n'y avoir lieu à référé,

Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 10 juin 2016 par Mme [S] [U] contre les sociétés ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), ENGIE (ex GDF SUEZ), ERDF et GRDF, et ses observations orales aux termes desquelles elle demande à la cour de':

- condamner les ex-employeurs pour trouble manifestement illicite en raison des discriminations subies liées à sa santé, à son âge et à son activité syndicale,

- condamner les ex-employeurs à lui verser une provision de 5 000 € au titre du harcèlement moral,

- condamner les ex-employeurs à lui verser une provision de 3 000 € pour manquement à leur obligation de sécurité de résultat,

- ordonner aux parties défenderesses de produire sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de réparation du préjudice':

- le procès-verbal du CHSCT concernant l'analyse de l'accident du travail dont elle a été victime le 23 janvier 2004 à l'agence d'[Localité 5],

- le document unique d'évaluation des risques en vigueur dans l'Unité Electricité Gaz Services Pantin à la date de l'accident du travail le 23 janvier 2004, sauf à constater son absence s'il n'existe pas,

- la copie intégrale du dossier d'assurance ouvert par l'employeur (Branche Recours Corporels) en vue de la demande de recours auprès de la cliente Mme [B], sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- le procès-verbal de la Commission Supérieure (en réalité Secondaire) du Personnel (CSP), où son dossier a été discuté en application de la PERS 268 à la demande du médecin du travail le 14 octobre 2004, relatant les comptes rendus des débats et les avis des membres de la CSP, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- le procès-verbal de la CSP, où a été discuté son coefficient professionnel à 0 %, relatant les comptes rendus des débats et les avis des membres de la CSP, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- les rapports «'EGAPRO'» de 1993 à ce jour et la rémunération globale annuelle perçue par ses collègues de travail notamment la partie variable de l'intéressement, sous astreinte de 100 € par pièce et par jour de retard,

- la liste exhaustive de ses comparants ainsi que leur fiche C01, sous astreinte de 100 € par pièce et par jour de retard,

- l'examen de sa situation selon l'accord égalité professionnelle hommes/femmes, sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- condamner toutes les parties en cause à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les parties défenderesses au paiement des dépens afférents à l'instance et aux éventuels actes et procédures d'exécution de la décision à intervenir,

Vu les conclusions transmises et soutenues à l'audience du 10 juin 2016 par la société anonyme ENEDIS, anciennement dénommée ERDF, et la société anonyme GRDF, intimées qui demandent à la cour de':

- déclarer l'appel irrecevable ou injustifié,

- confirmer la décision entreprise,

- dire et juger que les demandes de Mme [S] [U] se heurtent à la prescription quinquennale, au principe de l'autorité de la chose jugée et à celui de l'unicité de l'instance,

- dire et juger que les demandes de Mme [S] [U] sont irrecevables ou injustifiées,

- dire et juger qu'elles ne relèvent pas de la compétence du juge des référés,

- les rejeter,

- condamner Mme [S] [U] au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,

Vu les observations orales faites pour les sociétés EDF et ENGIE, qui soulèvent l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il est dirigé à leur encontre alors qu'elles n'étaient pas parties en première instance,

Vu les observations orales de Mme [S] [U], qui déclare s'incliner sur l'irrecevabilité de l'appel en ce qu'il est dirigé contre les sociétés EDF et ENGIE,

SUR CE, LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Les établissements publics à caractère industriel et commercial EDF et GDF, aux droits desquels viennent les sociétés ENEDIS et GRDF, ont embauché Mme [S] [U] à compter du 03 juin 1991 en qualité de dessinateur détaillant, la relation de travail étant soumise au statut national du personnel des industries électriques et gazières.

Après une formation de conseiller clientèle, Mme [S] [U] est affectée d'office à compter du 1er janvier 1995 à l'agence clientèle de [Localité 6] en qualité d'employée qualifiée «'gestion clientèle'».

A compter de l'année 2000, Mme [S] [U] est confrontée à des troubles auditifs.

Le 23 janvier 2004, elle est agressée physiquement à l'agence d'[Localité 5] par une cliente Mme [Y] [B], agression qui a fait l'objet le 26 janvier d'une déclaration d'accident du travail.

Le 09 février 2004, Mme [S] [U] est déclarée apte à la reprise sous surveillance médicale régulière.

A la suite d'une mutation le 1er mai 2004 en Gironde à sa demande, Mme [S] [U] est déclarée le 27 septembre 2004 apte à l'emploi de conseiller clientèle dans le cadre de la visite annuelle obligatoire de médecine du travail.

Le 18 octobre 2004, le médecin du travail sollicite une mutation de Mme [S] [U] pour raison de santé en concluant à son inadaptation définitive, en précisant «'pas d'accueil clientèle'», «'pas de téléphone'» et en préconisant les postes «'administratif'», «'dessinatrice'» et «'cartographie'».

Le médecin du travail réitère ses conclusions les 18 janvier, 18 juillet 2005 et 27 mars 2006, ajoutant à l'occasion de cette dernière visite': «'Pas de travail dans environnement bruyant'».

Mme [S] [U] est opérée pour ses troubles auditifs, son oreille gauche étant appareillée le 25 novembre 2004 et son oreille droite, le 20 juin 2005. Le 19 avril 2006, la COTOREP lui reconnaît la qualité de travailleur handicapé, classé en catégorie B du 1er novembre 2005 au 1er novembre 2010.

Dans le cadre de la circulaire «'PERS 268'», la situation de Mme [S] [U] a été examinée à deux reprises par la commission secondaire du personnel les 29 septembre 2005 et 22 juin 2006.

Entre-temps, à compter du 1er janvier 2006, Mme [S] [U] a bénéficié d'un détachement syndical à 50 %, le syndicat CAP-CFTC l'ayant en outre nommée secrétaire générale adjointe, puis le 27 juillet 2006, délégué syndical.

Mme [S] [U] a également été confrontée à de graves problèmes intestinaux qui ont nécessité une manométrie ano-rectale le 24 juillet 2006 puis de nombreuses hospitalisations en 2007.

En définitive, son état de santé a conduit à son placement en longue maladie le 29 mai 2008 avec effet à compter du 08 janvier 2007, puis en invalidité catégorie 2 à compter du 1er avril 2012.

Le 10 août 2012, elle a saisi la caisse primaire d'assurance maladie de Gironde pour voir reconnaître l'aggravation de son état de santé liée à son accident du travail du 23 janvier 2004. A la suite de la décision de refus notifiée par la caisse, Mme [S] [U] a sollicité la mise en 'uvre d'une mesure d'expertise médicale. Après examen du 13 juin 2013, le médecin expert a conclu qu' «'il exist[ait] un lien de causalité directe entre l'accident du travail dont l'assurée a été victime le 23 janvier 2004 et les lésions et troubles mentionnés à la date du 10 août 2012 (...)'».

Mme [S] [U] a été placée en retraite à compter du 1er juillet 2014.

Le 26 septembre 2014, la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) a notifié à Mme [S] [U], à la suite de la révision de son dossier en aggravation, un taux d'incapacité fixé à 7 % à effet au 30 octobre 2013 et un taux de coefficient professionnel de 0,0 %.

Par ailleurs, dès la fin de l'année 2007, Mme [S] [U] avait sollicité en justice l'organisation d'une mesure d'expertise médicale.

Par ordonnance de référé du 11 février 2008, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux s'est déclaré incompétent en raison de la matière et a renvoyé l'intéressée à mieux se pourvoir devant la juridiction des référés du conseil de prud'hommes de Paris ou de Bordeaux.

Par jugement «'avant dire droit'» du 25 novembre 2009, le conseil de prud'hommes de Bordeaux saisi de la même demande, mais au fond, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale. Mme [S] [U] qui avait formé contredit s'en est désistée par lettre du 12 mars 2010 et la cour d'appel de Bordeaux a constaté l'extinction de l'instance par ordonnance du 23 mars 2010.

Par jugement du 06 avril 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde saisi de la même demande s'est déclaré incompétent.

Contestant le taux d'incapacité de 7 % qui lui était reconnu après aggravation de son état de santé, Mme [S] [U] a également saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité, la procédure étant pendante.

C'est dans ces conditions que Mme [S] [U] a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Paris le 14 septembre 2015 de la procédure qui a donné lieu à l'ordonnance entreprise.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel en ce qu'il est dirigé contre les sociétés EDF et ENGIE':

Il doit être rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article 547 alinéa 1 du code de procédure civile, en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.

Il est constant que les sociétés EDF et ENGIE n'étaient pas parties en première instance.

En conséquence et ainsi que l'admet Mme [S] [U], l'appel sera déclaré irrecevable en ce qu'il est dirigé contre les sociétés EDF et ENGIE.

Sur la demande tendant à la communication de documents':

Les sociétés ENEDIS et GRDF opposent à cette demande les fins de non-recevoir tirées de la prescription, de l'autorité de la chose jugée et de la règle de l'unicité d'instance.

En application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Mme [S] [U] sollicite la communication des documents suivants':

- le procès-verbal du CHSCT concernant l'analyse de l'accident du travail dont elle a été victime le 23 janvier 2004 à l'agence d'[Localité 5],

- le document unique d'évaluation des risques en vigueur dans l'Unité Electricité Gaz Services Pantin à la date de l'accident du travail le 23 janvier 2004, sauf à constater son absence s'il n'existe pas,

- la copie intégrale du dossier d'assurance ouvert par l'employeur (Branche Recours Corporels) en vue de la demande de recours auprès de la cliente Mme [B], sous astreinte de 100 € par jour de retard,

- le procès-verbal de la Commission Secondaire du Personnel (CSP), où son dossier a été discuté en application de la PERS 268 à la demande du médecin du travail le 14 octobre 2004, relatant les comptes rendus des débats et les avis des membres de la CSP,

- le procès-verbal de la CSP, où a été discuté son coefficient professionnel à 0 %, relatant les comptes rendus des débats et les avis des membres de la CSP,

- les rapports «'EGAPRO'» de 1993 à ce jour et la rémunération globale annuelle perçue par ses collègues de travail notamment la partie variable de l'intéressement,

- la liste exhaustive de ses comparants ainsi que leur fiche C01,

- l'examen de sa situation selon l'accord égalité professionnelle hommes/femmes.

Il ressort de la nature de ces documents, hormis celui afférent à l'attribution de son coefficient professionnel dont il sera question ci-après, et de son argumentaire que Mme [S] [U] envisage d'attraire ses ex-employeurs devant la juridiction prud'homale statuant au principal dans la mesure où ils ont selon elle méconnu leurs obligations contractuelles ainsi que ses droits statutaires à la suite de son accident du travail du 23 janvier 2004 et de l'évolution de son état de santé au cours de l'année 2004, pour obtenir réparation intégrale du préjudice induit par des faits constitutifs de discrimination liée à son activité syndicale et à sa santé ainsi que de harcèlement moral, par le non-respect par les employeurs de la procédure des agressions de l'Unité Electricité Gaz Services Pantin, de la circulaire PERS 268, de l'accord local pour l'intégration des personnes handicapées 2006/2008 et de leur obligation de sécurité de résultat, par l'absence de l'établissement en 2007 d'une liste d'homologues et par la violation de la règle «'à travail égal, salaire égal'» et du dispositif de 2007 relatif à l'égalité professionnelle.

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008 a réduit de trente ans à cinq ans le délai de prescription extinctive applicable aux actions personnelles ou mobilières, qui court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ainsi qu'en dispose l'article 2224 du code civil.

En vertu de cette loi, il en est de même en ce qui concerne l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination, le délai de prescription courant à compter de la révélation de la discrimination conformément aux dispositions de l'article L 1134-5 du code du travail.

Son article 26, codifié à l'article 2222 du code civil, prévoit':

«'La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai écoulé.

En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.'».

Il résulte de ces dispositions que toutes les actions reposant sur des faits reprochés à l'employeur dont le salarié avait connaissance à la date du 19 juin 2008 sont prescrites depuis le 19 juin 2013.

Or au cas présent, tous les faits reprochés par Mme [S] [U] à ses ex-employeurs sont antérieurs au 19 juin 2008 et étaient connus d'elle avant cette date dès lors que d'une part, ainsi qu'il n'est pas contesté, elle n'a plus jamais repris le travail à compter du mois de décembre 2007 et que d'autre part, ces faits ont fondé le référé expertise introduit le 28 novembre 2007 devant le président du tribunal de grande instance de Bordeaux ainsi que l'action initiée le 23 mai 2008 devant le conseil de prud'hommes de Bordeaux.

Si ces actions en justice, ainsi que celle introduite le 04 février 2010 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bordeaux, ont interrompu la prescription jusqu'à l'extinction des instances considérées conformément aux dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil, il doit être rappelé qu'en application de l'article 2243 du même code, «'l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée'».

Tel est bien le cas en l'espèce, Mme [S] [U] s'étant désistée de sa procédure prud'homale devant la cour d'appel de Bordeaux et ayant vu sa demande définitivement rejetée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde.

Il s'ensuit que l'action au fond envisagée par Mme [S] [U] est irrémédiablement vouée à l'échec dans la mesure où elle repose sur des faits aujourd'hui prescrits, de sorte que sa demande de communication de pièces n'est fondée sur aucun motif légitime.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée par substitution de motifs et il sera dit n'y avoir lieu à référé quant aux demandes nouvelles de Mme [S] [U] tendant à la communication de la copie intégrale du dossier d'assurance ouvert par l'employeur (Branche Recours Corporels) en vue de la demande de recours auprès de la cliente Mme [B] et de l'examen de sa situation selon l'accord égalité professionnelle hommes/femmes, examen qui n'a au demeurant pas été effectué selon les intimées.

S'agissant de la demande de communication du procès-verbal de la CSP relatif à la discussion portant sur le coefficient professionnel de Mme [S] [U], elle ne repose pas sur des faits prescrits et aucune autre fin de non-recevoir parmi celles soulevées par les intimées ne lui est applicable, puisque le taux de coefficient professionnel (0,00 %) contesté a été notifié à l'intéressée par la CNIEG le 26 septembre 2014 (pièce n° 19 des intimées).

Mais précisément, le taux de coefficient professionnel est fixé par la CNIEG et non par l'employeur, de sorte que l'existence d'un procès-verbal de la CSP portant sur son attribution, existence formellement contestée par les intimées, n'est pas démontrée et que toute action à ce titre portée devant la juridiction prud'homale statuant au principal, laquelle n'est pas compétente, est irrémédiablement vouée à l'échec.

Cette demande n'étant donc pas sous-tendue par un motif légitime, la cour confirmera par substitution de motifs la décision entreprise sur ce point.

Sur les demandes en paiement provisionnel':

Mme [S] [U] sollicite paiement de provisions pour harcèlement moral et pour manquement de ses ex-employeurs à leur obligation de sécurité de résultat.

Ainsi qu'il a été dit, les faits et manquements contractuels sur lesquels reposent ces demandes sont prescrits, de sorte que celles-ci se heurtent à une contestation sérieuse au sens des dispositions de l'article R 1455-7 du code du travail et ne peuvent prospérer.

Pour la même raison, l'existence du trouble manifestement illicite dont se prévaut Mme [S] [U] n'est pas caractérisée.

L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée de ces chefs.

Sur la discrimination liée à l'âge':

Mme [S] [U] conteste pour la première fois devant la cour sa mise à la retraite à compter du 1er juillet 2014 et se considère victime d'une discrimination liée à l'âge dans la mesure où ne pouvant bénéficier d'une retraite au taux maximum de 75 % dans le cadre du statut des industries électriques et gazières (IEG), elle ne pouvait selon elle être mise d'office en inactivité.

Elle cite l'article 4 du statut des IEG en ces termes':

«'Les agents....qui n'ont pas validé le nombre de trimestres devant être validés au titre des industries électriques et gazières pour obtenir le taux maximum (75 %) mentionné à l'annexe 3 du présent statut peuvent, sur leur demande....être maintenus en activité.'»

«'La prolongation ne peut continuer au-delà du nombre maximum de trimestres devant être validé au titre du régime des IEG pour obtenir le taux maximum mentionné à l'annexe 3 du présent statut, ni au-delà du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier du taux maximum et 150 trimestres.'»

En réalité, l'article 4 du statut national du personnel des industries électriques et gazières annexé au décret du 22 juin 1946, dans sa version modifiée par les décrets n° 2008-653 du 2 juillet 2008 et n° 2011-289 du 18 mars 2011, dispose sur ce point':

«'Les agents qui, lorsqu'ils atteignent l'âge limite défini aux alinéas précédents, n'ont pas validé le nombre de trimestres devant être validé au titre du régime des industries électriques et gazières pour obtenir le taux maximum mentionné à l'annexe 3 du présent statut peuvent, sur leur demande et sous réserve de leur aptitude physique, être maintenus en activité. La prolongation ainsi accordée ne peut avoir pour effet de maintenir l'agent en activité au-delà du nombre maximum de trimestres devant être validé au titre du régime des industries électriques et gazières pour obtenir le taux maximum mentionné à l'annexe 3 du présent statut, ni au-delà d'une durée égale à la différence entre le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier du taux maximum susvisé et 150 trimestres.'».

Il résulte déjà de ces dispositions citées in extenso que Mme [S] [U] n'aurait pu en bénéficier en ce qu'elle ne remplit pas la condition d'aptitude physique.

Mais en outre, ce même article 4 en son alinéa 14 prévoit des dispositions dérogatoires concernant les agents placés en invalidité de catégorie 2 ou 3, comme c'est le cas de Mme [S] [U]':

«'L'agent titulaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2 ou 3, au sens de l'annexe 3 du présent statut, est mis en inactivité à l'initiative de son employeur à partir de l'âge d'ouverture de ses droits à pension de vieillesse du régime des industries électriques et gazières dès lors qu'il totalise le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier d'une pension servie au taux maximum mentionné à l'annexe 3 du présent statut ou, au plus tard, à soixante-deux ans.'».

Cet âge limite de soixante-deux ans, fixé avant la promulgation du décret n° 2011-289 du 18 mars 2011 à soixante ans, évolue selon les dispositions transitoires de ce même décret entre soixante et soixante-deux ans, dans les conditions fixées par le 1° du V de l'article 45 de l'annexe 3 du statut.

L'article 45 de l'annexe 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières annexé au décret du 22 juin 1946, issu des décrets n° 2008-627 du 27 juin 2008 et n° 2011-290 du 18 mars 2011, dispose désormais en son V ' 1°':

«'L'âge d'ouverture du droit à pension de soixante-deux mentionné qu 1° du I de l'article 16 s'applique aux agents nés à compter du 1er janvier 1962. Pour les agents nés antérieurement à cette date, cet âge est abaissé':

- à soixante ans pour les agents nés avant le 1er janvier 1957';

- à soixante et quatre mois pour les agents nés en 1957';

- à soixante et huit mois pour les agents nés en 1958';

- à soixante et un ans pour les agents nés en 1959';

- à soixante et un ans et quatre mois pour les agents nés en 1960';

- à soixante et un ans et huit mois pour les agents nés en 1961';

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que Mme [S] [U], née le [Date naissance 1] 1954 et titulaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2, devait bien être mise à la retraite au plus tard à l'âge de soixante ans.

La demande se heurte en conséquence à une contestation sérieuse et l'existence du trouble manifestement illicite dont se prévaut l'appelante n'est nullement caractérisé.

Il en est de même en ce qu'elle fonde sa demande sur la circonstance qu'elle ne bénéficierait pas d'une retraite au taux maximum dans le cadre du statut, alors que l'article 10. III de l'annexe 3 précitée dispose que «'la durée d'assurance totalise la durée des services et des bonifications prises en compte pour la liquidation augmentée, le cas échéant, de la durée d'assurance et des périodes reconnues équivalentes validées dans un ou plusieurs autres régimes de retraite de base obligatoires'» et que la CNIEG a retenu un nombre de trimestres d'assurance tous régimes de 178 (dont 97 dans le cadre du statut des IEG) ainsi qu'il ressort de sa notification d'attribution de pension en date du 26 juin 2014 (pièce n° 2 de l'appelante).

En conséquence, il sera dit n'y avoir lieu à référé à ce titre.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens':

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a statué sur les frais irrépétibles (implicitement) et les dépens de première instance.

Des considérations tirées de l'équité conduisent à ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Mme [S] [U] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable l'appel formé par Mme [S] [U] en ce qu'il est dirigé contre les sociétés EDF et ENGIE';

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé quant aux demandes nouvelles de Mme [S] [U] tendant à la communication de la copie intégrale du dossier d'assurance ouvert par l'employeur (Branche Recours Corporels) en vue de la demande de recours auprès de la cliente Mme [B] et de l'examen de sa situation selon l'accord égalité professionnelle hommes/femmes';

Dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande fondée sur une discrimination liée à l'âge et portant sur la mise à la retraite d'office de Mme [S] [U] à compter du 1er juillet 2014';

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne Mme [S] [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/00051
Date de la décision : 27/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°16/00051 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-27;16.00051 ?
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