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12/10/2016 | FRANCE | N°13/11964

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 12 octobre 2016, 13/11964


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 12 Octobre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11964



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/09335







APPELANT

Monsieur [C] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né en [Date naissance 1] 1961 à [LocalitÃ

© 1]

comparant en personne, assisté de Me Michel SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551







INTIMEE

SAS VWR INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 12 Octobre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11964

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Décembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 10/09335

APPELANT

Monsieur [C] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né en [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Michel SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

INTIMEE

SAS VWR INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélie BERIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2237

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Août 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benoît DE CHARRY, Président de chambre

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente à la chambre

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Lynda BENBELKACEM, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur DE CHARRY, Président de chambre et par Madame Lynda BENBELKACEM, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [C] [J] a été embauché par la société Laboratoires Merck-Clevenot, aux droits de laquelle vient la SAS V.W.R., par contrat de travail à durée déterminée en date du 28 octobre 1988, prenant effet le 07 novembre 1988, en qualité de délégué technico-commercial attaché au département du matériel chromatographique, contrat prolongé par un contrat à durée indéterminée.

Par avenants contractuels successifs M. [J] a bénéficié de promotions au sein de la direction Marketing, il a notamment occupé les postes de manager UDM Chromatographie Instrumentation à partir de janvier 2002, de Directeur Instrumentation scientifique à compter du 01 mars 2004 et de Directeur des ventes Europe Instrumentation Scientifique après le 01 septembre 2004.

Dans le cadre d'une nouvelle réorganisation de la direction Marketing initiée au début 2010 M. [J] était nommé 'Directeur des Ventes de solutions chromatographie 'le 28 avril 2010.

Par lettre recommandée en date du 29 juin 2010 M. [J] contestait la modification de ses fonctions et la perte de responsabilités, ce que l'employeur réfutait par lettre recommandée datée du 06 juillet 2010.

Le 21septembre 2010, M. [J] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail, en paiement des indemnités de rupture et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par lettre remise en main propre le 20 septembre 2010 M. [J] était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 05 octobre 2010 avec mise à pied à titre conservatoire. Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 15 octobre 2010 la SAS V.W.R. lui notifiait son licenciement pour faute grave.

Par décision en date du 05 décembre 2013, le Conseil des Prud'hommes a débouté M. [J] de l'ensemble de ses demandes et la SAS V.W.R. de sa demande reconventionnelle.

Le 13 décembre 2013, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions transmises le 04 avril 2016, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, M. [J] conclut à la réformation du jugement entrepris.

Il demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et subsidiairement de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il forme dés lors les demandes en paiement des sommes suivantes à l'encontre de la SAS V.W.R. :

- 276 834 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 24 757,53 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 475,75 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 156 876 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 7 837,59 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire,

- 783,75 € au titre des congés payés afférents,

- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 27 juillet 2016 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SAS V.W.R. demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. [J] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

* Sur la résiliation du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour un motif survenu au cours de la poursuite du contrat le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée.

Le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit rapporter la preuve que l'employeur a commis des manquements graves à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

M. [J] reproche à son employeur d'avoir modifié unilatéralement son contrat de travail supprimant de fait son rôle de directeur des ventes pour lui confier une activité de responsable de supports à la vente consistant essentiellement à assumer un rôle de formateur auprès des vendeurs et des clients et à organiser des formations. Cette évolution de poste constituerait un véritable déclassement avec perte de responsabilités, ce d'autant plus qu'un échelon intermédiaire a été créé entre lui et son précédent supérieur hiérarchique. La société réfute ces affirmations faisant état d'une simple adaptation de ses fonctions dans le cadre d'une réorganisation générale sans modification du contrat de travail ou déclassement.

Les organigrammes produits et un courriel adressé par la direction de l'entreprise à tous les collaborateurs de la société VWR International Europe le 28 avril 2010 démontrent que jusqu'à cette date M. [J] était sous la subordination du Directeur de la division, dite 'Catégorie', Instrumentation Scientifique, M. [T], et se situait à un niveau N-3. A compter de la réorganisation intervenue fin avril 2010, trois Catégories de l'entreprise : les services techniques, Instrumentation scientifique et Applications, Equipements et Instrumentations, ont été fusionnées en une seule Catégorie dite 'Equipement scientifique et Services' sous la direction de M. [I], M. [N] devenant directeur de la chromatographie, et M. [J] , désormais sous la subordination de ce dernier, Directeur des Ventes de Solutions Chromatographie, soit à un niveau N-4 dans la hiérarchie après création d'un échelon intermédiaire, entre lui et le directeur de la Catégorie.

C'est à bon droit que le premier juge relève que la création d'un échelon intermédiaire dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise, a fortiori après le regroupement de trois

divisions, ne caractérise pas en lui même un déclassement et une modification du contrat de travail.

Il incombe donc à M. [J] de démontrer que ses responsabilités et ses attributions ont été modifiées unilatéralement par l'employeur dans le cadre de cette réorganisation.

M. [J] prétend qu'il assurait, avant la réorganisation d'avril 2010, des fonctions de management direct et indirect des responsables de ventes, qu'il assumait des responsabilités opérationnelles en termes de plan d'actions, élaboration des objectifs annuels de l'activité vente... sans activité de support à la vente.

Il ne produit aucune fiche de poste détaillant ses fonctions antérieures.

L'examen des organigrammes des années 2006 et 2007 corroborés, notamment, par les attestations de M. [T], supérieur hiérarchique de M. [J] entre 2005 et 2009 , de M. [M] directeur général de la filiale 'Hollande', de M. [G], directeur général Suisse et Italie puis Allemagne, établissent que M. [J] responsable des ventes européennes et des marges de la catégorie Instruments scientifiques (mis à part l'activité export hors Europe) a vu ses fonctions et responsabilités évoluer entre 2005 et 2007 avec la mise en place d'une structure dite 'matricielle' passant d'un compte-rendu d'activité (reporting) des directeurs des ventes de chaque pays européen à la direction des ventes européennes, dirigée par M. [J], vers un reporting divisé au niveau des 'directeurs pays'. M. [M] précisant que dans le cadre de cette organisation matricielle M. [J] organisait les campagnes marketing, l'introduction des produits, les formations produits, assumant ainsi des fonctions marketing et support à la vente. Au demeurant dans sa lettre en date du 29 juin 2010 M. [J] se réfère bien à cette organisation matricielle, et à la gestion des vendeurs par les responsables locaux (pays).

Cependant si M. [T] rappelle que le marketing pour les activités stratégie, vente, publicité et la coordination des formations pour les spécialistes de la vente, faisaient partie des tâches principales de M. [J] depuis 2007/2008, il reconnaît que relevaient également de celles-ci la planification annuelle des objectifs pour la Catégorie en Europe, la direction de l'activité de vente en Europe pour atteindre les objectifs prévus, qu'au-delà du suivi des résultats commerciaux des pays M. [J] mettait en oeuvre des plans d'action trimestriels pour les pays pour l'activité vente.

Ces tâches opérationnelles, au coeur de l'emploi de M. [J], ne relèvent pas du support à la vente ou du marketing. Ainsi M. [J] assurait toujours début 2010 des responsabilités opérationnelles au niveau Europe en terme de vente dans la catégorie Instrumentation scientifique.

Or, la description du nouveau poste de travail confié à M. [J] à compter de mai 2010, faite par son nouveau supérieur hiérarchique dans un courriel en date du 09 juin 2010, ne comporte plus aucune responsabilité opérationnelle en termes de vente.

Si M. [J] conservait ses attributions en termes de marketing, introduction de produits, suivi du portefeuille des affaires, il lui était clairement demandé de centrer son activité sur les missions de support à la vente, notamment la formation des vendeurs et des clients, et il perdait toutes responsabilités quant à la détermination des objectifs de vente des pays, la mise en oeuvre des plans d'actions... tâches opérationnelles essentielles pour un directeur des ventes.

Il est exact que dans le cadre de cette réorganisation de l'entreprise M. [J] a formulé des propositions sur la définition de ses nouvelles fonctions et a émis des suggestions sur l'intitulé de son poste, cependant aucun avenant contractuel n'a été signé entre les parties et il n'est pas justifié que le salarié a accepté cette modification de ses attributions.

Même si elle ne s'est accompagnée d'aucun changement des modalités de rémunération de M. [J] cette perte de responsabilités, pour un membre de l'équipe de direction,

caractérise bien une modification du contrat de travail.

Unilatéralement imposée par l'employeur elle caractérise un manquement grave de ce dernier à ses obligations et ne permettait pas la poursuite de l'exécution du contrat de travail.

Dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date 15 octobre 2010.

* Sur l'indemnisation du préjudice subi par le salarié :

La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [J] est en droit de prétendre au paiement du rappel de salaire pendant la durée de sa mise à pied conservatoire du 20 septembre au 15 octobre 2010 (et non du 07 au 25 juillet comme indiqué par erreur in fine des conclusions de M. [J]) soit la somme de 7837,59 € bruts outre celle de 783,75 € bruts au titre des congés payés afférents. La société sera également condamnée à lui payer les indemnités de rupture dont les montants ne font l'objet d'aucune discussion entre les parties. Ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2010, date de convocation des parties devant le conseil de prud'hommes en application des dispositions de l'article1153 du code civil.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, M. [J] a droit à une indemnité qui ne peut-être inférieure aux salaires des six derniers mois; en l'espèce, le salarié percevait un salaire moyen mensuel brut de 8560 € outre des primes d'objectifs, de 13ème mois, de vacances pour un montant total sur douze mois de 42 341 € bruts soit 3528,40 € par mois, il avait une ancienneté de 22 ans, il a perçu des allocations de pôle emploi pour un montant mensuel de 5413 € nets par mois en 2011, de 5200 € nets en 2012, il a créé une agence aéronautique sous la forme d'une SAS ayant débuté son activité en avril 2012. Il ne justifie pas des revenus générés par cette activité. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS V.W.R. International sera condamnée à lui payer la somme de 120 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter du présent arrêt.

* Sur les autres demandes

La SAS V.W.R. International qui succombe sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et conservera la charge de ses frais irrépétibles.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [J] qui se verra allouer la somme de 2000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

RÉFORME le jugement déféré en toutes ses dispositions

et statuant de nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [J] aux torts de la SAS V.W.R. International à la date du 15 octobre 2010,

CONDAMNE la SAS V.W.R. International à verser à M. [J] les sommes de 7837,59 € bruts, de 783,75 € bruts à titre de rappel de salaire et des congés payés afférents, de 24 757,53 € bruts et de 2 475,75 € bruts à titre d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, de 156 873 € bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts courant au taux légal à compter du 21 juillet 2010,

CONDAMNE la SAS V.W.R. International à verser à M. [J] la somme de 120 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts courant au taux légal à compter de ce jour,

CONDAMNE la SAS V.W.R. International à verser à M. [J] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS V.W.R. International aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 13/11964
Date de la décision : 12/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°13/11964 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-12;13.11964 ?
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