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26/10/2016 | FRANCE | N°15/00100

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 26 octobre 2016, 15/00100


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 26 Octobre 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00100



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de MELUN - section industrie - RG n° 13/00087









APPELANTE

SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES (PCA)

Elisant domicile au Cabinet de Me Edmond FROMANTIN
r>[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 542 065 479

représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, J151 substitué par Me Yasmine TARASEWICZ, avocat au barreau de PARIS, J043 et ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 26 Octobre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00100

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de MELUN - section industrie - RG n° 13/00087

APPELANTE

SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES (PCA)

Elisant domicile au Cabinet de Me Edmond FROMANTIN

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 542 065 479

représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, J151 substitué par Me Yasmine TARASEWICZ, avocat au barreau de PARIS, J043 et Me Cédric JACQUELET, avocat au barreau de PARIS, J043

INTIME

Monsieur [E] [O]

Chez Mr [C]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3] (INDE)

comparant en personne, assisté de Me Philippe BRUN, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 juin 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marion AUGER, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES, ci-après désignée société PCA, dispose de plusieurs établissements dont l'un, situé sur le site de [Localité 4] (77), constituait l'un des deux centres de logistique, de stockage et de livraison de pièces de rechange de la société PCA et employait environ 600 salariés au 1er janvier 2007, le second, de dimension plus importante, étant situé à [Localité 5].

La société PCA a entrepris la négociation d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), lequel a été signé le 6 avril 2007 avec cinq des six organisations syndicales représentatives (CFDT, CFE/CGC, FO, CFTC et GSEA), puis complété par un avenant signé le 11 septembre 2007.

Cet accord comprenait d'une part des mesures de GPEC proprement dites, d'autre part un accord de méthode prévoyant des mesures incitatives pouvant être mises en 'uvre en cas de nécessité de réduction et d'adéquation des effectifs de l'entreprise après application des procédures d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel.

En 2008 la société PCA, au regard de la dégradation de sa situation économique, a décidé de mettre en 'uvre un premier plan de départ volontaire dénommé 'plan de redéploiement des effectifs et des compétences' (dit 'PREC 1"). Ce dispositif, qui s'appliquait à l'ensemble des établissements de la société PCA et tendait à une réduction des effectifs de près de 2 700 salariés, visait les postes dit de structure, ne concourant pas directement à la production, et, s'agissant plus particulièrement de l'établissement de [Localité 4], non directement liés aux métiers techniques de la logistique.

Après avis du comité central d'entreprise et des comités d'établissement en décembre 2008, le PREC 1 a été mis en 'uvre à compter du 4 janvier 2009.

Par la suite la société PCA, qui se trouvait confrontée à une perte de ses parts de marché concernant l'activité logistique et pièces de rechange devenue plus concurrentielle, a décidé de faire de l'établissement de [Localité 5] son centre mondial de pièces de rechange dans le cadre d'un projet 'd'optimisation de la logistique pièces de rechange', qui impliquait un redéploiement sur le site de [Localité 5] de 100 salariés de l'établissement de [Localité 4]. Une extension du PREC 1 à l'ensemble des salariés de l'établissement de [Localité 4] a ainsi été mise en 'uvre après information et consultation des institutions représentatives du personnel en mai 2009.

La clôture du PREC 1, initialement prévue le 30 juin 2009, est finalement intervenue le 31 mars 2010, et 161 salariés ont quitté l'établissement de [Localité 4] dans le cadre de ce premier plan de départ volontaire, 36 salariés ayant bénéficié d'un reclassement interne au sein du groupe PCA.

Puis courant 2010, la société PCA a pris la décision d'arrêter progressivement l'activité de l'établissement de [Localité 4] au moyen de départs volontaires, s'inscrivant dans un second plan de départ volontaire dit 'PREC 2", spécifique à l'activité logistique et au site de [Localité 4], sur lequel le comité central d'entreprise et le comité de cet établissement ont été consultés en avril, juin et juillet 2010. Ce PREC 2 a été mis en 'uvre à compter du 16 juillet 2010.

Par la suite, au cours de réunions qui se sont tenues les 25 et 26 mai 2011, les instances représentatives du personnel de l'établissement de [Localité 4] ont été informées que l'activité de distribution des pièces de rechange qui y était déployée cesserait à compter du 1er octobre 2011, tandis que l'activité de déstockage prendrait fin au cours du premier trimestre 2012.

A la date du 30 septembre 2011, 252 salariés de l'établissement de [Localité 4] s'étaient portés candidats à une mesure de départ volontaire parmi lesquels 150 avaient bénéficié d'un reclassement interne au sein du groupe PCA.

Au 1er octobre 2011, date de la cessation de l'activité de distribution, l'établissement de [Localité 4] ne comptait plus que 67 salariés. Dès lors que l'activité de déstockage n'avait pas vocation à perdurer au delà du 31 janvier 2012, pour les salariés qui n'avaient pas opté pour l'une des mesures prévues par le PREC 2 et notamment ne s'étaient pas portés candidats à un départ volontaire, la société PCA a décidé de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi sur lequel les institutions représentatives du personnel ont été consultées au cours du mois de novembre 2011. Il a cependant été envisagé une autre solution consistant à prolonger le dispositif du PREC 2 et lors de la dernière réunion d'information-consultation sur le projet du plan de sauvegarde de l'emploi qui s'est tenue le 29 novembre 2011, les organisations syndicales représentatives, à l'exception de la CGT, ont donné un avis favorable à l'ajournement du plan de sauvegarde de l'emploi au profit de la prolongation du PREC 2.

Ce second plan de départ volontaire a ainsi continué à s'appliquer jusqu'à la fermeture totale de l'établissement de [Localité 4] en date du 31 mars 2012, les derniers départs de salariés étant intervenus à la fin du mois de juin 2012.

Au total, la mise en 'uvre du PREC 2 a conduit à 195 reclassements internes et 178 départs de l'entreprise.

M. [E] [O] a été engagé le 13 novembre 1989 par la SA PCA en qualité de opérateur polyvalent suivant contrat de travail à durée indéterminée. Il a signé une convention de rupture amiable pour motif économique le 16 juin 2009 dans le cadre du PREC 1.

M. [E] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun pour obtenir paiement de dommages et intérêts à divers titres et ainsi, pour rupture abusive du contrat de travail, pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse, pour violation de l'ordre des départs et pour méconnaissance de la procédure de licenciement économique collectif.

Par jugement rendu le 19 décembre 2014, le conseil de prud'hommes, statuant en sa formation de départage, a :

- condamné la société PCA à régler à M. [E] [O] les sommes de :

' 21'048,32 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive, pour violation de l'ordre des départs et pour méconnaissance de la procédure de licenciement

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 2'631,04 €

- condamné la société PCA aux dépens.

La société PCA a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration du 29 décembre 2014.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience du 29 juin 2016, la société PCA demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- à titre principal, déclarer irrecevables les demandes du salarié dès lors que la rupture de son contrat de travail est intervenue dans le cadre d'une convention de rupture d'un commun accord pour motif économique conforme aux prévisions d'un plan de départ volontaire ;

- à titre subsidiaire, débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

- le condamner aux dépens.

Reprenant oralement à l'audience du 29 juin 2016 ses conclusions visées par le greffier, M. [E] [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse ;

- l'infirmer en ce qu'il a limité l'indemnisation due de ce chef et l'a débouté du surplus de ses demandes ;

- dire et juger la rupture du contrat de travail abusive et frauduleuse, sans cause réelle et sérieuse et prise en violation de la procédure de licenciement économique collectif ainsi qu'en méconnaissance des critères d'ordre des départs ;

en conséquence, condamner la société PCA à lui verser les sommes suivantes :

' 84'969,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et frauduleuse du contrat de travail

' 84'969,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse

' 56'646,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'ordre des départs

' 14'161,00 € à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance de la procédure de licenciement économique collectif

' 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société PCA soulève à titre principal un moyen d'irrecevabilité des demandes tiré de la conclusion d'une convention de rupture du contrat de travail d'un commun accord pour motif économique, laquelle exclut toute contestation ultérieure de la cause de la rupture. Elle affirme que seule la démonstration de l'existence d'une fraude serait susceptible d'autoriser le salarié à contester la cause de la rupture de son contrat de travail, qu'or la fraude ne peut découler du seul recours à un plan de départ volontaire, quand bien même celui-ci est mis en 'uvre dans le contexte d'une fermeture de site, ni de la non-application des critères d'ordre des licenciements, dont la société PCA était en effet dispensée en recourant à un plan de départ volontaire.

Elle ajoute que contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, la fraude alléguée ne peut résulter des déclarations faites lors de la réunion du comité central d'entreprise du 9 mai 2007, date à laquelle aucun départ contraint n'était envisagé à cette date, par M. [H] [Z], directeur des ressources humaines de la société PCA, qui n'a fait qu'exposer ce qui constitue la caractéristique première d'un plan de départ volontaire, à savoir l'absence de désignation des salariés appelés à quitter l'entreprise sur la base de critères certes objectifs mais ne coïncidant pas nécessairement aux souhaits des intéressés, qu'en tout état de cause les PREC 1 et 2 répondaient à des motifs économiques distincts, le premier tendant à réduire les effectifs de structure de la société dans son ensemble alors que le second était propre à l'établissement de [Localité 4], et que le processus, loin de bénéficier aux salariés les plus jeunes et ayant la plus faible ancienneté, a principalement permis le repositionnement de salariés ayant un âge et une ancienneté supérieurs à la moyenne des salariés du site de [Localité 4].

La société PCA conclut en tout état de cause à l'infirmation du jugement en faisant valoir qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement dès qu'il y a été tenue, c'est à dire quand l'hypothèse des départs contraints a été envisagée, qu'elle a ainsi mis en place des plans de reclassement interne dans le cadre du PREC 1 qui a prévu de nombreuses mesures d'accompagnement des salariés et d'aides dans le cadre d'un processus de mobilité interne, lesquelles se sont appliquées également dans le cadre du PREC 2, que le dispositif a été renforcé lorsque la cessation de l'activité de l'établissement de [Localité 4] a été programmée, soit à compter du mois de mai 2011, les salariés concernés ayant été destinataires d'offres de reclassement internes individualisées, que les plans de départ volontaire comportaient également des mesures de reclassement externe.

La société PCA soutient encore qu'elle n'avait pas l'obligation d'étendre la recherche de reclassement aux filiales du groupe à l'étranger, les plans de départs volontaires n'étant pas soumis aux dispositions de l'article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur, enfin que la commission paritaire territoriale pour l'emploi n'avait pas à être saisie, aucun licenciement n'étant envisagé.

Le salarié soutient que dès le mois de janvier 2009 la société PCA a décidé de concentrer l'activité pièces de rechange à [Localité 5], que sans dire que le site de [Localité 4] n'avait plus d'avenir, elle a proposé de supprimer 161 emplois non pas dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi mais dans celui juridiquement contestable de la GPEC et son accord de méthode sous forme d'un plan de départ volontaire, que dès le 20 avril 2010 la fermeture de l'établissement de [Localité 4] a été annoncée pour 2012 ainsi que la suppression de tous les emplois et l'employeur a soumis un second plan de départ volontaire contournant par là-même les règles applicables en matière de licenciement économique et de plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui lui a permis de fermer un site qui employait plus de 600 salariés sans mettre en 'uvre un tel plan alors que cette fermeture s'inscrivait dans un processus de sauvegarde de compétitivité de l'entreprise par rapport à son activité logistique et pièces de rechange.

Le salarié fait valoir que la fraude est établie, qu'en effet l'accord de GPEC et son accord de méthode puis le recours aux plans de départ volontaire (PREC 1 et PREC 2) ont permis à la société PCA d'éluder certaines règles fondamentales du licenciement pour motif économique, qu'ainsi elle n'a pas respecté son obligation de recherche préalable sérieuse, personnalisée et individualisée de reclassement dans l'entreprise et dans le groupe, y compris dans son périmètre international, ainsi que son obligation conventionnelle de reclassement.

Le salarié soutient encore que la société PCA a occulté le dispositif légal des critères d'ordre simplifiant par là-même son processus de restructuration et de suppression d'emploi, alors que le périmètre d'appréciation de ces critères n'était pas celui de l'établissement mais celui de l'entreprise qui emploie 70 000 salariés. Se fondant sur les propos tenus par M. [Z], lors de la réunion du comité central d'entreprise du 9 mai 2007, ayant affirmé que l'employeur n'avait pas voulu mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi qui aurait conduit, en application des critères d'ordre, à faire partir les plus jeunes et les plus formés, il fait valoir, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que la société PCA a choisi de manière délibérée, dans une stratégie de management destinée à garder les salariés les plus productifs, de ne pas mettre en 'uvre de plan de sauvegarde de l'emploi qui l'aurait obligée à reclasser en priorité en son sein les salariés les plus anciens et les plus âgés, alors que la négociation d'un accord de GPEC puis de plans de départ volontaire lui a permis de procéder d'abord au reclassement en interne des salariés les plus dynamiques puis de proposer aux autres un départ volontaire.

Sur la cause de la rupture

Lorsque la résiliation du contrat de travail résulte de la conclusion d'un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d'un accord collectif ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée sauf fraude ou vice du consentement.

La fraude se caractérise par l'emploi d'un procédé licite ou illicite visant à contourner de manière délibérée les effets d'une règle obligatoire.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve de la fraude qu'il invoque.

En l'espèce la convention de rupture amiable signée par le salarié s'inscrit non pas dans le cadre de l'accord de GPEC du 6 avril 2007 et de son avenant du 11 septembre suivant, mais dans celui d'un plan de départ volontaire établi pour un motif économique soumis, en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, aux dispositions relatives à l'information et à la consultation des institutions représentatives du personnel, à l'information de l'autorité administrative et à l'élaboration d'un plan de reclassement comprenant des mesures de nature à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 1233-61 du même code, et cela alors même que le projet de réduction des effectifs repose sur le volontariat.

Ni le motif économique de la rupture du contrat de travail, ni la régularité de la mise en 'uvre du plan de départ volontaire, lequel a bien été précédé d'une information-consultation des représentants du personnel et d'une information de l'autorité administrative, dans le cadre duquel le salarié a quitté l'entreprise, ne sont remis en cause par ce dernier.

Le fait pour l'employeur d'avoir recours à un plan de départ volontaire pour motif économique avec pour objectif la réduction, puis la suppression des effectifs d'un établissement dans la perspective de la fermeture de celui-ci, ne peut être considéré comme étant en soi un procédé déloyal constitutif d'une fraude, le recours à un dispositif reposant sur le volontariat, hors plan de sauvegarde de l'emploi prévoyant des licenciements, étant parfaitement licite.

En outre il ne ressort pas de l'examen des documents versés aux débats relatifs à la première phase du PREC 1, soit du 4 janvier au 14 mai 2009, que l'employeur ait entendu supprimer dès cette date des emplois sur le site de [Localité 4].

En effet ce premier plan de départ volontaire mentionne qu'il s'applique à l'ensemble des établissements de la société PCA et vise les personnels 'de structures' ne relevant pas des emplois de production, dont 'l'excédent des effectifs' était évalué à 2 700 salariés en 2009, précision étant faite dans sa seconde partie intitulée 'Dispositif d'adaptation des effectifs et d'accompagnement social', paragraphe 1 c 'Ventilation des départs par établissement', que 'Mis à part le site de [Localité 6] pour lequel il existe un objectif de résorption du sureffectif, une ventilation du nombre de départs par établissement n'est pas nécessaire car le dispositif repose sur un projet important de mobilité [...]' et 'des mesures de volontariat'.

A cet égard la direction de la société PCA a confirmé, lors de la séance du comité d'établissement du centre des pièces de rechange de [Localité 7] du 4 décembre 2008, sur une question d'un élu lui demandant combien de personnes seraient concernées par le PREC 1 à [Localité 8] (établissement de [Localité 4]), qu'aucun chiffre ne pouvait être donné 'car les mesures reposent sur le volontariat des salariés et il n'y a pas de quota par site'.

Ce n'est que lors de la seconde phase du PREC 1, soit à compter de mai 2009, après que la décision fut prise par la société PCA de recentrer l'activité logistique et pièces de rechange sur son site de [Localité 5], comme il ressort du projet 'd'optimisation de la logistique pièces de rechange' présenté au comité central d'entreprise du 14 mai 2009, que la réduction des effectifs de l'établissement de [Localité 4] a été mise en 'uvre au moyen de l'extension du PREC 1 à tous les salariés de cet établissement, cet objectif ayant ensuite été poursuivi et amplifié avec le projet de 'réorganisation de la logistique pièces de rechange' présenté au comité central d'entreprise lors de sa réunion extraordinaire du 20 avril 2010, ce projet précisant qu'étaient alors envisagés '170 à 200 départs pour un effectif de 398 personnes' à [Localité 4] (page 41, 'Principes généraux guidant le projet'), ayant conduit au PREC 2.

La stratégie alléguée d'une fermeture programmée mais non annoncée de l'établissement de [Localité 4] et de la suppression corrélative des emplois dès l'origine du premier plan de départ volontaire n'est donc nullement établie.

Par ailleurs il est constant que ne s'appliquent pas au plan de départ volontaire les règles portant sur la rupture du contrat de travail elle-même, et ainsi, la notification de la lettre de licenciement et l'ordre des licenciements. La fraude ne peut donc résulter de l'inapplication en elle-même des critères d'ordre par l'employeur mettant en 'uvre régulièrement un plan de départ volontaire.

Le salarié soutient que la société PCA aurait contourné l'application des critères d'ordre afin d'obtenir le départ de l'entreprise des salariés les plus âgés en privilégiant le reclassement en son sein des plus jeunes. Cependant la stratégie alléguée, dont l'existence ne peut être établie par les seules déclarations du directeur des ressources humaines lors d'une réunion du 9 mai 2007 par lesquelles il livrait son analyse en tant que représentant de la direction de la société PCA des conséquences de l'application des critères d'ordre, est démentie, à tout le moins dans ses effets prétendument recherchés, par les données extraites du bilan social de [Localité 8] ([Localité 4]) pour l'année 2010, produites par la société PCA, qui montrent que s'agissant des anciens salariés de l'établissement de [Localité 4] ayant fait l'objet d'un reclassement au sein de l'entreprise, leur âge moyen était de 43 ans et leur ancienneté moyenne de 14,5 ans, ces mêmes paramètres étant, pour les salariés ayant quitté l'établissement de [Localité 4] à la suite d'une convention de rupture amiable et ayant engagé une procédure prud'homale à l'encontre de la société PCA, selon les chiffres avancés par le salarié et retenus par le conseil de prud'hommes, de 48 ans pour l'âge moyen et de 15 ans pour l'ancienneté moyenne, ce qui ne fait nullement ressortir une différence déterminante. Il ressort au surplus de ce même bilan social que parmi les salariés reclassés, les deux tranches d'âge les plus représentées sont celles des 35-44 ans (36,18%) et celle des 45-54 ans (36,68 %). La stratégie alléguée de l'employeur n'est donc pas démontrée.

Enfin la fraude ne peut davantage résulter d'une appréciation inexacte par l'employeur de l'étendue de son obligation de reclassement.

Par conséquent la fraude alléguée n'est pas établie et le salarié doit être jugé irrecevable à contester la cause de la convention de rupture amiable.

Sur l'obligation de reclassement

Si l'employeur qui entend supprimer des emplois pour des raisons économiques en concluant avec les salariés des accords de rupture amiable, n'est pas tenu d'établir un plan de reclassement interne lorsque le plan de réduction des effectifs au moyen de départs volontaires exclut tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois, il en va autrement lorsque le projet de réduction d'effectifs implique la suppression de l'emploi de salariés qui ne veulent ou ne peuvent quitter l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires et conduit soit au maintien de ces salariés dans l'entreprise dans un autre emploi, soit à leur licenciement.

Dans cette hypothèse, en l'absence d'engagement de sa part de ne pas licencier les salariés si l'objectif de réduction des effectifs n'est pas atteint au moyen des ruptures amiables des contrats de travail des intéressés, l'employeur est tenu à l'égard de ces salariés d'exécuter au préalable l'obligation de reclassement prévue dans le plan, en leur proposant des emplois disponibles et adaptés à leur situation personnelle, dans l'entreprise et dans les sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il est établi qu'à compter du mois de mai 2009, date à laquelle le PREC 1, dans sa seconde phase, a été étendu par la société PCA à tous les salariés de l'établissement de [Localité 4], ce plan de départ volontaire visait à la réduction des effectifs de cet établissement en particulier, cet objectif ayant ensuite été poursuivi et amplifié par le PREC 2 qui a suivi lorsque l'arrêt progressif des activités du site a été programmé, soit à compter du mois d'avril 2010, pour parvenir en définitive à la suppression des effectifs de l'établissement dont la fermeture était prévue pour le premier trimestre 2012.

Dès lors que les PREC 1 et 2 ne comportaient aucun engagement de l'employeur de ne pas licencier les salariés, étant relevé à l'inverse que des licenciements dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ont été envisagés en novembre 2011 pour les 67 derniers salariés du site qui ne s'étaient pas portés candidats à un départ volontaire à cette époque, avant en définitive que la décision ne soit prise de prolonger le PREC 2, la société PCA restait tenue à l'égard des salariés concernés d'une obligation de reclassement.

La société PCA n'en disconvient d'ailleurs pas, puisqu'elle affirme dans ses écritures qu'il 'est en revanche constant que lorsqu'elle a étendu aux personnels autres que les effectifs de structure le bénéfice du PREC 1, c'est à dire à compter du 17 mai 2009, en projetant le redéploiement de 100 salariés concourant directement aux métiers techniques de la logistique vers l'établissement de [Localité 5], la société PCA était tenue, à l'égard des personnels occupant de tels postes techniques, à la mise en place d'un plan de reclassement interne. Il n'est pas davantage contestable qu'elle était soumise à cette même obligation dans le cadre du PREC 2, qui visait à l'arrêt des activités du site de [Localité 4]', ajoutant 'qu'elle n'a pas manqué de mettre en place dès lors qu'elle y était tenue, de tels plans de reclassement interne'.

M. [E] [O] a signé une convention de rupture amiable le 16/06/2009 dans le cadre de la seconde phase du PREC 1.

Le poste du salarié était directement visé par les mesures de réorganisation et de réduction des effectifs de l'établissement de [Localité 4] et si l'intéressé n'acceptait pas de partir volontairement, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure de licenciement, en l'absence d'engagement de l'employeur de ne pas procéder à une telle mesure. Ce dernier était donc tenu à son égard d'une obligation préalable de reclassement en lui proposant des emplois disponibles au sein de l'entreprise ou dans les sociétés du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il est constant que les offres de reclassement doivent être concrètes, précises et personnalisées.

Pour justifier de ce qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement, la société PCA se réfère aux mesures prises dans le cadre des PREC 1 et 2 et ainsi au dispositif de mobilité interne qu'elle a mis en place, soit les mesures d'accompagnement, d'aide, y compris financière, et d'incitation des salariés dans la conduite de leurs projets de reclassement interne ou externe, les espaces, forums, charte et cellule emploi mobilité, ou encore les propositions de mobilité interne par la diffusion de la liste de postes disponibles sur le site intranet de l'entreprise ou au sein d'espaces dédiés dans les locaux de l'entreprise, ou l'envoi d'offres de reclassement interne aux salariés par la cellule emploi mobilité.

Elle invoque également, à compter du mois de mai 2011 lorsque la date de fermeture de l'établissement de [Localité 4] a été programmée, les propositions faites aux salariés d'une affectation temporaire au sein d'un autre établissement et de reclassement au sein d'un établissement situé en région parisienne, un accompagnement individuel de chaque salarié par le cabinet Altédia et la possibilité de réaliser des périodes d'essai chez un autre employeur.

Cependant ne constituent pas des offres de reclassement personnalisées des mesures favorisant la mobilité interne par la diffusion collective, adressée de manière non individualisée à l'ensemble du personnel, d'informations sur des postes disponibles.

Par ailleurs la proposition faite par l'employeur, par lettre du 4 octobre 2011 adressée en fin de processus de mise en 'uvre des plans de départ volontaire, à une petite partie des salariés parmi ceux concernés par la réduction des effectifs, d'une seule offre de reclassement pour un poste d'opérateur polyvalent sur le site de [Localité 9], et la proposition d'affectation temporaire sur ce même site par lettre du 11 janvier 2012, sont insuffisantes pour caractériser une recherche sérieuse de reclassement au regard particulièrement de la taille de l'entreprise.

La société PCA qui ne justifie pas qu'il n'existait pas, en son sein ou dans les sociétés du groupe dans lesquelles la permutation du personnel était possible, d'emploi disponible de la même catégorie que celui que le salarié occupait ou d'une catégorie équivalente ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, d'emploi d'une catégorie inférieure, en rapport avec les capacités et compétences de l'intéressé, ne démontre donc pas avoir satisfait à son obligation de reclassement.

La rupture du contrat de travail produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires

Le salarié qui avait au moins deux ans d'ancienneté dans la société qui employait au moins onze salariés au moment de la rupture de son contrat de travail peut prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail.

Considérant les éléments d'appréciation retenus par les premiers juges et non contestés par les parties, et ainsi le salaire brut moyen du salarié, le montant de l'indemnité qu'il a perçue lors de la rupture, son âge, son ancienneté et sa situation professionnelle postérieure à la rupture, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a fait une juste appréciation du préjudice de l'intéressé en lui allouant la somme de 21'048,32 € à titre d'indemnité pour rupture sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, auxquelles renvoient celles de l'article L. 1235-3 du même code, il convient d'ordonner à la société PCA de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié, et ce dans la limite d'un mois.

Ainsi qu'il a déjà été retenu, l'employeur ne peut se voir reprocher l'inobservation des critères d'ordre ni une méconnaissance de la procédure de licenciement, étant rappelé en tout état de cause que la violation des dispositions légales à ces deux titres ne peut ouvrir droit à un cumul d'indemnisation avec les dommages et intérêts déjà alloués sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement déféré qui a débouté le salarié de ces chefs de demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société PCA supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer au salarié la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées M. [E] [O] dans la limite d'un mois ;

CONDAMNE la SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES à payer à M. [E] [O] la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 15/00100
Date de la décision : 26/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-26;15.00100 ?
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