La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2016 | FRANCE | N°14/21074

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 22 septembre 2016, 14/21074


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2016



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21074



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème chambre - RG n° 2010087212









APPELANTE



Société ASIA ELAN CORP

Société de droit taiwanais,

inscrite au registre des sociétés de Taiwan sous le numéro 86132629

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1] TAÏWAN

N° SIRET : 861 326 29

prise en la personne de son Directeur, Monsieur [O] [U...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2016

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/21074

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2014 - Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème chambre - RG n° 2010087212

APPELANTE

Société ASIA ELAN CORP

Société de droit taiwanais, inscrite au registre des sociétés de Taiwan sous le numéro 86132629

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1] TAÏWAN

N° SIRET : 861 326 29

prise en la personne de son Directeur, Monsieur [O] [U], domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Jean-Pierre CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R217

INTIMEES

SA MARIE CLAIRE ALBUM

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Société MARIE CLAIRE NETHERLANDS BV

société de droit néerlandais ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3] (PAYS-BAS)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

SARL SOCIETE D'INFORMATION ET DE CREATIONS - SIC

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par et assistées de Me Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0260

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Louis DABOSVILLE, Président de Chambre

Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Louis DABOSVILLE, Président, et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Asia Elan Corp est installée à Taiwan depuis 1987 et a pour activité principale la représentation et la promotion de produits et d'articles de marques internationales sur la Chine, Taiwan et Hong Kong.

La société Asia Elan est en relation avec le groupe Marie Claire qui lui a confié il y a 20 ans la tâche de trouver un éditeur pour le lancement du magazine « Marie Claire » en chinois.

Le groupe Marie Claire a souhaité lancer sur la Chine, Taiwan et Hong Kong une gamme de produits dérivés sous la marque « Marie Claire » lesquels sont gérés par la société d'information et de créations (SIC) et les articles de prêt-à-porter qui sont gérés par la société Marie Claire Netherlands (MCN).

Le catalogue des produits dérivés étant complet après acquisition par Marie Claire des droits sur la classe 25 « prêt à porter », les quatre contrats d'agent suivants ont été signés :

- contrat d'agent entre MCA, SIC et Asia Elan portant sur différents produits dérivés et couvrant Taiwan (Contrat n 1), conclu pour une durée de 2 ans et 6 mois du 1er janvier 2006 au 30 juin 2008.

- contrat d'agent entre MCA, SIC et Asia Elan portant sur différents produits dérivés et couvrant la Chine et Hong Kong (Contrat n 2), conclu pour une durée de 2 ans et 6 mois du 1er janvier 2006 au 30 juin 2008.

- contrat d'agent entre MCN et Asia Elan portant sur d'autres produits dérivés dont du prêt-à-porter couvrant Taiwan (Contrat n 3), conclu pour une durée de 2 ans du 1er juin 2006 au 30 juin 2008.

- contrat d'agent entre MCN et Asia Elan portant sur des articles de prêt-à-porter et couvrant la Chine et Hong Kong (Contrat n 4), conclu pour une durée de 2 ans du 1er juin 2006 au 30 juin 2008.

Différentes rémunérations ont été conclues pour chaque contrat :

Contrat n 1 : une commission égale à 13% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des nouveaux licenciés recrutés et suivis par Asia Elan, une commission égale à 8% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des licenciés recrutés par SIC, mais suivis par Asia Elan, une commission égale à 10% sur les royalties perçues par SIC provenant du licencié listé en Annexe 2 du Contrat et suivis par Asia Elan.

Contrat n 2 : une commission égale à 13% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des nouveaux licenciés recrutés et suivis par Asia Elan, une commission égale à 8% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des licenciés recrutés par SIC, mais suivis par Asia Elan, une commission égale à 10% sur les royalties perçues par SIC provenant des licenciés listés en Annexe 2 du Contrat et suivis par Asia Elan.

Contrat n 3 : une commission égale à 13% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des nouveaux licenciés recrutés et suivis par Asia Elan, une commission égale à 8% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des licenciés recrutés par SIC, mais suivis par Asia Elan, une commission égale à 10% sur les royalties perçues par SIC provenant du licencié listé en Annexe 2 du Contrat et suivis par Asia Elan.

Contrat n 4 : une commission égale à 13% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des nouveaux licenciés recrutés et suivis par Asia Elan, une commission égale à 8% sur le total des royalties perçues par SIC provenant des licenciés recrutés par SIC, mais suivis par Asia Elan, une commission égale à 10% sur les royalties perçues par SIC provenant du licencié listé en Annexe 2 du Contrat et suivis par Asia Elan.

Tous ces contrats contiennent une clause au terme de laquelle les parties acceptent d'ouvrir des négociations en vue d'un possible renouvellement du contrat dans le délai de 6 mois avant la fin du terme initial.

Le 9 juin 2008, Asia Elan recevait quatre projets de contrats. Asia Elan, dans sa réponse du 13 juin 2008, a accepté les contrats concernant la Chine, mais a souhaité augmenter le taux de commission à 15% pour Taiwan.

Dans le courant du mois d'octobre 2008, une contestation est apparue au sujet de la signature de nouveaux avenants aux contrats, modifiant la durée des contrats proposés au renouvellement en passant la durée à 6 mois. Asia Elan prétend que les contrats auraient été renouvelés pour se terminer le 31 décembre 2010.

Les parties ne sont pas parvenues à un accord et la société Asia Elan a été informée le 24 décembre 2008 que les contrats étaient arrivés à leur échéance et que la collaboration n'était pas renouvelée.

Le 5 mars 2009, la société SIC informait la société Asia Elan que les relations commerciales étaint terminées. Le 17 mars 2009, la société Asia Elan répondait qu'elle se trouvait face à une rupture brutale et abusive des conventions en cours. Le 20 mars 2009, la société MCN dénonçait les contrats.

Dans ce contexte, la société Asia Elan a assigné la société Marie Claire Album et SIC par acte du 18 octobre 2010 et Marie Claire Netherlands. Elle allègue, entre autres, une rupture brutale et abusive de ses relations contractuelles avec les sociétés assignées. Ces dernières quant à elles considèrent que les contrats de 2006 sont simplement arrivés à leurs termes et n'ont pas fait l'objet d'un renouvellement.

Par jugement en date du 10 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que les contrats d'agent entre la société Asia Elan et les sociétés Marie Claire Album, Marie Claire Netherlands et SIC n'ont pas été renouvelés le 1er juillet 2008.

- débouté la société Asia Elan de sa demande d'expertise,

- condamné la société Marie Claire Netherlands à verser à Asia Elan la somme de 804,76 euros au titre des licences JTF Development et AJL GARMENTS avec intérêts de droit,

- condamné la société SIC à verser à la société Asia Elan la somme de 3189,72 euros au titre des licences New Concept / Konglong avec intérêts de droit,

- condamné les sociétés Marie Claire Album, Marie Claire Netherlands et SIC à payer chacune à la société Asia Elan la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné in solidum les sociétés Marie Claire Album, Marie Claire Netherlands et SIC aux dépens.

Vu l'appel interjeté le 20 octobre 2014 par la société Asia Elan,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société Asia Elan le 15 décembre 2015,

Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés Marie Claire Album, Société d'information et de création et Marie Claire Netherlands le 4 novembre 2015,

La société Asia Elan demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- prononcer l'annulation du jugement rendu le 10 septembre 2014 et

statuant à nouveau :

- dire et juger que les sociétés Marie Claire Album, SIC et Marie Claire Netherlands ont abusivement rompu les Contrats d'Agent conclus avec la société Asia Elan avant leurs termes contractuels,

-condamner les sociétés Marie Claire Album, SIC et Marie Claire Netherlands conjointement et solidairement, à payer à la société Asia Elan :

* la somme de 38 959,47 euros en deniers ou quittance, au titre des commissions restant dues,

* la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de gain consécutive à la rupture anticipée des contrats d'agent,

* la somme de 250 000euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,

* la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- ordonner la capitalisation des intérêts au visa de l'article 1154 du code civil à compter de la date de la première signification de l'acte introductif d'instance,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés Marie Claire Album, SIC et Marie Claire Netherlands aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- débouter les sociétés Marie Claire Album, SIC et Marie Claire Netherlands de l'ensemble de leurs demandes principales et accessoires.

Les écritures de la société Asia Elan comportent les développements suivants :

Sur l'abus dans la résiliation des contrats avant le terme déterminé

Les contrats ont été conclus à terme déterminé. Les contrats à durée déterminée sont des contrats à exécution successive affectés d'un terme extinctif qui ont force obligatoire jusqu'à leur échéance.

La résiliation en cours d'exécution d'un contrat à durée déterminée constitue une faute et la résiliation fautive d'un contrat à exécution successive à durée déterminée ne donne lieu qu'à des dommages et intérêts.

En l'espèce, selon Asia Elan, les contrats auraient tous été renouvelés à compter du 1er juillet 2008 pour se terminer le 31 décembre 2010. Elle rappelle que l'existence d'un contrat n'est pas subordonnée à la signature d'un document formel et peut résulter de tout écrit dès lors qu'il est accepté par les cocontractants ou même par un simple échange de correspondance.

Des échanges entre les parties vont dans ce sens. De plus, Asia Elan a effectué des prestations facturées après le 1er juillet 2008.

La société Asia Elan affirme avoir accepté sans réserve et sans condition les termes des contrats Chine/Hong Kong le 13 juin 2008.

Quant aux contrats Taiwan, elle y a consenti le 29 juillet 2008.

Les intimées ont proposé des avenants postérieurement au renouvellement des contrats, rejetés par Asia Elan.

Les intimées affirment qu'aucun accord n'a été entériné, ce que conteste Asia Elan.

Les parties ne sont pas d'accord sur la qualification à apporter aux « accords » de juin et juillet 2008. Pour Asia Elan, il sagit de nouveaux contrats. Pour les intimées, il s'agissait d'avenants.

Pourtant, l'article 15 de « l'accord » stipule : « ce contrat remplace et annule toute entente préalable [...] ».

Cet élément laisse pencher en faveur du « contrat ».

Selon Asia Elan, le paiement par les intimées des factures postérieures au 1er juillet 2008 sur la base initiale de calcul des commissions démontrerait que le défaut d'acceptation des avenants proposés (qui proposaient un autre mode de calcul) n'a pas affecté l'exécution des contrats renouvelés sur la base des contrats adressés à Asia Elan en juin et juillet 2008.

Par ailleurs, selon l'appelante, tous les contrats ont été renouvelés nonobstant le fait que l'instrumentum n'a pas été signé.

Dans ces conditions, les intimées ne pouvaient rompre unilatéralement avant terme les contrats conclus sans commettre une faute dommageable à l'égard de la société Asia Elan.

Sur l'existence de pratiques déloyales

Les conventions doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil).

SIC ne serait qu'une émanation de MCA, [T] [J], le directeur des licences chez MCA, étant également directeur des licences chez SIC.

Asia Elan a recruté du personnel local pour exécuter les missions concernant les produits Marie Claire.

Trois de ces salariés ont démissionné pour se mettre au service de la société GLI.

SIC/MCA aurait fait usage de pratiques déloyales de débauchage de personnel, prohibées par l'article 7.3 des contrats.

L'accord de partenariat entre Asia Elan et GLI a été dénoncé par GLI le 20 octobre 2008, les avenants proposés à ASIA ELAN par MCA/SIC/MCN datent également d'octobre 2008.

Selon l'appelante, il existerait des indices qui laissent présumer des actions de MCA, SIC et MCN dans le processus de débauchage et de dépouillement du fonds de commerce de la société Asia Elan.

Le bureau de GLI en Chine a été enregistré le 3 décembre 2008 alors que M. [J] mettait un terme à la collaboration avec Asia Elan le 25 novembre 2008. Cet enregistrement a été fait par Mme [L], ancienne collaboratrice d'Asia Elan jusqu'en octobre 2008. Ces comportements constitueraient une pratique déloyale.

Sur la réparation

Sur les conséquences contractuelles

Il faut distinguer la perte de commissions de « recrutement » et de suivi » et la perte de commissions résultant du « non-renouvellement » lorsque les contrats arrivent à terme.

Sur les commissions « recrutement » et « suivi »

N'ayant jamais eu accès aux dossiers, Asia Elan était dans l'impossibilité de contrôler les chiffres avancés par les intimées sur le montant des royalties perçues au titre des différentes licences, d'où la demande d'expertise formulée devant les premiers juges.

Les intimées ont produit des attestations de leurs commissaires aux comptes et reconnaîtraient devoir à minima la somme de 38 959,47 euros sur la période concernée par le renouvellement.

Sur l'indemnisation de la rupture anticipée

La rupture anticipée a nécessairement causé un dommage à la société Asia Elan.

Cette dernière a subi une perte de gain, mais aussi la perte des commissions de non-renouvellement sur une période de 10 ans ou jusqu'aux termes des licences.

Les intimées auraient agi de façon déloyale en débauchant le personnel de la société Asia Elan, personnel particulièrement performant parce que localement et culturellement intégré.

Selon les chiffres avancés par les intimées, les licences auraient produit 318.190,11 euros de royalties sur la période litigieuse (1er juillet 2008 au 31 décembre 2010).

Sur la base d'un montant moyen de royalties annuelles de 300.000 euros, la société ASIA ELAN aurait pu espérer les rémunérations suivantes :

* commissions de non-renouvellement « Recrutement » (5% sur 10 ans), soit 254.552 euros,

* commissions de non-renouvellement « Suivi » (8% jusqu à expiration des licences), pour mémoire.

L'appelante chiffre à la somme de 250 000 euros la perte de gain consécutive à la rupture anticipée des contrats d'agent.

En outre, elle affirme avoir subi un préjudice moral dans la mesure où jusqu'en mars 2009 elle a continué ses projections sur les territoires concédés, nouant des contacts et promouvant les produits « Marie Claire ». Elle réclame par conséquent une somme de 250 000 euros au titre de son préjudice moral.

L'appelante conteste avoir conservé des documents et avoir vendu certains cahiers à la concurrence.

Ces dernières affirment qu'Asia Elan d'avoir vendu à la concurrence certains cahiers. Ces propos seraient diffamatoires et non fondés.

Sur les procédés déloyaux

Les intimées réfutent toute implication dans les mouvements sociaux qui ont suivi la dénonciation anticipée des contrats, mais les coïncidences sont troublantes.

Sur le processus de renouvellement des contrats

Il n'y aurait eu aucune discussion préparatoire avant la réception par Asia Elan des contrats le 9 juin 2008.

Les sociétés Marie Claire Album, Société d'information et de création (SIC) et Marie Claire Netherlands demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit que les contrats d'agent n'ont pas été renouvelés le 1er juillet 2008 et débouter Asia Elan de sa demande d'expertise,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné Société Marie Claire Netherlands à verser à Asia Elan la somme de 804,76 euros au titre des licences JTF Development et AJL GARMENTS avec intérêts de droit, condamné SIC à verser à Asia Elan la somme de 3189,72 euros au titre des licences New Concept / Konglong avec intérêts de droit condamné la société Marie Claire Album, Marie Claire Netherlands et SIC à payer chacune à Asia Elan la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ordonné l'exécution provisoire du jugement, débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires et condamné in solidum la société Marie Claire Album, Marie Claire Netherlands et SIC aux dépens de l'instance.

Et statuant à nouveau :

- dire irrecevable à tout le moins débouter la société Asia Elan de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- prendre acte de ce que la société Marie Claire Netherlands s'engage à régler à la société Asia Elan la somme de 547,69 euros, correspondant au solde qui lui est dû au titre des commissions prévues par l'article 6.1 des contrats et au titre de la mise en 'uvre de l'article 11.6 des contrats conclus en 2006, sous réserve de la production d'une facture,

- prendre acte de ce que la société SIC s'engage à régler à la société Asia Elan la somme de 2 377,30 euros correspondant au solde qui lui est dû au titre de la mie en 'uvre de l'article 11.6 des contrats conclus en 2006, sous réserve de la production d'une facture,

- prendre acte de ce que la société Asia Elan est dans l'impossibilité de restituer tous les cahiers de tendance et de design des produits Marie Claire,

- condamner en conséquence la société Asia Elan à verser à chacune des sociétés Marie Claire Netherlands et SIC la somme de 25 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la non restitution des cahiers de tendance et de design,

- condamner la société Asia Elan à payer à chacune des sociétés Marie Claire Album, SIC et Marie Claire Netherlands la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 CPC,

- condamner Asia Elan aux entiers dépens et autoriser Me Jean-Mathieu Bertho à en poursuivre le recouvrement en application de l'article 699 du CPC.

Les conclusions des intimées comportent les développements suivants :

Sur la prétendue nullité du jugement dont appel

Selon l'appelante, le tribunal aurait retenu un moyen sur lequel les parties n'auraient pas débattu. Pourtant, il résulte des motivations du jugement que le tribunal ne s'est pas fondé sur l'absence de « pouvoir » du salarié du groupe Marie Claire qui a mené les discussions pour conclure à l'absence de renouvellement. En outre, la procédure est orale devant le tribunal de commerce.

Asia Elan fait abstraction de l'article 446-3 du CPC qui prévoit des dispositions propres à la procédure orale et en particulier la possibilité pour le juge d'obtenir toute explication de fait et de droit de la part des parties à l'audience.

Par ailleurs, Asia Elan savait que M. [J] n'était pas le représentant légal des sociétés Marie Claire. Pour preuve, les contrats conclus en 2006 ont été signés à l'époque par M. [F], Mme [V] et M. [S] précisément en leur qualité de représentant légal.

Il appartenait à Asia Elan de solliciter soit un renvoi de l'affaire soit l'autorisation de produire une note en délibéré sur cette question de la qualité de M. [J] si elle le souhaitait mais elle n'en a rien fait.

Sur le non-renouvellement des contrats de 2006

Asia Elan invoque une prétendue rupture abusive des quatre contrats litigieux qui auraient, selon elle, fait l'objet d'un renouvellement pour une durée de deux ans et demi, soit jusqu'au 31 décembre 2010.

Selon les intimées, les quatre contrats de renouvellement n'ont jamais pu être signés puisqu'aucun accord n'a été trouvé sur deux conditions essentielles, à savoir la durée et le taux de rémunération.

C'est d'ailleurs ce qu'à retenu le tribunal.

Les intimées versent aux débats des éléments qui prouvent le désaccord.

Les discussions se seraient poursuivies à l'automne 2008. Les avenants auraient eu pour seul but de proroger les contrats arrivés à échéance au 30 juin 2008 (avenants rétroactifs).

Aucun renouvellement n'était intervenu en l'absence de tout accord sur les conditions de renouvellement.

Sur l'indemnisation d'Asia Elan du fait du non renouvellement des contrats de 2006

Marie Claire devait verser à Asia Elan, en vertu du contrat (art. 11.6), une commission égale à 8% du montant global des royalties payés par les licenciés sous réserve qu'elle continue d'assurer le suivi des licences, en dépit du non-renouvellement des contrats, et une commission égale à 5% du montant global des royalties payés par les licenciés pour toutes les licences apportées par Asia Elan et indépendamment de toute diligence réalisée par cette dernière. Il s'agissait ici d'une indemnisation contractuelle due au titre du non-renouvellement à Asia Elan. Pour que la commission soit versée, il fallait que les licenciés règlent à Marie Claire les redevances dues et que les licences perdurent.

En appel, Asia Elan avait jusqu'à présent renoncé à contester la véracité des informations comptables communiquées en première instance et certifiées par les commissaires aux comptes indépendants des intimées. Toutefois, Asia Elan revient sur cette question sans faire de demandes précises à ce sujet.

Les intimées produisent à nouveau le détail des calculs comptables.

Concernant les licences MEGA CHAINS : après calcul détaillé dans les conclusions, ASIA ELAN serait redevable envers SIC d'une somme de 812,42 euros.

Concernant les licences JTF DEVELOPMENT et AJL GARMENTS : Marie Claire Netherlands doit à Asia Elan la somme de 804,76 euros.

Concernant les licences NEW CONCEPT et KONGLONG : le montant total des commissions et indemnités contractuelles dues s'élève à 7300,29 euros, le montant facturé par ASIA ELAN à SIC (et réglées) est de 4110,57 euros, SIC reste donc devoir à Asia Elan la somme de 3189,72 euros au titre des licences NEW CONCEPT / KONGLONG.

Asia Elan soutient avoir apporté un quatrière licencié, la société GUANGZHOU YBON LEATHER CO, en prétendant avoir négocié les termes de la licence conclue au moins de novembre 2009. Or, les contrats d'agent de 2006 n'ont pas été renouvelés. Si Marie Claire a bien conclu une licence avec cette société chinoise, elle ne l'a jamais considérée comme faisant partie des licences apportées et/ou suivies par Asia Elan puisqu'elle a mené seule les négociations au cours de l'été et de l'automne 2009.

Cette licence a été résiliée en 2012 et n'a généré qu'un chiffre d'affaire de 92.034,09 euros, dès lors, si cette licence devait être prise en considération dans le cadre des contrats apportés par Asia Elan, elle ne pourrait réclamer qu'une indemnité de 5% (car pas de suivi), soit un montant de 4901,70 euros.

Concernant la seule licence suivie par Asia Elan

Le montant total des commissions dues à Asia Elan au titre de la licence FAIRCHILD s'élève à la somme de 19 766,70 euros. Le montant total des commissions factuées par Asia Elan est de 20 023,57 euros. Asia Elan doit donc à Marie Claire la somme de 256,87 euros.

Asia Elan affirme que le montant total des redevances encaissé par Marie Claire ne serait pas de 197 687 euros mais 202 951 euros. Or, Asia Elan ne travaillant plus pour Marie Claire en 2009, le calcul s'est arrêté à l'année 2008.

Concernant les licences non suivies par Asia Elan

La licence conclue par SIS et EDI SIC portant sur la marque Marie France n'a pas été suivie par Asia Elan.

La seconde licence conclue par SIC et MCA concernant la marque Marie Claire a été apportée par ces sociétés et suivies par ces dernières. Asia Elan n'a jamais été en charge de la gestion de cette licence.

Ce point n'est pas contesté par Asia Elan, il en va de même pour les licences Toa, Aurora, Moran, Avance cosmetics et Avance cosmetique France.

Plus aucune des licences apportées et/ou suivies par Asia Elan n'est en vigueur et après compensation SIC doit à Asia Elan 2377,30 euros et Marie Claire Netherlands lui doit 547,89 euros.

Marie Claire a réglé ces sommes dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement.

Toutefois, dans son jugement du 10 septembre 2014 le tribunal de commerce de Paris a retenu les montants dus par Marie Claire au titre des commissions sans toutefois opérer une compensation avec les sommes dues par Asia Elan au titre des trop-perçus (demande d'infirmation du jugement sur ce point).

Si les intimées n'ont pas réglé les sommes dues, ce serait du fait de la non restitution des cahiers de tendance ou de design qui constituaient des données hautement confidentielles.

Sur l'exception d'inexécution liée à la non-restitution des cahiers de tendance et de design

Marie Claire a investi 228 116 euros pour établir ses cahiers de tendance et de design au titre des années 2007 et 2008.

Asia Elan aurait refusé toute restitution. Plus de deux ans après l'introduction de l'instance, Asia Elan restituait à Marie Claire 23 cahiers de tendance remis entre 2002 et 2008. Cependant, la restitution n'est que partielle, elle a été incapable de restituer les 38 cahiers qui lui ont été adressées entre 2007 et 2008.

Les intimées expliquent cela par une revente des cahiers et demandent à ce qu'Asia Elan soit condamnée à verser 25000 euros en réparation du préjudice subi.

Elles versent au débat la preuve de l'envoi de ces cahiers, Asia Elan en avait même accusé la bonne réception.

Le tribunal a retenu qu'il n'y avait pas eu de rupture brutale des relations commerciales mais uniquement un non-renouvellement des contrats, les parties n'étant pas parvenues à un accord.

A titre subsidiaire sur le caractère disproportionné des sommes réclamées par Asia Elan

Asia Elan réclame des sommes disproportionnées qu'elle ne justifie pas. Entre la première instance et l'appel, il y a un écart de 200 000 euros dans les demandes.

Asia Elan ne pourrait prétendre à aucune commission complémentaire au titre de la licence MEGA CHAINS et de la licence KONGLONG/NEW CONCEPT.

Elle ne pourrait éventuellement prétendre qu'à une somme de 6134,84 euros au titre de la licence JTF DEVELOPMENT / AJL GARMENTS et 528,44 euros au titre de la licence FAIRCHILD.

Si par extraordinaire la cour devait retenir un renouvellement des contrats entre 2008 et 2010, alors le montant total des sommes dues à Asia Elan s'élèverait à la somme de 18 613 euros.

Sur le préjudice moral

Asia Elan réclame 250 000 euros mais ne justifie pas son préjudice.

Sur le prétendu débauchage des anciens salariés d'Asia Elan par GLI

Les intimées sont étrangères aux départs intervenus au sein d'Asia Elan, et il appartiendrait à cette dernière de se retourner contre lesdits salariés dans l'hypothèse où ils auraient été tenus par une clause de non-concurrence ou contre son prétendu ancien partenaire GLI.

S'il est vrai que Marie Claire a travaillé avec GLI courant 2009, ce simple changement de partenaire ne saurait constituer une quelconque man'uvre déloyale comme le soutient l'appelante.

En outre, Marie Claire travaillait déjà depuis longtemps avec GLI, notamment pour la Corée.

La volonté de ne plus travailler avec Asia Elan est justifiée par Marie Claire dans ses écritures.

SUR CE, LA COUR

a) Sur la demande de nullité du jugement

Considérant que, pour rejeter la demande de renouvellement des contrats à compter du 30 juin 2008, les premiers juges ont retenu que, au vu des échanges entre les parties 'les termes d'un renouvellement de contrats n'étaint pas acquis' que s'ils ont relevé que les négociations avaient été menées pour le compte des sociétés du groupe Marie Claire par des salariés dont M. [J] qui n'étaient pas titulaires de pouvoir de mandat pour engager les sociétés, cet élément de fait ne constitue le motif de leur décision ; qu'il ne saurait ainsi être reproché aux premiers juges de s'être fondé sur un moyen ni soulevé par les parties ni soumis aux débats ; que la demande de nullité du jugement pour non-respect du principe du contradictoire doit être rejetée ; que, en toute hypothèse, la cour demeure saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif ;

b) Sur la demande relative au renouvellement des contrats

Considérant que les 4 contrats conclus avec la société AEC par MCA SIC (contrats n° 1 et 2) et par et par MCN (contrats n° 3 et 4) ont comporté une durée déterminée et sont tous venus à échéance le 30 juin 2008 ; que tous les contrats ont comporté une clause ainsi libellée :

' Les parties acceptent d'ouvrir des négociations en vue d'un possible renouvellement du présent contrat dans le délai de 6 mois avant la fin du terme initial', soit concrètement entre le 1er janvier et le 30 juin 2008 ;

Considérant qu'aucune des pièces versées aux débats par l'appelante et notamment les divers courriers électroniques échangés entre les représentants des diverses sociétés ne caractérisent un accord de volonté sur le renouvellement de l'un quelconque des quatre contrats, des divergences persistant sur le taux des commissions et la durée du renouvellement ; que la pièce n°4 des intimés (quatre propositions d'appendum datées de juillet 2008) comporte des propositions des sociétés du groupe Marie Claire non pas de renouvellement mais de prorogation des contrats initiaux jusqu'au 31 décembre 2008 ; qu'ainsi, au delà de l'absence de signature de contrats renouvelés, la société AEC est mal fondée à soutenir que des accords de renouvellement seraient intervenus ; que de même est inopérant le fait que certaines prestations aient reçu exécution postérieurement au 30 juin 2008, ce seul dépassement ne pouvant à lui seul valoir accord de renouvellement ; que la société AEC est ainsi mal fondée à soutenir que les contrats auraient été renouvelés du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2010 ; qu'elle doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour 'perte de gain consécutive à la rupture anticipée des contrats d'agent' (250.000 euros) ainsi que pour 'préjudice moral'(250.000 euros).

c) Sur les commissions

Considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont écarté la demande d'expertise ne devant pas pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, puis ont analysé les contrats Mega Chains, JFT Development, AJL Garments, New Concept et Konglong, Autowinner, Fairchild, Toa, Aurora, Moran, L'avance Cosmétiques Ldt et France et Ghanghzou Ybon ; qu'ils ont retenu que les seules créances de la société AEC étaient les suivantes :

* 804,76 euros outre les intérêts dus par la société Marie Claire Netherlands au titre des licences JTF Development et AJL GARMENTS ;

* 3189,72 euros avec intérêts dus par la société SIC au titre des licences New Concept / Konglong ;

Que le jugement déféré doit également être confirmé de ce chef ;

d) Sur les pratiques déloyales

Considérant que n'est pas démontrée l'implication des sociétés du groupe Marie Claire dans la décision individuelle prise par trois salariés de la société AEC, en l'occurrence Melle [W], Melle [L] et Melle [O] de démissionner pour se mettre au service de la société GIL, société tiers.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de nullité du jugement déféré ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne la société Asia Elan Corp à payer à chacune des sociétés Marie Claire Album, SIC et Marie Claire Netherlands la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 CPC ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Asia Elan Corp aux dépens de la procédure d'appel et accorde à Me Jean-Mathieu Bertho, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.

Le GreffierLe Président

B.REITZER L. DABOSVILLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/21074
Date de la décision : 22/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°14/21074 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-22;14.21074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award