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22/09/2016 | FRANCE | N°14/20448

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 22 septembre 2016, 14/20448


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2016



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/20448



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 26 Septembre 2014 - RG n° 12/12677



APPELANTS



1) Monsieur [C] [J]

né le [Date naissance 1] 1967 à TASSIN LA DEMI-LUNE (69)

de nationalité f

rançaise

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]



Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/20448

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 26 Septembre 2014 - RG n° 12/12677

APPELANTS

1) Monsieur [C] [J]

né le [Date naissance 1] 1967 à TASSIN LA DEMI-LUNE (69)

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant Me olivier PlACKTOR, avocat au barreau de Paris, toque : D2036

2) Monsieur [I] [P]

né le [Date naissance 1] 1949 à GRENOBLE (38)

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

ayant pour avocat plaidant Me olivier PlACKTOR, avocat au barreau de Paris, toque : D2036

INTIMÉS

1) Monsieur [M] [R]

né le [Date naissance 2] 1950 à MOTBELIARD (25)

de nationalité française

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 2]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocats plaidants Me André-François BOUVIER-FERRENTI, avocat au barreau de Paris, toque : R94 et Me Arnaud PERICARD; avocat au barreau de Paris, toque : J26

2) SA AUVECO

ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

ayant pour avocats plaidants Me André-François BOUVIER-FERRENTI, avocat au barreau de Paris, toque : R94 et Me Arnaud PERICARD; avocat au barreau de Paris, toque : J26

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président et Madame Christine ROSSI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Conseillère faisant fonction de président

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d'une autre Chambre afin de compléter la Cour

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, conseillère faisant fonction de président et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.

*

Les sociétés Odyssée Venture et AVM Private Equity ont pour activité l'investissement en capital dans les PME non cotées. La société Tetco Technologies - Tetco -, société-mère d'un groupe de sociétés, a pour activité le développement de services et de solutions de convergence, de visioconférence, de studios de création vidéo et de serveurs vocaux interactifs à valeur ajoutée pour les opérateurs télécoms et les entreprises en France ou à l'étranger.

Les sociétés Odyssée Venture et AVM Private Equityont ont souscrit le 16 septembre 2008 un emprunt obligataire émis par la société Tetco Technologies d'un montant de 6.000.000 euros, pour le compte de leurs fonds d'investissement Capital Proximité, Capital Proximité 2, UFF Inovation et AVM Private Equity 1 spa.

Cet emprunt était destiné à financer l'acquisition par la société Tetco Technologies de la société Voxpilot. Alertés par les vendeurs de cette dernière du fait que le crédit vendeur qu'ils avaient consenti n'avait pas été payé à son échéance et faisant état du refus des dirigeants de la société Tetco Technologies de leur fournir les éléments d'information qui leur étaient contractuellement dus, les sociétés Odyssée Venture et AVM Private Equity ont, par courrier du 26 novembre 2009, sollicité de monsieur [R], représentant de la sa Odyssée Venture, commissaire aux comptes de la société, de leur communiquer les documents de travail qu'il avait obtenus dans le cadre de ses diligences au titre de la certification des comptes sociaux et des comptes consolidés au 31 décembre 2007.

Par courrier du 5 janvier 2010, les sociétés obligataires ont informé la société Tetco Technologies que, faute pour cette dernière d'avoir satisfait à ses obligations contractuelles d'information des obligataires, elles entendaient mettre en 'uvre la clause d'exigibilité anticipée de l'emprunt auquel elles avaient souscrit.

C'est dans ces conditions que, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Nanterre dans un jugement du 4 février 2010 a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Tetco Technologies. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire le 24 février 2010.

Le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, saisi à l'initiative de la masse des obligataires de l'emprunt précité, a par ordonnance du 2 juillet 2010 désigné un expert judiciaire avec pour mission d'examiner les diligences effectuées par la société Auveco dans le cadre de sa mission de commissaire aux comptes de la société Tetco Technologies.

L'expert dans un rapport déposé le 19 juin 2012 a conclu que la société Auveco avait opéré un contrôle insuffisant qui s'il n'aurait pu permettre d'éviter la fraude, au vu des comportements des dirigeants de la société Tetco, aurait au moins compliqué sa réalisation.

C'est dans ce contexte que monsieur [J] et monsieur [P], agissant en qualité de représentants de la masse des obligataires de la société Tetco Technologies ont fait assigner le 30 août 2012 la société Auveco et monsieur [R] devant le tribunal de grande instance de Paris afin de mettre en jeu la responsabilité du commissaire aux comptes sur le fondement de la faute délictuelle qu'il aurait commise dans le cadre de sa mission de certification des comptes de la société Tetco Technologies.

Dans un jugement du 26 septembre 2014, le tribunal les a jugés irrecevables en leurs demandes et les a condamnés aux dépens et au paiement ensemble de la somme de 3.000 euros à la société Auveco et à monsieur [R].

Monsieur [J] et monsieur [P] ès-qualités ont formé appel à l'encontre de cette décision.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément renvoyé, notifiées par voie électronique le 7 janvier 2016, messieurs [J] et [P] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 5 et 455 du code de procédure civile, 1382 et suivants du code civil, 823-9 du code de commerce, de prononcer la nullité du jugement déféré, subsidiairement infirmer ce jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau constater le commissaire aux comptes n'a pas produit, en dépit des itératives sommations qui lui ont été faites, son dossier de travail, d'audit ou de revue, sur les comptes intermédiaires au 30 juin 2008 ; que cette carence constitue un aveu de défaut de diligence et une faute grave du commissaire aux comptes ; que l'absence de justification des diligences prétendument accomplies sur ces comptes rend fautif le rapport sans réserve daté du 28 août 2008 remis aux nouveaux investisseurs, les sociétés Odyssée Venture et AVM Private Equity 1, préalablement à leur investissement le 16 septembre 2008 dans la société Tetcto Technologie ; constater, au vu notamment du rapport d'expertise, le caractère fautif de la certification sans réserve des comptes 2006 et 2007 (rapports généraux) remis aux Investisseurs préalablement à leur investissement ; constater que le préjudice qui est le corollaire de la faute personnelle du commissaire aux comptes est par la force des choses également personnel aux « nouveaux investisseurs » qui en ont exclusivement souffert, constater que par jugement postérieur du 27 janvier 2015 de la 9ème chambre 1ère section du tribunal de grande instance de Paris dans la même affaire, les autres investisseurs financiers au sein de la société Tetco Technologies ont été jugés recevables et bien fondés en leurs actions ; en conséquence dire et juger sociétés Odyssée Venture et AVM Private Equity 1 recevables en leur action.

Sur le fond :

- constater qu'en dépit des sommations qui leur ont été faites, les intimés n'ont pas produit les justificatifs des diligences prétendument accomplies par le commissaire aux comptes dans le cadre de l'émission de leur rapport spécial sans réserve sur les comptes au 30 juin 2008, daté du 28 août 2008 et remis à l'assemblée générale du 12 septembre 2008 ayant décidé l'émission de valeurs mobilières à laquelle les Investisseurs ont souscrit ; que cette carence constitue un aveu de défaut de diligence et une faute grave du commissaire aux comptes ;

- constater que la responsabilité du commissaire aux comptes est engagée dès lors qu'il n'est pas en mesure de rapporter la preuve positive de ses diligences en vue de l'établissement de son rapport du 28 août 2008, du fait de son incapacité à produire son dossier de travail relatif à la revue de la situation comptable intermédiaire au 30 juin 2008 ;

- constater plus que la société Auveco, commissaire aux Comptes de la société Tetco Technologie depuis sa création, a commis de graves fautes dans l'exécution de sa mission en certifiant sans réserves les comptes falsifiés de cette société sans avoir jamais fait les contrôles requis par ses normes et règles professionnelles du fait des liens de son dirigeant, Monsieur [R], avec le dirigeant de la société facticement contrôlée, monsieur [F] ;

- constater les « lacunes», « faiblesses », « insuffisance des contrôles » et « absences de documentation » relevées par l'expert judiciaire dans les dossiers de travail du commissaire aux comptes caractérisent la non-conformité des diligences de celui-ci par rapport à son référentiel normatif ;

- constater que la faute du commissaire aux comptes est en relation directe de causalité avec le préjudice subi par les appelants qui, sur la foi d'un rapport mensonger qui leur a été remis préalablement à leur investissement, et de rapports de certification sans réserve des comptes 2007 et, ont investi en pure perte dans l'entreprise à hauteur de six millions d'euros ;

- constater la faute du commissaire aux comptes a bien concouru à la réalisation du préjudice subi par les Investisseurs puisque l'insuffisance du contrôle effectué par le commissaire aux comptes a été à l'origine de l'ignorance dans laquelle ces investisseurs ont été de la situation réelle et obérée de la société débitrice ;

En conséquence :

- condamner solidairement monsieur [M] [R] et la société Auveco à payer à la société Odyssée Venture, ès qualité, la somme de 3.000.000 euros en réparation du préjudice matériel subi par ses fonds gérés FIP Capital Proximité, FIP Capital Proximité 2, FCPI UFF Innovation 6 ;

- condamner monsieur [M] [R] et la société Auveco à payer à la société AVM Private Equity 1 la somme de 3.000.000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- condamner solidairement monsieur [M] [R] et la société Auveco à payer à la société Odyssée Venture et à la société AVM Private Equity1 la somme de 3.730.000 euros, soit 1.865.000 euros pour chacune, au titre de la perte de chance ;

- condamner solidairement monsieur [M] [R] et la société Auveco à payer à chacune des sociétés Odyssée Venture et AVM Private Equity 1, la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et d'image subi ;

- condamner monsieur [M] [R] et la société Auveco à payer à chacune des sociétés Odyssée Venture ès qualité et AVM Private Equity 1, la somme de 100.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement monsieur [M] [R] et la société Auveco aux entiers dépens, dont les frais d'expertise qui se sont élevés à 23.227,90 euros TTC, dont distraction au profit de la selarl Ingold et Thomas avocats à la Cour par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions auxquelles il est expressément renvoyé, notifiées par voie électronique le 3 mars 2016, la société Auveco et monsieur [R] demandent à la cour, au visa des articles 455, 458 et 564 du code de procédure civile, L. 622-20 et L. 822-17 et suivants du code de commerce, à titre liminaire de débouter messieurs [J] et [P] ès-qualités de représentants de la masse des obligataires de leur demande de nullité du jugement déféré ; à titre principal confirmer le jugement déféré et juger en conséquence irrecevables messieurs [J] et [P] ès-qualités ; à titre subsidiaire constater que la fraude a été qualifiée par l'expert-judiciaire de fraude sophistiquée des dirigeants, constater que l'expert-judiciaire a estimé que la réalisation de diligences supplémentaires par le commissaire aux comptes n'aurait pas été de nature, et de manière certaine, à permettre la découverte de la fraude ; juger en conséquence que messieurs [J] et [P] ès-qualités ne démontrent aucun manquement à l'endroit de la société Auveco et de monsieur [R] compte-tenu du contexte dans lequel ils sont intervenus, ni aucun préjudice en relation causale avec les manquements reprochés au commissaire aux comptes, la demande formulée au titre d'une prétendue perte de chance étant irrecevable, débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes et les condamner à verser la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Jeanne Baechlin.

***

Par une ordonnance du 8 octobre 2015, le magistrat chargé de la mise en état a rejeté, en raison de son caractère tardif, la demande de production de pièces formulée par les appelants.

***

Dans des conclusions dites d'incident notifiées le 7 mars 2016, les appelants ont demandé à voir écarter les écritures et pièces communiquées le 3 mars 2016 dans l'intérêt des intimés. Cette demande, à laquelle se sont opposées ces derniers dans des conclusions du 1er avril 2016, a été jointe au fond par le conseiller de la mise en état et la clôture de la procédure a été prononcée le 7 avril 2016.

***

À l'issue des plaidoiries, la mise en oeuvre d'une mesure de médiation judiciaire a été proposée aux parties par l'intermédiaire de leurs conseils. Le 26 mai 2016, date limite accordée aux parties pour faire connaître leur position, celles-ci ont fait savoir qu'elles n'entendaient pas se soumettre à la mesure proposée. Avis leur a alors été donné que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe à la date du 22 septembre 2016.

***

SUR CE,

À titre liminaire, sera rejetée la demande tendant à voir écarter les écritures notifiées et pièces produites le 3 avril 2016, chaque partie ayant été mises en mesure de débattre utilement sur les moyens et pièces adverses, le caractère contradictoire de la procédure ayant été respecté.

Sur la nullité du jugement

Les appelants font valoir que conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la décision du juge doit être énoncée sous forme de dispositif alors qu'en l'espèce dans le jugement déféré, le dispositif ne fait mention que des dépens, des frais irrépétibles et de l'exécution provisoire sans trancher les prétentions des parties, énoncées uniquement dans les motifs.

Cependant, et comme l'opposent à juste titre les intimés, le jugement déféré est manifestement affecté en son dispositif d'une simple omission matérielle qu'il revient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de rectifier conformément aux motifs du jugement par lesquels monsieur [J] et monsieur [P] ès-qualités de représentants de la masse des obligataires de la société Tetco Technologies composée de la société Odyssée Venture et de la société AVM Private Equity ont été jugés irrecevables en l'ensemble de leurs demandes.

Sur la recevabilité de l'action des représentants de la masse des obligataires

Les représentants de la masse des obligataires font valoir pour l'essentiel que la certification sans réserve des comptes par la société Auveco a été un élément nécessaire et déterminant dans la décision des créanciers obligataires de souscrire l'emprunt du 16 septembre 2008. De cette faute découle selon eux leur préjudice car elle a permis l'émission d'un emprunt obligataire dont le remboursement était impossible. Ils soutiennent que leur préjudice est distinct et propre étant seuls à subir un dommage du fait de l'émission de cet emprunt.

Les intimés soutiennent au contraire que les représentants de la masse ne rapportent pas la preuve d'un préjudice distinct et soutiennent que le seul préjudice subi par la masse des obligataires tient à l'ouverture de la procédure collective. Ils font encore valoir que le rapport du 28 août 2008 dont les obligataires ne démontrent pas avoir été en possession avant la souscription, et jamais invoqué en première instance, était destiné aux seuls actionnaires.

Aux termes de l'article L. 622-20 alinéa 1er du code de commerce 'Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. (...)'

Les organes de la procédure sont donc investis du monopole d'agir en responsabilité pour la réparation du préjudice collectif causés aux créanciers. Demeure toutefois ouverte à ces derniers l'action en réparation d'un préjudice personnel, distinct de celui évoqué par les autres créanciers.

En l'espèce, il doit être admis que les obligataires n'auraient pas souscrit aux obligations convertibles en actions s'ils avaient eu connaissance de la situation réelle de la société Tetco Technologies lors de leur investissement. Il n'est pas discuté qu'ils disposaient alors des comptes certifiés portant sur les années 2006 et 2007 et c'est bien la certification de ces comptes inexacts présentés par la société Auveco et monsieur [R] qui a déterminé leur consentement à souscrire et est à l'origine pour eux d'un préjudice personnel distinct de celui collectif des créanciers au sein de la procédure collective. Le préjudice spécifique des obligataires résulte en effet non pas de l'insolvabilité de la société en liquidation judiciaire mais bien de la faute personnelle reprochée au commissaire aux comptes qui a délivré des informations comptables s'étant avérées fausses, et a permis l'émission de valeurs mobilières de 6.000.000 d'euros souscrites en septembre 2008, antérieurement à la cessation des paiements fixée en décembre suivant. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu à ce stade d'entrer dans la discussion née entre les parties sur le point de savoir si les obligataires ont été destinataires du rapport du commissaire aux comptes du 28 août 2008, il convient d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de juger monsieur [J] et monsieur [P] recevables en leur action, et, la cour n'estimant pas d'une bonne justice d'évoquer les points non jugés, de dire que la procédure se poursuivra devant le tribunal pour y être statué sur le fond.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de réserver le sort des dépens de première instance et d'appel ainsi que l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu d'écarter les pièces produites et écritures notifiées le 3 mars 2016 dans l'intérêt de la société Auveco et de monsieur [R] ;

Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement déféré rendu le 26 septembre 2014 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Infirme en toutes ses dispositions ledit jugement ;

Statuant à nouveau,

Dit monsieur [C] [J] et monsieur [I] [P], tous deux agissant en qualité de représentants de la masse des obligataires de la société Tetco Technologies composée de la société Odyssée Venture et de la société AVM Private Equity 1 Spa, recevables en leur action dirigée à l'encontre de la société Auveco et de monsieur [R] ;

Réserve les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Pauline ROBERT Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 14/20448
Date de la décision : 22/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°14/20448 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-22;14.20448 ?
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