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18/10/2016 | FRANCE | N°15/04565

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 18 octobre 2016, 15/04565


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04565



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 mars 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section -section encadrement- RG n° F13/04244





APPELANT



Monsieur [S] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]
>comparant en personne, assisté de Me Pierre-François OZANNE, avocat au barreau de PARIS, E0506







INTIMÉE



SARLWORLD TRADE ET TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/04565

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 mars 2015 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section -section encadrement- RG n° F13/04244

APPELANT

Monsieur [S] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Pierre-François OZANNE, avocat au barreau de PARIS, E0506

INTIMÉE

SARLWORLD TRADE ET TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Clément RAINGEARD, avocat au barreau de VERSAILLES, C 31

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 avril 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Bruno BLANC, Président

Madame Roselyne GAUTIER, Conseillère

Madame Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, président, et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 4 février 1998, Monsieur [S] [U], né le [Date naissance 1] 1967, a été engagé par la SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES, qui emploie plus de 11 salariés, par contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable logistique, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 029,22 euros, aux conditions générales de la convention collective nationale du commerce de gros.

Le 24 juillet 2013, Monsieur [S] [U] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en résiliation de son contrat de travail.

Le 7 octobre 2013, le salarié s'est vu notifié un avertissement.

Le 30 décembre 2013, Monsieur [S] [U] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 14 janvier 2014 et le 24 janvier 2014, il a été licencié pour faute lourde. Il lui est reproché :'

«'Nous rencontrons depuis de nombreux mois maintenant de grandes difficultés avec

vous dans la réalisation de vos fonctions et, surtout, en termes d'état d'esprit, déplorons les nuisances que vous générez volontairement au sein de l'entreprise.

Ainsi, le 7 octobre dernier, nous avons même dû vous adresser un avertissement en raison de votre insubordination et du discours particulièrement infamant que vous teniez à vos subordonnés à l'encontre de la direction de la société.

Malgré cet avertissement, vous avez persisté dans ce comportement révélant une manifeste intention de porter atteinte aux intérêts de l'entreprise :

' Le lundi 4 novembre 2013 nous devions réceptionner, pour une mise sur le marché dès le lendemain, le jeu CALL OF DUTY GHOST.

Vous n'êtes pas sans savoir que cette licence est la plus grosse licence annuelle depuis quelques années maintenant (elle aura été, exceptionnellement, détrônée cette année par GTA V).

Dans un tel contexte, nous avons pour usage de fixer un rendez-vous de réception de ce titre très tôt dans la journée afin de nous permettre de faire face au surcroit de travail que nous avons ce jour précis, comme tous les jours de "grosse sortie".

Madame [X], assumant généralement le rôle d'interface avec nos fournisseurs, vous avait donc proposé le rendez-vous suggéré par le fournisseur, à savoir 6H30 le 4 novembre 2013, comme c'est généralement le cas pour les sorties de gros titres pour lesquels la demande est forte.

Vous lui avez alors indiqué que 8h30 serait suffisant et demandé de modifier ce rendez-vous en conséquence.

Monsieur [R], conscient de l'incapacité dans laquelle nous nous trouverions à remplir nos obligations vis-à-vis de nos clients avec un tel horaire a demandé à Madame [X] de maintenir l'horaire de rendez-vous de 6H30 puis nous a fait part de cet échange.

Compte tenu de votre état d'esprit ces derniers mois, (absence de communication avec l'équipe animatrice, caractère fermé et très arrêté sur certains sujets, absence d'écoute, opposition systématique) nous avons pris nos dispositions afin d'être présents le 4 Novembre au matin à partir de 6H00 afin de parer à toute éventualité fâcheuse.

Messieurs [T] et [M] sont arrivés à 9H10 et 9H25 dans la mesure où vous

n'aviez pas jugé utile de les informer de l'heure de livraison des produits malgré le

caractère exceptionnel et l'importance cruciale de cette journée pour l'entreprise.

Monsieur [B] était quant à lui en arrêt maladie et ne nous en a informés qu'à 11H18.

Quant à vous, dans la même situation, vous ne nous avez informés qu'à 12H09 en

dépit de l'importance de cette journée et alors même que vous n'étiez pas informé

que nous avions pris nos dispositions pour être présents sur site dès 6H00.

Ainsi, si nous n'avions pas envisagé votre comportement attentatoire aux intérêts de

l'entreprise, personne n'aurait été présent pour réceptionner cette livraison d'une

importance stratégique et économique vitale pour l'entreprise et nous n'aurions pu

honorer nos engagements à l'égard de nos clients.

Un tel comportement révèle, à l'occasion d'une journée représentant à elle seule environ 5% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise une manifeste intention de nuire à l'entreprise qui ne peut être tolérée plus avant.

' Vous vous obstinez à « omettre » de coller les Bons de Livraison de nos marchandises sur l'extérieur des colis envoyés.

Notre clientèle de grandes surfaces refuse souvent les colis dans un tel cas de figure occasionnant des retours et générant ainsi pour l'entreprise d'importantes difficultés de stocks, des frais de transports indus, des frais de manutention et des frais de stockage...

Vous persistez malgré tout dans cette méthodologie néfaste pour l'entreprise.

' Vous avez notamment pour mission de gérer et de suivre les retours de marchandises refusées par nos clients.

Or votre comportement visé supra a généré une importante augmentation des retours de colis refusés.

Ainsi, lesdits colis doivent être retraités afin de pouvoir remettre les marchandises en stock et de pouvoir les commercialiser à nouveau.

Or, depuis septembre 2013, vous avez purement et simplement cessé de traiter ces retours.

' Vous avez notamment pour mission de participer à la gestion des litiges clients dus aux préparations de commandes.

Or, depuis quelques mois, vous laissez la plupart des dossiers en suspens, refusant de donner suite aux questions posées par Madame [L] dans le suivi des fiches logistiques ouvertes pas ses soins.

Il existe à ce jour, 64 feuilles Excel de litiges ouverts dans le répertoire « Litiges en cours » qui concernent des litiges ayant eu lieu entre les mois de mai et de décembre 2013 et qui ne sont pas traités par vous.

Ainsi, et pour exemples :

le litige de quantités reçues par le client Leader Price datant du mois de juillet 2013 sur lequel vous n'avez d'abord rien fait puis vous avez tenu des propos surprenants.

Client CLEADR77 F13070324 du 19/07/2013 :

Sur ce dossier, vous avez été informé par mail par Madame [L], le 19 juillet 2013 que le client n'avait pas reçu la totalité des produits mentionnés sur le Bon de Livraison. Vous avez été relancé par Madame [C] oralement au cours des mois de Juillet et de Septembre, puis de nouveau par mail par Madame [C] le 24 octobre suite à mon intervention, puis une nouvelle fois par Madame [L] qui vous renvoyait la fiche de litige le 28 octobre 2013. Vous avez finalement répondu à Madame [C] que « si le client dit ne pas avoir reçu ces produits alors il faut les lui rembourser ». Dans le même temps, vous avez indiqué à Madame [L] « qu'étant hors délai, le client ne pouvait pas prétendre à obtenir un quelconque avoir de nos services » !!

- le litige de livraison de casques avec la Fnac (Client CSODEP91, F13110460) du 15/11/2013.

Sur ce litige relatif à une expédition du 6 novembre, nous avons été informés de l'écart de réception par le client le 12 novembre et cette information vous a été transmise le 15 novembre par Madame [L].

A ce jour, aucune action, ni de recherche dans nos stocks, ni de compréhension de ce qui pourrait s'être produit, n'a été réalisée sur ces produits. La qualité du service rendu à nos clients s'en trouve fortement impactée.

' Il en va de même dans le cadre des litiges fournisseurs pour lesquels certains dossiers sont sans réponse de votre part depuis plus de trois mois de sorte que nous ne pouvons régler les fournisseurs et ne leur apportons aucune explication ce qui affecte nos relations commerciales avec ces derniers.

Sur ce point, et pour exemple, les produits défectueux de notre fournisseur Accessories 4 Technologies.

Fin Août 2013, nous recevions des oreillettes Bluetooth. Sur l'ensemble des marchandises reçues un lot était composé de pièces défectueuses. Il nous a fallu un certain temps et une négociation sérieuse afin d'obtenir l'accord de retour des pièces défectueuses auprès du fournisseur, qui est intervenu autour de la fin du mois d'octobre.

Mais lorsque, le 29 octobre, le fournisseur réclamait les dimensions de la palette à lui retourner afin de pouvoir envoyer son transporteur récupérer cette marchandise, Madame [X] n'a pas été en mesure de lui communiquer cette information faute de retour d'information de votre part.

Le 9 décembre, vous n'aviez toujours pas réglé la question et les marchandises étaient toujours en stock sans pouvoir obtenir l'avoir dû !

' Nous avons pu déplorer ces derniers temps que des commandes de la grande distribution soient restées pendant une semaine complète en Préparation de Livraison dénotant ainsi soit une absence de suivi soit une véritable intention de faire échec à ces partenariats.

Ainsi et pour exemple, le 29/10/2013, Monsieur [R] nous informait que, malgré l'urgence de livraison pour les clients, une dizaine de commandes en statut de « Préparation de livraison » n'étaient pas traitées depuis plus d'une semaine.

Lors de sa relance, vous lui avez indiqué que c'était exact, que vous n'aviez pas eu le temps !

Vous n'avez pas fait part de ce retard ni de la moindre difficulté d'organisation.

Vous n'avez même pas jugé utile d'informer l'équipe commerciale afin de prévenir les clients qui attendaient cette marchandise.

Vous n'avez pas sollicité d'aide.

Pourtant, vous avez volontairement choisi de ne pas donner suite à ces commandes dans nos délais habituels de sorte que nous n'avons pas honoré nos engagements.

Ce comportement génère pour nos clients ainsi que pour nous un manque à gagner considérable et produit un déficit d'image qui nuit au développement des relations commerciales pour l'entreprise.

' La responsabilité de l'affectation de produits est attribuée au service commercial qui doit s'assurer que la répartition des produits entre nos clients est conforme à notre politique et aux enjeux concurrentiels auxquels nous sommes confrontés.

Votre mission consiste ensuite à expédier les produits en fonction de ces répartitions déjà définies par le service commercial.

Or, lors du lancement de la XBOX ONE, le 22 novembre 2013, nous savions que nos allocations de consoles communiquées par MICROSOFT ne nous permettraient pas de satisfaire l'ensemble de la demande de nos clients. Dès lors il était impératif de faire une répartition des quantités disponibles en fonction de nos stratégies commerciales.

Il s'agissait pour nous de travailler à contenter le maximum de clients en leur fournissant quelques pièces sur leurs commandes de façon à les servir pour que chaque client puisse disposer de consoles dans ses points de vente et à les faire patienter jusqu'aux livraisons suivantes comme nous l'avons toujours fait dans pareil cas.

Cette tâche avait été réalisée par Monsieur [R]. Mais une fois ce travail long et délicat accompli par votre collègue, vous l'avez purement et simplement supprimé sans aucune concertation, obligeant ce dernier à réitérer cette tâche et générant

pour l'entreprise une perte de temps et d'efficacité totalement injustifiées.

' Depuis la mi-septembre, sans aucun discours ni explication ni concertation d'aucune sorte, vous avez modifié les processus de gestion. Vous avez ainsi cessé unilatéralement de transformer les Bons de commandes de certains clients de la Grande Distribution, tels que la FNAC, CASINO ou encore CARREFOUR en Bons de Livraison pour pouvoir expédier ces marchandises alors que vous assuriez jusque-là ce suivi de façon constante et régulière.

Cette situation a entrainé un retard substantiel dans la gestion et l'envoi de ces commandes et ce malgré « l'intervention » de monsieur [Y] afin de pallier cette « carence ».

C'est dans ce cadre que le « dossier GAMESTOP Espagne » s'insère.

En effet, les 15 et 21 novembre dernier, Monsieur [V] [I] vous demandait de procéder à l'expédition d'une commande à l'attention d'un nouveau client espagnol, la société GAMESTOP.

Il s'agit d'un prospect à l'enjeu stratégique crucial dans la mesure où les volumes potentiels sont considérables.

Malgré cela, le 9 décembre 2013, cette commande n'était toujours pas expédiée !!

' Durant les 15 derniers jours de décembre, nous avons découvert que, depuis 2012, 200 consoles de jeu avaient disparu de nos stocks.

Un tel volume sur des produits de petite taille et de forte valeur n'est pas anodin et vous ne pouviez donc ignorer l'existence de cette problématique.

Pourtant, vous ne nous en avez pas avertis, vous n'avez pas donné suite aux relances de notre commissaire aux comptes quant à la communication des feuilles de comptage des inventaires des stocks dont vous avez pourtant la responsabilité et, pire, vous avez effectué les rectifications informatiques de stocks correspondant à ces « disparitions » sans nous en informer et sans justification de ces écarts.

Il s'agit notamment et de façon non exhaustive des articles suivants :

- Console PS VITA WIFI NOIRE : 20VNOWI2

Ce produit a fait l'objet d'un document de sortie de stock en date du 03/09/2012 numéroté MSS12024 pour une quantité de 80 pièces !

Manquant : 80 pièces.

- CONSOLE PS VITA WIFI + COD BO DECLASSIFIED VOUCH + MEMO 4GO - PS VITA : 20VWC022

200 exemplaires de cet article ont été acquis en novembre 2012 et 150 pièces ont été revendues entre Novembre 2012 et février 2013. Courant Mars 2013, 50 pièces ont été constatées comme manquantes sur notre système informatique.

Manquant : 50 pièces.

- CONSOLE PS VITA WIFI + ALLSTARS BATTLE ROYALE + MEMORY 4GO - PS VITA : 20VWABR2

200 exemplaires de cet article ont également été acquis en novembre 2012 et 65 pièces en ont été vendues jusque fin décembre 2013. Monsieur [Y], devant faire un déclaratif auprès de notre fournisseur, vous a interrogé sur les quantités disponibles en nos stocks. Vous lui avez répondu par mail du 26 décembre 2013, que nous disposions de 102 pièces au lieu de 135. Un contrôle physique supplémentaire effectué, d'abord par lui-même puis par vous, laissait apparaître une quantité physique de 92 pièces.

Manquant : 43 pièces.

- Nous avons par ailleurs pu constater des manquants sur une cinquantaine d'autres consoles.

Vous ne nous avez fourni aucune explication de nature à justifier les faits qui vous sont reprochés.

Compte tenu de votre ancienneté et de votre expérience, nous ne pouvons analyser ces faits que comme des malveillances volontaires à rencontre de l'entreprise.

Par ces agissements d'une gravité exceptionnelle, vous avez volontairement tenté de nuire à l'entreprise.

Nous considérons donc que ces faits constituent une faute lourde rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise'».

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [S] [U] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny le 26 mars 2015 qui':

- l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire ;

- a requalifié le licenciement pour faute lourde en licenciement pour faute grave ;

- a condamné la société WORLD TRADE et TECHNOLOGIES à lui verser les sommes suivantes :

* 2 595,84 euros à titre de rappels de congés payés avec intérêt au taux légal à compter du 3 avril 2014, date de l'audience devant le bureau de conciliation ;

* 3 500 euros au titre de son préjudice moral ;

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- a condamné la SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 12 avril 2016 au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [S] [U] demande à la cour de :

à titre principal,

- réformer le jugement du 26 mars 2015 ;

- dire que, depuis le mois de juillet 2010 jusqu'au mois de juillet 2013, il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées et non inscrites dans ses bulletins de paie par la société WTT ;

- condamner la société WTT à lui payer les sommes de 71.158 €

* 71.158 € correspondant aux heures supplémentaires non rémunérées ;

* 49.800 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 24.900 € correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L. 8223-1 du Code du travail ;

* 12.450 € correspondant à l'indemnité de préavis de trois mois ;

* 1.245 € correspondant aux congés payés sur préavis ;

* 2.595,84 € correspondant aux 16,64 jours de congés payés qu'il avait acquis au jour de son licenciement et qui ne lui ont pas été payés ;

à titre subsidiaire,

- dire que le licenciement pour faute lourde dont il a fait l'objet est dénué de toute faute lourde et de toute cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société WTT à lui payer les sommes suivantes : * 18.260 € au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement ;

* 12.450 € correspondant à son indemnité de préavis de trois mois ;

* 1.245 € correspondant à ses congés payés sur préavis ;

*3.239,93 € correspondant au salaire qui lui a été retenu du fait de la mise à pied disciplinaire ; * 49.800 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du licenciement brutal et vexatoire ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société WTT à lui payer la somme de 3.500 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice de ne pas avoir pu profiter d'une formation dispensée par Pôle Emploi ;

en toute hypothèse : - condamner la société WTT à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du CPC en laissant à la société WTT la charge des entiers dépens.

Vu les conclusions du 12 avril 2016 au soutien de ses observations orales par lesquelles la société WORLD TRADE et TECHNOLOGIES demande à la cour de :

- débouter Monsieur [S] [U] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- débouter Monsieur [S] [U] de sa demande de rappel de salaires pour non paiement d'heures supplémentaires ;

- débouter Monsieur [S] [U] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ;

- dire que le licenciement repose sur une faute lourde ;

à titre subsidiaire : - dire que le licenciement repose sur une faute grave ;

en conséquence :

- débouter Monsieur [S] [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Monsieur [S] [U] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du de procédure civile ;

- condamner Monsieur [S] [U] aux entiers dépens.

SUR CE

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Monsieur [S] [U] expose que depuis son embauche, la société s'est considérablement développée, qu'étant au départ, le seul salarié chargé de la gestion de la logistique, il a ensuite dirigé une équipe de trois personnes. Il travaillait de 8h30 à 19h30 avec 1h30 pour le déjeuner. Il effectuait donc de nombreuses heures supplémentaires et travaillait parfois le dimanche. Il précise que les heures supplémentaires ne lui ont été réglées qu'une seule fois, en janvier 2008, sous forme d'une «'régularisation'» de 56 heures supplémentaires et qu'ensuite, il a bénéficié de « primes exceptionnelles'».

La SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES fait valoir que son activité étant cyclique, le salarié ne peut prétendre avoir continuellement effectué des heures supplémentaires. Celles-ci ne lui ont été demandées qu'à certaines périodes, très précises, correspondant à des sorties de nouveaux jeux. Les heures supplémentaires réalisées ayant été normalement rémunérées, en particulier en janvier 2008, en septembre et décembre 2013.

Il résulte du contrat de travail que les horaires sont fixés de la manière suivante : du lundi au jeudi de 9 heures à 13 heures et de 14h à 18h et le vendredi de 9 h à 13 h et de 14h à17 heures. La durée du travail est donc de 39 heures par semaine.

L'article 3 de ce contrat portant sur la rémunération est ainsi rédigé «'...Un salaire mensuel fixé à 11 000 francs brut rémunérant globalement les heures normales et les heures supplémentaires, majorations correspondantes incluses, que vous pourriez être appelé à effectuer en cas de nécessité de service'».

Il ressort des bulletins de salaire examinés par la cour que Monsieur [S] [U] était rémunéré pour 151,67 heures mensuelles alors qu'il résulte des horaires de travail mentionnés dans son contrat de travail qu'il devait effectuer 39 heures par semaine. Les attestations des salariés travaillant au service logistique confirment les horaires effectués par Monsieur [S] [U], ainsi Monsieur [B] indique :'«'... [S] [U] arrivait vers 8h30 (Après 2012 il a commencé à arriver plus tard entre 9h 9h30 le matin) Je quittais mon travail en milieu ou fin d'après-midi. C'est lui qui fermait le dépôt en fonction de l'activité et des ramassages des camions entre 18h et 19h30... ».

Monsieur [S] [U] a réclamé le paiement des heures supplémentaires à son employeur par les courriels des 1er juin 2012 (pour 30 heures supplémentaires effectuées en mai 2012), 31 août 2012 (pour 25 heures en juin 2012), 17 octobre 2012 (pour 25 heures en septembre 2012) et 21 novembre 2012 (pour 80 heures en octobre 2012) adressés à Madame [I] [E], comptable de la société.

L'employeur, qui était informé de cette demande par celle-ci, comme le confirme l'attestation qu'elle a rédigée, ne justifie pas y avoir répondu, ni contesté l'existence des heures supplémentaires dont le paiement lui était ainsi demandé. La prime exceptionnelle, qui figure sur les bulletins de salaire, ne peut en aucun cas compenser le règlement d'heures supplémentaires.

Il est, en outre, constaté par la cour que c'est seulement après la saisine du conseil de prud'hommes le 25 juillet 2013, qu'est apparu sur les bulletins de salaire postérieurs, le règlement d'heures supplémentaires au salarié ( pour les mois de septembre et décembre 2013) dont il se déduit, sans que puisse être valablement objecté par l'employeur que des heures supplémentaires n'auraient été effectuées qu'à la sortie de certains jeux particuliers, alors même que la livraison de jeux vidéo constituait l'activité même de l'entreprise, l'existence certaine de l'accomplissement régulier par Monsieur [S] [U] d'heures supplémentaires, dont l'employeur avait nécessairement connaissance, qui ne lui ont pas été réglées, sans que la SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES n'apporte la preuve contraire.

Au regard de l'ensemble des éléments ci-dessus et des pièces versées aux débats, il convient, eu égard au taux de majoration légal et à la variation du taux horaire, de fixer le montant de la somme due à Monsieur [S] [U] à ce titre à 35 000 euros, outre les congés payés afférents de 3 500 euros.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

Il résulte de ce qui précède et en particulier de l'article 3 du contrat de travail de Monsieur [S] [U] que l'employeur, en omettant de préciser le mode de détermination des heures supplémentaires, alors même qu'il reconnaissait que le salarié pourrait être amené à réaliser de telles heures, sans qu'elles figurent sur le bulletin de salaire correspondant, l'employeur a intentionnellement manqué à son obligation de sorte que la cour considère que l'indemnité prévue à l'article L.8223-1 du code du travail doit être versée au salarié à hauteur de 24 900 euros

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

En l'espèce, Monsieur [S] [U] appuie sa demande de résiliation sur le non paiement des heures supplémentaires malgré les demandes faites à son employeur tant par les courriels sus mentionnés que par une mise en demeure en date du 8 juillet 2013, restée sans réponse.

La cour ayant considéré que le salarié avait bien effectué de nombreuses heures supplémentaires, sans que celles-ci ne soient payées par l'employeur, ce manquement de la SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES est d'une gravité suffisante, au regard de l'importance et de la durée de l'abstention de paiement de ces heures, pour empêcher la poursuite du contrat de travail. La résiliation du contrat de travail sera donc prononcée aux torts de l'employeur et en conséquence produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement. En l'espèce, le salarié ayant fait l'objet d'un licenciement le 24 janvier 2014, il y a donc lieu de fixer à cette date la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [S] [U].

Sur les conséquences financières de la rupture

Sur l'indemnité au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

A la date de la rupture Monsieur [S] [U] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 4 150 euros, avait 47 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 16 ans au sein de l'entreprise. Il n'est pas contesté qu'il n'a pu retrouver rapidement d'emploi et a dû solliciter le bénéfice d'allocations de chômage. Il convient d'évaluer à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité allouée en application de l'article'L.1235-3 du code du travail.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Monsieur [S] [U] n' a pas perçu l'indemnité de préavis à laquelle il a droit, il convient de lui allouer à ce titre la somme de 12 450 euros correspondant à trois mois de salaire, outre 1245 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés non versée

L'employeur qui avait licencié le salarié pour faute lourde ne lui avait pas payé les congés acquis à la date de licenciement, la cour ayant fait droit à la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, il y a lieu de rétablir le salarié dans ses droits à ce titre en lui allouant la somme de 2 594,84 euros.

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait droit à la demande du salarié en application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

Il y a lieu de dire que l'employeur conservera à sa charge ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

DÉCLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement entrepris ;

et statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation du contrat de travail de Monsieur [S] [U] aux torts de l'employeur à compter du 24 janvier 2014 ;

CONDAMNE la SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES à payer à Monsieur [S] [U] les sommes suivantes :

* 35 000 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées de juillet 2010 à juin 2013 ;

* 3 500 euros au titre des congés payés afférents ;

* 24 900 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 12 450 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 1245 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 594,84 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés acquis à la date de la rupture du contrat de travail ;

* 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SARL WORLD TRADE et TECHNOLOGIES aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/04565
Date de la décision : 18/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/04565 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-18;15.04565 ?
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