Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2016
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14827
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2015 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2014013990
APPELANTE
SAS ARCHIVES GENEALOGIQUES ANDRIVEAU
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 447 881 780
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Raphaële SECNAZI LEIBA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1401
INTIMEE
SA COUTOT-ROEHRIG
ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 392 672 796
prise en la personne de son président du conseil d'administration domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane COLOMBET, avocat au barreau de PARIS, toque : R210
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président de chambre
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, rédacteur
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, Président, et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Mademoiselle [J] [A] est décédée le [Date décès 1] 2011.
Les quatre héritiers de la ligne maternelle de Mademoiselle [J] [A] ont requis l'intervention de Maître [K] [T], notaire à [Localité 1], aux fins de règlement de la succession de [J] [A].
Maître [T] a interrogé, le 17 janvier 2011, le fichier central des dispositions des dernières volontés, lequel lui a révélé qu'aucune inscription n'y figurait.
Maître [T], a alors fait appel à un généalogiste, la société Coutot-Roehrig, le 28 janvier 2011, pour lui confier la mission de recherche d'héritiers.
Le 19 janvier 2011, M. [F], en sa qualité de copropriétaire de l'immeuble dans lequel avait résidé la défunte, et membre du conseil syndical, a donné mandat à la société Andriveau pour effectuer les recherches généalogiques relatives à la succession [A].
Le 9 février 2011 la société Andriveau a interrogé le fichier central .Elle indique n'avoir été informée que le 11 mars 2011 du compte rendu du Fichier ADSN, lequel mentionne la désignation du notaire.
La société Andriveau a fait signer des contrats de révélation de succession à des héritiers, entre les 9 et 17 mars 2011.
Le 25 mars 2011, la société Coutot-Roehrig a adressé à Maître [T], le résultat de ses recherches et son tableau généalogique.Des héritiers ont donné pouvoir à la société Coutot-Roehrig, entre les 27 mars et 18 avril 2011, de recueillir et liquider la succession [A].
Le 12 novembre 2012 ,après avoir réclamé à la société Coutot Roehrig le montant d'honoraires, à hauteur de la somme de 14 260 euros, la société Andriveau a assigné la SAS Coutot-Roehrig, en paiement des honoraires relatifs aux héritiers avec lesquels elle avait conclu des contrats de révélation de succession.
Par jugement du 22 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
- Déboute la société Andriveau de l'ensemble de ses demandes.
- Déboute la société Coutot-Roehrig de ses demandes
- Rejettela demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Andriveau a formé appel de ce jugement.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 19 janvier 2016, la SAS Andriveau demande à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré
- constater dire et juger que la société Coutot-Roehrig a conclu des contrats avec Mme [W] [W], Mme [I] [L], Mme [G] [N], Mme [P] [N] [K],et Mme [M] [A] dont elle savait qu'ils s'étaient préalablement engagés avec la société Andriveau par des contrats de révélation de succession,
- constater dire et juger que la société Coutot-Roehrig a commis des actes de concurrence déloyale qui ont causé préjudice commercial à ANDRIVEAU
- condamner la société COUTOT-ROEHRIG à verser à la société ANDRIVEAU :
les honoraires de 20 % ttc qu'elle aurait dû percevoir pour les successions de Mme [W] [W], Mme [I] [L], Mme [G] [N], Mme [P] [N] [K], soit, 15 387,27euros, les honoraires de 20 % ttc qu'elle aurait dû percevoir pour la succession de Mme [M] [A] soit, 3 846,81 euros,
-condamner la société COUTOT-ROEHRIG à verser la somme de 10 000 euros à ANDRIVEAU en réparation de son préjudice
- débouter la société COUTOT-ROEHRIG de l'ensemble de ses demandes,
-condamner la société COUTOT-ROEHRIG à verser à la société ANDRIVEAU la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 23 août 2016 la société Coutot-Roehrig demande à la Cour de :
Vu l'article 1382 du Code civil,
Vu les articles 559 et 700 du Code de procédure civile,
1/ A titre principal, sur les prétendus actes de concurrence déloyale allégués
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce du 22 juin 2015 en ce qu'il a débouté la société Archives Généalogiques Andriveau de l'ensemble de ses demandes ;
a) Sur les honoraires prétendument perçus de manière indue par la société Coutot-Roehrig :
- constater l'irrecevabilité des demandes de la société Archives Généalogiques Andriveau relatives à l'inexécution contractuelle imputable aux seuls héritiers de la Succession [A] ;
- constater subsidiairement qu'aucune faute n'est imputable à la société Coutot-Roehrig ;
- constater que la société Archives Généalogiques Andriveau a elle-même eu un comportement anormal en l'espèce ;
- constater que la société Archives Généalogiques Andriveau ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque ;
b) Sur le prétendu préjudice lié à l'atteinte à la réputation de la société Archives Généalogiques Andriveau
- constater qu'aucune faute n'est imputable à la société Coutot-Roehrig ;
- constater que la société Archives Généalogiques Andriveau ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque ;
2/ A titre subsidiaire, sur les demandes indemnitaires de la société Archives Généalogiques Andriveau
- constater que les sommes réclamées par la société Archives Généalogiques Andriveau ne sont pas légitimes ;
En conséquence :
- réévaluer les demandes indemnitaires de la société Archives Généalogiques Andriveau à de justes proportions ;
3/ Sur le caractère abusif de l'appel de la société Archives Généalogiques Andriveau
- constater que l'appel formé par la société Archives Généalogiques Andriveau est abusif et soumis à l'article 560 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Archives Généalogiques Andriveau à verser à la société Coutot-Roehrig la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4/ En toute hypothèse
- condamner la société Archives Généalogiques Andriveau à verser à la société Coutot-Roehrig la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société Archives Généalogiques Andriveau au paiement des entiers dépens.
SUR CE,
a) Sur la recevabilité du mandat conclu avec un tiers :
Aux termes de l'article 36 de la loi du 23 juin 2006, nul ne peut se livrer à la recherche d'héritier s'il n'est porteur d'un mandat donné à cette fin. Le mandat peut être donné par toute personne qui a un intérêt légitime à l'identification des héritiers ou du règlement de la succession.
En l'espèce, le 19 janvier 2011, un tiers, M [F], membre du conseil syndical éventuellement intéressé par la vente de l'appartement de la défunte, a donné mandat à la société Andriveau. Le mandat conclu entre la société Andriveau et M. [F], revêt un caractère légitime.
b)Sur les actes de concurrence déloyale :
La société Andriveau a interrogé le fichier central des dernière volontés le 9 février 2011. Elle indique sans le démontrer qu'elle n'a été informée de la désignation du notaire, chargé de la succession [A], que le 11 mars 2011. Elle a contacté le notaire le 17 mars 2011.
Entre les 9 et 17 mars 2011, la société Andriveau a obtenu la signature d'un contrat de révélation de succession pour 8 héritiers.
Entre les 17 et 26 mars 2011, la société Coutot Roehrig, désignée par le notaire le 28 janvier 2011, a conclu des contrats de justification de droits avec 6 héritiers. M. [V] et Mme [O] ont postérieurement dénoncé leurs contrats.
Le 25 mars 2011et le 28 juillet 2011, la société Coutot-Roehrig a rendu compte de sa mission au notaire qui l'avait désigné.
Il est reproché à la société Coutot Roehrig d'avoir découvert que la société Andriveau avait fait signer des contrats de révélation de succession à certains des héritiers de la succession [A] au cours de ses propres recherches, et d'avoir détourné la clientèle par des manoeuvres déloyales.
Est versé aux débats le courrier adressé par la société Coutot-Roehrig,à l'attention de Mme [F], qui n'est pas partie à la succession, lequel évoque la question de la légitimité de son mandat donné à la société Andriveau.
Le courrier, en date du 12 avril 2011, adressé à M. [V], héritier, soit postérieurement à son désengagement avec la société Coutot-Roehrig, débat également de la légitimité du mandat donné par un tiers et reproche les démarches entreprises par la société concurrente. Ces pièces ne révèlent pas une pression exercée sur les héritiers, au cours des recherches des génélalogistes.
Il est d'usage que tout généalogiste souhaitant effectuer une recherche d'héritiers doit consulter le fichier ADSN pour savoir si un notaire est chargé de la succession et a interrogé ce fichier, si un testament du défunt aurait ou non été inscrit. A défaut de telles précautions ces recherches sont menées 'à ses risques et périls'.
Il est établi que la société Andriveau, mandatée par un tiers, a effectué des recherches d'héritiers sans consulter préalablement le fichier des dernières volontés, et a fait signer des contrats avec des héritiers avant même de contacter le notaire chargé de la succession.
Au vu de la chronologie des faits, si aucune obligation légale ne lui impose de consulter préalablement le fichier ADSN, il n'en demeure pas moins que le comportement de la société Andriveau est contraire aux usages, puisqu'il n'a consulté le fichier ADSN qu'après avoir recherché les héritiers.
Le tribunal par des motifs pertinents que la cour adopte a jugé que la société Andriveau avait pris sciemment le risque que le notaire désigné ait accompli des diligences dans le même temps et fait appel à une société concurrente. Les demandes de la société Andriveau fondées sur des actes de concurrence déloyales seront rejetées.
c) Sur l'action fondée sur le manque à gagner :
Aux termes de l'article 1165 du code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent pas au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.
En l'espèce, la société Andriveau invoque un manque à gagner. Elle reproche une faute délictuelle de la société Coutot Roehrig, qui aurait incité le débiteur à violer ses obligations contractuelles à l'égard de son contractant.
La société Coutot-Roehrig soulève l'irrecevabilité de la demande au motif que la société Andriveau reproche une inexécution contractuelle qui serait imputable aux héritiers.
En l'espèce, la sociétéc Andriveau soutient que la société Coutot-Roehrig a conclu des contrats avec Mme [W] [W], Mme [I] [L], Mme [G] [N], Mme [P] [N] [K],et Mme [M] [A] dont elle savait qu'ils s'étaient préalablement engagés avec la société Andriveau par des contrats de révélation de succession.La société Andriveau est fondée à invoquer la responsabilité délictuelle de la société Coutot-Roehrig en se prévalant d'un comportement déloyal de cette dernière vis à vis des héritiers.
Cette demande est recevable.
Il ressort des développements précédents que la société Coutot-Roehrig a adressé aux héritiers des contrats de justification de droits entre le 7 et 26 mars 2011, sans qu'il soit établi que, durant cette période, cette société ait incité les héritiers à rompre leur contrat avec la société Andriveau.
Il ressort des pièces produites que le 22 mars 2011, Mme [M] [A] a dénoncé le contrat signé avec la société Andriveau, tandis que M. [V] et Mme [O] ont annulé leurs contrats respectifs, conclus avec la société Coutot-Roehrig au profit de la société Andriveau.
Il n'est justifié d'aucune man'uvre mensongère de la société Coutot-Roehrig à l'égard des autres héritiers. Mme [W] [W], Mme [I] [L], Mme [G] [N], Mme [P] [N] ont librement choisi de conclure avec la société Coutot-Roehrig
Faute de prouver une exécution contractuelle fautive, la société Andriveau doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 1165 du code civil.
La société Andriveau sera déboutée de sa demande au titre du manque à gagner.
d) Sur le préjudice résultant de l'atteinte à l'image de la société Andriveau
Il résulte des développements précédents que la société Andriveau a échoué à démontrer ses allégations relatives au comportement déloyal de la société Coutot-Roehrig et à établir un quelconque préjudice. Sa demande portant sur les actes de dénigrement commis par la société Coutot-Roehrig sera en conséquence rejetée.
Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 juin 2015 par le tribunal de commerce de Paris
e) Sur la procédure abusive
La société Coutot-Roehrig ne prouve pas le caractère fautif de la procédure engagée par la société Andriveau, qui ne saurait se déduire du seul rejet de ses demandes.
f) Sur les autres demandes
Il paraît équitable d'allouer à la société Coutot-Roehrig une indemnité de 2 000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés
La société Andriveau, partie perdante en appel, sera tenue de supporter la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 juin 2015 par le tribunal de commerce de Paris
Y ajoutant
CONDAMNE la société Andriveau à payer à la société Coutot Roehrig une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
REJETTE toutes leurs autres demandes
CONDAMNE la société Andriveau aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS