La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2016 | FRANCE | N°15/19083

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 27 septembre 2016, 15/19083


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2016



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19083



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 Février 2015 rendu par le Pôle 1 Chambre 1 de la Cour d'Appel de PARIS - RG n° 13/13278





DEMANDEUR A LA TIERCE OPPOSITION :



Monsieur [H] [P] né le [Date naissance 1] 1926

à [Localité 6] de Comminges (31510)



[Adresse 5]

[Adresse 13]

[Localité 4]



représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat post...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2016

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/19083

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 Février 2015 rendu par le Pôle 1 Chambre 1 de la Cour d'Appel de PARIS - RG n° 13/13278

DEMANDEUR A LA TIERCE OPPOSITION :

Monsieur [H] [P] né le [Date naissance 1] 1926 à [Localité 6] de Comminges (31510)

[Adresse 5]

[Adresse 13]

[Localité 4]

représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : K0111

assisté de Me Jean-Pierre GASTAUD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G430

DÉFENDEURS A LA TIERCE OPPOSITION :

Maître [D] [G], mandataire judiciaire

[Adresse 9]

[Localité 1]

représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: K0065

assisté de Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0079

Maître [O] [A], Mandataire judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: K0065

assistée de Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0079

SELAFA MJA Prise en la personne de Maître [O] [A], Mandataire Judiciaire à la liquidation judiciaire de M. [R] [L], de la société ALAIN COLAS TAHITI et de la SNC BT GESTION

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: K0065

assistée de Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0079

SELARL EMJ Prise en la personne de Maître [D] [G], mandataire judiciaire, ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la S.A. ALAIN COLAS TAHITI, de la SNC BT GESTION, Monsieur [R] [L]

[Adresse 10]

[Localité 1]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque: K0065

assistée de Me Jean-Paul PETRESCHI, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : K0079

Monsieur [R] [L]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représenté par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0029

Madame [J] [B] épouse [L]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0029

SNC GROUPE [R] [L]

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0029

Société FINANCIERE IMMOBILIERE [R] [L]

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0029

SEL [X] prise en la personne de Maître [X], pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Société FINANCIERE ET IMMOBILIERE [R] [L] et de la SNC GROUPE [R] [L]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0241

assistée de Me Jean-Pierre FARGES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : J34

SCP BTSG prise en la personne de Maître [N] pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la Société FINANCIERE IMMOBILIERE [R] [L] et de la SNC GROUPE [R] [L]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0241

assistée de Me Jean-Pierre FARGES, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : J34

SAS CDR CREANCES

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Jean-Pierre MARTEL, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P134 et de Me Xavier NORMAND-BODARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P141

SASU CDR CREANCES

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 8]

[Localité 1]

N° SIRET : 542 .05 4.1 68.

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : C2477

assistée de Me Jean-Pierre MARTEL, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P134 et de Me Xavier NORMAND-BODARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P141

Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet au [Adresse 11]

représenté par Monsieur LERNOUT, avocat général

SNC BT GESTION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparante

non représentée

Société ALAIN COLAS TAHITI

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 14]

[Adresse 12]

[Localité 5]

non comparante

non représentée

Etablissement Public DE FINANCEMENT ET DE RESTRUCTURATION

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

non comparant

non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Madame Dominique GUIHAL, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

magistrats désignés par ordonnance n° 124/2016 rendue le 21 mars 2016 par Madame le premier président de la cour d'appel de PARIS

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Mélanie PATE

ARRET

- PAR DÉFAUT

- prononcé publiquement par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président de chambre.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, président et par Madame Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Par un arrêt du 17 février 2015, cette cour, saisie d'un recours en révision formé par la SAS CDR CREANCES et la SA CDR-CONSORTIUM DE REALISATION (les sociétés CDR) à l'encontre des sentences prononcées le 7 juillet 2008 et le 27 novembre 2008 par le tribunal arbitral composé de MM. [V], président, [Y] et [P], arbitres, a :

- mis hors de cause la SELAFA MJA, la SELARL EMJ et M. [D] [G], pris à titre personnel,

- constaté que la SELAFA MJA et M. [G], attraits ès qualités de liquidateurs à la liquidation judiciaire des sociétés FINANCIERE ET IMMOBILIERE [R] [L] (FIBT) et GROUPE [R] [L] (GBT), n'avaient plus qualité pour les représenter,

- dit que l'arbitrage litigieux était interne et que le recours en révision relevait, dès lors, du pouvoir juridictionnel de la cour,

- déclaré régulière la citation introductive d'instance du 28 juin 2013,

- écarté le moyen tiré des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale,

- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE FINANCEMENT ET DE RESTRUCTURATION (EPFR),

- ordonné la rétractation de la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 ainsi que des trois sentences du 27 novembre 2008 qui en sont la conséquence,

- enjoint aux parties de conclure sur le fond.

La rétractation était motivée par la circonstance que M. [P], de connivence avec M. [L] et les sociétés de son groupe, ainsi qu'avec leur conseil, avait surpris par fraude la décision du tribunal arbitral.

Par actes d'huissier du 24 septembre 2015, M. [H] [P] a assigné en tierce opposition les sociétés CDR, la SELAFA MJA et Me [G], personnellement, la SELAFA MJA et la SELARL EMJ, ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire de la SA ALAIN COLAS TAHITI (ACT), de la SNC BT GESTION, de M. [R] [L] et de Mme [J] [B], épouse [L], ces deux personnes morales et ces deux personnes physiques à titre personnel, les sociétés FIBT et GBT, l'EPFR, ainsi que le procureur général près la cour d'appel de Paris.

Saisi par les sociétés CDR de conclusions tendant à voir déclarer irrecevable la tierce opposition, le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 31 mars 2016, s'est déclaré incompétent.

Par des conclusions signifiées le 6 juin 2016, M. [P] demande à la cour de déclarer sa tierce opposition recevable, de rétracter l'arrêt en ce qu'il lui fait grief, de dire qu'aucun comportement frauduleux n'est établi à son encontre, de retirer de l'arrêt toutes mentions qui, de manière directe ou indirecte, retiendraient l'existence d'un comportement frauduleux à sa charge, et de condamner les sociétés CDR in solidum à lui payer la somme de 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'intérêt pour agir, M. [P] fait valoir qu'il est caractérisé en l'espèce par le fait que la rétractation de la sentence ouvre la voie à une action en responsabilité civile à son encontre de la part de l'une ou l'autre partie.

En ce qui concerne la qualité pour agir, il expose, en premier lieu, que l'arrêt du 17 février 2015 est entaché d'excès de pouvoir pour avoir empiété sur les prérogatives du juge pénal, seul investi du pouvoir d'apprécier la culpabilité, et avoir ainsi porté atteinte à la présomption d'innocence, pour avoir fondé cette appréciation de culpabilité sur des pièces tirées du dossier d'instruction, en violation du principe de l'autorité du pénal sur le civil, et pour l'avoir déclaré coupable sans lui permettre d'exercer les droits de la défense. Le tiers opposant ajoute qu'il résulte de l'autonomie du régime des recours pour excès de pouvoir que le défaut de qualité ne peut être opposé à celui qui, ordinairement, n'aurait pas le droit d'agir; qu'en juger autrement méconnaîtrait l'article préliminaire § III du code de procédure pénale, ainsi que le droit à un recours effectif consacré tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, par l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et par l'article 14-1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. En second lieu, M. [P] soutient que si un arbitre n'est pas recevable, en cette qualité, à contester un arrêt qui censure, pour une erreur de droit, la sentence à laquelle il a concouru, il l'est, en revanche, lorsque le comportement qui lui est reproché, présentant un caractère dolosif et participant d'une qualification pénale, le prive de son immunité juridictionnelle, analogue à celle d'un juge, de sorte que perdant son statut d'arbitre, il n'exerce la tierce opposition qu'en qualité de mis en examen dans un dossier pénal qui, selon l'arrêt entrepris, aurait concouru à des agissements frauduleux. M. [P] ajoute que les sociétés CDR ne peuvent, sans se contredire à son détriment et enfreindre ainsi le principe de l'estoppel, lui opposer sa qualité de juge pour faire déclarer sa tierce opposition irrecevable et obtenir la saisie immobilière d'un bien lui appartenant au visa notamment de l'arrêt attaqué.

Sur le fond, le tiers opposant soutient que cet arrêt doit être rétracté, dans la mesure où l'arbitrage n'est entaché d'aucune irrégularité qui lui soit imputable. Il fait valoir :

- que l'arbitrage a été arrêté d'un commun accord entre les parties, par une convention à caractère transactionnel et compromissoire, en tenant compte d'un risque significatif de condamnation des sociétés CDR par la cour de renvoi après cassation, et que les parties étaient si peu assurées du sens de la sentence à venir qu'elles ont continué à négocier pendant la durée de l'instance arbitrale, de sorte qu'il ne saurait être soutenu que l'arbitrage procédait d'un simulacre;

- que les trois membres du tribunal arbitral ont également été désignés d'un commun accord entre les parties; qu'il s'agissait de personnalités éminentes dont chacune a forgé librement sa conviction au terme de huit mois de débats qui ont été menés avec autorité par le seul président; que la partie de la sentence relative au préjudice moral a été préparée par M. [Y], et que lui-même a été chargé de mettre le dossier en état sans que les notes qu'il a rédigées à cette fin manifestent une quelconque partialité;

- que contrairement à ce qu'énonce l'arrêt entrepris, il n'avait pas de relation de proximité avec Me [I], le conseil de M. [L], qu'en particulier, l'analyse de sa comptabilité de 1992 à 2013 ne révèle aucune facturation ayant un lien avec l'affaire correspondant au mémoire d'honoraires établi le 6 juillet 1999 par Me [I];

- qu'il n'avait pas davantage de lien avec l'association des petits porteurs et qu'il s'est contenté de porter à la connaissance du président du tribunal arbitral le problème des actionnaires minoritaires de CEDP qui n'avaient pas été indemnisés dans le cadre d'une transaction avec le CDR;

- qu'il n'avait pas non plus de relation avec M. [L] lui-même, en particulier, que les coordonnées téléphoniques de celui-ci ne figurent que sur son agenda 2010-2011, soit plus de trois ans après le commencement de l'arbitrage, et qu'il n'apparaît pas sur le relevé des appels téléphoniques de [R] [L]; qu'en ce qui concerne la dédicace de l'ouvrage de M. [L], elle a été suggérée à celui-ci par un tiers, Me [S], auquel M. [P] s'était borné à indiquer dans une conversation informelle, que M. [L] était en droit de bénéficier d'une confusion de peines dans les affaires de l'Olympique de Marseille; que, du reste, M. [L] ignorait l'identité du dédicataire, ainsi qu'il l'a dit dans une conversation téléphonique enregistrée à son insu le 23 mai 2013 et versée tardivement au dossier d'instruction;

- qu'il y a bien eu un courant d'affaires entre M. [P] et Me [S] entre 1997 et 2006, mais que ces relations se sont amenuisées à partir de la fin de l'année 2004 pour devenir inexistantes au moment de l'arbitrage et au-delà; que ces factures ne concernaient jamais des affaires mettant en cause M. [L]; que Me [S] n'était d'ailleurs pas l'avocat de M. [L], mais celui d'[E] [C] avec lequel M. [L] voulait créer une joint venture en Malaisie, et que c'est à cette occasion que Me [S] avait consulté M. [P] sur la situation pénale de M. [L]; enfin que si Me [S] avait été l'avocat de l'association des petits porteurs, d'une part, il n'avait joué qu'un rôle secondaire dans leur défense, d'autre part, cette association n'avait pas les mêmes intérêts que M. [L];

- qu'en ce qui concerne ce que l'arrêt querellé qualifie d'actes préparatoires à l'arbitrage, le prétendu rendez-vous que M. [P] aurait eu avec Me [I] et M. [L] le 30 août 2006 n'avait jamais eu lieu, et que l'envoi qui aurait été fait par Me [I] à M. [P] en septembre 2006 de notes relatives à la cession d'Adidas n'était pas démontré, qu'au demeurant, la pratique des pourparlers préalables entre un arbitre et la partie qui souhaite le désigner, est conforme aux usages de l'arbitrage et ne méconnaît pas l'exigence d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre;

- qu'en ce qui concerne la déclaration d'indépendance souscrite par les arbitres, en premier lieu, son étendue doit être relativisée dans la mesure où ils ont été tous trois désignés par l'ensemble des parties, en deuxième lieu, Me [Y] et M. [V] n'ont pas fait état de liens avec des parties ou leurs conseils beaucoup plus étroits et anciens que ceux qui lui sont reprochés, en troisième lieu, l'état du droit à l'époque était moins rigoureux qu'aujourd'hui, en quatrième lieu, la non-révélation n'est sanctionnée que si le fait sur lequel elle porte laisse supposer que l'indépendance de l'arbitre pourrait en être affectée, en cinquième lieu, c'est le caractère pécuniaire de la relation entre l'arbitre et une partie ou son conseil qui peut justifier une récusation et que de telles relations n'existent pas en l'espèce ni aucun lien de proximité.

M. [P] ajoute que l'arrêt entrepris doit encore être rétracté pour avoir méconnu les principes essentiels au procès équitables garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et notamment la présomption d'innocence et le principe du contradictoire.

Par des conclusions notifiées le 8 juin 2016, les sociétés CDR demandent à la cour, principalement, de déclarer la tierce opposition irrecevable et mal fondée et de condamner M. [P] à payer à chacune d'elles la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement:

- de se déclarer compétente en qualifiant l'arbitrage d'interne,

- de déclarer recevable leur recours en révision contre les quatre sentences,

- de les rétracter,

- de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes des autres parties,

- de les décharger des condamnations prononcées contre elles par les sentences,

- de faire droit à ses demandes dans le contentieux ACT,

- de condamner solidairement les liquidateurs judiciaires ès qualités, les sociétés GBT, FIBT, ACT et BT GESTION, ainsi que M. et Mme [L] à leur restituer la somme de 404.623.082,54 euros, à leur rembourser les coûts de la procédure d'arbitrage et à leur payer à titre de dommages-intérêts une somme égale aux intérêts au taux légal sur ces sommes, avec anatocisme, depuis le jour des paiements jusqu'à celui des remboursements,

- de condamner les mêmes solidairement à leur payer la somme de 1.000.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés CDR font valoir qu'un arbitre n'a ni qualité, ni intérêt à recourir contre la décision qui rétracte une sentence à laquelle il a contribué, qu'au surplus, le dispositif de l'arrêt entrepris ne cause aucun préjudice à M. [P] qui n'est pas recevable à exercer la tierce opposition pour en critiquer les motifs. Elles ajoutent que, contrairement à ce que prétend le tiers opposant, l'ordonnance de saisie du 2 février 2016 ne résulte pas d'une procédure de saisie immobilière qui aurait été diligentée contre lui sur

le fondement de l'arrêt du 17 février 2015, mais a été rendue par les juges d'instruction sur le fondement des articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale pour garantir l'exécution d'une peine complémentaire de confiscation qui serait susceptible d'être prononcée par le tribunal correctionnel.

Sur le fond les sociétés CDR soutiennent que l'arbitrage est entaché de fraude.

Par des conclusions notifiées le 31 mai 2016, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [A], et la SELARL EMJ, prise en la personne de Me [G], ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire d'ACT, de BT GESTION et de M. [L], ainsi que la SELAFA MJA et Me [G] personnellement, demandent à la cour de mettre hors de cause ces deux derniers à titre personnel, de donner acte à la SELARL EMJ et à la SELAFA MJA qu'elles n'ont plus qualité pour représenter Mme [B], épouse [L], enfin, de leur donner acte qu'elles s'en rapportent sur la demande de tierce opposition formée par M. [P].

Par actes d'huissier du 9 mai 2016, les sociétés CDR ont assigné afin d'intervention forcée la SEL [X], prise en la personne de Me [X], ès qualités d'administrateur judiciaire des sociétés GBT et FIBT, et la SCP BTSG, en la personne de Me [N], ès qualités de mandataire judiciaire des sociétés GBT et FIBT et leur ont notifié copie de l'arrêt de cette cour du 17 février 2015, ainsi que l'assignation aux fins de tierce opposition et les conclusions déposées par les parties.

Par des conclusions notifiées le 8 juin 2016, la SEL [X], prise en la personne de Me [T] [X], et la SCP BTSG, prise en la personne de Me [F] [N], agissant respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SNC GBT demandent à la cour de leur donner acte qu'ils se sont constitués sur les assignations aux fins d'intervention forcée et s'en rapportent tant sur la recevabilité de ces assignations et le bien-fondé des demandes y figurant, que sur la recevabilité et le bien-fondé de la tierce-opposition.

Par des conclusions signifiées le 16 février 2016 le ministère public demande à la cour de déclarer la tierce opposition de M. [P] irrecevable pour être formée contre un arrêt qui censure une sentence rendue par le tribunal arbitral dont il était membre.

Le 1er mars 2016, les époux [L], la SNC GBT et la SCI FIBT ont constitué avocat en la personne de Me Olivier, de la SCP Lagourgue et Olivier, mais n'ont pas conclu.

SUR QUOI :

Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir opposée par les sociétés CDR à la tierce opposition :

Considérant que M. [P] soutient que les sociétés CDR ne peuvent, sans se contredire à son détriment et enfreindre ainsi le principe de l'estoppel, lui opposer sa qualité de juge pour faire déclarer sa tierce opposition irrecevable, et nier l'immunité attachée à cette qualité en poursuivant la saisie immobilière de l'un de ses biens, au visa notamment de l'arrêt attaqué;

Mais considérant que l'ordonnance de saisie pénale immobilière rendue le 2 février 2016 par les juges d'instruction dans l'information ouverte, notamment contre M. [P], du chef d'abus de pouvoirs sociaux, recel, faux, détournement de fonds publics et escroquerie en bande organisée, n'est pas une mesure d'exécution pour le recouvrement d'une créance des sociétés CDR, mais une disposition prise sur le fondement de l'article 131-21 alinéa 3 du code pénal, et des articles 706-141 à 706-147 et 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale, afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation;

Que le moyen manque donc en fait;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 582 du code de procédure civile: 'La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit';

Considérant que M. [P] a formé une tierce opposition à un arrêt du 17 février 2015 par lequel cette cour, saisie d'un recours en révision formé par les sociétés CDR à l'encontre des sentences prononcées le 7 juillet 2008 et le 27 novembre 2008 par le tribunal arbitral auquel il participait, en a ordonné la rétractation, au motif que la décision du tribunal avait été surprise par un concert frauduleux entre lui-même et certaines parties, ainsi que leur conseil;

Considérant que nul ne peut être juge et partie; que l'arbitre exerce une fonction juridictionnelle, ce qui lui interdit de demander que lui soit déclarée inopposable la décision dont l'objet même était de censurer la sentence à laquelle il avait participé;

Considérant que pour soutenir que cette fin de non-recevoir ne lui est pas opposable, M. [P] fait valoir, en premier lieu, que l'arrêt entrepris est entaché d'excès de pouvoir pour empiéter sur les prérogatives du juge pénal, pour méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et pour violer la présomption d'innocence ainsi que le principe de la contradiction; et 'qu'il résulte de l'autonomie du régime des recours mis en oeuvre pour excès de pouvoir que l'on ne peut opposer le défaut de qualité à celui qui ordinairement n'aurait pas été en droit d'agir';

Mais considérant que l'excès de pouvoir a pour effet de déroger aux règles qui interdisent ou diffèrent le recours contre certaines catégories de décisions, mais non pas d'écarter les conditions d'intérêt et de qualité pour agir inhérentes à l'exercice de toutes les voies de droit;

Considérant que M. [P] soutient, en second lieu, que si un arbitre n'est pas recevable, en cette qualité, à contester un arrêt qui censure, pour une erreur de droit, la sentence à laquelle il a concouru, il l'est, en revanche, lorsque le comportement qui lui est reproché, présentant un caractère dolosif et participant d'une qualification pénale, le prive de son immunité juridictionnelle, analogue à celle d'un juge, de sorte que perdant son statut d'arbitre, il n'exerce la tierce opposition qu'en qualité de mis en examen dans un dossier pénal;

Mais considérant que la tierce opposition a pour objet de faire rétracter ou annuler le dispositif d'une décision de justice; que l'arrêt contesté rétracte la sentence sans prononcer aucune disposition à l'égard de M. [P]; que le seul intérêt pour agir articulé par le tiers opposant en relation avec ce dispositif tient à ce que la rétractation ouvrirait la voie à une action en responsabilité civile qui pourrait être exercée contre lui par l'une ou l'autre partie à l'instance arbitrale;

Considérant que le principe suivant lequel celui qui exerce une fonction juridictionnelle ne peut contester l'arrêt qui censure la décision à laquelle il a participé s'applique y compris lorsque le vice entachant cette décision est susceptible de fonder une action en responsabilité civile, le tribunal éventuellement saisi d'une telle action appréciant la faute, le préjudice et le lien de causalité sans que puisse être opposée l'autorité de chose jugée par l'arrêt de censure, rendu sur un autre objet entre d'autres parties;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la tierce opposition, formée par une personne dépourvue de qualité pour l'exercer, est irrecevable;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que M. [P], qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamné, sur ce fondement, à payer aux sociétés CDR la somme globale de 40.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable la fin de non-recevoir opposée par la SAS CDR CREANCES et la SA CDR-CONSORTIUM DE REALISATION à la tierce opposition.

Déclare irrecevable la tierce opposition formée par M. [H] [P] contre l'arrêt rendu par cette cour le 17 février 2015 sur le recours en révision formé par la SAS CDR CREANCES et la SA CDR-CONSORTIUM DE REALISATION à l'encontre des sentences prononcées le 7 juillet 2008 et le 27 novembre 2008 par le tribunal arbitral composé de MM. [V], président, [Y] et [P], arbitres.

Condamne M. [P] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement à la SAS CDR CREANCES et à la SA CDR-CONSORTIUM DE REALISATION de la somme globale de 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/19083
Date de la décision : 27/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°15/19083 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-27;15.19083 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award