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12/10/2016 | FRANCE | N°15/02059

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 12 octobre 2016, 15/02059


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 Octobre 2016



(n° , 04 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02059



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/00469





APPELANT

Monsieur [W] [T]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]


représenté par Me Nicolas LE QUINTREC, avocat au barreau de PARIS, toque : R035





INTIMEE

ORDRE DES AVOCATS DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-luc HIRSCH, a...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 Octobre 2016

(n° , 04 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02059

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/00469

APPELANT

Monsieur [W] [T]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Nicolas LE QUINTREC, avocat au barreau de PARIS, toque : R035

INTIMEE

ORDRE DES AVOCATS DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-luc HIRSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : D1665

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2016

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [T] a été embauché par l'Ordre des avocats des Hauts de Seine par un contrat à durée indéterminée à effet du 23 mars 2007.

Un premier avertissement lui est donné le 6 avril 2009 à la suite d'erreurs dans l'exécution de son travail.

Par lettre du 24 juin 2010, il est mis en cause par Madame [L], placée sous sa subordination qui dénonce des « pressions, remarques désobligeantes, des propos dévalorisants ».

Des mesures sont mises en place, dont un « coaching en management » pour Monsieur [T] et la fermeture des portes entre leurs bureaux.

Dans une lettre du 24 août 2011, Madame [L] adresse une seconde plainte à Madame la Bâtonnière, [R] [K]. Une enquête est alors ouverte sur les allégations de harcèlement moral de la part de Monsieur [T].

Par une lettre du 16 février 2012, les conclusions du rapport d'enquête sont notifiées à Monsieur [T], le harcèlement moral est caractérisé.

Le 29 février 2012, Monsieur [T] est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement à la date du 13 mars 2012.

Le 20 mars 2012 Monsieur [T] est licencié pour cause réelle et sérieuse. Il conteste son licenciement par une lettre recommandée du 17 juillet 2012.

Monsieur [T] a alors saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris afin de faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'obtenir des dommages et intérêts.

Par un jugement du 8 décembre 2014, le Conseil de prud'homme de Paris a débouté Monsieur [T] de ses demandes.

Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision et demande à la Cour de :

- Juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner l'Ordre des avocats des Hauts de Seine à lui verser les sommes de :

- 188.000€ à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 30.000€ en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation,

- 6.518,20€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

- Ordonner le remboursement par l'Ordre des avocats des Hauts de Seine aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [T] suite à son licenciement dans la limite de six mois,

- Ordonner l'application des articles 1153 et 1154 du Code civil.

L'Ordre des avocats des Hauts de Seine demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris,

- Condamner Monsieur [T] à 3000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, aux conclusions respectives des parties déposées à l'audience, visées par le greffier et soutenues oralement.

SUR CE, LA COUR,

Sur le licenciement

En application des dispositions de l'article L. 1235 -1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties...si un doute subsiste, il profite au salarié.

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

La lettre de licenciement en date du 20 mars 2012 reproche à Monsieur [T] :

- un harcèlement moral à l'encontre de Madame [L], en se fondant notamment sur le rapport de l'enquête diligentée par Madame [I],

- des manquements caractérisés à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, avec notamment la mise en cause du Bâtonnier, l'atteinte à son autorité et le discrédit porté à sa personne,

- les conditions anormales et insatisfaisantes de l'exécution du contrat de travail, passant par une présence inférieure à 35 heures hebdomadaires et par de nombreuses absences en cours de journée.

Monsieur [T] soutient que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire relativement aux griefs cités dans la lettre de licenciement.

Toutefois, l'examen des termes de la lettre du 10 février 2012 montre que Madame la Bâtonnière a énuméré les dysfonctionnements, centrés sur l'organisation du travail et non pas sur les faits de harcèlement et a rappelé au salarié ses obligations professionnelles.

Cette lettre ne caractérisait pas une sanction disciplinaire.

Au surplus, il conteste la réalité des griefs qui lui sont reprochés.

Sur les griefs en lien avec la mise en cause de la bâtonnière, avec l'atteinte à son autorité et avec le discrédit porté à sa personne, sont communiqués un échange de courriels rédigés par M. [T] le 28 février 2012 et le témoignage de Mme [Z].

D'après le courriel du 28 février 2012, le salarié a interpellé Maître [K] en ces termes:« je vous indique que je suis toujours en attente des justificatifs de dépenses CB[...]que je vous ai réclamés le 17 février dernier [...] ».

Le 2 mars 2012, M. [T] a adressé un courriel à Messieurs [A] [V], [Q] [D] rédigé en ces termes « j'ai pensé que vous deviez être informés de la situation décrite ci-dessous » et a communiqué le courriel qu'il avait adressé à Madame la Bâtonnière le 28 février 2012 à propos de l'attente des justificatifs de dépenses.

Mme [T] [Z] dans son attestation explique qu'elle éprouvait des difficultés pour obtenir de M. [T] les tableaux de bord, que cette attitude trouva son paroxysme lors du conseil de l'ordre du début décembre 2011, que 'Madame la Bâtonnière non plus n'obtenait pas ces tableaux de bord et qu'elle n'avait pas accès à l'ordinateur de M. [T] et ce qui était encore plus grave, au coffre où étaient déposés les chèques et chéquiers des confrères'.

Plusieurs documents communiqués et notamment des courriels du salarié établissent que celui-ci multipliait les absences y compris en cours de journée ainsi que cela ressort du courriel du 28 février 2012 aux termes duquel il faisait état d'une urgence l'obligeant à partir.

Il sera relevé qu'aux termes du compte rendu de l'entretien du 13 mars 2012, Monsieur [T] a indiqué « qu'il est autonome dans son travail et se sent assez libre pour prendre des congés à sa convenance », ce qui corrobore la réalité d'une exécution anormale de ses obligations contractuelles par le salarié qui ne reconnaissait pas l'exercice par l'employeur de son pouvoir de direction et de contrôle, même s'il prenait soin d'informer l'employeur de ses absences mais ne sollicitait ni n'attendait un quelconque assentiment de sa part.

Par ailleurs, Madame [I], chargée de procéder à une enquête sur le harcèlement dénoncé par Mme [L], précise dans le rapport qu'elle a rédigé que Monsieur [T] « tient beaucoup à son titre », [...] est un homme et que le souci est peut-être là, car il a plus d'autorité », « il essaie de jouer son rôle de directeur qui est de diriger. Il ne veut pas jouer un second rôle. Dans toutes les entreprises, le directeur financier a le pouvoir. Il est grand temps que chacun reste à sa place et travaille ».

M. [Y] [Q] délégué du personnel suppléant de janvier 2010 à décembre 2013 atteste avoir reçu Madame [L] au sujet des difficultés qu'elle rencontre avec son supérieur hiérarchique M. [T]. Il précise qu'en dépit de l'intervention du bâtonnier, l'état de stress ressenti par Madame [L] s'est aggravé, qu'au retour des congés d'été de 2011, Madame [L] a craqué et déposé une plainte pour harcèlement moral.

Même si le moyen tiré de le prescription n'est pas opérant puisque l'employeur a mené une enquête avant de conclure à l'existence d'un harcèlement, la cour relève que les attestations produites en ce compris le témoignage de M. [Y] se limitent à reproduire les déclarations de la salariée quant aux comportements qu'elle reprochait à M. [T], sans rapporter aucun fait précis caractérisant des faits de harcèlement dont ils auraient été les témoins directs. Ces divers témoignages établissent l'état de stress de Mme [L]. Toutefois, l'imputabilité de cet état à un harcèlement de la part de M. [T] n'est pas rapportée.

Pour autant, au regard de l'ensemble des éléments communiqués et précédemment analysés, les comportements déplacés de M. [T] vis à vis de son employeur étaient de nature à porter atteinte à la position et à l'autorité de celui-ci, voire de nature à faire en sorte que des tiers puissent douter de sa capacité à exercer sa mission ainsi que les absences décidées sans attendre l'assentiment de son employeur, caractérisent tout à la fois une forme de désinvolture, de déloyauté et une volonté de s'affranchir de l'autorité de sa supérieure hiérarchique. Pris dans leur ensemble ces comportements sont nonobstant le fait que la cour a écarté le grief du harcèlement invoqué dans la lettre de licenciement sont constitutifs d'une violation par le salarié de ses obligations contractuelles caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Il n'est pas inéquitable de condamner Monsieur [T] à payer 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du Conseil des prud'hommes de Paris,

Déboute Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Monsieur [T] à verser à l'Ordre des avocats des Hauts de Seine 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 15/02059
Date de la décision : 12/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°15/02059 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-12;15.02059 ?
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