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29/09/2016 | FRANCE | N°15/01005

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 29 septembre 2016, 15/01005


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRET DU 29 Septembre 2016

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01005 (15/01268)



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2014 par le tribunal de grande instance de EVRY RG n° 13/00181







APPELANTE



SCI LES PLANTS Prise en la personne de son représentant légal

RCS Evry n°304 440 381

[Adresse 1

]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alban RAÏS de la SELAS AVRIL RAIS, avocat au barreau de PARIS, toque K0032





INTIMÉS





DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES ([Localité 1]) S...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRET DU 29 Septembre 2016

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01005 (15/01268)

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2014 par le tribunal de grande instance de EVRY RG n° 13/00181

APPELANTE

SCI LES PLANTS Prise en la personne de son représentant légal

RCS Evry n°304 440 381

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alban RAÏS de la SELAS AVRIL RAIS, avocat au barreau de PARIS, toque K0032

INTIMÉS

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES ([Localité 1]) SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Mme [R] [Y] en vertu d'un pouvoir général

CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE L'[Localité 1]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Jean DI FRANCESCO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Christian HOURS, président de chambre, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

- Christian HOURS, président de chambre

- Maryse LESAULT, conseillère

- Agnès DENJOY, conseillère

Greffier : Isabelle THOMAS, lors des débats

ARRÊT :- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, président et par Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé :

Par arrêté du 14 juin 2011, les acquisitions foncières par le conseil général de l'[Localité 1] en vue de réaliser l'aménagement de la RD 36, reliant les pôles urbains de [Localité 3] et de [Localité 4], à partir de [Localité 5] dans les [Localité 6] jusqu'à [Localité 7] en [Localité 1], en une infrastructure multimodale, ont été déclarées d'utilité publique.

Parmi les parcelles concernées figure celle située sur la commune de [Localité 8], lieudit [Localité 9], cadastrée section [Cadastre 1], d'une superficie de 18 664 m², appartenant à la SCI les Plants.

Faute d'accord sur le montant de l'indemnisation, le juge de l'expropriation a été saisi par le conseil général de l'[Localité 1], le 18 octobre 2013.

La cour statue sur l'appel formé par la SCI Les Plants (en abrégé la SCI), le 13 janvier 2015, de la décision de la juridiction de l'expropriation de l'Essonne du 15 décembre 2014, ayant fixé de la façon suivante les indemnités lui revenant :

- indemnité principale : 74 656 euros (sur la base de 4 euros le m²),

- indemnité de remploi : 8 466 euros,

- indemnité pour perte de loyer : 3575 euros,

- indemnité pour frais non compris dans les dépens : 1 500 euros, l'expropriante étant condamnée à supporter les dépens.

L'appel a été enregistré sous deux numéros de rôle 15/01005 et 15/1745.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures qui avaient été :

- adressées au greffe, le 8 avril 2015, par la SCI, aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- fixer l'indemnité principale de dépossession à la somme de 559 920 euros, l'indemnité de remploi à la somme de 56 992 euros et la perte de revenus locatifs à la somme de 17 876,25 euros ;

- condamner le département de l'[Localité 1] à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;

- déposées au greffe, le 20 mai 2015, par le conseil général de l'[Localité 1], aux termes desquelles il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter l'expropriée de ses plus amples demandes et de la condamner à supporter les dépens d'appel ;

- adressées au greffe, le 8 juin 2015, par la commissaire du gouvernement, aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de fixer :

- l'indemnité principale à la somme de 107 215 euros ;

- l'indemnité de remploi à la somme de 17 721,50 euros ;

- l'indemnité au titre de la perte de revenus à la somme de 3 575 euros.

Motifs de l'arrêt :

Considérant que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des affaires suivies sous les numéros de rôle 15-01005 et 15-01268, qui concernent toutes les deux, l'appel interjeté contre le jugement du 15 décembre 2014 de la juridiction de l'expropriation de l'Essonne ;

Considérant que l'appel et les écritures des parties, lesquelles, dûment notifiées, ont permis un débat contradictoire complet et ne font l'objet d'aucune contestation sur ce point, sont recevables ;

Considérant que la SCI, appelante, soutient que :

- la parcelle en cause, bien qu'en nature de terre exploitée, faisait l'objet d'un bail commercial à usage de bureaux, consenti par ses soins à la société Etandex, venant à échéance le 31 mai 2019; elle est composée d'une pépinière mais aussi d'un terrain goudronné, qui constitue une plate-forme technique, de parkings et de bureaux ;

- cette parcelle, située en zone urbaine, à proximité de la commune de [Localité 8], devait être qualifiée de terrain bâti ou au minimum de terrain à bâtir, ce qui correspondait à son usage effectif à la date de référence ; il devait être à tout le moins tenu compte de son utilité sociale, le quartier ayant vocation à devenir une zone urbanisée ;

- au vu des références produites en première instance et du rapport Rambaud concernant des terres presque accolées à la parcelle en cause, la juste valeur du m² se situe entre 30 euros, valeur haute, qu'il est demandé de retenir, et 6 euros, valeur basse, résultant dudit rapport ;

- elle doit être indemnisée des cinq années de loyers perdus en vertu du bail consenti à la société Etandex ;

Considérant que le département de l'[Localité 1] réplique que :

- la date de référence, un an avant l'ouverture de l'enquête préalable, se situe au 31 mai 2009, date à laquelle la parcelle était classée en zone NC, de sorte qu'elle ne peut être considérée comme un terrain à bâtir au sens de l'article L13-15-II du code de l'expropriation ;

- l'utilisation que la SCI a faite de cette parcelle en consentant un bail commercial, n'est pas conforme au classement NC, de sorte qu'il ne peut en être tenu compte ; subsidiairement, il devra être appliqué un abattement de 30 % pour occupation commerciale de la partie louée ;

- les éléments de référence fournis par l'expropriée concernent des parcelles ayant un zonage différent plus favorable ou situées dans un autre département, tandis que le rapport Rambaud traitait d'une situation particulière, qui n'est pas transposable ; la valeur proposée par le commissaire du gouvernement est excessive compte tenu du classement de la parcelle en zone NC ;

Considérant que la commissaire du gouvernement fait valoir que :

- au vu du procès-verbal de transport et du bail, il apparaît que la parcelle en cause n'est pas bâtie mais qu'il s'agit d'une ancienne pépinière, dont une partie a été bitumée avec un usage commercial (4 735 m²), le reste étant plus ou moins à l'abandon ;

- le terrain n'étant pas constructible à la date de référence, ne peut être qualifié de terrain à bâtir; il ne peut être pris en considération le fait que le quartier a vocation à devenir une zone urbanisée, seuls les éléments de plus-value devant être pris en compte comme la bonne situation de la parcelle, à proximité d'une zone urbaine pavillonnaire ;

- le prix moyen des terres agricoles en [Localité 1] n'est en 2013 que de 7 750 euros l'hectare, soit bien en deça de la valeur de 40 000 euros retenue par le premier juge ;

- les éléments de comparaison de l'expropriée ne sont pas pertinents ;

- il est nécessaire de distinguer les deux parties de la parcelle, la consistance du bien à la date de l'ordonnance d'expropriation devant être prise en compte, à savoir l'existence d'un bail commercial et la perception de loyers, étant observé que le premier juge, tout en ayant refusé de considérer l'activité exercée par le locataire, a accepté d'indemniser la perte de loyer, alors qu'il ne s'agit pourtant pas d'un loyer agricole ;

- faute de pouvoir utiliser la méthode comparative, il est proposé pour la partie louée de l'évaluer selon la méthode de la rentabilité avec un taux de 5 %, pour un loyer annuel de 3 575,25 euros avec un abattement pour occupation de 20 %, d'où une indemnité de 57 204 euros ; le reste du terrain, doit, au vu des termes de comparaison versés aux débats, être évalué sur la base d'un prix au m² de 3,50 euros pour le surplus de la parcelle, soit 14 289 m², d'où une indemnité de 50 011 euros, tandis que la perte de revenus doit être indemnisée sur la base d'un an de loyer, comme l'a fait le premier juge ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ;

Considérant que l'article 13-13 du code de l'expropriation, devenu L311-4, dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;

Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L 13-15 du code de l'expropriation, devenu L322-2, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, selon leur consistance matérielle et juridique au jour de l'ordonnance portant transfert de propriété, aux termes de l'article L13-14 dudit code, devenu L322-1 et en fonction de leur usage effectif à la date de référence, l'appréciation de cette date se faisant à la date du jugement du première instance ;

Considérant qu'en l'absence de l'ordonnance d'expropriation à la date du jugement, c'est cette date qu'il convient de prendre en compte et ce, même si l'ordonnance d'expropriation intervient en cause d'appel ;

Considérant que seul est pris en considération l'usage effectif des immeubles un an avant l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique ;

Considérant dès lors que le bien doit être évalué à la date du 15 décembre 2014, date d'appréciation de ses caractéristiques matérielles et juridiques, selon son usage effectif à la date de référence du 31 mai 2009 ;

Considérant qu'à cette dernière date, la parcelle considérée était située en zone NC, de sorte qu'en aucun cas elle ne peut être considérée comme un terrain à bâtir, l'utilisation ultérieure du terrain par l'expropriant ne pouvant être prise en compte ;

Considérant que si l'appréciation de la valeur du bien en cause doit se faire par comparaison avec celle d'autres biens présentant des caractéristiques semblables dans la même aire géographique et ayant fait l'objet de transactions à des époques proches, soit classés en zone NC, il convient de tenir compte de l'existence au jour du jugement d'un bail commercial sur une partie du terrain, dégageant un revenu annuel non contesté de 3 575,25 euros ;

Considérant que, comme indiqué, la parcelle située en zone NC, non constructible, ne peut être évaluée sur la base de références constituées de terrains à bâtir, ni même de parcelles situées dans des zonages différents NAUI , Aux, 2AU ou AU, qui doivent être écartées ; que ni la référence de l'expropriée concernant un bien différent situé dans un autre département ni le rapport Rambaud qui valorisait une exploitation amputée de plus du tiers de sa superficie, ce qui est très différent de la présente situation, ne peuvent être pris en considération ;

Considérant qu'eu égard à la spécificité du bien dans son utilisation effective, il convient, à l'instar de ce que propose la commissaire du gouvernement, de procéder à l'évaluation distincte de la partie du terrain d'une surface de 4 375 m², bitumée, faisant l'objet d'un bail et du surplus de la parcelle, pour 14 289 m², anciennement à usage de pépinière, qui apparaît, au vu du procès-verbal de transport et des photographies versées aux débats, avoir été laissé à l'abandon ;

Considérant qu'il convient d'évaluer la partie louée, à défaut de terme de comparaison utile, selon la méthode du revenu, ce qui en retenant le montant précité du loyer et un taux de rentabilité de 5 %, aboutit à une valorisation de :

3 575,25 euros x 100/5 = 71 505 euros, soit, pour 4 375 m², un prix au m² de 16,34 euros ;

Considérant que cette partie de terrain étant effectivement occupée à titre commercial par les aménagements, il sera pratiqué, comme sollicité par le département de l'[Localité 1], un abattement de 30 %, soit 21 451,50 euros, d'où un solde de 71 505 - 21 451,50 = 50 053,50 euros ;

Considérant que pour l'autre partie du terrain, qui n'est pas louée, eu égard à l'ancienneté des mutations proposées comme références par le commissaire du gouvernement et à la situation privilégiée de la parcelle, caractérisée par sa proximité avec une zone urbaine pavillonnaire, il convient de retenir l'évaluation faite par le premier juge à 5 euros le m², valeur libre, cette somme n'ayant pas à être diminuée puisque cette partie de la parcelle ne fait pas l'objet d'une location; qu'il s'ensuit que l'indemnité afférente à cette partie de la parcelle est de :

14 289 euros x 5 euros = 71 445 euros ;

Considérant que l'indemnité principale s'élève par suite à :

50 053,50 euros + 71 445 euros = 121 498,50 euros,

Considérant que l'indemnité de remploi est par conséquent de :

- 5 000 euros X 20 % = 1 000 euros ;

- 10 000 euros X 15 % = 1 500 euros ;

- 10 % du surplus, soit 106 498,50 euros X 10 % = 10 649,85 euros, arrondis à 10 650 euros ;

soit au total, la somme de 13 150 euros ;

Considérant, s'agissant de la perte de revenus, que le premier juge a, à juste titre, fixé à un an la durée nécessaire pour procéder au rachat d'un bien équivalent et retrouver un locataire, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité pour perte de loyers ;

Considérant en définitive que la décision entreprise doit être confirmée sauf sur le montant de l'indemnité de dépossession ;

Considérant que le département de l'[Localité 1] doit être condamnée à verser la somme de 2 500 euros à la SCI les Plants pour compenser les frais irrépétibles que celle-ci a exposés en cause d'appel ;

Considérant que le département de l'[Localité 1] doit également être condamné à supporter les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

- ordonne la jonction des affaires suivies sous les numéros de rôle 15-01005 et 15-01268, qui seront suivies sous le numéro 15-01005 ;

- confirme le jugement du 15 octobre 2014 du juge de l'expropriation de l'Essonne sauf sur le montant de l'indemnisation ;

- statuant à nouveau, fixe de la façon suivante les indemnités revenant à la SCI les Plants suite à la dépossession de sa parcelle :

- indemnité principale d'expropriation : 121 498,50 euros ;

- indemnité de remploi : 13 150 euros ;

- y ajoutant :

- condamne le département de l'[Localité 1] à verser la somme de 2 500 euros à la SCI les Plants pour compenser les frais irrépétibles que celle-ci a exposés en cause d'appel ;

- le condamne à supporter les dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/01005
Date de la décision : 29/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris G7, arrêt n°15/01005 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-29;15.01005 ?
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