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11/10/2016 | FRANCE | N°14/03645

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 11 octobre 2016, 14/03645


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 11 OCTOBRE 2016



(n° 428 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03645



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/15637





APPELANTS



Monsieur [Y] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]



né le [Date naissan

ce 1] 1971 à [Localité 6] (75)



Représenté par Me Jean-Pierre CORDELIER de la SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 399





SA COVEA-RISKS immatriculée au RCS de NANTERRE

[...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 11 OCTOBRE 2016

(n° 428 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/03645

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/15637

APPELANTS

Monsieur [Y] [L]

[Adresse 2]

[Localité 2]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6] (75)

Représenté par Me Jean-Pierre CORDELIER de la SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 399

SA COVEA-RISKS immatriculée au RCS de NANTERRE

[Adresse 4]

[Localité 4]

N° SIRET : 378 716 419

Représentée par Me Jean-Pierre CORDELIER de la SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P 399

INTIMES

Monsieur [C] [O]

La Vallonière

[Localité 1]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 5] (92)

Représenté par Me Nathalie TISSEYRE-BOINET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0138

Ayant pour avocat plaidant Me Carole MORLON-RUFFINI, avocat au barreau d'ANNECY

SARL ACTIONS ET PROSPECTIONS PUBLICITAIRES (A2P) représentée par M. [C] [O] es qualité de liquidateur amiable

[Adresse 3]

[Localité 3]

N° SIRET : 438 254 9977

Représentée par Me Nathalie TISSEYRE-BOINET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0138

Ayant pour avocat plaidant Me Carole MORLON-RUFFINI, avocat au barreau d'ANNECY

SARL BARRAKUDA représentée par M. [C] [O] es qualité de liquidateur amiable

Le [Adresse 5]

[Adresse 1]

N° SIRET : 447 665 829

Représentée par Me Nathalie TISSEYRE-BOINET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0138

Ayant pour avocat plaidant Me Carole MORLON-RUFFINI, avocat au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, Président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.

*****

La société A2P et la société ETAI qui étaient liées par un contrat de régie publicitaire, ont mis fin à leurs relations contractuelles par un protocole transactionnel signé le 18 octobre 2005. Pour la négociation de ce protocole, la société A2P et son gérant M.[O] étaient assistés par maître [L], avocat.

Dès la fin de l'année 2005, la société ETAI a fait assigner la société A2P, M.[O] et une autre société créée par ce dernier, la société BARRAKUDA, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris afin de faire respecter la clause de non-concurrence incluse dans le protocole. La société ETAI a également mené une action au fond devant le tribunal de grande instance d'Annecy.

M.[O], la société A2P et la société BARRAKUDA ont fait assigner maître [L] en responsabilité et indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris le 14 mai 2007. Par un jugement avant dire droit du 25 juin 2008, le tribunal a sursis à statuer dans

l'attente de la décision du tribunal de grande instance d'Annecy intervenue le 10 novembre 2009. Un nouveau sursis à statuer a été prononcé dans l'attente d'une décision définitive. La cour d'appel de Chambéry a rendu son arrêt le 5 juillet 2011, retenant la violation de la clause de non-concurrence au préjudice de la société ETAI et celui-ci n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation. Le tribunal de grande instance de Paris a alors rendu un jugement le 9 janvier 2014, par lequel il a :

- écarté des débats deux lettres du 13 octobre 2006 émanant de maître [L] adressées respectivement à M. [V] et à Mme MORLON-RUFFINI et une lettre du 20 novembre 2006 adressée par maître [L] à cette dernière,

- déclaré l'action en responsabilité de la société BARRAKUDA à l'encontre de maître [L] et de la la société COVEA RISKS irrecevable,

- dit que maître [L] a manqué à ses obligations vis à vis de M. [O] et de la société A2P,

- dit que maître [L] a commis une faute de nature délictuelle à l'égard de société BARRAKUDA engageant sa responsabilité,

- condamné in solidum maître [L] et la société COVEA RISKS à payer à la société A2P la somme de 203 800,16 € à titre de dommages-intérêts,

- condamné in solidum maître [L] et la société COVEA RISKS à payer à M.[O] la somme de 22 166,20 € à titre de dommages-intérêts,

- condamné in solidum maître [L] et la société COVEA RISKS à payer à la société BARRAKUDA la somme de 296 193,08 € à titre de dommages-intérêts,

- condamné in solidum maître [L] et la société COVEA RISKS à payer à la société A2P, M. [O] et la société BARRAKUDA la somme de 5 000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [L] et la société COVEA RISKS ont formé appel de cette décision le 18 février 20014.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 20 mai 2016, maître [L], MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD SA venant aux droits de la société COVEA RISKS, demandent à la cour d'écarter des débats les pièces 101 et 109, de dire leur appel recevable et bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris, de débouter les trois intimés de toutes leurs prétentions et de dire qu'ils devront rembourser les sommes payées en exécution du jugement, et de les condamner in solidum à payer à chacun des appelants maître [L] et la société COVEA RISKS la somme de

10 000 €, outre le remboursement de la somme de 3 000 € allouée par l'ordonnance du 29 avril 2014 du 1er président de la cour d'appel de Paris sur la suspension de l'exécution provisoire.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 avril 2016, M. [O], la société A2P et la société BARRAKUDA sollicitent le débouté des appelants, la confirmation du jugement, la condamnation solidaire de maître [L] et de la société COVEA RISKS à payer à M. [O] la somme de 1732, 58 €, à la société A2P la somme de 3 369,33 € et à la société BARRAKUDA la somme de 3 697,37 € au titre des frais de recouvrement supportés par eux, la mise à la charge des appelants des sommes retenues par l'huissier de justice en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 en cas d'exécution forcée, et la condamnation solidaire de maître [L] et de la société COVEA RISKS à payer à chacun des intimés la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 - Sur la communication des pièces :

La pièce 101 est une 'lettre officielle' échangée entre l'avocat des intimés et maître [L].

Maître [L] en l'espèce n'a pas la qualité d'avocat mais celle de partie mise en cause de sorte que l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 n'a pas lieu de s'appliquer.

La pièce 109 est une lettre de M. [O] à son avocat. Cette dernière lettre peut être produite par l'avocat avec l'accord de son client.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter ces deux pièces des débats.

2 - Sur la faute :

Les intimés déclarent que maître [L] a participé à la rédaction du protocole d'accord conclu avec la société ETAI et l'a fait signer à son client M. [O]. Ils lui reprochent d'avoir manqué de vigilance quant à l'étendue de l'engagement de non-concurrence et de ne pas avoir fait des recherches plus approfondies afin d'éviter qu'ils soient privés de la possibilité de développer leur activité professionnelle. Ils considèrent que maître [L] a manqué à son obligation de conseil et d'assistance dans la rédaction du protocole auquel il a collaboré, alors que M. [O] l'avait informé de sa volonté de continuer à travailler dans le même secteur. Ils soutiennent que maître [L] leur a assuré que l'activité de publicité dans le domaine de la plasturgie à travers un journal de petites annonces gratuites ne poserait pas de difficulté dès lors que la clause ne visait que les revues et annuaires.

Pour répondre aux conclusions des appelants, ils font valoir que la participation de M. [O] aux négociations n'a pas pour effet de réduire la responsabilité de son conseil et qu'il a soumis à ce dernier tous les différents projets avant de s'engager. Ils ajoutent que les appelants ont reconnu la faute professionnelle de maître [L] ainsi qu'il ressort des pièces 101 et 109.

Les appelants font valoir que la clause de non-concurrence était classique, qu'elle a donné lieu en contre partie à une indemnité conséquente et que M. [O] ne pouvait prétendre en ignorer la portée alors qu'il a été particulièrement vigilant sur sa rédaction. Ils ajoutent que les termes de la clause de non-concurrence s'inscrivent dans une transaction globale et que la société ETAI n'aurait pas accepté de verser plus. Ils relèvent que les faits qui ont été sanctionnés par la cour d'appel de Chambéry sont antérieurs à la signature du protocole d'accord et n'avaient pas été portés à la connaissance de maître [L].

Les appelants soutiennent en outre que la responsabilité de l'avocat ne peut être engagée à l'égard de la société Barrakuda qui n'était pas sa cliente et qui n'est pas intervenue au protocole d'accord conclu avec la société ETAI et alors que maître [L] n'était pas informé de son existence.

Le 4 mars 2011, la société ETAI qui a pour activité l'éditions de revues et d'annuaires professionnels, la vente d'espaces publicitaires dans ces revues et l'organisation de salons professionnels dans le domaine des composites, de la plasturgie et de la peinture a conclu avec M. [O], dont la société était en cours de formation un contrat de régie publicitaire lui confiant la vente d'espaces publicitaires insérés dans les revues et annuaires professionnels tels que FRANCE PLASTIQUE, FRANCE COMPOSITE, FRANCE PEINTURE.

Maître [L] a été chargé d'assister la société A2P et son gérant M. [O] dans la négociation des conditions de rupture de cette convention.

La transaction conclue le 18 octobre 2005 entre la société ETAI et M. [O] agissant tant en qualité de gérant de la société A2P qu'à titre personnel, contient en son article 5 une clause de non-concurrence ainsi rédigée : M. [O] 's'interdit directement ou indirectement notamment par l'intermédiaire de la société A2P pendant une durée de trois ans et sur toute la France notamment de '

-'prospecter et/ou vendre des espaces publicitaires au nom et/ou pour le compte de sociétés éditant des revues et annuaires (papier et Internet) concurrents des Revues et Annuaires',

- d'exercer à titre individuel ou pour un tiers dont l'objet principal ou accessoire serait l'organisation d'évènements (notamment colloques salons, foires) spécialisés dans les composites, la plasturgie et / ou la peinture et / ou l'édition de revues techniques et spécialisées et annuaires (papier et Internet) dans les composites, la plasturgie et / ou la peinture.

Le dernier § de cet article précise que M. [O] conserve ' toute autonomie dans sa vie professionnelle notamment dans le domaine de l'édition générale pour effectuer auprès de tout type de clientèle ses activités de conseil, d'agence de communication ou de centrale d'achat d'espaces publicitaires' sous réserve que celles-ci ne soient pas 'directement ou indirectement concurrentes' de celles exercées par ETAI dans le cadre des revues et annuaires.'

Par une ordonnance de référé du tribunal de commerce du 15 novembre 2005 confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juin 2006, il a été fait injonction à M. [O], la société A2P et la société BARRAKUDA de cesser immédiatement leur participation sous la dénomination 'Initiatives plastiques' pour le bénéfice de l'activité d'édition exercée sous cette dénomination au salon Europlast se tenant Parc des expositions de Paris nord Villepinte du lundi 14 au vendredi 18 novembre 2005 ainsi que de mettre fin à l'activité d'édition en question exercée au moyen du journal 'Initiatives plastiques' sur support papier ou du site Internet www.initiativesplastiques.com.

Or dans un mail du 26 septembre 2005, M. [O] avait fait part à son conseil de son projet d'un journal bi-mensuel d'annonces gratuites 'Initiatives plastiques' dans le domaine de la plasturgie, des caoutchoucs et des composites.

Ce mail révèle que M. [O] avait parfaitement conscience des conséquences d'une clause de non-concurrence et qu'il entendait obtenir une rédaction compatible avec son nouveau projet professionnel. Il en a lui-même proposé une version en indiquant à son avocat les arguments à faire valoir 'afin de ne pas les effrayer et de détourner leur attention' (en italique dans le mail).

Les termes proposés par la société A2P dans ce courrier électronique n'ont pas été retenus et une autre version a été signée par les parties.

Mais que ce soit dans le cadre de la rédaction proposée par le mail du 26 septembre 2005 que dans celui de la transaction définitive, maître [L] ne produit aucune pièce établissant qu'il a averti son client que la clause qu'il allait souscrire apparaissait difficilement compatible avec son projet professionnel.

Ainsi il y a lieu d'admettre que maître [L] a manqué à son obligation de conseil en n'informant pas M. [O] du risque d'incompatibilité de la clause de non-concurrence faisant l'objet de la négociation avec son projet professionnel.

Le fait que M. [O] ait participé à la négociation de la transaction et qu'il ait eu conscience de la nécessité de restreindre le champ de la clause de non-concurrence pour permettre la poursuite de son activité, ne dispensait pas l'avocat de son devoir de conseil dans le cadre de la mission d'assistance dont il était investi.

Enfin, maître [L] n'était débiteur d'aucune obligation à l'égard de la société BARRAKUDA et sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée à son encontre. Cependant la société barrakuda entend se placer sur le terrain de la responsabilité délictuelle puisque ainsi qu'elle le mentionne en reprenant les termes du jugement, une faute contractuelle peut devenir délictuelle à l'égard d'un tiers au contrat. La société BARRAKUDA peut donc se prévaloir du manquement de maître [L] à son

obligation de conseil sous la condition de démontrer le lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de l'avocat et le préjudice qu'elle allègue.

3 - Sur le préjudice et le lien de causalité :

- Sur la perte de chance alléguée par la société A2P :

La société A2P réclame la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de

200 000 € au titre de la perte de chance.

A ce titre, la société A2P expose qu'elle a été contrainte de cesser immédiatement son activité professionnelle à compter de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2005. Elle reprend les termes du jugement entrepris qui analyse le préjudice subi comme la perte de chance d'avoir pu négocier une contrepartie financière plus importante si elle avait eu conscience que l'engagement souscrit engendrait une cession totale de sa clientèle et lui interdisait la poursuite de son activité.

Les appelants contestent les éléments chiffrés retenus par l'intimée qu'ils estiment non justifiés. Ils considèrent que rien ne permet de retenir l'existence d'une chance réelle et sérieuse d'obtenir un accord financier plus favorable et Ils ajoutent que maître [L] n'est pas responsable de l'évaluation qui a été faite de la clientèle dans la transaction dont les aspects financiers échappaient à sa compétence.

L'accord transactionnel conclu le 18 octobre 2005 prévoit que la société ETAI versera :

- 150 000 € à M. [O] en contrepartie de l'engagement de non-concurrence prévu à l'article 5 payable à la signature de la transaction,

- 150 000 € à la société A2P afin de compenser la perte de clientèle résultant de la résiliation du contrat, 100 000 € était payable à la signature et 50 000 € le 30 mars 2006 sous réserve du respect des obligations souscrites dans l'article 4.

Le tribunal a retenu l'existence d'une chance d'avoir pu négocier une contrepartie financière plus importante si les intimés avaient eu conscience que la clause de non-concurrence stipulée engendrerait une cession totale de leur clientèle et leur interdirait la poursuite de leur projet. Il a ajouté que les demandeurs avaient également perdu la chance de refuser de signer le protocole, ce qui aurait eu comme conséquence de les voir renoncer à percevoir la somme de 300 000 € mais également de leur permettre de développer sans contrainte leur activité dans le cadre du journal qu'ils ont créé puisque le contrat initial ne prévoyait aucune clause de non -concurrence en cas de résiliation.

Néanmoins pour la société ETAI, les conséquences de la clause de non-concurrence quant à la perte de clientèle de la société A2P et la cessation de l'activité de M. [O] dans le domaine de plasturgie, étaient claires et aucun élément ne permet de retenir qu'elle aurait été prête à payer plus alors qu'elle souhaitait mettre fin à ses relations contractuelles avec eux parce qu'elle estimait leur activité insuffisante ainsi qu'il est exposé dans le point 5 du préambule du protocole d'accord.

Ainsi la perte de chance d'obtenir plus n'apparaît ni réelle ni sérieuse et si la société A2P souhaitait poursuivre son activité dans le domaine de la plasturgie il lui appartenait avec M. [O] de renoncer aux sommes fixées par la convention, voire de renoncer à une solution transactionnelle, dernière hypothèse qui n'est pas envisagée dans les conclusions des intimés.

Cependant si la société A2P avait renoncé avec M. [O] à l' indemnité qui constituait la contrepartie de ses engagements, celle-ci ne démontre pas que l'activité qu'elle aurait pu développer librement en concurrence avec la société ETAI, l'aurait amenée à percevoir une somme supérieure à celle versée en exécution du protocole alors que son chiffre d'affaires se dégradait. Elle ne justifie donc pas de la réalité de son préjudice dans ce second cas.

Il y a donc lieu de retenir que la société A2P n'apporte pas la preuve d'un préjudice en relation avec la faute de maître [L] et le jugement du 9 janvier 2014 sera donc infirmé sur ce point.

Il convient d'ajouter que les pièces 101 et 109 qui sont écrites par l'avocat des intimés et par M.T [O] ne constituent pas des éléments de preuve pertinents d'une reconnaissance de créances d'indemnisation par les appelants.

- Sur les frais de justice de M.[O] et de la société A2P :

M. [O] et la société A2P réclament le montant des frais de justice soit

22 166,20 € et 3 800,16 € qu'ils ont exposés respectivement pour se défendre aux actions engagées tant en référé qu'au fond par la société ETAI pour concurrence déloyale.

Ce préjudice s'analyse aussi pour M. [O] et la société A2P en une perte de chance, ayant été complètement informés par maître [L] de l'incompatibilité de leur projet professionnel avec l'engagement souscrit, de renoncer à ce dernier et de ne pas être poursuivis en justice.

Néanmoins ce préjudice particulier n'ayant pas été analysé sous cet angle, il y a lieu d'ordonner la réouverture des débats pour recueillir les observations des parties sur ce point.

- Sur les autres demandes de M. [O] et de la société A2P présentées devant le tribunal de grande instance de Paris :

La société A2P avait réclamé également devant le tribunal de grande instance de Paris le solde de l'indemnité transactionnelle soit 50 000 € que la société ETAI ne lui a pas versée. Elle n'a pas formé de demande à ce titre dans le dispositif de ses dernières conclusions alors que le jugement dont elle demande confirmation, n'a pas fait droit à ce chef de demande.

De la même façon, M. [O] ne réclame pas dans le dispositif de ses dernières conclusions, le remboursement de ses frais d'avocat soit 9 392 € mais uniquement la confirmation du jugement qui ne lui a alloué aucune somme à ce titre.

Il n'y a donc pas lieu de statuer à ce sujet.

- Sur le préjudice de la société BARRAKUDA :

La société BARRAKUDA créée en 2003 par M. [O], a déposé en 2005 la marque 'initiatives plastiques' à l'INPI dans la perspective de l'exploitation d'un nouveau concept de journal gratuit de petites annonces. Elle a édité le 1er numéro de ce journal et a également créé le site Internet correspondant. Elle a loué un stand au salon professionnel s'étant tenu à [Localité 6] Nord au mois de novembre 2005.

En exécution de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2005, elle a été contrainte de quitter son stand et a dû rembourser à ses clients les sommes reçues faute pour elle de pouvoir exécuter ses prestations.

Le jugement a retenu que le préjudice de la société A2P consistait en une perte de chance de pouvoir poursuivre son activité et de réaliser le chiffre d'affaire qu'elle escomptait.

Mais le préjudice de la société BARRAKUDA a son origine et sa cause dans la signature par M. [O] et la société A2P de la clause de non-concurrence incluse dans la transaction du 16 octobre 2005. Ainsi ce préjudice n'est réel que s'il existait une chance réelle et sérieuse que M. [O] et la société A2P mieux informés, renoncent à signer la clause de non-concurrence et à percevoir les indemnités qui y étaient attachées.

Pour apprécier cette perte de chance, il y a lieu de tenir compte du montant des indemnités en cause, de la situation financière de la société A2P qui se dégradait et de la volonté de la société ETAI de mettre fin à ses relations contractuelles avec les intimés.

Par ailleurs, il convient également de retenir que M. [O] et la société A2P même spécialement avisés des risques encourus, auraient pu décider de signer la transaction sans pour autant renoncer à leur projet professionnel.

Compte tenu de ces éléments, la perte de chance que M. [O] et la société A2P renoncent à la signature de la clause de non concurrence n'apparaît pas réelle et sérieuse. Le jugement du 9 janvier 2014 doit donc être infirmé et la société BARRAKUDA déboutée de ses demandes en dommages-intérêts.

Il ya lieu de surseoir à statuer sur les autres demandes en raison de la réouverture des débats sur les frais de justice.

PAR CES MOTIFS :

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats les pièces 101 et 109 des intimés,

Ordonne la réouverture des débats exclusivement afin de recueillir les observations des partie sur l'existence d'une perte de chance de ne pas être attraits en justice par la société ETAI pour concurrence déloyale,

Sur les autres dispositions du jugement du 9 janvier 2014

Les confirme sauf en ce que le jugement a alloué à la société A2P la somme de

203 800,16 €,

Statuant à nouveau :

Déboute la société A2P de sa demande en dommages-intérêts en réparation de la perte de chance d'avoir pu négocier une contrepartie financière plus importante,

Déboute la société BARRAKUDA de sa demande en dommages-intérêts pour la perte de chance de poursuivre son activité,

Sursoit à statuer sur les demandes des intimés relatives aux frais de recouvrement , sur la demande en restitution des appelants et sur les frais irrépétibles et les dépens,

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 22 Novembre 2016.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/03645
Date de la décision : 11/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°14/03645 : Réouverture des débats


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-11;14.03645 ?
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