Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/22475
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/10604
APPELANTS
Monsieur [R], [J], [M] [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1])
et
Madame [D] [L] [H] [H] épouse [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 2]
Représentés par : Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050 et assistés de Me Christine BELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A 447.
INTIMÉE
SARL JIEFF agissant en la personne de ses représentants légaux,
et de son gérant : Monsieur [P] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : B 420 948 275
Représentée et assistée par : Me Charles WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0160
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude TERREAUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente
Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller
Madame Maryse LESAULT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Anne-Charlotte COS
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Agnès CHAUMAZ, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, greffier présent lors du prononcé, auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les époux [Q] sont propriétaires d'un appartement situé [Adresse 3]) de 250 m2.
Ils ont confié à Monsieur [A], architecte, la maîtrise d'oeuvre des travaux de restauration de cet appartement.
La société JIEFF s'est vu confier la réalisation de la majeure partie des travaux selon devis estimatif du 11 mars 2005. Il convient de préciser que ce devis a fait l'objet de différentes modifications en cours de travaux.
Les époux [Q] ont assigné le 17 octobre 2005 la société JIEFF devant le juge des référés, alors que les travaux étaient inachevés et toujours en cours. Ils ont été déboutés de leur demande, en raison du fait que les travaux n'étaient pas menés à leur terme.
Les travaux ont été terminés fin 2005. La société JIEFF a achevé ceux-ci alors, ainsi qu'elle le souligne, elle ne percevait plus de paiement depuis juillet 2005.
Une 'réception' a eu lieu le 23 décembre 2005 entre l'architecte et le maître de l'ouvrage, sans que la société JIEFF y ait été appelée. Les époux [Q] ne lui ont pas réglé le solde de leurs travaux.
Désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 22 mars 2006 sur une assignation délivrée par les époux [Q], M. [U] a déposé son rapport le 20 octobre 2007. Il a conclu que les époux [Q] devaient à l'entreprise JIEFF la somme de 83.656,87€.
Une seconde expertise a été ordonnée par ordonnance de référé du 24 novembre 2008 et a été effectuée au contradictoire du seul architecte, M. [A]. Cependant, la société JIEFF n'a pas été avisée de cette ordonnance et n'a pas participé aux opérations d'expertise qui se sont déroulées sans elle. Elle en a découvert le rapport lors de la procédure devant le tribunal, en même temps que l'ordonnance de référé rendue.
Le 18 juin 2013, la SARL JIEFF a saisi le tribunal de grande instance de PARIS d'une demande en paiement des sommes retenues par le rapport d'expertise de M. [U] déposé le 20 octobre 2007.
Par jugement entrepris du 17 octobre 2014, le tribunal de grande instance de PARIS a ainsi statué :
« Vu les articles 16 et 175 du Code de Procédure Civile,
-Dit que le rapport d'expertise du 28 septembre 2009 est nul et qu'il est en particulier privé de tout effet et par suite écarté des débats,
-Fixe la réception de l'ouvrage réalisé par la société JIEFF à la date du 23 décembre 2005,
-Condamne Monsieur et Madame [Q] à payer à la société JIEFF la somme de 88.651,77€, avec intérêts au taux légal à compter de la date de notification de la présente décision,
-Ordonne la capitalisation des intérêts sous réserve des strictes conditions d'annualité prévues par les dispositions de l'article 1154 du Code Civil,
-Condamne Monsieur et Madame [Q] à payer les dépens,
-Condamne Monsieur et Madame [Q] à payer à la société JIEFF la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Ordonne l'exécution provisoire du jugement.»
Les époux [Q] ont interjeté appel de ce jugement.
Ils n'en avaient cependant pas exécuté les termes malgré l'exécution provisoire dont il était revêtu. Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 29 septembre 2015, ils en ont été dispensés et se sont vu ordonner la consignation entre les mains du bâtonnier.
Par conclusions d'appelants n°2 du 16 mai 2015, les époux [Q], appelants, demandent à la Cour au visa de l'article L 137.2 du Code de la Consommation, des articles 122 et 123 du Code de Procédure Civile de :
- de recevoir Monsieur et Madame [Q] en leur appel ;
- de constater l'action de la SARL JIEFF prescrite ;
- d'infirmer en conséquence le jugement entrepris ;
et statuant à nouveau,
- de débouter la société JIEFF de sa demande ;
Très subsidiairement, il est demandé à la Cour, infirmant le jugement entrepris :
- de dire et juger que le rapport d'expertise n'est pas nul ;
- vu l'arrêt rendu le 8 septembre 2011 par la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 8/09/2011. Pourvoi n° 10.19.9l9) de dire et juger que la Cour peut puiser dans le deuxième rapport d'expertise du 28 septembre 2009 les éléments nécessaires à la solution définitive du litige ;
- de condamner la SARL JIEFF à régler à Monsieur et Madame [Q] la somme de 10.260,l1 € avec intérêts de droit à compter du 15 mai 2014, date de signification de leurs conclusions de premiere instance (mémoire), à la somme de 10.000 € pour les frais irrépétibles exposes en première instance et en appel et aux dépens de première instance et d'appel ;
A titre subsidiaire, et si la Cour s'estimait insuffisamment informée sur le mérite du deuxième rapport d'expertise du 28 septembre 2009, désigner à nouveau un expert avec mission :
-de reprendre le calcul concernant la TVA applicable ;
-d'examiner les travaux après le 31 décembre 2006 jusqu'à la terminaison du chantier ;
-tenter d'obtenir des parties la signature d'un PV de réception ou à défaut donner son avis sur cette question ;
-procéder à l'examen des désordres allégués par les époux [Q] dans leur assignation, analyser leur nature, leur origine, leurs causes et leurs conséquences dans les mêmes termes que ceux de la mission initiale ;
Par conclusions du 14 novembre 2015, la société JIEFF, intimée, demande à la Cour de :
- dire et juger la société JIEFF recevable en son action, en l'absence de prescription,
et bien fondée en ses demandes.
En conséquence,
-confirmer le jugement du 17 octobre 2014 en toutes ses dispositions, sauf ce qui suit en ce qui concerne les intérêts légaux,
- dire et juger que les intérêts légaux commenceront à courir à compter de la date de l'assignation à la requête de la société JIEFF, soit à compter du 18 juin 2013,
- débouter Monsieur et Madame [Q] de l'ensemble de leurs demandes ;
Y ajoutant
- dire et juger que Monsieur et Madame [Q] seront solidairement tenus à l'égard de la société JIEFF sur l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner Monsieur et Madame [Q] solidairement au versement de la somme de 7.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile'
- condamner Monsieur et Madame [Q] solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise dont distraction au profit de Maître Charles WEIL, avocat, en application del'article 699 du code de procédure civile .
SUR CE ;
Sur la prescription ;
Considérant que ce moyen, à le considérer comme fondé, est soulevé pour la première fois par les époux [Q] en cause d'appel ; qu'il est irrecevable ; qu'en toute hypothèse ce délai court à compter de l'émission de la facture et non de la réalisation des travaux, comme l'expliquent les époux [Q], de sorte que la prescription n'était pas acquise ;
Sur la seconde expertise ;
Considérant que la seconde expertise a été ordonnée et diligentée sans que la société JIEFF ait été convoquée ; qu'il y a lieu de la dire nulle et de l'écarter ainsi que l'ont fait les premiers juges ; que la Cour observe à cette occasion que les époux [Q] et leur avocat ont adopté une attitude déloyale ; que les explications des époux [Q] sur l'existence d'une erreur de secrétariat ne saurait être sérieusement soutenue, dès lors que la durée de l'expertise judiciaire aurait dû leur permettre de relever en cours d'expertise l'absence de l'entreprise JIEFF et de régulariser cette prétendue erreur ;
Au fond ;
Considérant que d'une part, contrairement aux explications des époux [Q], ce sont ces derniers, qui alors qu'ils ne payaient plus la société JIEFF, ont incité cette dernière à terminer le chantier puis lui ont interdit l'accès aux locaux, après avoir fait dresser une réception avec leur seul architecte ; qu'il n'y a donc pas eu d'abandon de chantier, le constructeur étant au surplus toujours libre de quitter le chantier s'il n'est plus payé ; qu'en réalité le départ même du chantier n'est pas établi puisqu'il ressort des propres explications des époux [Q] que la société JIEFF a mené le chantier jusqu'à son terme sans être payée ;
Considérant que la Cour, s'en tenant aux calculs de l'expert et à ses conclusions telles qu'elles ressortent du rapport d'expertise initial parfaitement motivé à l'encontre duquel aucune critique étayée n'est formée, entérine ce dernier ; qu'il y a dès lors lieu de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que l'utilité d'ordonner une nouvelle expertise n'est pas établie par les époux [Q], le premier rapport étant suffisant à éclairer la Cour ;
Considérant que la Cour observe que les époux [Q] ne fournissent aucune explication de nature à contester les conclusions du premier rapport d'expertise ; qu'il se contentent d'alléguer qu'il a conclu à ce qu'ils devaient des sommes à l'entreprise JIEFF pour affirmer qu'il n'est pas satisfaisant ;
Considérant qu'il y a lieu de dire que les époux [Q] seront solidairement tenus de sommes dues à l'entreprisse JIEFF, ainsi que celle-ci l'avait demandé devant les premiers juges qui ont omis de statuer sur ce point ;
Considérant que conformément à l'article 1153 du code civil, les intérêts courront à compter du 18 juin 2013, date de l'assignation , le jugement étant infirmé sur ce point ;
Considérant que l'équité commande que les époux [Q], qui ont contraint l'entreprise JIEFF a soutenir une procédure en appel pour obtenir le paiement de sa créance, soient condamner à lui payer la somme de 7000€ qu'ils demandent pour compenser les frais d'avocat qu'elle a dû exposer ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
-Confirmant le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal à la date de sa notification ;
- Et y ajoutant :
-Dit que les époux [Q] seront solidairement tenus des sommes dues à la société JIEFF ;
-Condamne solidairement Monsieur et Madame [Q] à payer à la société JIEFF la somme de 88.651,77€, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2013, avec capitalisation selon les règles de l'article 1154 du code civil ;
-Condamne solidairement les époux [Q] à payer à l'entreprise JIEFF la somme de 7000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Les condamne solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de référé et d'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT