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05/10/2016 | FRANCE | N°14/07284

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 05 octobre 2016, 14/07284


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 05 Octobre 2016



(n° , 06 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07284



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F12/06115







APPELANT

Monsieur [I] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me

Kristel LEPEU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 20





INTIMEE

SA ORANGE

N° SIRET : 380 129 866 46850

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Delphine SALLA, avocat au barreau de P...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 05 Octobre 2016

(n° , 06 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07284

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F12/06115

APPELANT

Monsieur [I] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne

assisté de Me Kristel LEPEU, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 20

INTIMEE

SA ORANGE

N° SIRET : 380 129 866 46850

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Delphine SALLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0788

en présence de Mme [C] [X], responsable des Ressources Humaines, dûment mandaté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Chantal GUICHARD, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les conclusions de Monsieur [I] [R] et celles de la société ORANGE visées et développées à l'audience du 21 juin 2016.

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [R] a été engagé le 1er juillet 1997 par un contrat à durée déterminée, suivi d'un contrat à durée indéterminée le 1er décembre 1998, en qualité d'expert supervision par la société France TELECOM désormais dénommée ORANGE. Il occupe un emploi d'analyste responsable d'un groupe de produits expert.

La convention collective applicable est celle des Télécommunications.

En 2005, il a été élu délégué du personnel puis désigné comme membre du CHSCT de l'établissement Ile de France Nord. Jusqu'en 2014, il a été affecté à 100 % de son temps de travail sur des activités électives et syndicales. Depuis novembre 2014, il n'a plus qu'un seul mandat.

Monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 18 novembre 2005 pour voir reconnaître une inégalité de traitement.

Par jugement du 5 juin 2007, le conseil a reconnu un différentiel de rémunération et condamné la société France TELECOM à lui payer la somme de 17.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale et 450 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Estimant que cette situation perdurait, à compter d'août 2009, Monsieur [R] a alerté l'employeur, l'inspection du travail, les instances représentatives du personnel, et a déclenché un droit d'alerte le 16 avril 2010.

Monsieur [R] a de nouveau saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 31 mai 2012, qui, par jugement rendu le 1er avril 2014, l'a débouté de ses demandes et l'a condamné aux dépens et a débouté la société ORANGE de sa demande reconventionnelle.

Monsieur [R] a régulièrement interjeté appel du jugement le 26 juin 2014 et demande à la cour de :

* Infirmer le jugement,

* Fixer le montant du salaire de base mensuel brut à hauteur de la rémunération moyenne du niveau D bis soit 3.743 €,

* Condamner la société ORANGE à lui payer les sommes de :

- 69.806 € à titre de rappel de salaire,

- 6.980,60 € à titre de congés payés afférents,

* Dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil soit le 31 mai 2012,

* Subsidiairement, ordonner toute mesure d'instruction utile et désigner un expert aux fins de se faire communiquer et examiner les bilans sociaux, fiches de paie et documents de toute nature relatifs à la situation de Monsieur [R] par rapport aux autres salariés de même emploi, ancienneté (sur le même grade DBIS de cadre, et non), sur l'ancienneté dans la société et niveau hiérarchique et tous autres documents qui paraîtront utiles,

* Condamner la société ORANGE à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et la même somme en appel et aux entiers dépens.

La société ORANGE demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter Monsieur [R] de ses prétentions y compris de la mesure d'instruction et de le condamner à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur le jugement du 5 juin 2007

Les parties reprennent devant la Cour la première procédure de 2005 dont il convient de rappeler les grandes lignes au vu de la décision produite .

Le conseil de prud'hommes a en effet jugé que si la situation salariale était correcte depuis le 1er décembre 2005, le différentiel de 10%, avait existé de 1998 à 2004 et n'avait fait l'objet d'aucune compensation. Il a alloué à ce titre des dommages et intérêts pour un montant de 17.000 €, mais a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution anormale du contrat de travail au motif que le salaire d'embauche était supérieur au minimum conventionnel applicable et que le différentiel de 10% résultait des conditions d'embauche sur un poste ouvert à un débutant et finalement pourvu par Monsieur [R].

Ce jugement n'a fait l'objet d'aucun recours, il est donc définitif.

Sur les actuelles demandes de Monsieur [R]

La société ORANGE soutient que les demandes de Monsieur [R] sont irrecevables pour la période 1997/2007 en vertu du principe de l'unicité de l'instance et que le conseil de prud'hommes qui s'est prononcé le 5 juin 2007, et non le 7 novembre 2007 comme l'indique à tort l'employeur, est devenu définitif et a l'autorité de la chose jugée.

Il résulte du principe de l'unicité d'instance posé par l'article R 1452-6 du code du travail que : « Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Dès lors la règle de l'unicité d'instance entraîne l'irrecevabilité des demandes présentées au cours d'une nouvelle procédure, dès lors qu'il est établi que leur fondement était connu au cours de l'instance prud'homale précédente. Seule une nouvelle procédure concernant des demandes dont les fondements sont nés après la fin de la première instance peut être introduite devant le conseil de prud'hommes.

Quant à l'autorité de la chose jugée elle-même, cette fin de non-recevoir peut être opposée lorsque la décision à laquelle elle s'attache concerne notamment, les mêmes parties et a le même objet et la même cause.

Monsieur [R] sollicite une somme à titre de rappel de salaire de 69.806 € outre les congés payés, calcul obtenu en reprenant le différentiel estimé depuis 1997 jusqu'à 2015 dont il retranche la somme de 17.000 € versée aux termes du jugement du 5 juin 2007. Or, le conseil de prud'hommes avait dans la décision définitive rendue, relevé que l'employeur avait réajusté le salaire de Monsieur [R] le 1er décembre 2005 que la situation salariale de Monsieur [R] était correcte depuis le 1er décembre 2005.

Le conseil de prud'hommes a alloué au salarié des dommages et intérêts pour un montant de 17.000 € pour la période de 1998 au 1er décembre 2005.

Ce jugement est définitif.

En conséquence, sur la base des deux principes énoncés, la Cour ne peut être valablement saisie que pour la période postérieure au 5 juin 2007.

Sur la prescription

Monsieur [R] soutient que le délai de prescription est fixé à 5 ans mais qu'il ne commence à courir qu'à compter de la révélation de la discrimination et qu'en application de l'article L. 1134-5 du code du travail le droit à réparation porte sur l'ensemble de la période où il a fait l'objet d'une discrimination même sur les périodes antérieures à 5 ans puisque celle-ci persiste ; l'employeur ne répond pas à ce moyen et évoque l'ensemble de la période de 2008 à 2016. L'article L 1134-5 du code du travail stipule que : « L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel ».

La révélation n'est pas la simple connaissance de la discrimination par le salarié mais le moment où il dispose de tous les éléments de comparaison lui permettant de mettre en évidence la discrimination ; à défaut la prescription ne court pas . Il s'agit de garantir la réparation intégrale du dommage puisque le droit à réparation porte sur l'ensemble de la période où le salarié a fait l'objet d'une discrimination.

Or il résulte des allégations même du salarié qu'il n'a pu obtenir, malgré des demandes répétées, des informations de l'employeur depuis 2009, qu'il a saisi l'inspection du travail en 2009 et déclenché un droit d'alerte le 16 avril 2010. Il fait état du fait que l'employeur l'a reçu mais a refusé de lui laisser le document justifiant les rémunérations des salariés ce qui l'a amené à saisir le conseil de prud'hommes.

La prescription n'a en conséquence pas couru. La Cour est saisie de la période de juin 2007 à 2016.

Sur le non respect du principe « à travail égal, salaire égal » et la discrimination

En application du principe à travail égal, salaire égal, tout employeur est tenu d'assurer pour un travail identique ou de valeur égal l'égalité de rémunération entre les salariés.

Monsieur [R] soutient avoir subi une inégalité de traitement, mais n'invoque plus son statut de représentant de personnel ou de délégué syndical comme étant à l'origine d'une discrimination d'ordre syndical.

S'il admet avoir vu son salaire passé de 2.782 € à 3.162 € brut mensuel entre juin 2007 et novembre 2012, il indique que son salaire est inférieur à la rémunération moyenne perçue par les salariés du niveau Dbis en établissement RSI (réseau et système d'information) qui est de 3.446 € pour les hommes et était de 3.431 € femmes et hommes confondus en 2010. Son propre salaire était alors de 2.973 €.

Il fait valoir que le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement rendu le 27 mars 2012 fait injonction à la société de transmettre un rapport sur la situation comparée des conditions d'emploi par statut et que seul ce document permet une comparaison fiable.

A l'examen de ce document, Monsieur [R] soutient que la moyenne mensuelle des rémunérations AFO (fonctionnaires) est de 3.466 € pour l'année 2011 alors que la sienne est de 3.074 € et que les prélèvements sociaux étant inférieurs pour les fonctionnaires, qu'il aurait dû percevoir un mensuel brut de 3.743 € soit une différence de salaire de 770 €. Il ajoute que la moyenne des rémunérations des salariés du secteur privé (ACO), est inférieure à celles des fonctionnaires car leur ancienneté est moindre, que cette rémunération s'élève à 3.287 €. Il considère que sa situation doit être comparée à celles des fonctionnaires car il a 54 ans et 17 ans d'ancienneté et que l'âge moyen des fonctionnaires concernant le niveau Dbis est de 52 ans alors qu'il est de 43 ans pour le secteur privé ; qu'étant depuis 17 ans au même grade, il devrait faire partie des salaires les plus élevés.

La société ORANGE réplique que depuis 2007, il a bénéficié des augmentations individuelles et collectives et que son salaire est passé de 2.838,22 en 2008 à 3.431,05 € en 2016. Elle rappelle que dès le 29 novembre 2007, soit à peine 6 mois après la décision du conseil de prud'hommes de 2007, il a sollicité une revalorisation de son salaire s'estimant discriminé et faisant fi du jugement rendu, qu'il a multiplié les demandes et démarches malgré les entretiens explicatifs ; que depuis 2010 l'inspection du travail n'est plus intervenue sur ce dossier, satisfaite des données fournies de même que les délégués syndicaux qui ont considéré le sujet clos. Elle fait état de ce que l'inspection du travail a d'ailleurs estimé, au sujet du droit d'alerte, qu'il n'existait pas de situation de danger et qu'elle n'a fait aucune démarche

Elle soutient que la comparaison avec les fonctionnaires n'est pas fiable en raison de la différence de cotisations et des règles de rémunération propres à la fonction publique ; que le niveau de classification retenu par le salarié soit Dbis ne constitue pas un ensemble de salariés placés dans une situation comparable car plusieurs métiers relèvent de classification Dbis ; que dès lors cette seule base de comparaison n'est pas pertinente et ce d'autant que les salariés classés Dbis n'ont pas tous la même ancienneté ; que de surcroît, en 2011 la rémunération moyenne du niveau Dbis était de 3.284 € alors que le salaire de Monsieur [R] était de 3.162 € ce qui démontre qu'il n'est nullement sous positionné.

Elle indique que Monsieur [R] n'a plus de mandat absorbant plus de 50% de son temps de travail comme entre 2006 et 2014, qu'il a repris depuis mars 2015 une activité d'administrateur système et qu'elle est donc en mesure d'offrir plusieurs panels de comparaison et notamment un panel de salariés placés dans la même situation en tenant compte de divers critères tels que l'ancienneté, le poste, le niveau hiérarchique, ce panel étant constitué de 3 salariés sur 33 exerçant le même métier au sein de la DESI et dont la moyenne de rémunération est inférieure (37.770 € brut annuel) à celle de Monsieur [R] (40.847 € brut annuel) ; que de même si le salarié doit être comparé avec tous les salariés du périmètre RSI niveau Dbis, il est positionné au dessus de la moyenne.

La cour relève que Monsieur [R] ne critique pas utilement les différents panels produits par l'employeur qui viennent affiner les documents versés par lui sur la situation comparée des conditions d'emploi par statut et le document intitulé « informations sur les rémunérations individuelles 2013 des salariés présentées dans le cadre de la négociation salariale annuelle 2014 » ; que sur ce dernier document, Monsieur [R] fait état vainement des salaires fixes moyens annuels (SGB) en 2013 de 9ème décile qui montrerait qu'il est défavorisé car il omet le tableau du même document intitulé « salaires fixes annuels moyens bruts (SGB) » dans lequel la classification DB fait état d'un salaire moyen de 38.728 € pour un âge moyen de 52 ans alors que lui-même a un salaire de 39.675 € et que de même, le tableau par statut, révèle que les fonctionnaires ont un salaire moyen inférieur (39.192 €) à celui de Monsieur [R] pour une moyenne d'âge de 54 ans.

Pour établir une réelle comparaison, il convient de tenir compte des salariés placés dans une situation identique de travail, de qualification, de coefficient et d'ancienneté et non de prendre la moyenne des salaires d'une classification donnée qui absorbe de nombreuses différences tenant à un métier ou des missions exercées, à l'ancienneté, à un niveau d'études, à des compétences particulières ou des qualités professionnelles distinctes.

Par ailleurs, Monsieur [R] salarié de droit privé ne peut utilement invoquer une comparaison avec les fonctionnaires alors qu'il existe de nombreux salariés de droit privé comme lui, au motif qu'il a une ancienneté de 17 ans et 54 ans, et ce d'autant qu'il existe une comparaison possible avec des salariés placés dans la même situation et qui ont le même âge 53 ' 56 ' 57 ans ou une ancienneté comparable de 18 ans.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu que les pièces produites par l'employeur pour répondre à la demande de Monsieur [R] démontraient que quelque soit le critère choisi, le salaire de Monsieur [R] était en adéquation avec son niveau hiérarchique, son âge et son ancienneté, sans qu'il soit utile de recourir à une mesure d'instruction.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de ses demandes.

Succombant, Monsieur [R] supportera les dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la société ORANGE la totalité de la charge des frais irrépétibles exposés pour se défendre.

Monsieur [R] sera condamné à lui payer la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement,

Déboute Monsieur [I] [R] de ses demandes,

Condamne Monsieur [R] à payer à la société ORANGE la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [R] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 14/07284
Date de la décision : 05/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°14/07284 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-05;14.07284 ?
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