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26/10/2016 | FRANCE | N°15/10690

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 26 octobre 2016, 15/10690


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 26 Octobre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10690 CH



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13-00872





APPELANTS

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

comparant

en personne, assisté de Me Nicolas LAMBERT VERNAY, avocat au barreau de LYON



SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nicolas LAMBERT VERNAY, av...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 Octobre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10690 CH

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Octobre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 13-00872

APPELANTS

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas LAMBERT VERNAY, avocat au barreau de LYON

SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nicolas LAMBERT VERNAY, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

Société FRANCE TÉLÉVISIONS venant aux droits de la Société Nationale de TELEVISIONS FRANCE 2

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2080

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Benoît DE CHARRY, Président

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente

Madame Céline HILDENBRANDT, Vice-présidente placée

Greffier : Mme Eva TACNET, greffière lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente, pour Monsieur Benoît DE CHARRY, Président empêché et par Madame Eva TACNET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [I] [Y] a été engagé par la société FRANCE 3, devenue par la suite FRANCE TELEVISIONS, dans le cadre d'une succession de contrats de travail à durée déterminée à compter du 18 mai 2006 en qualité de journaliste reporteur d'images stagiaire, puis à compter du 24 mars 2008 en qualité de journaliste reporteur d'image.

Le dernier contrat à durée déterminée a pris fin le 25 novembre 2012.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale De travail des journalistes et son avenant audiovisuel.

La société FRANCE TELEVISIONS occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Sollicitant notamment la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein et sa réintégration, Monsieur [Y] a saisi le 25 janvier 2013 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement de départage du 1er octobre 2015 a :

- requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 18 mai 2006

- condamné la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer les sommes suivantes :

*9426 euros à titre d'indemnité de requalification

*18 852 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*14 736 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*6284 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*2084,87 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,

*208,48 euros à titre de congés payés afférents,

*3141 euros à titre de rappel de primes de fin d'année,

*314 euros à titre de congés payés afférents,

*1866 euros à titre de rappel de prime de compétence complémentaire,

*186,60 euros à titre de congés payés afférents,

- condamné la société à délivrer les bulletins de paie, certificat de travail et attestation pôle emploi conformes au jugement,

- condamné la société à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société à payer au SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société à payer au SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux dépens.

Monsieur [Y] et le SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES ont régulièrement relevé appel de ce jugement et, à l'audience du 19 septembre 2016, reprenant oralement ses conclusions visées par le greffier, demandent à la cour :

- de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 18 mai 2006,

- de dire et juger que la société FRANCE TELEVISIONS ne renverse pas la présomption de temps de travail à temps complet et donc de requalifier le contrat de travail en contrat à temps plein,

- de fixer le salaire de référence à la somme brute mensuelle de 3719,87 euros,

- de condamner la société à payer à Monsieur [Y] les somme suivantes :

*181 221,46 euros à titre de rappel de salaire de janvier 2008 au 19 septembre 2016, outre la somme de 18 122,14 euros au titre des congés payés afférents

*15 101,78 euros au titre du 13ème mois y afférents,

*3141 euros à titre de rappel de prime de fin d'année ainsi que 314 euros au titre des congés payés afférents,

*7909,74 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté outre 790,97 euros à titre de congés payés afférents et 659,14 euros au titre du 13ème mois afférent,

*9811,21 euros à titre de rappel de prime de compétence complémentaire outre 981,12 euros au titre des congés payés afférents et 817,60 euros au titre du 13ème mois afférent,

*3972 euros à titre de dommages et intérêts pour exclusion du bénéfice de la complémentaire santé,

*29 013,66 euros à titre d'indemnité de requalification,

- à titre principal, de dire que le contrat de travail n'a pas été rompu et d'ordonner la poursuite du contrat de travail dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de journaliste reporteur d'images pour un salaire mensuel brut de 3010,45 euros dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard,

- à titre subsidiaire, de dire que le licenciement est nul et en conséquence d'ordonner la réintégration et la poursuite du contrat de travail selon les conditions exposées précédemment,

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à payer à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

*7439,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*743,95 euros à titre de congés payés afférents,

*27 253,36 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*66 958 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, de condamner la société à payer à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

*3010,45 euros par mois au titre du rappel de salaire ,

*150,52 euros par mois au titre de rappel de prime d'ancienneté,

*102,65 euros par mois au titre de rappel sur prime de fin d'année ,

*178 euros par mois au titre de rappel de prime de compétence complémentaire,

*344,16 euros au titre des congés payés afférents,

*278,25 euros au titre de 13 ème mois y afférent

*22 319 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de son obligation d'adaptation et de formation,

*22 319 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

*65,77 euros par mois, de janvier 2013 jusqu'à sa réintégration à titre de dommages et intérêts pour exclusion du bénéfice de la mutuelle d'entreprise,

- de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à payer au SNJ la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L2132-3 du code du travail,

- de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à lui remettre les documents sociaux rectifiés sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts,

- de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de :

2500 euros à Monsieur [Y],

2500 euros au SNJ,

- de condamner la société FRANCE TELEVISIONS aux entiers dépens.

La société FRANCE TELEVISIONS a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et demande à la cour :

- à titre principal, de rejeter l'ensemble des demandes du salarié,

- à titre subsidiaire, en cas de requalification, de :

* constater que la date de rupture de la collaboration est le 25 novembre 2012,

* constater que la moyenne des salaires s'élève à 3142 euros,

* fixer l'indemnité de requalification à 3142 euros,

* fixer l'indemnité de préavis à 6284 euros,

* fixer l'indemnité conventionnelle de licenciement à 14 735,98 euros,

* fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 18 652 euros,

- en tout état de cause, de condamner le salarié à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter le SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ).

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées oralement lors de l'audience.

MOTIFS

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Monsieur [Y] soutient que les 355 contrats à durée déterminée conclus avec la société FRANCE TELEVISIONS de 2006 à 2012 avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'en outre, la société avait recours à ce type de contrat pour des motifs non prévus par l'article L1242-2 du code du travail. Le salarié demande donc la requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

La société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que les contrats à durée déterminée conclus avec le salarié s'inscrivaient dans le respect des conditions de recours prévus par la loi (le remplacement d'un salarié absent, l'accroissement temporaire d'activité sur des émissions ponctuelles et l'attente de l'embauche d'un salarié définitif).

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

Aux termes de l'articles L1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte le définition précise de son motif et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [Y] a été engagé à compter du 18 mai 2006 par la société FRANCE TELEVISIONS dans le cadre de 355 contrats de travail à durée déterminée non successifs en qualité de journaliste reporter d'image stagiaire puis à compter du 24 mars 2008 en qualité de journaliste reporter d'image.

L'examen des contrats à durée déterminée conclus entre l'appelant et la société montre que Monsieur [Y] était engagé en qualité de reporter d'image pour :

- assurer le remplacement d'un salarié absent,

- accroissement temporaire de l'activité,

- attendre l'embauche d'un salarié définitif .

Le salarié soutenant que la conclusion des nombreux contrats ne visait en réalité qu'à pourvoir un emploi permanent dans l'entreprise, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans les contrats à durée déterminée.

Or à cet égard, la cour constate qu'hormis la production des contrats de travail du salarié, la société FRANCE TELEVISIONS ne verse aucun élément de nature à établir la réalité des motifs énoncés dans le contrats litigieux.

Par contre, et comme déjà rappelé par les premiers juges, le nombre important de contrats sur certaines périodes (194 jours travaillés en 2009, 206 jours en 2010 et 186 jours en 2011) traduit une activité régulière et prévisible de nature à démontrer le caractère permanent de l'emploi occupé par Monsieur [Y], lié à l'activité normale et permanente de FRANCE TELEVISIONS.

Le salarié peut donc valablement affirmer que la multiplicité des remplacements sur un même poste établit le besoin structurel de main d'oeuvre qui ne peut être couvert par l'utilisation des contrats à durée déterminée sur une période aussi longue, démontrant dès lors le caractère artificiel des motifs de recours énoncés par l'employeur.

Par conséquent et compte tenu des développements précédents, il a lieu de requalifier le contrat de travail de Monsieur [Y] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 mai 2006.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la requalification du contrat de travail à temps plein

Monsieur [Y] soutient qu'il est fondé à demander la requalification de son contrat de travail à temps plein dès lors que sur l'ensemble de la période requalifiée en contrat à durée indéterminée, il n'a pas pu bénéficier d'aucune prévenance et régularité des rythmes de travail. A cet égard, il fait valoir que la durée de travail n'a jamais été convenue de manière hebdomadaire ou mensuelle avec la société FRANCE TELEVISIONS.

La société FRANCE TELEVISIONS ne conteste pas que les contrats litigieux étaient à temps plein.

L'article L.3123-14 du code du travail, dispose que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne : La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

En application de ce texte si le contrat de travail ne comporte pas les mentions relatives à répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, il est présumé être un contrat de travail à temps complet, présomption simple que l'employeur peut combattre en apportant la preuve contraire, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et établir que le salarié peut prévoir son rythme de travail.

En l'espèce, la cour constate que pour tous les contrats de travail à durée déterminée, les dispositions relatives à la durée du travail sont rédigées de manière identique et en ces termes :' le contractant est engagé à temps plein. La durée normale de travail est égale à 35 heures par semaine ou à 35 heures en moyenne sur la durée du cycle.'

Dès lors, les contrats ne prévoient pas les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié. L'employeur doit donc combattre la présomption d'un emploi à temps complet.

La société FRANCE TELEVISIONS ne contestant pas ce point et ne produisant en outre aucun planning ou tableaux de service prévisionnels hebdomadaires, la cour constate que le salarié était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et était donc obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur de sorte que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Sur les rappels de salaire pour les périodes interstitielles

Le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il démontre s'être effectivement tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

Monsieur [Y] soutient que pendant toute la relation contractuelle, il s'est tenu à la disposition de la société FRANCE TELEVISIONS . Sur ce point, le salarié se fonde sur ses déclarations de revenus pour 2011 et 2012 qui témoignent du fait qu'il avait pour employeur exclusif la société intimée. Il produit également plusieurs mails envoyés à la société pour l'informer de ses disponibilités à venir. Enfin, Monsieur [Y] rappelle que la collaboration avec la société était importante.

Contrairement à ce que soutient le salarié, celui-ci verse aux débats, non les déclarations d'impôts relatives aux années 2006 - 2012 mais les avis d'impositions desdites années qui ne mentionnent donc que les sommes dues au titre de l'impôt sur le revenu de sorte qu'il n'est pas possible de savoir si Monsieur [Y] a perçu des revenus provenant d'autres employeurs que FRANCE TELEVISIONS.

La société FRANCE TELEVISIONS soutient que le salarié ne se tenait pas à disposition. Elle précise que celui-ci a exercé un activité sporadique et irrégulière puisqu'il n'a travaillé en moyenne que 12 jours par mois pour FRANCE TELEVISIONS et qu'un grand laps de temps pouvait s'écouler entre deux contrats . En outre, l'intimée fait valoir que le salarié avait d'autres employeurs .

Au soutien de ses allégations, la société verse notamment un tableau récapitulant les périodes sans collaboration de plus de 10 jours ainsi que une capture d'écran du CV du salarié sur le site VIADEO.

Il résulte des pièces versées aux débats que sur la période du 25 novembre 2007 au 25 novembre 2012, période non prescrite, le salarié a travaillé en moyenne 144 jours par an.

En outre, l'examen du tableau établi par la société et non contesté par Monsieur [Y] souligne qu'au cours de la période contractuelle (2007-2012), les périodes sans collaboration de plus de 10 jours étaient au nombre de 34, celles-ci allant de 11 jours à 36 jours (avec une moyenne de 18,2 jours). La cour constate donc que les contrats étaient espacés pour la plupart d'au minimum quelques jours, et particulièrement pour l'année 2012.

Le salarié soutient qu'il ne pouvait absolument pas s'organiser pour travailler auprès d'un autre employeur. Cependant, la production du CV de l'intéressé permet de contredire l'allégation du salarié, celui mentionnant qu'il avait travaillé pour l'Equipe TV en 2007 et 2008 et qu'en 2007, il s'était vu 'confier par le conseil régional d'Ile de France la réalisation de reportages courts et didactiques sur différents métiers'.

Par conséquent, et compte tenu des éléments exposés, Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve de s'être tenu de façon effective à la disposition de FRANCE TELEVISIONS lors des périodes non travaillées séparant chaque contrat. Il sera donc débouté de sa demande en rappel de salaire à ce titre et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de requalification

Aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

L'indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.

Compte tenu de la moyenne des 24 derniers mois de salaire , plus favorable que la moyenne des 12 derniers mois, le salaire mensuel de référence de Monsieur [Y] doit être fixé à 3142 euros.

Compte tenu de l'ancienneté de Monsieur [Y] et des circonstances de l'espèce, notamment la précarité dans laquelle a été maintenu le salarié pendant 6 ans, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, les premiers juges ont fait une appréciation fidèle du préjudice subi par le salarié en lui allouant la somme de 9426 euros à titre d'indemnité de requalification.

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur le rappel de primes

Compte tenu de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, il y a lieu de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à payer au salarié les rappels de primes suivantes, déduction faite des sommes déjà perçues à ce titre :

- 2084,87 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté sur la période d'août 2010 à novembre 2012 outre la somme de 208,48 euros à titre de congés payés afférents,

- 3141 euros à titre de rappel de prime de fin d'année pour la période de décembre 2007 à novembre 2012 outre la somme de 314 euros à titre de congés payés afférents,

- 1866 euros à titre de rappel de prime de compétence complémentaire sur la période d'avril 2011 à novembre 2012 outre la somme de 186,60 euros à titre de congés payés afférents.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.

Sur l'absence de rupture du contrat de travail et la poursuite du contrat

Monsieur [Y] soutient qu'il n'a pas été licencié par la société FRANCE TELEVISIONS et qu'à ce titre, il est fondé à solliciter la poursuite du contrat de travail requalifié. Le salarié ajoute qu'il souhaite travailler pour FRANCE TELEVISIONS comme en attestent les nombreuses candidatures adressées à son ancien employeur. Il précise qu'il s'est toujours tenu à la disposition de la société qui a fait appel à lui du 28 au 30 octobre 2015 puis du 2 au 4 novembre 2015 pour une mission en qualité de JRI.

La société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que la relation contractuelle a été rompue le dernier jour travaillé par le salarié soit le 25 novembre 2012 et que postérieurement à cette date,la société n'a plus fourni de travail à Monsieur [Y] qui a cessé d'être rémunéré.

Aux termes de l'article L1231-1 du code du travail, le contrat de travail durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord.

La rupture du contrat de travail doit résulter d'un acte de volonté claire et non équivoque de la part de l'employeur.

En l'espèce, il n'est pas contesté par le salarié qu'à compter du 25 novembre 2012,dernier jour du dernier contrat à durée déterminée conclu entre les parties, la société FRANCE TELEVISIONS a cessé de faire appel à lui et ne l'a plus rémunéré.

Dès lors en s'abstenant de fournir du travail au salarié et a fortiori en ne lui versant plus aucune rémunération à compter du 25 novembre 2012, la société FRANCE TELECOM a rompu le contrat de travail, rupture qui doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la nullité du licenciement

Monsieur [Y] soutient à titre subsidiaire que le licenciement est nul car opérer en violation d'un droit fondamental à savoir celui d'agir en justice. Le salarié prétend que son licenciement n'est que la conséquence de sa saisine du conseil de prud'hommes ;

En réponse, la société FRANCE TELEVISIONS indique qu'elle n'a aucune obligation à renouveler un contrat qui arrive à son terme. Elle précise que si la société n'a plus fait appel au salarié c'est non seulement en raison des fortes restrictions budgétaires mises en place au sein de la société mais également de l'attitude et de l'insuffisance professionnelle de Monsieur [Y].

La cour rappelle qu'en vertu de l'article 9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, la cour relève que la rupture de la relation de travail est intervenue à l'échéance du dernier contrat à durée déterminée soit le 25 novembre 2012 et qu'au surplus, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 25 janvier 2013 soit deux mois après le dernier jour travaillé au sein de la société de sorte que Monsieur [Y] ne démontre pas que la rupture de la relation contractuelle est liée à la saisine prud'homale et que l'employeur a porté atteinte à sa liberté fondamentale d'agir en justice.

Monsieur [Y] sera donc débouté de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande subséquente de réintégration.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et les conséquences financières

La rupture des relations de travail étant imputable à la société FRANCE TELEVISIONS , celle-ci doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et fonde le salarié à obtenir le versement des indemnités subséquentes.

La cour rappelle que le salaire mensuel de référence retenu est fixé à la somme de 3142 euros.

Dès lors, Monsieur [Y] est fondé à obtenir, comme déjà indiqué dans le jugement déféré, le paiement des sommes suivantes :

- 6284 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 628,40 euros à titre de congés payés afférents,

- 14 736 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

A la date du licenciement, Monsieur [Y] était âgé de 33 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 6 ans dans l'entreprise. Il ne justifie pas de sa situation professionnelle actuelle ni du versement d'allocation chômage.

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, les premiers juges ont fait une appréciation fidèle du préjudice subi par le salarié en lui allouant la somme de 18 852 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour exclusion du bénéfice de la mutuelle d'entreprise

Monsieur [Y] indique que du fait de la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, il est fondé à obtenir des dommages et intérêts pour exclusion du bénéfice de la complémentaire santé d'entreprise, avantage dont bénéficient les salariés embauchés sous contrat à durée indéterminée.

La société ne développe aucun moyen sur ce point.

Cependant comme déjà relevé en première instance, le salarié n'explicite pas et ne justifie d'ailleurs pas dans quelle mesure il aurait subi un préjudice en raison de son exclusion du bénéfice de la complémentaire d'entreprise. En outre, la seule requalification de son contrat de travail n'est pas de nature à établir l'existence de ce préjudice de sorte qu'il sera débouté de sa demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la violation par la société de son obligation d'adaptation et de formation

Monsieur [Y] soutient que la société FRANCE TELEVISIONS a manqué à son obligation d'adaptation et de formation en le maintenant de manière abusive dans une situation précaire et en s'abstenant de lui fournir la moindre formation professionnelle. Le salarié estime que son préjudice est conséquent puisqu'il n'a pu obtenir le diplôme de journaliste.

La société FRANCE TELEVISION sollicite le rejet de la demande de Monsieur [Y] et mentionne que ce dernier a réussi en 2011 l'examen interne de FRANCE TELEVISIONS, la compétence de rédacteur lui ayant été officiellement attribuée par l'Université FRANCE TELEVISIONS.

A cet égard, la cour constate qu'il résulte des déclarations mêmes du salarié que celui-ci a réussi l'examen interne organisé en 2011 par l'université FRANCE TELEVISIONS qui lui a reconnu la compétence de rédacteur.

En outre, s'il n'est pas établi qu'avant 2011, la société FRANCE TELEVISIONS a proposé des formations à Monsieur [Y], il est relevé que ce dernier ne produit pas d'élément de nature à caractériser son préjudice et notamment celui relatif à la non obtention de son diplôme de journaliste.

Par conséquent, le salarié sera débouté de sa demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la violation de l'obligation de sécurité résultat par la société

Monsieur [Y] soutient qu'il s'est trouvé dans une situation de stress et d'incertitude permanente du fait de la société FRANCE TELEVISION et que son état de santé s'est fortement dégradé. Il précise ainsi que dès le 10 septembre 2012, son médecin lui a prescrit des traitements médicamenteux en raison de son état d'anxiété qui a perduré.

Au soutien de ses allégations, le salarié verse aux débats 4 certificats médicaux datés des 10 septembre 2012, 16 novembre 2012 et 27 décembre 2012 dans lesquels le médecin fait état des difficultés du salarié à dormir et de son anxiété et lui prescrit à ce titre la prise de somnifère puis des anxiolytiques.

Outre que les documents médicaux communiqués ne mentionnent jamais que l'état de santé de Monsieur [Y] est en lien avec sa situation professionnelle, il est relevé que ces mêmes certificats médicaux sont, hormis celui du 10 septembre 2012, postérieurs à la rupture du contrat de travail.

Enfin, comme rappelé justement par les premiers juges, la succession irrégulière de contrats de travail à durée déterminée, si elle traduit l'existence d'un emploi permanent, ne permet pas, en l'absence de tout autre élément, de considérer que l'employeur a méconnu son obligation de sécurité de résultat.

Monsieur [Y] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat par la société.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de remise des documents sociaux et de régularisation auprès des organismes sociaux sous astreinte

Compte tenu des développements précédents, Monsieur [Y] est fondé à obtenir la remise des bulletins de paie et attestation pôle emploi conformes à la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne justifie le prononcé d'une astreinte. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Le salarié sollicite la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux. Compte tenu de ce qui précède et de l'obligation pour la société FRANCE TELEVISIONS de lui remettre les documents sociaux rectifiés, cette demande est sans objet et sera donc rejetée.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts et leur capitalisation

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les indemnités relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les rappels de prime seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 6 février 2013, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière en vertu de l'article 1154 du code civil.

Sur les demandes du SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES

Le Syndicat sollicite la condamnation de la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts . Il fait valoir que le recours illicite et abusif de la société aux contrat à durée déterminée sur des postes d'emplois permanents a causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession des journalistes et en particulier des journalistes reporteur d'images.

La société FRANCE TELEVISIONS demande le débouté de la demande du syndicat, ce dernier ne démontrant pas d'atteinte directe à l'intérêt collectif.

L'article L2132-3 du code du travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, le présent litige portant sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et à ses conséquences sur la rupture des relations contractuelles n'intéresse que la personne du salarié et non l'intérêt collectif de la profession de sorte que le syndicat sera débouté de sa demande .

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

C'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société à payer à Monsieur [Y] la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur décision sera confirmée à ce titre.

En cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La décision prud'homale ayant été confirmée en toutes ses dispositions à son égard, Monsieur [Y], partie appelante, est succombante et supportera donc la charge des dépens exposés en cause d'appel.

La société FRANCE TELEVISIONS et le SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES seront déboutés de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer au SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts,

STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTE le SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES de sa demande de dommages et intérêts,

CONFIRME pour le surplus,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [Y] la somme de 628,40 euros à titre de congés payés sur préavis,

RAPPELLE que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et que la capitalisation est de droit conformément à l'article 1154 du code civil,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

DIT n'y avoir à applications de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [Y] au paiement des dépens exposés en appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/10690
Date de la décision : 26/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/10690 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-26;15.10690 ?
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