Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2016
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05443
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Février 2014 -Tribunal de Commerce de Bobigny - RG n° 2012F00096
APPELANTE
SAS KBA-FRANCE, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 398 328 310 ([Localité 2])
Représentée par Me Bernard BROUSSEAU de l'ASSOCIATION BOUCHAUD BROUSSEAU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R247
INTIMEE
SA MECANELEC, agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 334 364 510 ([Localité 4])
Représentée par Me Jean Claude BENHAMOU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS
Représentée par Me Philippe CALMELS, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick BIROLLEAU, Président de la chambre
Mme Michèle LIS SCHAAL, Présidente de chambre
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Madame Patricia DARDAS, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat du 24 septembre 2010, la SAS KBA-FRANCE a vendu la SA MECANELEC, qui est négociant en matériel d'imprimerie d'occasion, une presse offset d'occasion MAN ROLAND 505, construite en 2006, au prix de 379'132 € TTC, qui se trouvait dans les locaux de la SARL DELTA COLOR à [Localité 5]. La société KBA-FRANCE a émit le 29 décembre 2010 une facture à l'ordre de la société MECANELEC, après que celle-ci en ait réglé le prix.
La société MECANELEC a laissé gracieusement la presse offset à la disposition de la société DELTA COLOR. Puis un contrat de location a été conclu, le 16 juin 2011, pour une durée de deux mois, soit du 1er juin au 31 juillet 2011.
Durant l'été 2011, la société MECANELEC a découvert que la presse offset qui lui avait été vendue par la société KBA-FRANCE faisait l'objet d'une inscription de crédit-bail, du 16 décembre 2009, au profit des co-bailleurs NATIO CREDIMURS et OSEO FINANCEMENT.
Par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 28 septembre 2011 la société DELTA COLOR a été placée en liquidation judiciaire.
Par courrier des 26 septembre et 31 octobre 2011, la société MECANELEC a demandé à la société KBA-FRANCE le remboursement du prix de la presse offset.
Par courrier du 17 octobre 2011, la société KBA-FRANCE a refusé en ces termes 'vous avait pris le parti de ne pas récupérer cette machine et de la louer à DELATA COLOR en l'absence d'acquéreur et ce, malgré la situation financière de plus en plus inquiétante de DELTA COLOR.
Delta color ayant été mis en liquidation judiciaire le 28/09/2011, il vous appartient désormais de :
- mettre un terme au contrat de location de la Roland 500
- revendiquer cette machine
- procédé le cas échéant à une déclaration de créances à hauteur du prix de la machine.'
Par acte du 4 janvier 2012, la société MECANELEC a assigné la société KBA-FRANCE devant le tribunal de commerce de Bobigny en nullité de la vente et remboursement du prix de vente.
Par jugement du 25 février 2014, le tribunal de commerce a :
- prononcé la nullité de la vente du 24 septembre 2010, sans obligation de restitution de matériel;
- condamné la société KBA-FRANCE à rembourser à la société MECANELEC le prix de la presse offset en cause, soit 379'132 euros TTC, majorée des intérêts à taux légal à compter du 31 octobre 2011 et ce jusqu'à parfait paiement ;
- condamné la société KBA-FRANCE à payer à la société MECANELEC la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts ;
- condamné la société KBA-FRANCE à payer à la société MECANELEC la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie pour la demande principale ;
- condamné la société KBA-FRANCE aux dépens.
Par déclaration du 10 mars 2014, la société KBA-FRANCE a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état, du 11 décembre 2014, les conclusions de la société MECANELEC, en date du 17 juillet 2014, ont été déclarées irrecevables.
Vu les dernières conclusions, déposées et notifiées le 6 mai 2014 , par lesquelles la société KBA-FRANCE demande à la cour de :
A titre principal,
Vu l'article 1599 du code civil,
- dire la SA MECANELEC irrecevable en sa demande de nullité de la vente ;
Subsidiairement,
Vu l'article 1599 du code civil,
- dire la SA MECANELEC mal fondée en sa demande de nullité de la vente ;
Encore plus subsidiairement, au cas où la Cour de céans accueillerait la demande de nullité de la vente,
- subordonner la restitution du prix de vente à la restitution préalable en nature ou par équivalent de la presse litigieuse, outre les fruits perçus de la presse depuis le 24 septembre 2010.
En cas de restitution en nature,
- condamner MECANELEC aux frais éventuels de réparation et de remise de la presse dans l'état où elle était le 24 septembre 2010, jour de la vente.
En cas de restitution par équivalent,
- prononcer la compensation à concurrence de la plus faible entre les créances réciproques des parties.
En toute hypothèse,
Vu l'article 1149 du code civil,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
- débouter MECANELEC de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamner la SA MECANELEC à verser à la SAS KBA-FRANCE une indemnité de 5000 € ;
- condamner la SA MECANELEC aux dépens.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR
Sur la demande d'annulation du jugement
Considérant que la société KBA-FRANCE sollicite dans le corps de ses conclusions l'annulation du jugement rendu le 25 février 2014 par le tribunal de commerce de Bobigny, en soutenant qu'il ressort des énonciations du jugement que les 3 juges qui ont délibéré l'affaire n'étaient pas présents lors des plaidoiries, qui ont été entendues par un juge-rapporteur qui n'a pas participé au délibéré ;
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 954 code de procédure civile, 'Les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif' ;
Considérant que la société KBA- FRANCE ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions la demande d'annulation du jugement ; qu'il n'y a pas lieu à statuer sur cette question ;
Sur la demande d'annulation de la vente
Considérant que la société KBA- FRANCE expose que l'action en nullité de la vente formée par la société MECANELEC, sur le fondement des dispositions de l'article 1599 du code civil, selon lequel la vente de la chose d'autrui est nulle, est irrecevable à un double titre ; qu' en effet, une action en nullité pour vente de la chose d'autrui suppose, d'une part, que l'acheteur soit actionné par un tiers en revendication de la chose vendue, et d'autre part, que l'acheteur offre la restitution du bien vendu, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Considérant que la société KBA- FRANCE expose, subsidiairement, que l'action en nullité de la vente formée par la société MECANELEC, sur le fondement des dispositions de l'article 1599 du code civil, est mal fondée car la société MECANELEC était en mesure de faire prévaloir son droit de propriété sur tout droit concurrent de par sa possession du bien litigieux, conformément aux dispositions de l'article 2276 du code civil, et par la consolidation de son droit ;
Considérant que la société KBA- FRANCE soutient que, d'une part, la société MECANELEC, qui a acheté la presse et en a disposé en la louant par exemple à la société DELTA COLOR pouvait faire prévaloir sa possession matérielle et juridique sur les éventuels droits concurrents invoqués par des tiers ; que la publication du crédit-bail consenti par un tiers sur le matériel litigieux n'était pas de nature à remettre en cause le droit de propriété de la société MECANELEC, puisque la jurisprudence a posé pour principe que les droits du crédit-bailleur inscrit sont inopposables au sous-acquéreur de bonne foi ; que, d'autre part, il est de principe constant que la vente de la chose d'autrui est consolidée lorsque le vendeur avait toutes les apparences d'un propriétaire et qu'il a eu, du côté de l'acheteur, une croyance légitime en ces apparences ; qu'en définitive, la société MECANELEC était en mesure de faire valoir son droit de propriété sur celui de tout autre tiers, ce qui s'oppose à ce que la vente soit annulée, la perte du matériel litigieux ne provient pas de l'éviction de l'intimée par un tiers, mais de ce qu'elle a délibérément omis de revendiquer son bien auprès de la liquidation judiciaire de la société DELTA COLOR ; que la renonciation volontaire par la société MECANELEC à la propriété du matériel litigieux ne peut lui ouvrir droit à annulation de la vente ;
Considérant que la société KBA FRANCE expose, à titre plus subsidiaire encore, que, à supposer que la Cour accueille la demande de nullité de la vente, elle subordonnerait alors la restitution du prix de vente à la restitution préalable en nature ou par équivalent de la presse litigieuse, outre les fruits perçus de la presse depuis le 24 septembre 2010 et les frais éventuels de réparation et de remise de la presse dans l'état où elle était le jour de la vente ; qu'en cas de restitution par équivalent, la Cour prononcerait la compensation à concurrence de la plus faible entre les créances réciproques des parties ;
Mais considérant que l'action en nullité de l'acquéreur, fondée sur la prohibition de la vente de la chose d'autrui, qui naît du simple risque d'éviction, est recevable même en l'absence d'action en revendication, laquelle ne peut être exercée que par le propriétaire du bien ; que la recevabilité de l'action en nullité de la vente de la chose d'autrui n'est pas non plus subordonnée à une offre de restitution du bien, laquelle résultera du prononcé de la nullité de la vente, qui implique que les choses soient remises dans leur état antérieur ; que l'action de la société MECANELEC, qui a agi dans le délai de prescription quinquennal, est recevable dès lors qu'elle a été engagée avant que le vice résultant du défaut de propriété ait été couvert ;
Considérant que la nullité prévue à l'article 1599 du code civil est limitée aux cas où celle-ci est nécessaire à la protection de l'acheteur ; qu'aussi la disparition du risque d'éviction fait obstacle à l'application des dispositions de l'article 1599 du code civil ; que la nullité de la vente de la chose d'autrui ne peut être prononcée que tant que la vente n'a pas été consolidée ; que si l'acquéreur qui peut invoquer à son profit les dispositions de l'article 2276 du code civil, aux termes duquel 'en fait de meubles possession vaut titre', échappe à l'action en revendication du propriétaire, tel n'est pas le cas de l'acquéreur qui n'est pas en possession du bien meuble ;
Considérant que la société MECANELEC, qui n'a pas pu recommercialiser la presse MAN ROLAND 505, l'a laissée dans les locaux de la société DELTA COLOR, où elle se trouvait au moment de la vente, et en a été dépossédée par la mise en liquidation judiciaire de cette société ; qu'en conséquence, la société MECANELEC, qui ne peut bénéficier des dispositions de l'article 2276 du code civil, peut être exposée à une action en revendication ; que la société KBA-FRANCE est mal fondée à soutenir que la vente a été consolidée par l'effet des dispositions de l'article 2276 du code civil ;
Considérant que la vente peut être consolidée par l'effet de l'apparence lorsque le vendeur avait l'apparence d'être le véritable propriétaire et que l'acquéreur a eu une croyance légitime en cette apparence, provoquée par une erreur commune ; qu'en l'espèce, la société MECANELEC ne peut bénéficier de la théorie de l'apparence dès lors que les opérations de crédit-bail en matière mobilière sont soumises à publication au registre ouvert à cet effet au greffe du tribunal de commerce, conformément aux dispositions des articles R.313-10 et suivants du code monétaire et financier, et qu'il résulte de son courrier du 26 septembre 2011qu'elle a découvert l'identité du véritable propriétaire de la presse offset quelques mois après l'achat en vérifiant les matériels nantis 'dans la société DELTA COLOR et les sociétés environnantes' ; que la société MECANELEC, a qui il incombait de prendre les renseignements sur l'identité du propriétaire du matériel avant l'achat, ne justifie pas d'une croyance légitime et d'une erreur commune lui permettant d'échapper à une action en revendication du véritable propriétaire ;
Considérant qu'il ne peut être reproché à la société MECANELEC, qui avait appris avant la mise en liquidation judiciaire de la société DELTA COLOR qu'elle n'était pas le véritable propriétaire de la presse offset d'occasion, de ne pas avoir exercé une action en revendication réservée au véritable propriétaire du bien ; que la demande en nullité de la vente formée par la société MECANELEC, sur le fondement des dispositions de l'article 1599 du code civil, est bien fondée ;
Considérant que la vente de la chose d'autrui est sanctionnée par une nullité totale, qui a pour conséquence d'anéantir la vente de façon rétroactive ; que la société MECANELEC, qui a contracté de bonne foi, a droit à la restitution du prix, au remboursement des frais accessoires de la vente et peut conserver les revenus perçus jusqu'au jour de la demande en nullité ; que la restitution de la presse offset s'avère impossible compte tenu que la société MECANELEC ne la détient plus du fait de la liquidation judiciaire de la société DELTA COLOR ; que la demande de compensation formée par la société KBA FRANCE, qui n'est justifiée par aucune pièce doit être rejetée ;
Sur la demande de dommages et intérêts de la société MECANELEC
Considérant que la société KBA FRANCE sollicite le rejet de la demande de dommages et intérêts de la société MECANELEC aux motifs qu'elle ne justifie pas du préjudice résultant de l'impossibilité de récupérer la presse offset et de sa dépréciation ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 1599 du code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ;
Considérant que la société MECANELEC, qui est replacée dans l'état antérieur à la vente annulée et peut conserver les revenus de la location de la presse offset, ne justifie d'aucun préjudice supplémentaire ouvrant droit à indemnisation ; que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en sa disposition ayant condamné la SAS KBA-FRANCE à payer à la SA MECANELEC la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts.
Et statuant de nouveau dans cette limite,
Déboute la SA MECANELEC de sa demande de dommages et intérêts,
Et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Le greffier Le président