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27/09/2016 | FRANCE | N°15/09309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 27 septembre 2016, 15/09309


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 27 Septembre 2016



(n° , 05 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09309



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE RG n° 14/00243





APPELANT

Monsieur [E] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1]r>
comparant en personne,

assisté de M. [I] [H] (Délégué syndical ouvrier)







INTIME

Monsieur [A] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Gaëlle CHIMAY, avocat au barreau d'AUXERR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 27 Septembre 2016

(n° , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09309

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AUXERRE RG n° 14/00243

APPELANT

Monsieur [E] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1]

comparant en personne,

assisté de M. [I] [H] (Délégué syndical ouvrier)

INTIME

Monsieur [A] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Gaëlle CHIMAY, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président

Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Monsieur [E] [V], engagé par Monsieur [A] [P] à compter du 13 novembre 2006 en contrat à durée déterminée, puis à compter du 15 mars 2007 en contrat à durée indéterminée, en qualité de boulanger pâtissier, au dernier salaire mensuel brut de 2238 euros, a été licencié pour faute grave par lettre du 12 avril 2013 énonçant le motif suivant :

'Nous avons reçu plusieurs plaintes de clients qui, entre le 24 et le 30 mars, ont

consommé des entremets de votre fabrication.

Certains ne les ont pas mangés, remarquant immédiatement un goût de rance, voir une odeur désagréable.

Un autre a dû emmener ses deux enfants aux urgences.

Après recherches de notre part et retrait immédiat des séries pouvant être en cause, la raison de ce problème s'explique par l'emploi dans la préparation de jaunes d'oeufs périmés.

Je vous rappelle, s'il en est besoin, que vous êtes tenu de vérifier la validité des produits que vous utilisez et leurs dates de péremption.

Ces faits sont graves ils auraient pu entraîner de plus lourdes conséquences envers nos clients et mettent en cause la bonne marche de l'entreprise.

Les explications recueillies lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation'

Par jugement du 8 septembre 2015, le Conseil de prud'hommes d'AUXERRE a requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il a condamné Monsieur [P] à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes, en brut :

- 4 476,00 € à titre de préavis,

- 447,60 € à titre de congés payés afférents,

- 553,71 € à titre de mise à pied,

- 55,37 € à titre de congés payés afférents.

Il a également condamné Monsieur [P] à payer à Monsieur [V] la somme de 2611,00 € à titre d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement et exécution provisoire.

Il a enfin condamné Monsieur [A] [P] à payer à Monsieur [V]les sommes suivantes, avec exécution provisoire :

- 2238,00 € à titre de dommages et intérêts pour non- respect de la procédure,

- 600,00 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté les parties de leurs autres demandes et ordonné à Monsieur [P] de remettre à Monsieur [V] un bulletin de salaire et un certificat de travail rectifié.

Monsieur [V] en a relevé appel.

Par conclusions visées au greffe le 13 juin 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [V] demande à la cour de confirmer le jugement mais de condamner Monsieur [P] au versement des sommes supplémentaires suivantes :

- 26.856,00 € nets à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

-10.000,00 € nets à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, financier et licenciement vexatoire.

- 1.000,00 € nets à titre de dommages intérêts pour avoir transmis un certificat de travail erroné.

- 3.000,00 € nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 13 juin 2016 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [P] sollicite l'infirmation du jugement. Il demande également à la cour de déclarer le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] bien fondé et de débouter en conséquence le salarié de toutes ses demandes. Il demande que soit ordonné le remboursement à Monsieur [P] des sommes perçues en exécution du jugement. Il sollicite enfin le versement de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

****

MOTIFS

Sur la procédure de licenciement

En vertu de l'article L.1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

L'article L.1235-2 du code du travail précise que si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

L'article 1235-5 du code du travail précise néanmoins que cette règle n'est pas applicable aux entreprises employant habituellement moins de onze salariés, pour lesquelles l'indemnité pour irrégularité de la procédure relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

En l'espèce, Monsieur [V] fait valoir que son licenciement est irrégulier. La lettre de convocation à l'entretien préalable versée aux débats a été remise en mains propres au salarié en date du mardi 2 avril 2013 stipulant un entretien qui s'est tenu le mardi 9 avril 2013. Il en résulte que le délai légal de cinq jours ouvrables, qui comprend les samedis, a été respecté par l'employeur.

Par conséquent, le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé sur ce point en ce qu'il a dit que la procédure de licenciement était irrégulière du fait de l'écoulement d'un délai de seulement 4 jours entre la convocation à l'entretien préalable et la réalisation de celui-ci. Monsieur [V] sera débouté de sa demande d'indemnités pour licenciement irrégulier.

Sur le motif de la rupture

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Par ailleurs, selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, Monsieur [V] a été licencié pour faute grave en date du 12 avril 2013 en raison de l'utilisation de jaunes d''ufs périmés pour la confection d'entremets. A l'appui de sa contestation du licenciement, le salarié soutient que les entremets ont été fabriqués par lui même avec son collègue et un apprenti, qu'il aurait lui-même goûté les entremets et qu'ils n'avaient aucune odeur, qu'un seul entremet aurait été vendu et que les autres auraient été jetés, qu'aucun cas d'intoxication alimentaire n'a été signalé aux urgences, qu'il n'y a pas eu d'analyse de faite des entremets et que Madame [P] aurait stocké les entremets à une température de +13 degrés.

Il ressort du procès verbal d'audience de conciliation que Monsieur [V] a reconnu 'qu'il y avait un bidon de jaunes d'oeufs dans le frigidaire, qui était périmé, fermé et qu'il n'a pas utilisé'.

Les nombreuses attestations versées aux débats établissent qu'au moins deux entremets 'Confidence' qui ont été vendus ont fait l'objet d'un retour car ils étaient immangeables, le goût et l'odeur étant nauséabonds. Ainsi, les attestations qui répondent aux exigences légales font ressortir que :

- Monsieur [D], ouvrier pâtissier de Monsieur [P], a assisté au retour des entremets 'Confidence' et a trouvé des jaunes d'oeufs périmés dans les réserves. Il confirme les affirmations de Madame [U], vendeuse, selon lesquelles elle avait reçu un client, Monsieur [Z] le 31 mars, qui s'était plaint de son gâteau acheté le 30 mars 2013 qui présentait 'un goût de fromage ou de rance' ainsi qu'un deuxième client qui avait notamment affirmé que le gâteau n'était pas consommable et qu'il avait dû emmener ses enfants aux urgences.

- Monsieur [J], pâtissier et associé de Monsieur [P] confirme également que Monsieur [P] lui a apporté l'entremet 'Confidence' dont il avait eu retour et a relevé la présence d'une odeur désagréable.

En outre, Monsieur [D] et Monsieur [O], ouvriers pâtissiers de Monsieur [P], précisent avoir été présents lors du retour de l'entremet et avoir été affecté aux chocolats de Pâques durant cette période.

Il résulte de l'ensemble des éléments versés aux débats que si les faits reprochés à Monsieur [V] sont suffisamment établis, ils ne justifient pas son licenciement pour faute grave, notamment parce qu'il revenait également à l'employeur de s'assurer de la qualité de ses produits.

Il ressort des pièces versées au débat que Monsieur [V] avait déjà fait l'objet de deux avertissements pour agressivité, cuisson inappropriée de viennoiseries et défaut de nettoyage.

C'est donc à bon droit que le jugement du conseil de prud'hommes a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

Au titre de l'article R.1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

En l'espèce, Monsieur [V] ayant été engagé 15 mars 2007, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a condamné Monsieur [P] à payer à Monsieur [V] la somme de 2 611,00 € à titre d'indemnité légale de licenciement.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera également confirmé en ce qu'il a accordé au salarié 4 476,00 € à titre d'indemnité de préavis, 447,60 € à titre de congés payés afférents, 553,71 € à titre de mise à pied et 55,37 € à titre de congés payés afférents.

En outre, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a relevé que Monsieur [V] ne rapporte pas la preuve d'avoir été victime, dans le cadre de ce licenciement, de conditions brutales ou vexatoires justifiant qu'il lui soit alloué, en sus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse précédemment allouée, des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Sur la demande de dommages et intérêts pour avoir tardé volontairement à modifier le certificat de travail :

C'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a retenu que Monsieur [V] ne verse aucun élément prouvant que l'employeur a tardé volontairement à modifier le certificat de travail, de sorte qu'il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de remise de documents :

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise de documents sociaux conformes est fondée et il y est fait droit dans les termes du

dispositif.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement, sauf en celle de sa disposition ayant déclaré la procédure de licenciement irrégulière,

Y ajoutant,

DIT que la procédure de licenciement de Monsieur [E] [V] est régulière

ORDONNE en conséquence le remboursement par Monsieur [V] à Monsieur [A] [P] de la somme de 2238,00 € qui lui avait été versée à titre de dommages et intérêts pour non- respect de la procédure,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnne Monsieur [V] à verser à Monsieur [A] [P] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [E] [V].

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/09309
Date de la décision : 27/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°15/09309 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-27;15.09309 ?
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