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22/09/2016 | FRANCE | N°15/06266

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 22 septembre 2016, 15/06266


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 22 Septembre 2016

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06266



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11244





APPELANTE

SARL L'ANNEAU

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 4 520 247 0050

représentée par Me Pearl GOURDON, avocat

au barreau de PARIS, toque : D0309



INTIMES

Monsieur [R] [R] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

représenté par Me Maria ORE DIAZ, avocat au b...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 22 Septembre 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/06266

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11244

APPELANTE

SARL L'ANNEAU

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 4 520 247 0050

représentée par Me Pearl GOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0309

INTIMES

Monsieur [R] [R] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

représenté par Me Maria ORE DIAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1114

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/045291 du 13/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

SARL MCTS PARISIENS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 3 224 669 0029

représentée par Me Sébastien MIARA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0819

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Philippe MICHEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice LABEY, Président de chambre

Monsieur Philippe MICHEL, Conseiller

Madame Pascale WOIRHAYE, Conseillère

Greffier : Mme Cécile DUCHE BALLU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, délibéré prorogé ce jour.

- signé par Monsieur Patrice LABEY, Président, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [R] [S] était salarié de la SARL LES MAÎTRES CHIENS TÉLÉSURVEILLANCE PARISIENS (par abréviation la SARL MCTS PARISIENS) à compter du 1er octobre 2013 avec une reprise d'ancienneté au 2 mai 2003, en qualité d'agent de sécurité incendie SSIAP1 niveau 3, échelon 2, coefficient 140 de la Convention Collective Nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Par lettre du 6 janvier 2014, la SARL L'ANNEAU informait la SARL MCTS PARISIENS qu'elle lui succédait, à compter du 1er février 2014 sur le site [Localité 2] de la société GRDF.

Par lettre remise en main propre du 17 janvier 2014, la SARL MCTS PARISIENS transmettait à la SARL L'ANNEAU l'ensemble des informations relatives aux 13 salariés dédiés au site [Localité 2], parmi lesquels figurait Monsieur [R] [S].

Par lettre recommandée avec avis de réception du même jour, la SARL MCTS PARISIENS informait Monsieur [R] [S] de la reprise du site [Localité 2] par la SARL L'ANNEAU et que son contrat de travail était transférable.

Le 21 janvier 2014, la SARL L'ANNEAU accusait réception auprès de la SARL MCTS PARISIENS des informations utiles et sollicitait à cette occasion la mise à jour de l'attestation PSC1 de Monsieur [R] [S].

Par lettre recommandée du 24 janvier 2014, la SARL MCTS PARISIENS transmettait le document à la SARL L'ANNEAU.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 janvier 2014, la SARL L'ANNEAU adressait à Monsieur [R] [S] une proposition de reprise accompagnée d'un avenant à son contrat de travail et lui rappelait qu'il disposait d'un délai de quatre jours pour accepter ou refuser le transfert, l'absence de réponse équivalant à un refus.

Par lettre recommandée du 29 janvier 2014 dont l'avis de réception a été signé le 31, Monsieur [R] [S] adressait à la SARL L'ANNEAU les deux exemplaires de l'avenant signé.

Par courrier du 3 février 2014, Monsieur [R] [S] indiquait à la SARL L'ANNEAU qu'il refusait sa proposition de reprise et qu'il préférait rester dans sa société (la SARL MCTS PARISIENS).

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 février 2014, la SARL L'ANNEAU indiquait à la SARL MCTS PARISIENS la liste des salariés repris et des salariés ayant refusé d'intégrer l'entreprise dont, dans ce dernier cas, Monsieur [R] [S].

Par lettre recommandée avec avis de réception du même jour, la SARL MCTS PARISIENS indiquait à la SARL L'ANNEAU qu'en raison de l'expiration du délai de reprise fixé au 3 février, elle considérait que la société entrante avait repris à 100 % les salariés dont elle dressait la liste, dans laquelle figurait Monsieur [R] [S].

Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 février 2014, Monsieur [R] [S] sollicitait auprès de la SARL L'ANNEAU, sous couvert d'un droit de rétractation de sept jours, un planning de travail et son intégration au sein de la société.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 17 février 2014, Monsieur [R] [S] sollicitait auprès de la SARL L'ANNEAU et de la SARL MCTS PARISIENS la fourniture d'un travail.

Le 21 février 2014, Monsieur [R] [S] saisissait la formation de référé du conseil de prud'hommes de PARIS qui, dans une ordonnance du 12 mai 2014, a dit n'y avoir lieu à référé.

Le 2 septembre 2014, Monsieur [R] [S] saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS afin de l'entendre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- Prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur,

- Dire que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner, à titre principal la SARL L'ANNEAU, à titre subsidiaire la SARL MCTS PARISIENS, à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal avec capitalisation :

'19 579,04 € au titre des salaires pour la période de février jusqu'à la date du prononcé,

'3 342,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour 53.5 jours acquis à la date d'audience du 30/3/15,

'3 012,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'301,21 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

'4 970,06 € à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle,

'36 145,92 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'7 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

'1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner l'employeur à lui remettre un certificat de travail, les bulletins de paie, l'attestation destinée au Pôle Emploi, la validation du diplôme d'agent de sécurité incendie recyclé, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document.

La SARL L'ANNEAU a conclu au débouté de Monsieur [R] [S] et à la condamnation de ce dernier au versement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL MCTS PARISIENS a conclu au débouté de Monsieur [R] [S].

La cour est saisie d'un appel interjeté par la SARL L'ANNEAU contre le jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 27 mai 2015 qui a :

- Mis hors de cause la SARL MCTS,

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [R] [S] avec la SARL L'ANNEAU au jour du prononcé du jugement,

- Condamné la SARL L'ANNEAU à verser à Monsieur [R] [S] les sommes suivantes:

'19 579,04 € à titre de rappel de salaire jusqu'au 30 mars 2015,

'3 342,88 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

'3 012,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'301,21 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

'4 970,06 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêt au taux légal à compter de la réception par la SARL L'ANNEAU de la convocation devant le bureau de conciliation,

'16 500,00 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

- Ordonné la remise des documents sociaux conformes et copie de l'attestation sécurité incendie PSC 1 à jour, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document, à compter du 31 ème jour du prononcé de la présente décision,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Débouté Monsieur [R] [S] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SARL L'ANNEAU de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 3 juin 2016 au soutien de ses explications orales, la SARL L'ANNEAU demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 27 mai 2015 par le conseil de prud'hommes de PARIS,

Statuant à nouveau,

- Débouter, en conséquence, Monsieur [R] [S] et la SARL MCTS PARISIENS de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner, in solidum, Monsieur [R] [S] et la SARL MCTS PARISIENS à lui payer la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions également déposées le 3 juin 2016 au soutien de ses explications orales, Monsieur [R] [S] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la SARL L'ANNEAU aux torts exclusifs de cette dernière,

- Confirmer les condamnations au titre des rappels de salaire jusqu'au mois de mars 2015, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés, l'indemnité conventionnelle de licenciement,

À titre subsidiaire :

- Dire que le contrat de travail le liait à la société MCTS,

- Condamner la société MCTS au titre des rappels de salaire jusqu'au mois de mars 2015, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés, l'indemnité conventionnelle de licenciement,

En toute hypothèse, statuant à nouveau :

- Condamner la SARL L'ANNEAU, à défaut la SARL MCTS, au versement des sommes de 36 145 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié à la rupture abusive du contrat de travail et de 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- Ordonner la remise par la SARL L'ANNEAU, à défaut la SARL MCTS, des documents sociaux conformes, des bulletins de paie de février 2014 à février 2015 (1 bulletin par mois) et copie de l'attestation sécurité PSC 1 à jour, sous astreinte de 30 € par jour de retard et par document,

- Condamner la SARL L'ANNEAU, à défaut la SARL MCTS au paiement de la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

Par conclusions déposées le 3 juin 2016 au soutien de ses explications orales, la SARL MCTS PARISIENS demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris,

- Débouter la SARL L'ANNEAU et Monsieur [R] [S] de l'ensemble de leurs demandes à son égard,

- Condamner la SARL L'ANNEAU à lui verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le transfert du contrat de travail de Monsieur [R] [S]

Pour infirmation de la décision entreprise, la SARL L'ANNEAU fait valoir que Monsieur [R] [S] a expressément refusé par lettre du 3 février 2014 d'intégrer la SARL L'ANNEAU aux motifs qu'il « préfère rester dans sa société ».

Elle en déduit qu'en refusant expressément et clairement dans un courrier écrit et signé de sa main, en date du 3 février 2014, soit antérieurement à la clôture de la reprise du personnel fixée au 5 février 2014, d'intégrer la société, Monsieur [R] [S] demeure salarié de la SARL MCTS PARISIENS, entreprise sortante qui a l'obligation de le reclasser avant d'entamer une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse et, qu'en conséquence, les courriers des 8 et 12 février 2014 par lesquels, Monsieur [R] [S] sollicitait un planning de travail et son intégration au sein de la société L'ANNEAU sont inopérants.

Pour confirmation du jugement entrepris, Monsieur [R] [S] réplique qu'il a signé et renvoyé par courrier recommandé AR l'avenant proposé par la SARL L'ANNEAU et qu'il s'est présenté le 5 février 2014 au siège de la société non pour régulariser un refus ou faire état d'une rétractation, mais pour répondre à la convocation de la SARL L'ANNEAU qui devait, en principe, lui fournir du travail.

Il explique qu'au cours de cet entretien, la SARL L'ANNEAU l'a informé d'un changement de site d'affectation, d'une modification de son poste et de ses horaires de travail qui ne répondaient pas aux prescriptions du médecin du travail en date du 18 novembre 2013, lui a précisé que les salariés sortants avaient la faculté de rester salariés de la société MCTS s'ils refusaient les modifications du contrat de travail ainsi imposées, lui a indiqué que la fourniture d'emploi dépendait de l'acceptation de ces modifications et l'a incité à rédiger sur place un courrier antidaté au 3 février 2014 aux termes duquel il refusait finalement le transfert de son contrat de travail.

Il soutient également que le courrier ne saurait constituer davantage une démission aux termes clairs et non équivoques puisqu'il mentionne un refus de « proposition de reprise » et en aucun cas, une démission de son fait.

Il estime que la SARL L'ANNEAU était donc tenue de lui fournir du travail et de lui verser un salaire et ce, dans les conditions du contrat de travail transféré, conformément aux stipulations de la Convention collective applicable et qu'elle devait procéder par voie de licenciement si elle souhaitait rompre le contrat de travail ainsi transféré.

Il explique que les manquements de la SARL L'ANNEAU l'ont placé dans une situation totalement inextricable puisqu'il ne percevait aucun salaire et n'était pas en mesure de s'inscrire comme demandeur d'emploi.

Pour confirmation du jugement entrepris, la SARL MCTS PARISIENS soutient qu'elle a respecté les dispositions conventionnelles en cas de perte de marché pour permettre le transfert des contrats de travail des salariés susceptibles d'être repris par la société entrante, que Monsieur [R] [S] a accepté ce transfert en signant l'avenant, comme le confirme sa lettre du 8 février 2014 adressée à la SARL L'ANNEAU (« vous êtes mon employeur ») et ce, malgré la lettre de refus du 3 février 2014 qui doit être appréciée au regard des méthodes employées par cette société.

Cela étant, la reprise d'un salarié par le nouveau prestataire d'un marché de sécurité est une obligation conventionnelle qui s'impose à la société entrante dès lors que les conditions d'une telle reprise sont remplies et que le salarié a manifesté son accord.

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la SARL MCTS PARISIENS et la SARL L'ANNEAU ont respecté leurs obligations conventionnelles en qualité de société sortante et de société entrante pour permettre le transfert des salariés affectés sur le site GRDF de [Localité 2] susceptibles d'être repris par le nouveau prestataire, dont Monsieur [R] [S] faisait partie et que ce dernier a renvoyé l'avenant proposé par la SARL L'ANNEAU complété de la mention « lu et approuvé » et de sa signature, par lettre recommandée avec avis de réception du 29 janvier 2014 .

Il s'ensuit que Monsieur [R] [S] a expressément accepté le transfert de son contrat de travail à cette date et que la relation contractuelle entre la SARL L'ANNEAU et Monsieur [R] [S] était formée et parfaite dès le 31 janvier 2014, date de la réception par cette société de la lettre recommandée contenant les avenants signés.

La convention collective ne prévoit aucune faculté de rétractation pour le salarié. Ainsi, une fois l'accord du salarié acquis, les délais fixés par la convention collective sont uniquement destinés à permettre à la société entrante d'arrêter la liste des salariés repris et de la notifier à la société sortante.

En conséquence, la SARL L'ANNEAU est devenue l'employeur de Monsieur [R] [S] dès le 31 janvier 2014, et les relations contractuelles entre les parties ne pouvaient être rompues à l'initiative de l'un ou de l'autre que par un licenciement, une rupture conventionnelle ou une démission.

Au vu de ces éléments, la SARL MCTS PARISIENS doit être mise hors de cause.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la lettre du 3 février 2014

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

La lettre manuscrite de Monsieur [R] [S] du 3 février 2014 est libellée comme suit:

« Je soussigné M. [S] [R] agent de sécurité incendie, officiant sur le site GRDF pour la société MCTS, déclare refuser votre proposition de reprise au sein de la société l'Anneau. Je préfère rester dans ma société. »

Si, Monsieur [R] [S] ne rapporte aucune preuve du contexte particulier de la signature de cette lettre ni des man'uvres de la SARL L'ANNEAU qu'il dénonce, il n'en demeure pas moins que sa lettre est équivoque en ce qu'elle est contradictoire avec la signature de l'avenant emportant transfert de son contrat de travail intervenue quatre jours plus tôt et qu'elle procède à l'évidence d'une confusion manifeste du salarié sur l'étendue de ses droits.

En effet, après avoir signé l'avenant du 27 janvier 2014, Monsieur [R] [S] était devenu salarié de la SARL L'ANNEAU, et ne pouvait plus être maintenu dans les effectifs de la SARL MCTS PARISIENS.

Ainsi, la lettre du 3 février 2014 ne peut pas être considérée comme une démission. La SARL L'ANNEAU est donc restée l'employeur de Monsieur [R] [S].

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Aux termes de l'article 1184 du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera pas à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

En application de ce texte, le contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur si le salarié apporte la preuve que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves à ses obligations pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, il est constant que la SARL L'ANNEAU a refusé de fournir du travail à Monsieur [R] [S] et de lui verser un salaire malgré les mises en demeure du salarié des 8, 12 et 17 février 2014 et la saisine de l'inspection du travail.

Ce comportement caractérise de la part de l'employeur un manquement grave à ses obligations essentielles de fournir du travail et de verser un salaire au salarié qui rend impossible la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail liant la SARL L'ANNEAU à Monsieur [R] [S].

Lorsque le salarié est toujours au service de son employeur au moment où le juge statue, la résiliation judiciaire prend effet au jour de la décision qui la prononce.

En conséquence,conformément à la demande de Monsieur [R] [S], le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL L'ANNEAU à lui verser un rappel de salaire jusqu'au 30 mars 2015.

La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, en application des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail de ces textes, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné la SARL L'ANNEAU à payer à Monsieur [R] [S] une indemnité de préavis et de congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité conventionnelle de licenciement selon des montants non autrement contestés et conformes à la rémunération et à l'ancienneté du salarié.

L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

À la date de la résiliation judiciaire, Monsieur [R] [S] percevait une rémunération mensuelle brute de 1 506,08 €, avait 39 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 12 ans. Il n'a pas pu retrouver d'emploi et n'a pu davantage solliciter le bénéfice d'allocations de chômage, compte-tenu de la situation particulière qui lui a été imposée jusqu'à la résiliation. Il a ainsi été placé dans une situation de grande précarité sociale, financière et professionnelle.

Compte-tenu de ces éléments, la SARL L'ANNEAU sera condamnée à verser à Monsieur [R] [S] la somme de 21 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct

Monsieur [R] [S] fait valoir que les manoeuvres de la SARL L'ANNEAU lui ont causé un préjudice d'anxiété et l'ont plongé dans une précarité brutale qu'il convient de réparer indépendamment du préjudice lié à la rupture du contrat de travail.

Mais, comme relevé plus haut, Monsieur [R] [S] ne rapporte pas le preuve de man'uvres dolosives de la part de la SARL L'ANNEAU lors de la signature de la lettre du 3 févier 2014.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice distinct.

Sur la remise des documents sociaux

Le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les frais non compris dans les dépens

Par application de l'article 700 du code de procédure civile, la SARL L'ANNEAU, qui succombe en son appel, sera condamnée à verser à la SARL MCTS PARISIENS, la somme de 2 000 €, et par application de l'article 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 à Monsieur [R] [S] la même somme de 2 000 € au titre des frais exposés par chacune de ces parties qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE recevable l'appel de la SARL L'ANNEAU,

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE la SARL L'ANNEAU à verser à Monsieur [R] [S] la somme de 21 000 € (vingt et un mille euros) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL L'ANNEAU à verser à Monsieur [R] [S] la somme de 2 000,00 € (deux mille euros) en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

CONDAMNE la SARL L'ANNEAU à verser à la SARL MCTS PARISIENS la somme de 2 000,00 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL L'ANNEAU aux dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

P. LABEY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 15/06266
Date de la décision : 22/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°15/06266 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-22;15.06266 ?
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