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18/10/2016 | FRANCE | N°14/06435

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 18 octobre 2016, 14/06435


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 18 Octobre 2016

(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06435



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section industrie RG n° F 11/01256





APPELANT



Monsieur [S] [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Annie GULMEZ, avocat au

barreau de MEAUX substitué par Me Natacha SANZ, avocat au barreau de MEAUX







INTIMEE



SAS MOULIN DECOLLOGNE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas LEGER, avocat au...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 18 Octobre 2016

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/06435

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX section industrie RG n° F 11/01256

APPELANT

Monsieur [S] [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX substitué par Me Natacha SANZ, avocat au barreau de MEAUX

INTIMEE

SAS MOULIN DECOLLOGNE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas LEGER, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER-FALCK, Conseillère

Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile et prorogé à ce jour.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La Cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté le10 juin 2014 par Monsieur [S] [B] à l'encontre du jugement du Conseil des Prud'hommes de Meaux, section Industrie , rendu le 14 mai 2014 qui a :

-Dit que le licenciement pour motif économique de Monsieur [S] [B] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

-Condamné la SAS MOULIN DECOLLOGNE à payer à Monsieur [S] [B] les sommes suivantes :

*3 828.89 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

* 700.00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure

*les dépens y compris le coût du timbre fiscal à hauteur de 30 €

-rejeté les surplus des demandes

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

La SAS MOULIN DECOLLOGNE est une filiale du pôle d'activités meunerie du groupe SCA DIJON CÉRÉALES .

Monsieur [B] né le [Date naissance 1] 1973 a été embauché par la SAS MOULIN DECOLLOGNE (16 salariés), le 5 janvier 1998 en qualité de manutentionnaire puis il est devenu responsable de production en 2007 (statut agent de maîtrise - coefficient 250), moyennant une rémunération mensuelle brute de 3.828,89 €.

La convention collective applicable est celle de la Meunerie,

La SCA Dijon Céréales dans le cadre d'une restructuration de ses sociétés de meunerie a souhaité se concentrer sur les activités de farine sur meule de pierre et de farine biologique en transférant une partie de son personnel du site de [Localité 1] vers le site d'[Localité 2] distant de 371 kilomètres.

Elle a proposé à Monsieur [B] une modification de son contrat de travail qu'il refusée en raison de l'éloignement géographique.

Monsieur [B] a donc été convoqué le 12 août 2011 à un entretien préalable qui s'est déroulé le 6 septembre 2011.

La lettre de licenciement lui a été notifiée 2 jours après l'entretien le 8 septembre 2011.

C'est dans ce contexte que Monsieur [B] a saisi le Conseil e Prud'hommes le 3 novembre 2011 .

Il demande à la Cour d'infirmer le jugement et de :

-Constater le non-respect de l'obligation de reclassement,

-Constater la non-consultation des délégués du personnel sur le licenciement de Monsieur [B];

-Constater la violation de la procédure de licenciement pour motif économique;

-Constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique;

-Juger que le licenciement pour motif économique ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse;

-Juger que la procédure de licenciement pour motif économique n'a pas été respectée;

-Condamner la Société MOULIN DECOLLOGNE au paiement des sommes suivantes :

*137.840,04 € (36 mois) au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*3,828,89 € pour non-respect de la procédure de licenciement ;

*7 657.78€ (deux mois de salaire) pour la non-consultation des délégués du personnel sur le projet de licenciement, ;

*7 657.78C (deux mois de salaire) pour l'absence de critères d'ordre ;

*3.828,89 € pour le non- respect de l'obligation de reclassement ;

*7 658 € (2 mois) pour non-respect de la priorité de réembauchage ;

*337,32 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 100 € par jour et par document,

-Condamner la société MOULIN DECOLLOGNE au versement de la somme de 3.000 € au titre de l'art. 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts (article 1154 du code civil).

La SAS MOULIN DECOLLOGNE conclut à la confirmation du jugement ,au débouté de Monsieur [B] de l'intégralité des demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les parties entendues en leurs plaidoiries 6 juin 2016, la Cour leur a proposé de procéder par voie de médiation et leur a demandé de faire connaître leur accord éventuel sous quinzaine. Aucun accord n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats ;

SUR CE

Sur la non consultation des délégués du personnel

En cas de licenciement collectif pour motif économique de moins de 10 salariés et dans les entreprises comptant moins de 50 salariés, l'employeur doit consulter les délégués du personnel, notamment sur les catégories professionnelles touchées par la suppression de poste, les raisons économiques, les critères proposés pour l'ordre des licenciements ... ( Article L 1233-8 et L 1233-10 du Code du Travail).

Or en l'espèce , au vu des pièces produites notamment, le document intitulé 'réunion du personnel 1 er avril 2011,Renseignements utiles sur un projet de restructuration ayant des conséquences sur l'emploi. Projet de licenciement collectif pour motif économique. Document d'information des élus du personnel en vue de leur consultation ', le courrier du 20 avril 2011 adressé par l'employeur qui fait référence à cette réunion à laquelle Monsieur [B] avait été convié à la demande du délégué du personnel , l'employeur justifie avoir respecté les dispositions légales sur la consultation des délégués du personnel, y compris sur la situation de Monsieur [B] , l'absence de procès verbal étant due au décès du délégué du personnel .

La Cour par substitution de motifs confirme donc le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef .

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de critères d'ordre de licenciement

Il s'agit d'une demande nouvelle.

Au vu du document d'information des élus du personnel ,l'employeur a respecté son obligation relative à l'élaboration des critères de licenciement et a expressément visé les salariés qui seraient licenciés du fait de leur refus d'accepter la modification de leur contrat de travail.

La demande de dommages et intérêts de ce chef est donc rejetée.

Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Si la réorganisation de l'entreprise et le choix des mesures qui l'accompagnent sont du domaine des pouvoirs de direction et de gestion de l'employeur, cette réorganisation ne constitue un motif économique que si la restructuration intervient pour sauvegarder sa compétitivité.

Selon l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible.

Aux termes de la lettre de licenciement du 8 septembre 2011 qui fixe les limites du litige l'employeur vise un licenciement économique et l'absence de solution de reclassement interne dans les termes suivants:

'(...) Pour commencer, nous rappellerons que,

-En raison du projet de suppression de votre emploi et du poste de travail que vous occupez actuellement,

-Et , dans l'attente de votre réponse (réponse écrite que nous vous avions demandé de bien vouloir nous adresser ou nous remettre au plus tard au cours de notre entretien du 6 septembre 2011) à nos dernières propositions de reclassement professionnel dans un autre emploi et à un autre poste de travail au sein des sociétés composant le groupe Dijon Céréales (groupe auquel appartient la société Moulin DECOLLOGNE),

Nous avons été contraints d'envisager la rupture de votre contrat de travail pour motif économique.

Comme vous le savez en effet, la branche meunerie du groupe Dijon Céréales, Dijon Céréales étant une société coopérative agricole de collecte de céréales (et d'approvisionnement) et la maison mère de ce groupe, et la branche meunerie étant composée des sociétés Dijon Céréales Meunerie et Moulin DECOLLOGNE, rencontre depuis nombre d'années des difficultés économiques récurrentes.

Ces difficultés ont conduit votre employeur, la société Moulin DECOLLOGNE, à mettre en 'uvre une procédure de restructuration.

Et, nous avons été au regret de vous confirmer la nécessité dans laquelle nous nous trouvions de procéder à votre licenciement pour motif économique du fait de la suppression de votre emploi et de votre poste de travail.

Cette procédure a trouvé sa première traduction dans l'entretien préalable auquel vous avez été convoqué régulièrement et qui s'est tenu hier.

Au sujet de cet entretien, nous remarquerons tout d'abord que, vous vous êtes présenté seul, en nous confirmant que vous n'aviez pas souhaité vous faire accompagner et assister, et par ailleurs, en réponse à notre demande, vous avez confirmé que vous refusiez l'ensemble des emplois que nous vous avons dernièrement proposés à titre de possibilités de reclassement professionnel au sein du groupe Dijon Céréales, en nous précisant que vous n'aviez pas jugé utile, dans un tel cas, de nous communiquer votre décision de refus par écrit.

A propos de la procédure, nous avons également rappelé qu'elle a été initiée par

une consultation des institutions représentatives du personnel de l'entreprise et, que nous avions ainsi pu débattre avec les représentants du personnel, dans le cadre de la réunion du 1er avril 2011, réunion de consultation des délégués du personnel,

' du contexte général du secteur de la meunerie,

' de la situation économique de l'entreprise et de la branche meunerie du groupe Dijon Céréales,

' d'un projet de restructuration ayant des conséquences sur l'emploi au sein

de l'entreprise,

' d'un projet de suppression d'emplois, de licenciement économique et des critères pour établir l'ordre d'un tel licenciement,

' et des mesures sociales d'accompagnement de ces projets.

Ces premiers faits étant rappelés, et conformément à ce que nous vous avons annoncé hier, il nous est nécessaire, dans le cadre de la présente lettre, de reprendre, de façon synthétique, les éléments économiques qui nous ont conduits à envisager la restructuration économique de l'entreprise, la suppression de votre emploi et de votre poste de travail et, par voie de conséquence, votre licenciement pour motif économique.

Nous exposons donc ces éléments de la manière suivante.

Comme nous l'avons déjà évoqué, la branche meunerie du groupe Dijon Céréales rencontre depuis nombre d'années des difficultés économiques récurrentes.

Le secteur de la meunerie française est soumis depuis de nombreuses années à des tensions très significatives.

La branche meunerie du groupe Dijon Céréales subit de fortes pressions concurrentielles qui ne cessent de s'intensifier du fait des concentrations et regroupement d'unités de production en FRANCE.

Elle a été lourdement touchée par la crise économique dans un contexte de très forte pression concurrentielle.

Elle subit en outre, comme tous ses confrères d'ailleurs, les spéculations sur le blé (notamment le blé meunier) et une instabilité extrême de ses cours.

Le contexte d'approvisionnement de la meunerie demeure donc très tendu et volatile.

Malheureusement, la pression concurrentielle qui s'exerce, notamment sous l'influence des grands groupes, ne permet que très imparfaitement à la branche meunerie de répercuter les hausses de prix d'achat sur les prix de vente.

C'est la marge qui constitue pour l'essentiel la variable d'ajustement.

Force est donc de constater que la branche meunerie du groupe Dijon Céréales, fragilisée par les difficultés économiques qu'elle rencontre depuis plusieurs années, 'uvre sur un marché particulièrement difficile et ne parvient pas à restaurer l'équilibre de ses comptes.

Les mesures de restructuration successivement prises au sein de Dijon Céréales Meunerie n'ont pu que limiter l'importance des pertes sans jamais permettre à la branche meunerie de retrouver son niveau d'équilibre.

Ce secteur d'activité du groupe demeure donc en difficulté.

Dans ces circonstances, les budgets consolidés des exercices 2010/2011 et 2011/2012 seraient demeurés ou demeureront largement négatifs si aucune mesure n'avait été prise au cours de l'année 2011.

Au sein de la branche meunerie, ces nouvelles mesures, prises pour restaurer son équilibre économique, visent cette fois la société Moulin DECOLLOGNE.

Nous rappelons que, sur le plan juridique, la situation économique en vertu de laquelle se prennent les décisions de restructuration s'apprécie au seul niveau du secteur d'activité du groupe auquel une société appartient

Ainsi, toute mesure prise et affectant l'une des deux sociétés de la branche meunerie doit s'apprécier au regard de la situation de cette branche elle-même.

Il faut donc se référer à la situation économique à ce niveau :

Chiffres exprimés en €

Moulin DE COLLOGNE

Dijon

Céréales

Meunerie

Branche

Meunerie

(Total =)

Produit

d 'exploitation

2008

6 030 980

64 180 497

70 211 477

2009

6 591 850

56 880 137

63 471 987

2010

6 269 737

42 216 824

48 486 561

Résultat courant

avant impôt

2008

87 028

-1 278 805

-1 191 777

2009

222 579

-260 195

-37 616

2010

331 910

-1 042 761

-710 851

Le résultat courant avant impôt consolidé demeure donc structurellement déficitaire dans la branche meunerie du groupe Dijon Céréales et les perspectives de l'année 2011 demeurent particulièrement sombres.

En effet, le chiffre d'affaires de Dijon Céréales Meunerie (DCM) devrait encore être en repli, son résultat net demeurant déficitaire.

Selon les prévisions réalisées pour l'exercice 2010/2011, le résultat attendu pour la société Moulin DECOLLOGNEE ne suffira pas à compenser le résultat déficitaire de Dijon Céréales Meunerie.

La meunerie du groupe qui demeure prisonnière des cours du blé et qui subit la pression de la concurrence sur les prix de vente est dans l'incapacité matérielle de peser significativement sur ses taux de marge.

Pour 2011, malgré les mesures de restructuration mises en 'uvre en 2008 et 2010, la meunerie restera lourdement déficitaire au sein du groupe Dijon Céréales si aucune mesure n'était prise. Cette situation économique a donc rendu indispensable la mise en 'uvre de nouvelles mesures de restructuration.

-Confrontée dans sa filière à une problématique de rentabilité dont le niveau ne lui permet plus de faire face à ses charges d'exploitation,

-Sur un marché dont la tendance naturelle est à la baisse des volumes, la hausse des cours du blé associée à une pression concurrentielle exacerbée pesant lourdement sur la marge et par voie de conséquence sur les équilibres économiques,

La branche meunerie du groupe Dijon Céréales n'a pas les moyens de peser suffisamment lourdement sur le marché pour restaurer seule son niveau de rentabilité.

Il faut donc au sein de cette branche tenter de se renforcer sur un secteur susceptible de répondre à sa contrainte, en l'espèce en développant une production de farine à plus forte valeur ajoutée que la farine conventionnelle classique, en particulier la farine sur meules de pierre et la farine bio.

Aujourd'hui, l'activité meunerie du groupe s'articule autour de deux pôles :

' Dijon Céréales Meunerieie et ses moulins de [Localité 3] et de [Localité 4],

' Moulin DECOLLOGNE et son moulin de [Localité 1].

Dijon Céréales Meunerieie 'uvre principalement en farine traditionnelle écrasée sur cylindres.

Moulin DECOLLOGNEE, pour sa part, réussit, quoique insuffisamment, à compenser partiellement les pertes de Dijon Céréales Meunerie en intervenant sur un secteur, la production de farine sur meules de pierre et la production de farine « bio », dont la marge est supérieure.

La concurrence interdisant à la branche meunerie du groupe d'augmenter ses prix pour renforcer son niveau de marge, il lui est indispensable de réorienter sa production sur les secteurs à plus forte valeur ajoutée en développant l'activité de Moulin DECOLLOGNEE .

Moulin DECOLLOGNE a fait la démonstration que son modèle économique demeure rentable.

La branche meunerie se doit donc de réorienter sa production sur ces marchés à plus forte valeur ajoutée.

C'est l'objectif de la présente réorganisation.

Malheureusement, le site de [Localité 1]NE ne présente pas les caractéristiques permettant d'envisager un développement significatif de l'activité de Moulin DECOLLOGNE en sa configuration actuelle.

Les raisons sont nombreuses :

' Le bail qui lie la société Moulin DECOLLOGNEE arrive à échéance en juillet 2013. Rien ne garantit qu'il sera renouvelé au-delà.

' La configuration des locaux ne permet pas à l'entreprise d'assurer développement majeur qui lui permettra de tirer vers le point d'équilibre toute la filière meunerie du groupe. La configuration et la conception des locaux ne permettent pas la mise en 'uvre des installations requises.

' La configuration du site pose problème. Conformément à la réglementation des sites classés, l'administration (DRIRE) ne pourra que rejeter les demandes d'extension présentées par la direction de la société pour des raisons de sécurité. Elle estime que notre installation classée à risque est trop proche des zones habitées.

Le développement attendu portant pour l'essentiel sur le secteur «bio », Moulin DECOLLOGNE doit donc également mener sa réflexion en intégrant les problématiques d' approvisionnement.

L'entreprise doit en effet pouvoir prendre appui sur la politique de conversion aux cultures « bio » initiée par la coopérative céréalière Dijon Céréales auprès de ses adhérents.

En assurant des sources d'approvisionnement directes, Moulin DECOLLOGNEE sécurise ses achats.

Il lui faut donc nécessairement intégrer dans son organisation structurelle la localisation géographique foncière de ses sources d'approvisionnement.

Une proximité renforcée permet indiscutablement des économies de transport en approvisionnement, tout en maintenant constant les coûts de livraison.

En substance, la Direction est confrontée à la problématique suivante :

' La farine traditionnelle ne permet plus à la filière meunerie du groupe Dijon Céréales de parvenir à l'équilibre économique,

' Il est nécessaire de développer les secteurs à plus forte valeur ajoutée dont la farine « bio »,

' L'outil industriel de [Localité 1]NE ne permet pas au Moulin DECOLLOGNE de faire face au développement attendu de la farine' bio'.

Un changement de site de production est donc incontournable.

Ce nouveau site de production doit être situé auprès des sources d'approvisionnement, fédérées autour de la coopérative Dijon Céréales, pour une

large part en BOURGOGNE.

Un site a retenu l'attention de la direction de la société pour l'implantation d'un nouvel outil industriel dédié à la farine «bio» : le site d'[Localité 2], à 30 kilomètres de [Localité 5] en [Localité 6].

Ce moulin installé à la place de l'ancienne usine sucrière du groupe CRYSTAL UNION serait ainsi dédié à la fabrication de farines « bio » sur meules ou cylindres.

La mise en place de ce site de production permettra à la direction de répondre à ses impératifs de production tout en répondant à ses contraintes réglementaires dans le cadre desquelles il lui était impossible de s'agrandir à PRECY SUR MARNE du fait notamment du refus opposé par les autorités administratives au titre de la réglementation des installations classées.

Etant rappelé qu'il était prévu qu'une partie des effectifs devait demeurer sur place, c'est-à-dire à [Localité 1]NE, dans le cadre de la continuité de l'activité de farine conventionnelle sur meules de pierre et, que la réorganisation devrait s'accompagner également de la suppression de certains emplois de l'entreprise, la restructuration a débuté par la proposition de transfert d'une partie des personnels de [Localité 1] auprès de la nouvelle entité d'[Localité 2] à la date de mise en 'uvre du nouveau moulin.

Dans la mesure où vous faîtes partie de ces personnels à qui nous pouvions proposer un tel transfert, une proposition de modification de votre contrat de travail, afin que vous assuriez prochainement les fonctions de Responsable de production du site d'[Localité 2], vous a été adressée, que vous avez refusée par lettre datée du 19 mai 2011.

Ce refus nous a conduits, d'une part, à rechercher au sein de Moulin DECOLLOGNE et, des sociétés du groupe Dijon Céréales, les possibilités d'emplois qui pourraient vous être proposés à titre de reclassement professionnel et, d'autre part, à envisager votre licenciement pour motif économique dans le cadre de la suppression de l'emploi et du poste de travail que vous occupez.

Nous vous avons finalement adressé par courrier daté du 12 août 2011, d'une part, trois propositions de reclassement, en vous demandant de bien vouloir nous répondre par écrit au plus tard le 6 septembre 2011, date à laquelle, d'autre part, nous vous convoquions à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour motif économique.

Nous rappelons qu'au cours de cet entretien, vous avez déclaré que vous refusiez ces trois propositions et, qu'une déclaration écrite de ce refus était inutile.

Dans ce contexte, et pour rappel, compte tenu des difficultés économiques évoquées ci-avant, compte tenu de votre renonciation à toute autre possibilité de reclassement au sein de notre entreprise et, plus généralement, des entreprises composant le groupe Dijon Céréales, et enfin, compte tenu de la suppression de votre emploi et de votre poste de travail, nous n'avons aujourd'hui d'autre choix que de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique. (...).

Cette lettre énonce clairement que:

- les restructurations successives de Dijon Céréales Meunerie ayant échoué à enrayer les difficultés économiques rencontrées par la branche meunerie du groupe Dijon Céréales, il a été décidé pour restaurer l'équilibre économique de cette branche meunerie, d'augmenter la production de la farine ' bio,' spécialité de la Société Moulin DECOLLOGNE ;

-que le développement du secteur de la farine ' bio' impliquait nécessairement un changement du site de production ;

-que cette délocalisation sur un site plus grand et considéré plus adapté a entraîné des suppression de postes et la proposition de transfert d'une partie des personnels de [Localité 1] auprès de la nouvelle entité d'[Localité 2];

-le licenciement de Monsieur [B] est la conséquence de son refus d'accepter les modifications de son contrat de travail qui lui aurait permis d'assurer ses fonctions de Responsable de production du site d'[Localité 2].

La Cour constate cependant que:

-les affirmations, relatives aux difficultés économiques ne peuvent pas en l'absence de toute attestation d'un expert comptable être établies par la production des seules copies des bilans et comptes de résultats des années 2008 à 2010 visées par la lettre de licenciement ;

-à la lecture des copies des comptes de résultats ,toute l'activité meunerie est en réalité bénéficiaire en 2010;

-aucune des pièces produites ne permet de justifier et de vérifier en quoi la restructuration imposait la suppression du seul poste de responsable de production existant sur le site de [Localité 1] occupé par Monsieur [B] , étant observé que l'activité production a été maintenue sur le site de [Localité 1];

- par ailleurs, le 10 novembre 2011,soit juste après son licenciement , dans le cadre de la priorité de réembauchage il a été proposé à Monsieur [B] un contrat de travail à temps complet pour remplacer un salarié en arrêt maladie, dans ses seules fonctions de responsable de production sur le site de [Localité 1];

- cet emploi qui correspondait à celui qu'il exerçait avant son licenciement lui a été proposé à un salaire très inférieur ,et a motivé son refus;

Sous le bénéfice de ces constatations, la Cour considère que la réalité des motifs économiques évoqués par la lettre de licenciement n'est pas établie au regard des dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail et infirmant le jugement dit le licenciement de Monsieur [B] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences indemnitaires de la rupture

Monsieur [B] conteste le montant du salaire mensuel moyen retenu par l'employeur pour calculer l'indemnité de licenciement et réclame une somme complémentaire à ce titre.

Au vu des pièces produites c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le Conseil de Prud'homme relevant, que les primes et gratifications annuelles se calculaient au prorata temporis conformément à la Convention Collective de la Meunerie, et qu' en cas de maladie, le salarié bénéficiait du maintien de sa rémunération , a fixé le salaire mensuel moyen à la somme de 3832,94€ et en a déduit que Monsieur [S] [B] avait été intégralement rempli de ses droits au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Eu égard au montant du salaire mensuel moyen , de l' ancienneté du salarié mais en l'absence de touts justificatifs produits relativement à la situation du salarié postérieurement à son licenciement il lui sera alloué la somme de 23000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L1235 - 3 du code du travail .

Sur le non respect de l'obligation de reclassement

En l'absence de préjudice spécifique autre que celui déjà indemnisé du fait de l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , la demande de dommages et intérêts au titre du non respect de l'obligation de reclassement n'est pas fondée.

La Cour confirme donc, mais par substitution de motifs , le jugement .

Sur le non respect de la priorité de réembauche

Il résulte de l'article L.1233-45 du code du travail que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture de son contrat s'il en fait la demande dans ce même délai, que dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible compatible avec sa qualification, qu'en outre l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles et affiche la liste de ces postes et que le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.

Cette priorité de réembauche ne s'applique à l'employeur qu'à partir du moment où le salarié a demandé à en bénéficier donc en l'espèce à compter du 2 novembre 2011.

Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation soit parce qu'il a proposé des postes disponibles , soit parce qu'il a justifié de l'absence de tel poste.

En l'espèce l'employeur s'il justifie avoir proposé le poste de responsable d'exploitation le 10 novembre 2011 , ne verse les déclarations des mouvements du personnel que sur les mois de septembre à novembre 2011et ne permet donc pas à la Cour de vérifier le respect de l'obligation de réembauchage .

Par ailleurs l'employeur ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles il n'a pas proposé les postes de vendeur ou de magasinier pourvus en novembre 2011, ces postes étant manifestement compatibles avec les compétences de Monsieur [B].

Au vu de ces observations la Cour infirmant le jugement ,considère que l'employeur n'a pas respecté la priorité de réembauche, mais en l'absence de tous éléments d'évaluation, considère que le salarié a seulement subi un préjudice de principe qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité d'un montant de 100 € .

Sur les dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement

Le salarié ne peut réclamer, en plus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée sur le fondement de l'article L.1235-3, l'indemnité prévue à l'article L.1235-2 du code du travail, laquelle n'est due que lorsque le licenciement survient sans observation de la procédure de licenciement mais pour une cause réelle et sérieuse.

La Cour infirmant le jugement déboute donc Monsieur [B] de sa demande de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes est fondée sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte et il y est fait droit dans les termes du dispositif.

Sur les intérêts

Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

Il a lieu de faire droit à la demande de capitalisation dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil.

Sur le remboursement des sommes dues à Pôle Emploi

Le licenciement étant indemnisé en application de l'article L1235-3du code du travail , il convient d'ordonner d'office, sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail , le remboursement par l'employeur, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par Pôle Emploi, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois .

Au vu des circonstances de la cause, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence de 6 mois.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmés.

Il convient en sus , d'allouer la somme de 2000 € à Monsieur [B] en application de l'article 700 du Code de procédure Civile et de dire que la SAS MOULIN DECOLLOGNEE conservera à sa charge l'ensemble des dépens.

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel recevable ,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

-débouté Monsieur [S] [B] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la non consultation des délégués du personnel , du non respect des critères de licenciement et du non respect de l'obligation de reclassement ;

-débouté Monsieur [S] [B] de sa demande complémentaire au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;

-condamné la SAS MOULIN DECOLLOGNEE au paiement de la somme de 700.00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure et des dépens .

Infirme le jugement sur le surplus ,

Statuant à nouveau , et y ajoutant,

Dit le licenciement de Monsieur [S] [B] sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la SAS MOULIN DECOLLOGNEE à payer à Monsieur [S] [B] les sommes suivantes:

- 23000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L1235 - 3 du code du travail ;

- 100 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la priorité de réembauche ;

Dit que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil;

Condamne la SAS MOULIN DECOLLOGNEE à remettre à Monsieur [S] [B], dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes ;

Condamne la SAS MOULIN DECOLLOGNEE à payer à Monsieur [S] [B] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejette le surplus des demandes;

Condamne la SAS MOULIN DECOLLOGNEE à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage payées au salarié, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois ;

Condamne la SAS MOULIN DECOLLOGNEE à supporter les entiers les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 14/06435
Date de la décision : 18/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°14/06435 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-18;14.06435 ?
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