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19/10/2016 | FRANCE | N°15/04718

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 19 octobre 2016, 15/04718


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 19 Octobre 2016



(n° , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04718 et 15/10938



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/3324





APPELANT

Monsieur [Y] [A] [H]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE)

[Adresse 1]
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représenté par Me Fabien BARBUDAUX-LE FEUVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R057

substitué par Me Pierre-alain TOUCHARD, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE

S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 19 Octobre 2016

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04718 et 15/10938

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/3324

APPELANT

Monsieur [Y] [A] [H]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Fabien BARBUDAUX-LE FEUVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R057

substitué par Me Pierre-alain TOUCHARD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SAS F. INICIATIVAS

N° SIRET : 499 154 557 00023

[Adresse 2]

[Adresse 1]

représentée par Me Anna SALABI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0713

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Août 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 30 juin 2016

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [Y] [A] [H] a été engagé à compter du 5 janvier 2009 selon un contrat à durée indéterminée par la société F. Iniciativas en qualité de consultant.

Son salaire brut mensuel moyen s'élevait en dernier lieu à 4.877,44 euros.

La société compte plus de onze salariés. La convention collective applicable est la convention Syntec.

Par courrier du 23 janvier 2014, Monsieur [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 31 janvier suivant. Il a été licencié pour faute grave par courrier du 6 février 2014.

Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 4 mai 2015, a condamné l'employeur au paiement de la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de tenue d'entretien sur la charge du travail dans le cadre de son forfait jours mais l'a débouté du reste de ses demandes.

Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision et demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, statuent à nouveau, de condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

- 14.632,35 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés afférents,

- 8.671,02 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 48.774,50 euros au de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'entretien annuel sur la charge de travail,

- 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société F. Iniciativas demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour absence de tenue d'entretien sur la charge de travail en l'absence de préjudice susceptible d'être caractérisé. Elle réclame en outre la somme de 3.000 euros au titre des frais de procédure.

Pour une meilleure administration de la justice, la Cour a ordonné la jonction de l'affaire 15/10938, sous le numéro 15/04718.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d'entretien annuel sur la charge de travail

Monsieur [H] fait valoir qu'il bénéficiait d'une convention de forfait en jours sur l'année et qu'en application de l'article L3121-46 du code du travail, un entretien annuel individuel aurait dû être organisé par l'employeur afin d'échanger sur sa charge de travail. Or l'employeur a failli à son obligation de sécurité de résultat à défaut d'avoir organisé cet entretien.

La société F. Iniciativas précise avoir, chaque année, organisé des entretien d'appréciation qu'elle verse aux débats.

Aux termes de l'article L3121-46 du code du travail, u n entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Cet entretien annuel ne doit pas être confondu avec l'entretien professionnel ni l'éventuel entretien d'évaluation annuel mis en place au sein de l'entreprise. S'il n'est pas exclu que tous ces entretiens puissent avoir lieu le même jour, leur objet différent, la qualité différente de la personne assurant l'entretien doivent conduire à privilégier une tenue séparée.

Cet entretien doit s'articuler a minima autour des quatre thèmes prévus par l'article L. 3121-46 précité. Le renvoi au seul entretien annuel avec le supérieur hiérarchique n'est pas suffisant.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [H] bénéficiait d'une convention de forfait en jours et qu'à ce titre un entretien annuel destiné à s'assurer de sa charge de travail devait être organisé. Or, l'employeur ne justifie pas avoir organisé de tels entretiens, les comptes rendus d'entretien annuel d'appréciation n'étant pas suffisants.

Au regard de ces éléments, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé que la société F. Iniciativas avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, il convient dès lors d'allouer à Monsieur [H] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera infirmé s'agissant du quantum alloué.

Sur le licenciement

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

« Le 20 janvier 2014, vous ne vous êtes pas présenté sur votre poste de travail. Et de nouveau le 21 janvier 2014.

Vous n'avez pas daigné nous avertir de ces absences ni de leur durée prévisible.

Par courrier du 22 janvier 2014, nous vous avons mis en demeure de justifier de vos absences et de reprendre vos fonctions sans délai.

Vous n'avez pourtant apporté aucune réponse à ce courrier et n'avez fourni aucun justificatif à cette absence à votre retour ni lors de l'entretien préalable d'ailleurs.

Nous vous rappelons que conformément à l'article 42 de la convention collective, « dès que possible et au plus tard dans les 24 heures, le salarié doit avertir son employeur du motif de la durée probable de son absence. Cet avis est confirmé dans le délai maximal de 48 heures à compter du premier jour de l'indisponibilité, prévu par la législation de la sécurité sociale, au moyen d'un certificat médical délivré par le médecin traitant du salarié ».

Vous n'avez donc manifestement pas respecté vos obligations conventionnelles.

Votre absence inopinée et non justifiée a causé un grave préjudice à l'entreprise puisque nous n'avons pas été en mesure d'organiser la répartition du travail au sein de votre service.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. »

La société F. Iniciativas constate que le salarié ne conteste pas les absences qui lui sont reprochées et qu'il s'est dès lors placé en dehors de tout lien de subordination. Elle ajoute qu'une précédente absence avait déjà donné lieu à un rappel un mois auparavant, sans que Monsieur [H] ne modifie son comportement.

A l'appui de ces griefs, la société F. Iniciativas produit :

- le courriel adressé au salarié le 6 décembre 2014 dans lequel son supérieur s'inquiète de son absence et lui rappelle qu'il doit prévenir sa hiérarchie,

- la lettre recommandée adressée au salarié le 22 janvier 2014 le mettant en demeure de justifier de son absence et, à défaut, de reprendre son poste de travail.

Monsieur [H] ne conteste pas les absences qui lui sont reprochées mais fait valoir qu'il avait verbalement demandé à pouvoir bénéficier de deux jours de congé qui n'avaient pas été refusés par son employeur. Il ajoute qu'il avait régulièrement repris ses fonctions le 22 janvier 2014 et que la lettre de mise en demeure ne lui a été adressée que le 24 janvier, soit postérieurement à la lettre de convocation à l'entretien préalable.

Monsieur [H] constate que ces journées d'absence ont été comptabilisées comme des jours de congé par son employeur et, qu'en tout état de cause, ces seuls faits ne peuvent constituer une faute grave.

En l'espèce, Monsieur [H] ne produit aucun élément pour établir qu'il avait sollicité l'autorisation de son employeur pour deux journées de congé les 20 et 21 janvier 2014, à fortiori pour justifier avoir obtenu cette autorisation.

Une absence, même de courte durée, peut constituer un motif de licenciement si elle a sérieusement désorganisé le fonctionnement de l'entreprise. Or, outre qu'aucun élément ne justifie pas une désorganisation du fonctionnement de l'entreprise ou du service, la cour relève que l'employeur n'a pas sanctionné une première absence du salarié en décembre 2013.

Au surplus, la mise en demeure adressée au salarié afin qu'il justifie de son absence et reprenne son poste de travail, ce qu'il avait déjà fait, lui a été adressée postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement.

Dès lors, au regard de ces élément, et en l'absence de tout avertissement antérieur, les faits reprochés au salarié ne sont pas suffisamment sérieux pour justifier son licenciement. Le jugement sera par conséquent infirmé.

Sur les conséquences financières du licenciement

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé sur ce point et il sera alloué à Monsieur [H] la somme de 14.632,32 euros à ce titre, outre les congés afférents..

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

L'article 19 de la convention collective applicable prévoit que l'indemnité de licenciement est égale à un tiers de mois par année d'ancienneté.

Il convient donc d'accorder à Monsieur [H] la somme de 8.535,52 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

A la date du licenciement, Monsieur [H] percevait une rémunération mensuelle brute de 4.877,44 euros, avait 29 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 5 ans et 1 mois au sein de l'établissement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur [H], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du Code du travail, une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235 -4 du code du travail

Dans les cas prévus aux articles L. 1235 - 3 et L. 1235-11 du code du travail, l'article L. 1235- 4 fait obligation au juge d'ordonner, même d'office, le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Dans le cas d'espèce, une telle condamnation sera prononcée à l'encontre de l'employeur, pour les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

Sur les frais de procédure

L'équité commande de condamner la société F. Iniciativas à verser à Monsieur [H] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Comme elle succombe dans la présente instance, la société F. Iniciativas sera déboutée du chef de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société F. Iniciativas à verser à Monsieur [H] les sommes suivantes :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'entretien annuel sur la charge de travail,

- 14.632,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.463,23 euros au titre des congés afférents,

- 8.535,52 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l'arrêt et que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

Ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois.

Condamne la société F. Iniciativas à verser à Monsieur [H] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société F. Iniciativas de sa demande de ce chef,

Condamne la société F. Iniciativas aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/04718
Date de la décision : 19/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/04718 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-19;15.04718 ?
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