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20/09/2016 | FRANCE | N°15/10131

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 20 septembre 2016, 15/10131


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2016



(n° 393 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10131



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de PARIS - RG n° 14/00190





APPELANT



Monsieur [C] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 2] (Slovaquie)



né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] - SVK (Slovaquie)



Représenté par Me Paul CHALOUPECKY de la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA-SILVAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J009

Assis...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2016

(n° 393 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10131

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2015 -Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de PARIS - RG n° 14/00190

APPELANT

Monsieur [C] [A]

[Adresse 1]

[Adresse 2] (Slovaquie)

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] - SVK (Slovaquie)

Représenté par Me Paul CHALOUPECKY de la SELARL CHALOUPECKY HASENOHRLOVA-SILVAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J009

Assisté de Me Claire TISSERANT, avocat au barreau de PARIS, toque J 09 substituant Me Lucie HASEBOHRLOVA-SILVAIN, avocat au barreau de PARIS, toque J 09

INTIMÉE

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT- direction des Affaires Juridiques

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

Assistée de Me Aurélie LOISON, avocat au barreau de PARIS, toque G: 709 substituant Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue le 10 mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jacques BICHARD, président de chambre

Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère

Mme Marie-Claude HERVE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jacques BICHARD, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier présent lors du prononcé.

*****

Le tribunal slovaque de Presov a condamné le 19 décembre 2000 la société française Eric LEBAS à payer une somme à M [C] [A] au titre de ses honoraires d'avocat et ce dernier a sollicité le 7 juin 2002 l'exequatur de cette décision. Sa demande a été transmise le 29 septembre 2003 au ministère de la justice et la DACS l'a faite parvenir au parquet du tribunal de grande instance de Lille le 17 octobre 2003.

La société Eric LEBAS a fait l'objet le 27 avril 2004 d'une procédure de redressement judiciaire et d'un plan de cession d'actifs le 24 mars 2005.

Le jugement du 19 décembre 2000 a été revêtu de l'exequatur par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lille le 31 juillet 2008, transmise aux autorités slovaques le 16 janvier 2009 et à M [A] le 29 janvier suivant.

L'huissier de justice mandaté le 14 janvier 2010 par ce dernier n'a pu procéder à l'exécution forcée du jugement en raison de la cessation d'activité de la société Eric LEBAS qui ne possédait plus d'actif.

Le 30 décembre 2013 M [A] a assigné l'Etat pris en la personne son agent judiciaire en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire pour obtenir paiement des sommes de 144 038,43 € au titre de son préjudice financier, celle de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et celle de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 8 avril 2015 le tribunal de grande instance de Paris a condamné l'agent judiciaire de l'Etat au paiement de la somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral résultant du déni de justice en raison de la durée déraisonnable de traitement de la procédure d'exequatur et a débouté M [A] de sa demande en réparation de son préjudice financier.

M [A] a interjeté appel de cette décision le 27 avril 2015 et dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 30 octobre 2015 il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'existence d'un déni de justice et indemnisé le préjudice moral à hauteur de la somme de 5 000 €, de l'infirmer en ce qu'il a rejeté l'existence d'une perte de chance et refusé l'indemnisation du préjudice financier et de condamner l'AJE à lui verser la somme de 100 00 € en réparation de la perte de chance d'obtenir le paiement de sa créance outre la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2015 l'AJE demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter M [A] de sa demande en indemnisation au titre de la perte de chance et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux dépens.

Dans son avis du 30 mars 2016 régulièrement notifié aux parties le ministère public conclut à la confirmation du jugement.

MOTIFS DE LA DECISION :

M [A] soutient que le délai de sept mois qui s'est écoulé entre la demande d'exequatur présentée au ministère de la justice slovaque le 17 octobre 2003 et l'ouverture de la procédure collective de la société débitrice le 27 avril 2004 lui aurait permis en l'absence de déni de justice de diligenter une procédure de recouvrement forcé de sa créance auprès de cette société si le jugement avait été revêtu de la formule exécutoire et à tout le moins de déclarer sa créance en temps utile et que c'est la défaillance des autorités françaises qui ont réceptionné la demande d'exequatur le 17 octobre 2003 alors que la société LEBAS était encore in bonis qui est seule à l'origine de la perte de chance importante qu'il évalue à 100 000 € de récupérer sa créance.

Il indique qu'aucune suite n'a été donnée à cette demande malgré les relances du ministère slovaque et du procureur général de Douai et que le délai de quatre ans et neuf mois anormalement long ne peut s'expliquer par la complexité alléguée par l'AJE de la procédure d'exequatur.

Ce dernier qui ne conteste pas l'existence du déni de justice et l'indemnisation du préjudice moral en résultant, fait valoir la complexité de l'affaire en raison de la réforme intervenue en 2006 de la procédure d'exequatur qui a conduit le parque de Lille à interroger la chancellerie sur la forme de l'action à engager. Il soutient également que le délai de sept mois entre la demande d'exequatur et l'ouverture de la procédure collective était insuffisant pour parvenir à l'exécution du jugement revêtu de la formule exécutoire et que seule la situation financière de son débiteur est à l'origine du préjudice financier de M [A] qui n'a pas fait preuve de diligence en attendant un an et demi après la décision pour solliciter l'exequatur et près d'un an après l'avoir obtenu pour mandater un huissier chargé du recouvrement de sa créance.

Le déni de justice s'entend non seulement comme le refus de répondre aux requêtes ou le fait de négliger les affaires en l'état de l'être mais aussi plus largement tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour le justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable.

Le déni de justice est caractérisé par tout manquement de l'Etat à son devoir de permettre à tout personne d'accéder à une juridiction pour faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et s'apprécie à la lumière des circonstances propres à chaque espèce en prenant en considération la nature de l'affaire, son degré de complexité, le comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et les mesures prises par les autorités compétentes.

En l'espèce, la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public de la justice ne peut être recherchée qu'à compter de la transmission de la demande d'exequatur au ministère français de la justice le 29 septembre 2003, demande dont le tribunal a retenu à juste titre qu'elle avait été transmise avec célérité au parquet de Lille le 17 octobre 2003.

En revanche le délai de traitement de quatre ans et neuf mois de cette demande subi par M [A] qui ne pouvait intervenir avant l'ordonnance d'exequatur rendue le 31 juillet 2008 présente un caractère déraisonnable qui ne peut s'expliquer par la complexité de la procédure même à la suite de la réforme de 2006 et c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu l'existence d'un déni de justice et a alloué à M [A] la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral.

Ce délai est à l'origine d'une perte de chance pour M [A] de recouvrer sa créance d'honoraires qui s'élevait en principal à plus de 80 000€ car même si la décision slovaque a été transmise plus de deux ans après son prononcé aux autorités françaises, il restait un délai de sept mois entre le 29 septembre 2003 et le 27 avril 2004 pour permettre à l'appelant d'obtenir l'ordonnance d'exequatur et le recouvrement forcé de sa créance avant l'ouverture de la procédure collective dont son débiteur a fait l'objet à cette date, la société

Eric LEBAS étant encore in bonis et en définitive il s'est écoulé un délai d'un mois et demi entre la requête établie le 12 juin 2008 et l'ordonnance d'exequatur du 31 juillet 2008.

Enfin si M [A] a attendu près d'un an avant de mandater un huissier, rien ne permet de considérer qu'il en aurait été de même alors que la société Eric LEBAS était encore in bonis.

Cependant la chance pour M [A] d'obtenir dans ce bref délai à la fois l'ordonnance d'exequatur et le recouvrement forcé de sa créance en mandatant un huissier demeure faible et en conséquence il lui sera alloué la somme de 10 000 € en réparation de la perte de chance de recouvrer le montant de sa créance si le jugement slovaque avait été revêtu de l'exequatur dans un délai raisonnable.

Il convient d'allouer la somme de 3 500 € à M [A] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AJE qui succombe sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision contradictoire:

- Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M [C] [A] de sa demande en réparation de son préjudice financier ;

Statuant à nouveau de ce chef,

- Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à M [C] [A] la somme de

10 000 € en réparation de son préjudice financier ;

- Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à M [C] [A] la somme de

3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/10131
Date de la décision : 20/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°15/10131 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-20;15.10131 ?
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