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26/10/2016 | FRANCE | N°13/05945

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 26 octobre 2016, 13/05945


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 Octobre 2016



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05945



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 10/02334





APPELANTE

Madame [V] [B]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (92)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0008 substitué par Me Pascale NIOLOUX, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

Société COOPERATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 Octobre 2016

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/05945

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Mai 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 10/02334

APPELANTE

Madame [V] [B]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (92)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Hubert MAZINGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0008 substitué par Me Pascale NIOLOUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Société COOPERATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC (SC GALEC)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Antoine GILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0178

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sylvie HYLAIRE, Président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sylvie HYLAIRE, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de Madame [V] [B] et celles de la société COOPERATIVE DES GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC dite GALEC visées et développées à l'audience du 7 septembre 2016.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [B] a été engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 7 juin 2011 en qualité de chef de fabrication niveau 7 statut cadre, par la société GALEC et promue par avenant du 9 février 2004 en qualité de chargée d'achats fabrication édition senior niveau 7 cadre à effet du 1er février 2004.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Le contrat de travail de Madame [B] a fait l'objet d'un avenant le 17 novembre 2006 en ce qu'il a indiqué dans les obligations professionnelles que la salariée devait « n'accepter à titre personnel aucun cadeau ou avantage de quelconque nature qu'ils soient de la part des fournisseurs ou de leurs représentants et ne conserver à titre personnel aucun échantillon, gadget, marchandise ou tout élément qui serait remis par ces derniers ».

Par lettre du 14 septembre 2010, Madame [B] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 24 septembre 2010 avec mise à pied à titre conservatoire, puis par lettre du 4 octobre suivant, elle a été licenciée pour faute grave pour manquements à ses obligations professionnelles : voyages financés par des fournisseurs de la société GALEC, opacité sur les critères d'affectation des marchés, sur l'arbitrage relatif à l'affectation des marchés récents et sur les données professionnelles protégées par un mot de passe connu de la seule salariée.

Contestant son licenciement, Madame [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 23 décembre 2010, qui par jugement rendu le 16 mai 2013 a débouté Madame [B] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Madame [B] a régulièrement interjeté appel le 18 juin 2013 et demande de :

Infirmer le jugement sauf en ce qu'il a écarté les pièces produites par la société GALEC sous les numéros 6-7-19-23 à 26,

Dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner la société GALEC à lui payer les sommes de :

*130.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,*14.896,89 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis de trois mois,

*1.489,68 € à titre de congés payés afférents,

*14.507,45 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

*15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

* 3.205,20 € à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire,

* 320,52 € à titre de congés payés afférents,

Retirer les pièces adverses 6-7-15-18 à 20-23 à 26,

Remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et de bulletins de salaires conformes sous astreinte de 100 € par jour de retard,

Ordonner que les sommes portent intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et que l'indemnité compensatrice de préavis soit majorée des intérêts aux taux légal à compter de la citation,

Dire que la moyenne des 12 derniers mois de salaire est de 5.373,13 €,

Ordonner une astreinte à compter de l'introduction de la demande.

Subsidiairement, dire et juger que la faute grave alléguée n'est pas établie et condamner la SC GALEC aux mêmes sommes que précédemment.

Condamner la SC GALEC à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société GALEC demande la confirmation du jugement et la condamnation de Madame [B] à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens et de juger recevables les pièces communiquées par elle.

SUR CE,

La lettre de licenciement datée du 4 octobre 2010 est très détaillée et reproche à Madame [B] d'avoir manqué à ses obligations professionnelles notamment en ce que plusieurs voyages effectués par elle ont été financés par des fournisseurs du GALEC, information dont l'employeur a eu connaissance le 14 septembre 2010 par un article de presse publié dans le magazine « Aviation et Pilote » daté de novembre 2008 accompagné d'une photo où elle était vue avec le dirigeant de la société VALPACO fournisseur du GALEC dans son avion privé et d'avoir reconnu au cours de l'entretien préalable qu'il y avait eu d'autres voyages payés par des fournisseurs ; l'employeur rappelle qu'elle a signé un avenant le 17 novembre 2006 précisant qu'elle ne devait accepter aucun cadeau ou avantage de la part des fournisseurs.

La lettre de licenciement évoque ensuite une opacité entretenue par la salariée sur les critères d'affectation des marchés notamment concernant VALPACO et H2D et lui reproche de n'avoir pas gardé le résultat des appels d'offres et de critères de choix ce qui empêche toute traçabilité des dossiers traités, ainsi qu'une opacité sur deux marchés récents conclus avec PRINOVIS et SHLOTT et enfin d'avoir protégé les données professionnelles par un mot de passe connu d'elle seule empêchant toute personne (collaborateurs, supérieur) d'accéder aux fichiers de travail, situation qu'elle a reconnue lors de l'entretien préalable et il est ajouté qu'elle a communiqué le mot de passe lors de l'entretien du 24 septembre 2010.

La société se prévaut d'une faute grave, contestée par la salariée, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur qui est lié par les griefs contenus dans la lettre de licenciement.

Madame [B] soutient qu'elle avait une excellente notation depuis 9 ans et que l'arrivée de la société LYNX missionnée fin 2009 pour réaliser un audit afin de réduire les dépenses d'impression de brochures a entraîné son licenciement et a permis à la société LYNX de récupérer la négociation des achats papier impression qui lui incombait ; elle reproche à l'employeur d'être sorti du contexte professionnel et d'attenter à sa vie privée et d'avoir introduit de nouveaux griefs dans ses écritures en indiquant qu'elle a entretenu des relations personnelles avec certains des fournisseurs et créé une situation de conflit d'intérêts ; elle prétend que le premier grief sur le voyages est prescrit car la diffusion de l'article est de novembre 2008 ; que ces voyages étaient purement professionnels et que l'employeur en a donc bénéficié puisqu'il n'a pas eu à débourser de frais de transport, qu'il ne pouvait ignorer cette situation, ce qui rend ce grief ni réel, ni sérieux ; elle conteste que ces voyages aient pu placer ces fournisseurs en situation de préférence car c'était une pratique courante. elle estime que les accusations portées contre elle au nom de l'éthique et de la déontologie procèdent d'une grande hypocrisie.

Mais Madame [B] ne conteste nullement ces voyages, pas plus que d'avoir signé un avenant concernant les cadeaux et avantages en nature de la part de fournisseurs en 2006. Qu'entre la prise en charge par le fournisseur des frais de repas lors d'une visite de son site comme le 30 juin 2010 en Seine et Marne et des trajets à l'Etranger en jet privé appartenant au dirigeant d'une société fournisseur de la société LE GALEC, l'avantage en nature n'est pas de même niveau, surtout lorsque ce déplacement s'accompagne de la prise en charge d'autres frais et donne lieu à une photo dans un magazine sur laquelle Madame [B] est vue en compagnie de Monsieur [N] [O] à la tête de la société VALPACO qui sert une coupe de champagne ; il importe peu que cet article et cette photo soient parus dans un magazine très spécialisé « Aviation et Pilote » en novembre 2008 puisqu'il ressort des pièces communiquées que ce n'est que le 27 juillet 2010 que Monsieur [H] supérieur hiérarchique de Madame [B] l'a reçu et qu'il en a informé l'employeur le 14 septembre 2010 pour accompagner la remise de l'audit concluant à des interrogations sur les choix de Madame [B] quant aux sociétés VALPACO et H2D s'agissant d'un intermédiaire (VALPACO) ou d'un petit imprimeur mal équipé en machines avec de grandes laizes (H2D) et donc moins compétitifs que d'autres fournisseurs ; les faits ne sont donc pas prescrits.

Par ailleurs, les photos ainsi que les mails dont il n'est pas contesté qu'ils n'étaient pas protégés par une mention « personnel » n'ont pas à être écartés des débats et ce d'autant qu'ils mélangent vie privée et vie professionnelle et intéressent à ce titre l'employeur au regard de la fonction de Madame [B]. Ils révèlent sans ambiguïté des relations très personnelles de la salariée avec les dirigeants de VALPACO (M. [O]) et de H2D ([M] [E]), relations qui placent la salariée en situation de conflits d'intérêts vis-à-vis de son employeur.

Enfin, il est établi que dans le cadre de ses relations professionnelles, Madame [B] a sollicité des cadeaux tels que l'envoi de bandes dessinées « fluide glacial » imprimées par un des fournisseurs, même si elle indique que cela fera très plaisir à l'une de ses collaboratrices, l'accès à un circuit automobile, et qu'elle a pratiqué des activités nautiques, des courses de voiture et profité de divers voyages de tourisme avec ou grâce à des fournisseurs.

Ainsi Madame [B] n'a pas respecté la procédure déontologique interne imposée à tous les salariés par avenant au contrat de travail par la société GALEC depuis 2006 sur les cadeaux et avantages de la part de fournisseurs, n'a reçu aucune approbation de sa hiérarchie pour ces pratiques dont le coût n'est pas modéré alors même que l'employeur n'en était pas nécessairement informé. ceci révèle l'intention d'obtenir des cadeaux ou avantages réciproques avec certains fournisseurs sans que Madame [B] puisse raisonnablement prétendre que la société LYNX missionnée pour un audit a tout fait pour la faire licencier et prendre son poste en l'externalisant ; en revanche, il ressort des pièces que c'est effectivement la mission d'audit qui a révélé ces pratiques sans que l'employeur ait eu des doutes avant celle-ci.

Le premier grief reproché à la salariée est établi et grave s'agissant en outre d'une obligation légale liée à l'activité de référencement et justifie la mesure prise par l'employeur sans qu'il soit besoin d'étudier les autres griefs tenant essentiellement à l'opacité sur l'attribution des marchés et le choix de certains fournisseurs dont les deux précédemment évoqués et d'avoir empêché toute personne de la société d'avoir accès aux fichiers de travail, griefs qui ne sont pas réellement contestés quant à leur matérialité tel que ceci ressort du compte rendu d'entretien préalable auquel se réfère les deux parties.

Ces faits justifient un licenciement pour faute grave en raison de la position de Madame [B], de sa fonction d'encadrement, de son ancienneté et du fait qu'elle a été informée en 2006 de la conduite à adopter vis-à-vis des cadeaux et avantages offerts par les fournisseurs.

Le jugement sera confirmé et Madame [B] déboutée de ses demandes.

Succombant en son appel, Madame [B] supportera les dépens ; il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SC GALEC les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour se défendre en cause d'appel ; Madame [B] sera condamnée à verser à la société SC GALEC la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirmant le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté certaines pièces produites par la société SC GALEC,

Déboute Madame [V] [B] de ses demandes,

Condamne Madame [V] [B] à payer à la société SC GALEC la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [V] [B] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 13/05945
Date de la décision : 26/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°13/05945 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-26;13.05945 ?
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