RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 29 Septembre 2016
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/07826
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F11/04856
APPELANT
Monsieur [V] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1] (Maroc)
représenté par Me Bénédicte ROLLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028
INTIMEE
Société FEDERAL EXPRESS CORPORATION
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représentée par Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS, toque : R235
substitué par Me Clémence VALLOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R235
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laura CLERC-BRETON, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente, et par Madame Laura CLERC-BRETON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur [V] [L] a été engagé par la société FEDERAL EXPRESS , pour une durée indéterminée à compter du 14 mars 1997, en qualité de manutentionnaire. En dernier lieu, il exerçait la fonction de technicien de piste.
Par lettre du 3 février 2011, Monsieur [L] était convoqué pour le 14 février à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 23 février suivant pour faute grave, caractérisée par des propos méprisants et injurieux et une attitude agressive et violente à l'encontre de collègues.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 3 212 euros.
La relation de travail est régie par la Convention collective du personnel au sol des
entreprises de transport aérien.
Le 23 décembre 2011, Monsieur [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny et formé des demandes afférentes à la contestation des motifs du licenciement.
Par jugement du 17 juin 2013 notifié le 24 juillet 2013, le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [L] a interjeté appel de cette décision le 9 août 2013.
Lors de l'audience du 1er juillet 2016, Monsieur [L] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société FEDERAL EXPRESS à lui payer les sommes suivantes :
- 6 424 euros à titre d'indemnité de préavis
- 642 euros au titre des congés payés afférents
- 17 505,40 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
- 115 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- les intérêts au taux légal à compte de l'introduction de la demande avec capitalisation
- il demande également la remise d'une attestation destinées à Pôle-emploi, des bulletins de paie et un certificat de travail conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard
Au soutien de ses demandes, Monsieur [L] expose que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, alors qu'il produit de son côté une pétition signée par 208 salariés ainsi que de nombreuses attestations et alors qu'il n'avait, dans la période de prescription, précédemment jamais fait l'objet de sanctions en lien avec son comportement vis à vis de ses collègues.
En défense, la société FEDERAL EXPRESS demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [L] à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que son comportement a commencé à se dégrader à compter de l'année 2004, qu'il a ainsi fait l'objet de nombreuses sanctions et qu'elle rapporte la preuve de ses griefs, les pièces produites par lui ne concernant pas les faits en cause.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
***
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte des dispositions de l'article L 1234-1 du Code du travail que la faute grave est celle qui justifie la rupture immédiate du contrat de travail.
La preuve de la faute grave incombe à l'employeur, conformément aux dispositions des articles 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 23 février 2011, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du Code du travail, est libellée dans les termes suivants :
« Le vendredi 21 janvier 2011, vous étiez assigné au chargement en soute (bulk) 15 minutes avant le départ de l'avion [...] Pendant le chargement, vous avez tenu des propos injurieux et méprisants envers deux de vos collègues agents de piste en tenant les propos suivants : 'vous êtes tous des pédés'. Ensuite, sur le parking en fin d'opérations devant une partie de l'équipe et en présence de votre responsable hiérarchique, vous avez eu une attitude agressive et violente. En effet, vous avez menacé vos collègues en déclarant : 'toi tu la boucles sinon je vais te fracasser et te faire rentrer en Tunisie, j'ai des gros bras et viens on sort'. Votre comportement et ces paroles ont d'ailleurs été confirmés par des attestations en notre possession de salariés qui ont assisté à ces faits.
Lors de l'entretien, vous n'avez pas reconnu la totalité des faits. Vous avez reconnu avoir tenu les propos suivants : 'vous êtes tous des pédés' en nous indiquant que c'était de l'humour. Vous nous avez également indiqué que vous vous étiez emporté mais nié avoir menacé vos collègues.
Les explications que vous nous avez apportées ne nous permettent pas de modifier notre appréciation des faits. Vous avez, ouvertement et sans détour en présence de nombreux témoins, menacé vos collègues de travail de régler vos comptes, hors de l'enceinte de l'entreprise. Nous ne pouvons tolérer, ni au sein de notre entreprise, ni à l'extérieur, ce climat de terreur que vous avez instauré par votre comportement et vos propos.
Nous sommes donc dans l'obligation de vous rappeler le contenu de notre règlement intérieur [...]
Toute violence tant physique que verbale est inacceptable au sein de notre entreprise. Il est indispensable, en effet, que chacun soit attentif à ne pas mettre en cause l'organisation et le bon fonctionnement des opérations par son attitude ou son comportement.
Un tel comportement de votre part est parfaitement inacceptable et inadmissible, en contradiction manifeste aux valeurs que nous véhiculons ».
Au soutien de ces griefs, la société FEDERAL EXPRESS produit les attestations de Messieurs [F], responsable des opérations, [O] 'handler' et [S], agent de piste, qui décrivent très exactement ces faits énoncés dans la lettre de licenciement.
Monsieur [L] fait valoir que ces attestations ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, n'étant pas accompagnées des photocopies des pièces d'identité de leurs auteurs.
Cependant, cette omission n'est pas de nature à leur faire perdre leur caractère probant, dès lors que l'identité de leurs auteurs n'est pas contestée.
De son côté, Monsieur [L] produit une pétition signée par 208 salariés qui font part de leurs "souvenirs positifs" laissés par lui, ainsi que d'attestations de collègues qui le décrivent comme un "bon et respectueux collègue de travail".
Cependant, ces personnes n'ayant pas assisté aux faits reprochés, leur témoignage n'est pas de nature à contredire utilement les trois attestations susvisés, quant à la matérialité de ces faits.
Ces faits, qui portent atteinte à l'intégrité physique et morale des autres salariés de l'entreprise que l'employeur a pour obligation de protéger, sont en eux-même d'une gravité telle qu'ils justifiaient le départ immédiat de Monsieur [L] , nonobstant le soutien apporté par les autres salariés de l'entreprise et le fait que l'employeur n'ait pas communiqué le compte-rendu d'entretiens annuels d'évaluation sur trois ans, alors qu'il produit cinq lettres de sanctions précédemment notifiées pour diverses négligences professionnelles dans ce délai de prescription prévu par l'article L 1332-5 du code du travail.
Enfin, le fait que Monsieur [L] n'ait pas fait l'objet de mise à pied conservatoire n'est pas de nature à priver les faits reprochés de leur gravité.
Le jugement doit donc être confirmé et Monsieur [L] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,
Confirme le jugement
Déboute Monsieur [V] [L] de l'ensemble de ses demandes
Déboute la société FEDERAL EXPRESS de sa demande d'indemnité
Condamne [V] [L] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT