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04/10/2016 | FRANCE | N°15/05255

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 04 octobre 2016, 15/05255


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 04 Octobre 2016

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05255



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° F 13/15184





APPELANTE



Madame [E] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Loc

alité 2]

comparante en personne, assistée de Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706





INTIMEE



FEDERATION DES SERVICES ENERGIE ENVIRONNEMENT (FEDENE)

[Adress...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 04 Octobre 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05255

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° F 13/15184

APPELANTE

Madame [E] [R]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Emmanuel MAUGER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0706

INTIMEE

FEDERATION DES SERVICES ENERGIE ENVIRONNEMENT (FEDENE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Karine HISEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2408

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, Président

Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère

Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Bruno BLANC, Président et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La FG3E - FEDERATION FRANÇAISE DES ENTREPRISES GESTIONNAIRES DE SERVICES AUX EQUIPEMENTS, A L'ENERGIE ET A L'ENVIRONNEMENT a été créée en septembre 1991.

Elle forme une union de syndicats professionnels réunissant des entreprises adhérentes dont le but est de favoriser et de promouvoir leurs activités dans le domaine des services à l'énergie et à l'environnement .

Elle regroupe différents syndicats dont le SNCU, Syndicat National de Chauffage Urbain et de la Climatisation Urbaine dont les adhérents ont une activité de distribution de fluides thermiques sous forme de réseaux et qui sont, le plus souvent, gestionnaires d'un réseau de chaleur ou de froid par délégation de service public.

La FG3E a, à sa tête, un Président, élu par le Conseil d'Administration parmi ses membres et un ou un(e) Délégué(e) Général(e), salarié(e) qui dirige l'équipe des permanents.

La FG3E a engagé Mme [E] [R] par contrat écrit à durée indéterminée du 14 juin 2006 en qualité de « Chargée de Mission », position II, échelon A, coefficient 75 de la convention collective des ingénieurs et cadres des entreprises de gestion des équipements thermiques.

En cette qualité, Madame [E] [R] percevait une rémunération annuelle brute de 52.000 €.

Le 24 février 2009, Mme [E] [R] était désignée Secrétaire Générale du SNCU.

Le 24 septembre 2009 la FG3E devenait Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ).

La Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) décidait de convoquer Mme [E] [R] à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement par lettre du 9 octobre 2013.

Le même jour, la salarié était arrêtée pour maladie jusqu'au 31 octobre 2013.

Le 17 octobre 2013, Madame [E] [R] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des chefs de demandes suivants :

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse -18 mois : 100 408,68 euros;

- A titre subsidiaire : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 100 408,68 euros ;

- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 30.000 euros ;

- Article 700 du Code de Procédure Civile : 2.000 euros ;

- Exécution provisoire -article 515 du code de procédure civile ;

- Intérêts au taux légal .

L'entretien préalable était fixé au 21 octobre 2013 à midi, pendant les heures de sortie autorisées.

Par une lettre du 24 octobre 2013, FEDENE notifiait à Madame [E] [R] son licenciement pour motif personnel et la dispensait d'effectuer son préavis de 3 mois.

La lettre de licenciement de 5 pages, à laquelle il est expressément fait référence était en substance motivées par 4 griefs :

- une attitude inappropriée à l'encontre des salariés permanents, des adhérents et des partenaires de la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) ;

- une absence de gestion des priorités ;

- la tenue de propos contraires aux orientations décidées par la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) ;

- des rapports dégradés avec l'équipe et la hiérarchie.

Par lettre du 25 novembre 2013, Mme [R] contestait les motifs de son licenciement.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Madame [E] [R] du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 12 février 2015 qui a :

- Débouté Mme [E] [R] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouté la FEDERATION DES SERVICES ENERGIE ENVIRONNEMENT-FEDENE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme [E] [R] aux dépens.

Vu les conclusions en date du 27 juin 2016, au soutien de ses observations orales, par lesquelles Madame [E] [R] demande à la cour de :

- Recevoir Madame [R] en son appel et l'y déclarer bien fondée ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'ensemble des demandes de Madame [R];

A titre principal,

- Dire et juger que Madame [R] a été victime de harcèlement moral ;

- Prononcer la résiliation du contrat de travail de Madame [E] [R] avec effet au 28 janvier 2014 aux torts de FEDENE ;

- Condamner la FEDENE à verser à Madame [E] [R] les sommes suivantes :

* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 24 mois : 133.878,24 euros;

* Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 30.000,00 € ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le licenciement de Madame [E] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la FEDENE à verser à Madame [E] [R] la somme de 133.878,24 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En toutes hypothèses,

- Condamner la FEDENE à verser à Madame [E] [R] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la FEDENE aux entiers dépens de l'instance.

Vu les conclusions en date du 27 juin 2016, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) demande à la cour de :

- Constater que Mme [R] ne rapporte pas la preuve d'un quelconque harcèlement moral exercé à son encontre ;

En conséquence, la débouter de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail;

- Constater que Mme [R] a été licenciée par lettre du 24 octobre 2013 pour des motifs réels et sérieux ;

En conséquence, la débouter intégralement de ses fins, demandes et conclusions ;

- Condamner Mme [R] à verser à FEDENE la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que les faits en cause ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que pour soutenir la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail en raison de l'attitude fautive de son employeur constitutive d'un harcèlement moral Madame [E] [R] expose :

- Qu'elle a subi, à compter de mars 2013,de la part de Madame [T] déléguée générale et son supérieur hiérarchique une pression consistant en une surcharge de travail et des demandes impossibles à traiter convenablement en raison de l'urgence alléguée et de leur tardiveté ; Que ses conditions de travail ont généré une pression constante injustifiée pendant plusieur mois ;

- Que participe au harcèlement l'avertissement injustifié qui lui a été notifié le 26 juillet 2013 ;

Considérant que, pour sa part, la Fédération des Services Energie Environnement (FEDENE ), conteste l'existence d'un harcèlement moral, et fait valoir que la demande de résiliation judiciaire est la réponse de Madame [E] [R] aux dysfonctionnement relevés dans son comportement professionnel ;

Que la période à laquelle fait référence Madame [E] [R] ( juin 2013 ) est celle où la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) était mobilisée par la préparation de la loi sur la transition énergétique ;

Que la supérieure hiérarchique de l'appelant s'est toujours montrée courtoise envers cette dernière et que l'avertissement était justifié ;

Considérant que Madame [E] [R] établit la matérialité des faits suivants par la production des courriels de la hiérarchie constituant des demandes extrêmement difficiles à exécuter en urgence ; qu'à ce titre il est constaté :

- courriel en date du 14 mai 2013 à 15h21, demande urgente aux secrétaires généraux, de modifications et compléments de deux fiches de positions stratégiques, à la rédaction d'origine desquels il n'est pas rapporté la preuve que Madame [R] et ses collègues aient été associés, et le retour sur deux rapports le tout pour le lendemain matin;

- courriel du 15 mai 2013 à 19H : Demande d'analyse pour le lendemain matin alors qu'il est établit que la demande était en possession de la Déléguée générale dès le début d'après-midi ;.

- courriel du 3 juin 2013 à 18H37 : Demande d'analyse d'un document stratégique pour le lendemain matin alors qu'il est établi que la Déléguée générale avait connaissance de la demande du MEDEF depuis une semaine ;

- courriel du vendredi 7 juin à 19H47, par lequel Madame [T] a demandé la communication d'éléments pour le COMEX (instance à laquelle les secrétaires généraux ne participent pas, mais aident à constituer le dossier au vu d'un ordre du jour établi préalablement par la Direction de FEDENE ) obligeant Madame [R] et ses collègues à devoir transmettre des documents dans l'urgence et sans pouvoir effectuer une travail serein d'analyse ;

- courriel du 17 juin 2013 à 20H04 : demande d'avis, pour le soir même, sur des 'slides' à venir ;

- demande formulée à 23H37 le 20 juin 2013 consistant dans la communication en urgence des coordonnées d'un participant à la réunion du GT8 et donne son accord sur un message;

- Echange de courriels le 2 juillet 2013 entre la Déléguée Générale et Madame [R], consistant à demander à celle-ci, alors qu'elle représentait seule la Fédération et le SNCU à une réunion hautement stratégique pour la profession, à la fois d'y prendre des notes en vue de faire le compte-rendu et de formaliser des propositions écrites à ce même groupe de travail ;

- courriels adressés entre 17h09 et 22H01 le 17 juillet 2013, visant à demander à Madame [R] des éléments en urgence, portant sur des éléments requérantun temps certain de lecture et d'analyse (53 pages du mail de 17H09) pour le soir même ainsi que la synthèse d'un dossier complexe et en cours depuis plusieurs mois (mail de 19H00) et dont il était convenu deux heures plus tôt qu'il n'en serait reparlé que le lundi suivant, si Madame [R] parvenait à contacter la personne susceptible de fournir les informations,

alors en congés (mail de 19H24) ;

- courriel du vendredi 26 juillet 2013 à 19H16, par lequel Madame [T] a demandé le retour de Madame [R] et de ses collègues sur une consultation MEDEF, pour le lundi 29 juillet matin, alors qu'il est constant que Madame [R] était en congés le 26 juillet 2013 et ne pouvait prendre connaissance du message que durant le week-end, ce que ne pouvait pas la déléguée générale;

Qu'il sera relevé que c'est dans ce contexte que Madame [R] s'est vue notifier, le 26 juillet 2013, un avertissement pour ne pas avoir traité des dossiers avec rigueur ;

Qu'il se déduit du comportement général de l'employeur, et nonobstant la politesse qui aurait pu présider à la formulation des demandes ci-dessus énoncées , un comportement managérial inadapté caractérisant un harcèlement moral par les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ;

Que dès lors, le jugement déféré sera infirmé et la résiliation judiciaire du contrat de travail ordonnée avec effet au jour de la notification du licenciement ;

Que la cour dispose dans la cause des éléments pour fixer à la somme de 120.000 euros le montant des dommages et intérêts devant être alloués à Madame [E] [R] compte tenu de son age, de l'ancienneté dans l'entreprise et des difficultés rencontrées pour retrouver un emploi ;

Considérant que Madame [E] [R] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral distinct de celui déjà réparé par les dommages et intérêts octroyés et sera en conséquence déboutée de ce chef de demande ;

Considérant qu'il n'apparaît pas équitable que Madame [E] [R] conserve la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable l'appel interjeté par Madame [E] [R] ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Juge que Madame [E] [R] a été victime d'un harcèlement moral ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec effet au 24 octobre 2013 date de la notification du licenciement ;

Condamne la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) à payer à Madame [E] [R] la somme de 120.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les a prononcées ;

Condamne la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) à payer à Madame [E] [R] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Fédération des Services Energie Environnement ( FEDENE ) aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 15/05255
Date de la décision : 04/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°15/05255 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-04;15.05255 ?
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