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20/10/2016 | FRANCE | N°14/07856

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 20 octobre 2016, 14/07856


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 20 octobre 2016



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07856



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 8 avril 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section commerce- RG n° 13/08262





APPELANTE



Madame [S] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (PEROU)

compar

ante en personne, assistée de Me Monique FIGUEIRÉDO, avocat au barreau de PARIS, J014







INTIMÉE



SAS VOYAGES LOISIRS

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 322 770 389 00060

représentée...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 octobre 2016

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07856

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 8 avril 2014 par le conseil de prud'hommes de PARIS -section commerce- RG n° 13/08262

APPELANTE

Madame [S] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (PEROU)

comparante en personne, assistée de Me Monique FIGUEIRÉDO, avocat au barreau de PARIS, J014

INTIMÉE

SAS VOYAGES LOISIRS

[Adresse 3]

[Adresse 2]

N° SIRET : 322 770 389 00060

représentée par Madame [O] [N] (directrice commerciale) en vertu d'un pouvoir, assistée de Me Marion AUTONES, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine SOMMÉ, président de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [S] [R] a été engagée par la SAS VOYAGES LOISIRS en qualité de conseillère vacances bilingue espagnol niveau 1, par contrat à durée déterminée du 2 avril au 15 septembre 2007, prolongé jusqu'au 15 septembre 2008 aux mêmes conditions d'emploi. Elle a été engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 16 septembre 2008 pour occuper les mêmes fonctions avec reprise d'ancienneté au 2 avril 2007. A compter du 1er janvier 2010, la salariée s'est vu attribuer la qualification de conseillère vacances bilingue espagnol niveau B moyennant un salaire mensuel de 1 381,77 €.

La SAS VOYAGES LOISIRS emploie plus de dix salariés et est régie par la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 3 juin 2013.

Par jugement rendu le 8 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, a ordonné la remise des bulletins de paie conformes avec la réelle classification de Mme [S] [R] en qualité de technicien de maîtrise, groupe C, sur la période du 1er septembre 2008 au 9 janvier 2013, débouté Mme [R] du surplus de ses demandes et débouté la SAS VOYAGES LOISIRS de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.

Mme [R] a interjeté appel de cette décision le 11 juillet 2014.

A la suite d'un seul examen médical du 7 octobre 2014, le médecin du travail a déclaré Mme [R] inapte définitivement à son poste de travail. Par lettre du 21 janvier 2015, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 12 mai 2016, Mme [R] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et statuant à nouveau, de :

- dire et juger qu'elle a occupé les fonctions de responsable des groupes espagnol, italien, portugais (catégorie technicien de maîtrise groupe E) sur la période courant du 1er septembre 2008 au 9 janvier 2013,

- condamner la SAS VOYAGES LOISIRS à régler à titre de rappels de salaires sur cette période la somme de 13 585,49 €, outre la somme de 1 358,54 € au titre des congés payés afférents (10 %),

- ordonner la remise des bulletins de paie conformes avec sa réelle classification en qualité de technicien de maîtrise, groupe E, sur la période courant du 1er septembre 2008 au 9 janvier 2013, sous astreinte de 50 € par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à la SAS VOYAGES LOISIRS,

à titre principal :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail 'pour motif économique aux torts et griefs de l'entreprise' en fixant la date de la rupture de son contrat de travail à la date du 21 janvier 2015,

- condamner la SAS VOYAGES LOISIRS à lui régler les sommes suivantes :

5 982,75 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (trois mois), outre 598,27 € bruts pour les congés payés afférents,

4 653,04 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés soldant l'intégralité de ses droits,

3 489,93 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

25 000 € nets pour dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

25 000 € nets pour dommages et intérêts pour préjudice moral,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail conforme, d'un reçu pour solde de tout compte, et ce en reprenant notamment sa réelle classification en qualité de technicien de maîtrise, groupe E, sur la période courant du 1er septembre 2008 au 9 janvier 2013, sous astreinte de 50 € par jour de retard courant à compter de la notification de la décision à la SAS VOYAGES LOISIRS,

à titre subsidiaire :

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS VOYAGES LOISIRS à lui régler la somme de 25 000 € nets pour dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause :

- condamner la SAS VOYAGES LOISIRS au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS VOYAGES LOISIRS aux entiers dépens d'instance,

- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de l'introduction de la demande et ordonner la capitalisation des intérêts.

La SAS VOYAGES LOISIRS a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier et a demandé à la cour de :

- débouter Mme [R] de ses demandes de rappel de salaire et d'indemnité non justifiées,

- dire n'y avoir lieu de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R],

- débouter Mme [R] de ses demandes indemnitaires,

- constater que le licenciement pour impossibilité de reclassement est intervenu à bon droit et débouter Mme [R] de ses demandes infondées,

- condamner Mme [R] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la classification de la salariée

Mme [R] revendique la classification de technicien de maîtrise niveau E de la convention collective applicable en faisant valoir qu'elle est devenue responsable, en septembre 2008, du groupe espagnol, auquel s'est ajoutée la responsabilité, en septembre 2009, du groupe italien, puis en septembre 2010 du groupe portugais, qu'ainsi à compter de septembre 2008 elle a exercé les fonctions correspondantes à la classification revendiquée, dès lors notamment qu'elle était en charge de l'organisation de la journée de travail de chaque conseiller de vente du «'groupe étranger'», qu'elle définissait les heures de réception des appels, les heures dédiées aux tâches administratives de chaque salarié, gérait les «'bookings'» des départs pour chaque nouvelle campagne, qu'elle rendait compte du travail de chaque groupe directement à Mme [N], directrice commerciale, qu'elle a pris des initiatives telles que proposer de mettre en place des règles strictes afin d'optimiser les appels en réservations, qu'elle a participé à la formation technique des conseillers de vente du «'groupe étranger'».

La société VOYAGES LOISIRS s'oppose à la demande en soutenant que les fonctions occupées par la salariée étaient celles d'une conseillère vacances, que son emploi relevait bien de la classification employé groupe B, ses fonctions n'impliquant aucune délégation de gestion, d'encadrement ou de formation d'une équipe, pas plus que la gestion d'un projet ou d'un budget. La société intimée en déduit que la salariée ne peut prétendre à la classification revendiquée correspondant au plus haut niveau des agents de maîtrise, pas plus du reste qu'à la classification du groupe C qui lui a été octroyée à tort par le conseil de prud'hommes.

*

La classification d'un salarié s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par l'intéressé suivant les critères prévus par la convention collective applicable.

Les définitions des groupes de classification données par l'avenant n° 1 du 16 juin 2008 relatif à la classification des emplois annexé à la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme applicable, sont les suivantes :

- employé du groupe B (soit la classification attribuée à la salariée par la société intimée) :

«'définition du groupe : exécution de tâches sans nécessairement que soit indiqué le mode opératoire ;

Responsabilité : les tâches peuvent s'effectuer sous la dépendance d'un autre salarié ;

Autonomie : les procédures sont fixées mais l'emploi requiert que le salarié les adapte aux situations de travail rencontrées. L'emploi peut nécessiter des relations avec des tiers incluant la formulation de propositions .

Technicité : l'emploi nécessite des connaissances techniques suffisants pour une bonne du poste. Éventuellement conseil apporté à d'autres salariés'».

- technicien ou agent de maîtrise du groupe C (soit la classification retenue par le conseil de prud'hommes) :

«'Définition du groupe : l'emploi implique une bonne maîtrise des diverses compétences de la spécialité. Il comporte la prise en charge d'un ensemble de tâches ou de fonctions qui lui sont confiées. Il requiert que le salarié soit capable d'initiatives dans la limite de ses responsabilités.

Responsabilité : l'emploi peut impliquer la coordination et/ou l'organisation du travail d'autres salariés, sans exercer nécessairement d'encadrement hiérarchique.

Autonomie : l'emploi requiert une certaine autonomie du salarié lui permettant d'interpréter et adapter les normes et procédures dans le cadre de sa mission. Le contrôle du travail peut s'opérer de manière discontinue. L'emploi peut nécessiter des relations avec des tiers et la formulation de propositions soit à des tiers, soit à un supérieur hiérarchique.

Technicité : l'emploi implique de la part du salarié une connaissance complète du métier le rendant apte à exécuter son travail avec une meilleure maîtrise qu'un agent du groupe III. Transmission de connaissances à d'autres salariés'».

- Technicien ou agent de maîtrise du groupe E (soit la classification revendiquée par la salariée) :

«'Définition du groupe : placé sous la responsabilité d'un cadre hiérarchique, assure la prise en charge d'un ensemble de tâches fonctions requérant une définition des moyens et de leur mise en 'uvre. L'emploi implique par délégation l'animation d'un service ou la responsabilité d'une équipe ou l'organisation d'une mission. Il peut impliquer une délégation limitée à une mission.

Responsabilité : l'emploi peut impliquer l'animation et l'organisation du travail d'un groupe de salariés. Il peut requérir que le salarié gère un projet et/ou un budget défini et rende compte de sa gestion à un cadre hiérarchique chargé notamment du contrôle des résultats.

Autonomie : prise d'initiative dans le cadre défini (services, équipes, projet, mission ...), et formulation de propositions. L'autonomie repose sur une délégation hiérarchique, budgétaire et de représentation dans le cadre défini.

Technicité : l'emploi nécessite une bonne connaissance des diverses techniques de la spécialité, des capacités à la prise de décision, à l'organisation du travail, à la gestion et une maîtrise plus large du domaine d'activité. Il requiert que le salarié participe à la formation technique du personnel éventuellement placé sous sa responsabilité, y compris sous la forme du tutorat'».

Les témoignages versés aux débats par la salariée, étant relevé que deux attestations sont dépourvues de force probante, certains passages ayant été laissés en blanc, comme les dates de présence des témoins dans l'entreprise, ainsi les attestations de Mmes [M] [G] et [Y] [F], celle-ci n'ayant au surplus pas daté son attestation, s'ils montrent qu'en sa qualité de conseillère la plus ancienne, Mme [R] avait un rôle d'organisation voire de formation par la transmission de ses connaissances, pour autant sont insuffisants à démontrer ni l'existence d'une délégation hiérarchique ou budgétaire confiée à Mme [R], ni encore l'exercice effectif par l'intéressée d'un encadrement hiérarchique, impliquant l'exercice d'un pouvoir de direction, lequel était assuré par Mme [Q] [D] en qualité de superviseur, ayant pour mission de «'coacher'» les «'équipes sans distinction de langue'», ainsi que mentionné sur l'entretien d'évaluation de 2011 de Mme [D], cette dernière ayant elle-même pour responsable hiérarchique [O] [N], directrice commerciale de l'entreprise, comme il ressort des échanges de courriels versés par les parties, étant relevé qu'il n'est produit aucun organigramme ou écrit émanant de Mme [N] elle-même qualifiant Mme [R] de responsable du «'groupe étranger'» comme celle-ci le prétend.

Les courriels produits par Mme [R] ne font pas davantage la démonstration de ce que celle-ci exerçait les responsabilités et disposait de l'autonomie requise pour prétendre à la qualification de technicien du groupe E, soit la qualification la plus haute de la catégorie employés et des agents de maîtrise avant celle de cadre, lesdits courriels montrant seulement que la salariée exerçait pleinement et à la satisfaction de son employeur, manifestée par Mme [N] notamment par courriel du 14 décembre 2011, les fonctions de conseillère vacances bilingue expérimentée, notamment dans la gestion des réservations et des réponses à apporter aux clients.

En revanche au regard des initiatives prises par la salariée à l'égard des interlocuteurs extérieurs, tels que les partenaires et clients de la société VOYAGES LOISIRS, démontrant qu'une certaine autonomie lui était laissée, ainsi que des fonctions d'organisation du travail des autres conseillers s'agissant de ceux travaillant sur l'Espagne, l'Italie et le Portugal, qu'elle pouvait être amenée à assurer comme il ressort des témoignages produits (Mmes [W], [C] et [X] notamment), il convient de retenir que Mme [R] remplissait les conditions conventionnelles lui permettant de se voir attribuer la classification du groupe C des employés, correspondant à l'emploi de conseiller voyages expérimenté visé par le texte conventionnel susvisé, ainsi que l'a retenu le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 1er octobre 2008 au 9 janvier 2013

Compte tenu de ce qui précède Mme [R] ne peut prétendre à un rappel de salaire fondé sur le minimum conventionnel de technicien du groupe E.

Il résulte de la comparaison du salaire minimum conventionnel correspondant au groupe C (soit 1 404 € du 01/10/08 au 30/06/09, 1 321,02 € du 01/07/09 au 30/06/10, 1 511,42 € du 01/07/10 au 30/06/11, 1 536,44 € du 01/07/11 au 30/06/12, 1 573,31 € du 01/07/12 au 30/06/13) et du salaire versé à la salariée, hors primes d'ancienneté, de langue et de vacances, pour la période du 1er octobre 2008 au 9 janvier 2013, que l'intéressée a perçu un salaire au moins égal, voire supérieur, au minimum conventionnel. Aucun rappel de salaire n'est donc dû.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de ce chef de demande.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, Mme [R] expose que l'employeur a modifié ses fonctions avec un retrait corrélatif de ses responsabilités, ce qui s'analyse en une modification unilatérale de son contrat de travail, qu'en effet à la suite de la prise de contrôle de la société VOYAGES LOISIRS par la société ODALYS GROUPE en novembre 2012, l'employeur a décidé d'externaliser l'activité du «'groupe étranger'» auprès de la société EODOM pour un motif économique, qu'ainsi Mme [R] s'est trouvée dépossédée d'une partie substantielle de ses fonctions de responsable du «'groupe étranger'» n'ayant plus aucune équipe à gérer, que la moyenne de ses primes a diminué de près de 50 %, qu'elle a été mise à l'écart, qu'en décembre 2012 elle a été invitée à participer à une formation sur les «'OP France'» afin de devenir télé conseillère de l'équipe des ventes France, ce qui s'analysait comme une véritable rétrogradation, que la situation étant devenue intenable, elle a été placée en arrêt de travail à compter du mois de janvier 2013.

La société VOYAGES LOISIRS fait valoir qu'elle a eu recours, dans un souci de bonne gestion, au prestataire EODOM, chargé de répondre aux appels téléphoniques et d'y donner suite notamment lorsque les flux d'appels sont trop nombreux, que si le groupe ODALYS RESIDENCE a acquis la majorité du capital de la société VOYAGES LOISIRS, celle-ci demeure une entité juridique distincte, qu'à la fin de l'année 2012 les opérations à destination de la clientèle espagnole ont été suspendues provisoirement, qu'il a été ainsi proposé à Mme [R] de poursuivre ses fonctions de conseillère vacances bilingue espagnol à destination de la clientèle française ce qui ne constituait nullement une modification de ses fonctions, que la rémunération de la salariée n'aurait pas été modifiée, la diminution de prime dont elle fait état ne portant que sur le mois de décembre 2012, mois de transition pendant lequel au surplus elle a été dispensée d'activité.

*

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Seuls peuvent être de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur des faits, manquements, ou agissements de ce dernier d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du travail.

Par courriel du 19 décembre 2013, Mme [R] a fait part à Mme [N], suite au courriel de celle-ci du 18 décembre confirmant à la salariée sa participation à la formation sur les «'OP France'», de son inquiétude quant à la nature et au périmètre de ses nouvelles fonctions. Puis par courriel adressé le 20 décembre à Mme [N], elle a rappelé les propos tenus par celle-ci lors d'un entretien informel au cours duquel Mme [N] lui avait confirmé son souhait de la voir intégrer l'équipe des ventes françaises. Dans ce courriel, Mme [R] indiquait qu'elle ne serait pas en mesure d'assister à une quelconque formation « faute d'avoir reçu un avenant à [son] contrat de travail [lui apportant] les garanties d'exercer les mêmes fonctions avec un salaire [correspondant] à la réalité du travail effectué'».

Elle a reçu à la suite de ce courriel une lettre recommandée du 11 janvier 2013 émanant de M. [F] [V], directeur général de la société VOYAGES LOISIRS, libellée en ces termes : «'courant décembre il a été décidé par notre direction et notre partenaire espagnol de suspendre nos campagnes d'opérations spéciales en Espagne, probablement pendant le premier semestre 2013 [...] dans ce contexte, en attendant que l'activité du marché espagnol reprenne, et dans l'objectif de pérenniser votre emploi au sein de VOYAGES LOISIRS, je vous fais parvenir votre fiche de poste précisant vos fonctions dans le cadre de votre dimension bilingue français'espagnol. Bien entendu, les termes de votre contrat ainsi que votre rémunération reste identique, à savoir : un salaire horaire brut de 9,83 euros pour 151,67 heures de travail mensuel, auquel s'ajoute une prime mensuelle de langue de 105 € ainsi qu'une prime en fonction de vos objectifs commerciaux qui vous seront précisés en début de chaque mois par votre responsable [...]'».

Mme [R] qui était en arrêt de travail depuis le 9 janvier 2013 n'a pas donné suite à cette lettre.

Il a été retenu supra que Mme [R] ne pouvait prétendre exercer les fonctions de responsable du «'groupe étranger'» relevant de la classification conventionnelle du groupe E. Elle ne peut donc invoquer à ce titre un déclassement ou une rétrogradation résultant du changement de fonctions qui lui étaient proposées et qui n'ont au demeurant pas été mises en oeuvre, Mme [R] ayant été en arrêt de travail à compter du 9 janvier 2013 et n'ayant pas repris le travail jusqu'à la déclaration d'inaptitude.

Au surplus la diminution de rémunération alléguée n'est pas démontrée, ni la dégradation du «'climat'» au sein de l'entreprise, aucun des courriels produits ne traduisant des propos désagréables à l'encontre de la salariée, ni encore la mise à l'écart alléguée. Le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail n'est pas davantage établi. Enfin il ne peut être soutenu que l'employeur a proposé une modification pour motif économique du contrat de travail de la salariée en l'absence d'un tel motif au sens des articles L. 1233-3 et suivants du code du travail.

Par conséquent la salariée ne justifie d'aucun des griefs allégués au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail qui doit donc être rejetée ainsi que l'a jugé à bon droit le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée.

Sur le licenciement

En application des articles L. 1226-2 et suivants du code du travail, le salarié déclaré inapte à son emploi bénéficie d'un droit au reclassement. L'employeur est tenu de rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu'il formule sur l'aptitude de l'intéressé à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Les propositions de reclassement doivent être loyales et sérieuses et l'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, compte tenu de l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Si la recherche de solutions de reclassement ne s'impose qu'au sein de l'entreprise lorsque celle-ci n'appartient pas à un groupe, en présence d'un groupe, la possibilité de reclassement doit s'apprécier à l'intérieur de celui-ci, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent à l'employeur d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le 7 octobre 2014 le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à son poste de travail en ces termes : «'inapte définitif au poste. Pas de reclassement proposé à titre médical. Avis délivré en un seul examen selon la procédure de l'article R 46 24. 31 du code du travail. Visite de pré-reprise effectuée le 22 septembre 2014. Étude de poste réalisée le 2 octobre 2014'».

Il résulte des pièces produites que l'employeur, le 20 octobre 2014, a adressé à 28 destinataires au sein de la société VOYAGES LOISIRS et du groupe ODALYS intervenant dans le domaine touristique, une demande relative aux possibilités de reclassement de la salariée, et qu'à la suite des réponses apportées quatre postes ont été proposés à la salariée, étant relevé que si manifestement deux d'entre eux ne correspondaient nullement à la qualification de la salariée, puisqu'il s'agissait de postes de femme de chambre, les deux autres postes, quoique portant sur des postes d'employé du groupe B, pouvaient être considérés comme des offres sérieuses de reclassement, s'agissant d'un emploi de conseillère clientèle au service commercial et d'un emploi d'employée au service Daydreams, situés au siège de la société VOYAGES LOISIRS à Paris.

L'employeur a requis l'avis du médecin du travail sur ces propositions par lettre du 31 octobre 2014 et celui-ci, par lettre du 4 novembre, a répondu qu'il n'y était pas favorable, ajoutant néanmoins qu'il ne pouvait se «'substituer à la décision que pourrait prendre Mme [R]'».

Mme [R] a refusé les postes proposés par lettre du 24 novembre 2014.

Devant la cour Mme [R] soutient que l'employeur a manqué à son obligation loyale et sérieuse de reclassement, d'une part en lui proposant des postes de femme de chambre aucunement comparables avec le poste qu'elle occupait, d'autre part en s'abstenant de lui proposer des offres de reclassement au sein des autres sociétés du groupe, notamment des sociétés NGFGOLF, ALAMO ou YXIME.

Il a été déjà été relevé que si les propositions relatives à des postes de femme de chambre en région PACA ne pouvaient être considérées comme des offres sérieuses de reclassement, tel n'est pas le cas des deux offres correspondant à des postes d'employé, quand bien même d'une qualification inférieure à celle reconnue dans le cadre de la présence instance à la salariée, l'employeur pouvant être amené à proposer des emplois d'une catégorie inférieure en l'absence de poste disponible dans la catégorie du salarié, sous réserve de l'acceptation de l'intéressé, portant sur un emploi en rapport avec les capacités et les compétences de celui-ci.

Par ailleurs il résulte d'une attestation établie par Mme [K] [O], secrétaire du comité d'entreprise d'ODALYS qu'aucune permutabilité du personnel n'est possible entre les sociétés appartenant au groupe Financière Duval, qui sont citées par la salariée.

Au vu de l'ensemble de ces éléments l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement de la salariée prononcé le 21 janvier 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Il convient dès lors de confirmer le jugement qui a débouté Mme [R] de ses demandes en paiement au titre de la rupture.

Sur la demande indemnitaire au titre du préjudice moral

Ni le manquement allégué à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, ni aucun des griefs invoqués par Mme [R] à l'encontre de son employeur n'étant démontrés, celle-ci sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral par confirmation du jugement déféré.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société VOYAGES LOISIRS de remettre à Mme [R] des bulletins de paie portant mention de la classification de technicien groupe C pour la période du 1er septembre 2008 au 9 janvier 2013 sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

La société VOYAGES LOISIRS qui succombe partiellement supportera les dépens d'appel. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la SAS VOYAGES LOISIRS aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/07856
Date de la décision : 20/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°14/07856 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-20;14.07856 ?
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