RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRÊT DU 15 Septembre 2016
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/05842 (5/05844)
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2014 par le tribunal de grande instance de CRETEIL RG n° 13/00011
APPELANTE
SCI SOCIÉTÉ CIVILE DES ROSIERS
RCS d'Evry n° 344 168 950
Représentant légal : M. [D] [G] (Gérant)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Catherine MUSSO, substituée par Me Jean-Marie POUILHE, avocats au barreau de PARIS, toque : D0102
INTIMÉES
SOCIÉTÉ D'AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DES VILLES ET DU DÉPARTEMENT DU VAL DE MARNE
RCS de Créteil n°B 341 214 971
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Michaël MOUSSAULT, substitué par Me Xavier GOSSELIN de l'AARPI DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07
DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par M. [C] [N] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Christian HOURS, président de chambre, chargé du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
- Christian HOURS, président de chambre
- Claude TERREAUX, conseiller
- Claudette NICOLETIS, conseillère
Greffier : Isabelle THOMAS, lors des débats
ARRÊT :- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christian HOURS, président et par Isabelle THOMAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé :
Selon délibération du 22 juin 2006, le conseil municipal de la commune de l'[Localité 1] a décidé la création de la Zac Entrée de Ville-Paul Hochart, dont l'aménagement a été confié à la Sadev 94, aux termes d'une délibération du conseil municipal du 22 juin 2007.
Par arrêté préfectoral du 5 novembre 2008, les acquisitions foncières par la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val de Marne (SADEV 94), en vue de la réalisation de la zone d'aménagement concerté 'entrée de ville-Paul Hochart' sur le territoire de la commune de l'[Localité 1] ont été déclarées d'utilité publique.
Parmi les biens concernés figure un ensemble immobilier appartenant à la SCI des Rosiers, sis [Adresse 1], cadastré section L numéro [Cadastre 1], d'une superficie de 846 m².
Par arrêté préfectoral du 16 septembre 2011, les immeubles précités ont été déclarés immédiatement cessibles au profit de la Sadev 94.
Par ordonnance du 15 décembre 2011, le juge de l'expropriation du Val de Marne a déclaré expropriée au profit de la SADEV 94 la parcelle correspondant à l'adresse précitée.
Faute d'accord sur sa proposition d'indemnisation, la SADEV 94 a, le 18 janvier 2013, saisi le juge de l'expropriation.
Par jugement du 10 février 2014, rectifié le 3 mars 2014, la juridiction de l'expropriation du Val de Marne a fixé à 2 167 395 euros l'indemnité totale de dépossession revenant à la SCI des Rosiers, suite à l'expropriation de l'ensemble immobilier précité (indemnité principale de 1 969 450 euros et indemnité de remploi de 197 945 euros). Une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles a par ailleurs été mise à la charge de la SADEV 94, qui a été condamnée à supporter les dépens.
La société civile immobilière des Rosiers (en abrégé la SCI des Rosiers), a, par acte du 9 mars 2015, interjeté appel de cette décision.
Par mémoire distinct adressé au greffe le 9 juin 2015, la SCI des Rosiers a saisi la cour d'appel d'une demande de transmission à la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution de l'article L321-1 du code de l'expropriation au regard des dispositions des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Par arrêt du 22 octobre 2015, la cour a rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation de cette question préjudicielle et condamné la SCI des Rosiers à payer à la société Sadev 94 la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties sur le fond de l'affaire, il est expressément renvoyé à la décision rectifiée déférée et aux écritures qui ont été
- adressées au greffe, les 10 juin et 7 septembre 2015, par la SCI des Rosiers, aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de fixer comme suit son indemnisation :
à titre principal en valeur libre :
- appartement : 707 175 euros ;
- bureaux : 1 992 000 euros ;
- locaux commerciaux : 1 534 400 euros ;
- espaces communs : 150 600 euros ;
Total indemnité principale : 4 384 175 euros ;
- indemnité de remploi : 439 417,50 euros ;
- indemnité pour perte de revenus locatifs : 67 962,12 euros ;
- indemnité pour perte de chiffre d'affaires : 191 282,40 euros ;
Total général : 5 082 837,02 euros ;
- indemnité article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros ;
à titre subsidiaire, en valeur partiellement occupé:
- appartement : 707 175 euros ;
- bureaux : 1 992 000 euros ;
- locaux commerciaux : 1 395 560 euros ;
- espaces communs : 150 600 euros ;
Total indemnité principale : 4 245 335 euros ;
- indemnité de remploi : 425 533,50 euros ;
- indemnité pour perte de revenus locatifs : 67 962,12 euros ;
- indemnité pour perte de chiffre d'affaires : 191 282,40 euros ;
Total général : 4 930 113,02 euros ;
- indemnité article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros ;
- adressées au greffe, le 3 juillet 2015, par la Sadev 94, aux termes desquelles elle demande à la cour :
- de débouter la SCI des Rosiers de l'intégralité de ses prétentions ;
- d'infirmer partiellement le jugement entrepris en fixant l'indemnité principale à la somme de 1 575 982 euros et l'indemnité de remploi à la somme de 158 598 euros, soit la somme totale de 1 734 580 euros ;
- adressées au greffe, le 23 juillet 2015, par le commissaire du gouvernement, aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de fixer comme suit l'indemnisation de la SCI des Roses :
- logement : 217 000 euros (sur la base de 3 500 euros le m² à raison de 62 m²)
- locaux commerciaux-bureaux : 1 527 200 euros (331 m² occupés pour 2 000 euros le m² libre d'occupation);
Total indemnité principale : 1 744 200 euros en état actuel d'occupation ;
- indemnité de remploi : 175 420 euros ;
Total indemnité de dépossession : 1 919 620 euros (hors coût de dépollution des sols).
Motifs de l'arrêt :
Considérant qu'il convient d'ordonner la jonction des dossiers connexes suivis sous les numéros de rôle 15/05842 et 15/05844, qui concernent le recours contre le jugement du 10 février 2014, et le jugement rectificatif du 3 mars 2014 ;
Considérant à titre liminaire que l'appel et les écritures des parties, lesquelles, dûment notifiées, ont permis un débat contradictoire complet et ne font l'objet d'aucune contestation sur ce point, sont recevables ;
Considérant que la SCI des Roses, appelante, soutient que :
- son bien est extrêmement bien situé au carrefour de quatre communes, sur la coulée verte, en limite de l'ancienne nationale 7, à 4 km de la [Localité 2] et 6 km de l'aéroport d'[Localité 3], à 800 mètres de la [Localité 4], à égale distance de deux stations de trammay pour la création duquel elle a déjà été expropriée de 155 m² par le département ;
- l'immeuble est en excellent état, tant intérieur qu'extérieur, comme il ressort du procès-verbal de visite des lieux ; il comporte de nombreuses prestations de grande qualité qui le font bénéficier de plus-value par rapport aux autres bâtiments du même secteur (fenêtres à double-vitrage, climatisation de la plupart des bureaux, câblage, détecteur d'incendie, chauffage électrique, ascenseur ayant reçu un habillage spécial, sas d'entrée avec interphone et digicode, système de vidéo-surveillance ave douze caméras et une alarme, appartement de très belle facture avec trois garages en sous-sol, bureau moquetté, couloir d'archives et cave à vin ; locaux informatiques et archives pour les bureaux, terrain environnant de 363 m² avec neuf places de stationnement à l'arrière et deux places en façade pour le locataires des bureaux et leurs visiteurs ;
- seuls les occupants des trois locaux commerciaux en rez-de-chaussée ont été indemnisés par l'expropriante ;
- la date de référence est le 22 juin 2007, date à laquelle le bien était classé en zone UP du PLU;
- le premier juge a omis de prendre en compte dans le calcul de la superficie utile de l'appartement ses annexes (terrasse et sous-sol) sur lesquels un coefficient de 0,5 peut être appliqué, d'où une superficie de 157,15 m² ; le prix au m² de l'appartement doit prendre en compte la plus-value résultant de ses éléments d'équipement haut de gamme et être fixé à 4 500 euros le m² (au lieu de 3 800 euros dans le jugement) ;
- s'agissant des bureaux, les références de la Sadev 94, produites devant la cour, doivent être écartées et il doit être retenu une valeur de 4 000 euros le m² (au lieu de 2 190 euros dans le jugement) appliquée à 484 m² de bureaux et 54 m² de dépendances, ainsi qu'à 383,60 m² de locaux commerciaux ; la méthode analytique doit être écartée ;
- il convient de fixer pour les trois locaux commerciaux du rez de chaussée une valeur identique à celle des bureaux sans aucune réfaction ; subsidiairement, un abattement de 20 % doit être appliqué sur le local commercial de 295 m² et pour le bureau de 42 m² , l'occupant étant parti en 2014 et de 35 % pour le local numéro 3 où la société Faria Parquets n'a été présente dans les lieux que pendant deux ans ;
- l'immeuble appartenant à un seul propriétaire, il convient de tenir compte des espaces communs avec un abattement de 0,5 sur la même valorisation de 4 000 euros le m² ;
-il est sollicité une perte de revenus locatifs entre la date de départ des locataires commerciaux et le 15 février 2015, date à laquelle elle a reçu son indemnité ;
- elle a subi un préjudice de perte de chiffre d'affaires tenant à l'impossibilité de donner ses locaux à bail (locaux 11 à 13, 21 à 23) à compter de l'ordonnance d'expropriation du 15 décembre 2011 jusqu'au 15 février 2015;
Considérant que la Sadev 94, intimée et appelante incidente, réplique que :
- l'état d'entretien extérieur du bien peut tout au plus être qualifié de correct, tandis que l'intérieur n'est qu'en bon état et non en excellent état ;
- le rez-de-chaussée (locaux commerciaux et bureau de 42 m²), ainsi que le sous-sol sont occupés, ce qui justifie l'abattement, incontestable en son principe, de 40 % pratiqué par le premier juge sur la valeur libre ;
- rien ne justifie de pondérer la surface de la terrasse à plus de 0,3, maximum admis en la matière;
- c'est à bon droit que le calcul de la surface utile a écarté la superficie des espaces communs ;
- la méthode globale utilisée par le tribunal comprend par définition la superficie de la cave et des parkings, dont il n'a pas été tenu compte à juste titre ;
- la valeur moyenne de 4 000 euros le m² retenue pour l'appartement est excessive et doit être réduite à 3 000 euros car un des biens de référence est une maison d'habitation et la différence de consistance et d'emplacement des références, au demeurant plus petites, est notable ; le fait pour l'appartement dont s'agit d'être à l'intérieur d'un immeuble mixte est un élément de moins-value que ne compensent pas ses éléments de confort ;
- s'agissant des locaux commerciaux, les références utilisées sont constituées par des biens de superficie sensiblement inférieure ; la demande de l'expropriée de revalorisation du prix retenu à 4 000 euros, reposant sur un seul terme de comparaison situé à l'[Localité 1], mais de meilleure qualité, ne peut être suivie, la valeur correcte se situant à 1 700 euros ;
- une évaluation du bien selon la méthode analytique, sur des valeurs retenues dans des jugements du tribunal de Créteil, aboutit à la somme de 1 534 272 euros, ce qui, combiné avec l'évaluation résultant de la méthode intégrée, aboutit à une valeur moyenne de 1 575 982 euros ;
- la demande d'indemnité pour perte de loyers n'est pas fondée car un exproprié ne peut prétendre percevoir à la fois le capital représentant la valeur du bien et le revenu de ce bien ; subsidiairement, il convient de surseoir à statuer jusqu'à l'acquisition d'un nouvel immeuble par l'exproprié et sa mise en location ;
- le préjudice invoqué de perte de chiffre d'affaires n'est pas certain et ne peut être retenu ;
Considérant que le commissaire du gouvernement fait valoir que :
- une étude de marché portant sur les mutations d'appartements à l'[Localité 1] à proximité du bien fait ressortir une valeur de 3500 euros le m², libre d'occupation ;
- une étude de marché portant sur les mutations de locaux commerciaux-bureaux à l'[Localité 1], peu nombreuses pour ce qui est des bureaux, aboutit à une valeur moyenne de 2 000 euros le m² libre d'occupation ;
- les cinq termes de comparaison de la Sadev 94 pour les ventes d'appartement ne peuvent être retenus car non situés sur la même commune ;
- il en va de même des références de l'expropriante en matière de bureaux/entrepôts, concernant des communes différentes avec des superficies dissemblables ;
- compte tenu de la répartition entre locaux commerciaux libres (331 m²) et locaux commerciaux occupés (721 m²), avec un abattement de 40 %, il est proposé une indemnité principale de 1 527 200 euros à ce titre ainsi qu'une indemnité de 217 000 euros pour la partie logement, soit une somme totale de 1 744 200 euros, outre une indemnité de remploi de 175 420 euros, d'où une indemnité globale de dépossession de 1 919 620 euros, hors coûts afférents à la dépollution des sols ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ;
Considérant que l'article L321-1 du code de l'expropriation dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;
Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, selon leur consistance matérielle et juridique au jour de l'ordonnance portant transfert de propriété, aux termes de l'article L322-1 dudit code, en l'espèce le 15 décembre 2011, et en fonction de leur usage effectif à la date de référence, l'appréciation de cette date se faisant à la date du jugement du première instance ;
Considérant qu'en application des dispositions des articles L213-6 et L213-4 du code de l'urbanisme, la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est, l'emprise expropriée étant située dans un secteur couvert par un droit de préemption, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, modifiant ou révisant le plan local d'urbanisme, et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ;
Considérant dès lors que le bien doit être évalué à la date du 10 février 2014, selon son usage effectif à la date de référence du 22 juin 2007, date de la dernière modification du plan local d'urbanisme de la commune de l'[Localité 1] ; qu'à cette date, la parcelle considérée était située en zone UP, c'est à dire une zone principalement destinée à la construction de logements, de locaux tertiaires et d'activités, de commerces, d'équipements publics ou privés, à l'aménagement d'espaces verts publics) ;
Considérant que l'appréciation de la valeur du bien en cause doit se faire par comparaison avec celle d'autres biens présentant des caractéristiques semblables dans la même aire géographique et ayant fait l'objet de transactions à des époques proches ;
Considérant que la parcelle en cause L [Cadastre 1], est un vaste terrain d'une superficie de 846 m², le long de la nationale 7, sur lequel est érigé un ensemble immobilier récent (une dizaine d'années) sur sous-sol (garage, bureaux et cave), de trois étages, à usage d'appartement avec terrasse (troisième étage), de bureaux (premier et deuxième étage) et de locaux commerciaux (rez-de-chaussée) avec emplacements de stationnement délimités à l'avant ; qu'il est renvoyé au procès-verbal de transport du 2 avril 2013 pour plus ample description de l'immeuble qui comprend un ascenseur, et des parties communes décrites comme de bonne facture et en très bon état d'entretien ;
Considérant s'agissant des superficies et plus particulièrement celle de l'appartement, que la Sadev 94 approuve le jugement en ce qu'il a limité à 0,3 la pondération de la surface de la terrasse et écarté la surface des parties communes, de la cave et des parkings, tandis que la SCI appelante considère que, le jugement ayant retenu la surface utile, il convenait de prendre en compte les annexes de l'appartement (terrasse et sous-sol) en appliquant l'abattement de 0,5 prévu aux articles R 331-10, R 111-2 et R 111-10 du code de la construction et de l'habitation;
Considérant qu'eu égard à l'importance de l'emprise au sol de l'ensemble immobilier (483 m² sur 846 m²), l'évaluation de l'immeuble se fera en valeur intégrée en ce sens que la valeur au m² déterminée comprendra celle du sol ;
Considérant que pour permettre les comparaisons avec les éléments de référence fournis, il sera retenu la surface utile de l'appartement, ce dont conviennent les parties, même si elles divergent sur ce qu'il faut y inclure ;
Considérant que la définition de la surface utile donnée par l'article R 331-10 du code de la construction et de l'habitation, à laquelle se réfère la SCI appelante, a un champ d'application restreint (notamment la détermination des loyers maximum et les règles d'obtention des prêts dans le domaine du logement social) ;
Considérant qu'il convient de s'en tenir, s'agissant d'un immeuble qui n'est pas en copropriété, à la notion de surface utile nette ;
Considérant en conséquence qu'il n'est pas tenu compte, pour déterminer la surface de l'appartement, de la superficie des parties communes que le premier juge a exactement évaluée à 10 m² ;
Considérant que les pondérations retenues, 0,3 pour la terrasse accessible et 0,5 pour le sous-sol, sont correctes et doivent être confirmées ;
Considérant dès lors que la superficie utile de l'appartement s'établit bien à 109 m², celle des bureaux libres à 402 m², celle du rez-de-chaussée à 423,60 m², celle du sous-sol à 54 m² ; qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte la surface de la cave dépendant de l'appartement, dès lors que les éléments de comparaison seront choisis avec ce même type de local accessoire ;
Considérant, sur la valeur à retenir au m², que le premier juge l'a fondée sur sept références, quatre fournies par le commissaire du gouvernement et trois par la SCI des Rosiers ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la Sadev 94, les quatre ventes du [Adresse 4] concernent bien des appartements et non une maison individuelle, même s'ils sont d'une superficie effectivement moindre (de 58 m² à près de 80 m²) que celle du bien en cause ; qu'il s'agit d'éléments de comparaison valables ;
Considérant que les deux références du [Adresse 5] doivent être écartées car il s'agit de ventes en l'état futur d'achèvement, ce qui constitue un bien différent de celui en cause ;
Considérant que la référence du [Adresse 6] ne peut davantage être retenue car l'immeuble de grande hauteur concerné diffère par trop des caractéristiques du bien de la SCI, lequel ne rentre pas dans cette catégorie ;
Considérant en revanche qu'il convient d'intégrer les trois références fournies par le commissaire du gouvernement, relatives à des ventes d'appartements au [Adresse 7] ;
Considérant en définitive que les sept références pertinentes pouvant être retenues, sont celles figurant dans les écritures d'appel du commissaire du gouvernement, qui aboutissent à une valeur moyenne du m² de 3 593,71 euros, arrondis à 3 594 euros ;
Considérant qu'il apparaît que le facteur de plus-value résulté de la présence d'éléments d'équipements et de confort s'équilibre avec la moins-value découlant du fait que l'appartement est situé dans un ensemble immobilier à caractère mixte et de la circonstance que les références retenues sont de superficie plus petite, ce qui constitue un facteur de renchérissement ; qu'enfin la situation du bien est prise en compte dans le choix des références situées à proximité ;
Considérant en conséquence que l'indemnité principale pour la dépossession de l'appartement est la suivante :
109 m² x 3 594 euros = 391 476 euros ;
Considérant s'agissant des locaux commerciaux que le premier juge a, à juste titre, écarté les références concernant des mutations intéressant d'autres communes dont il n'est pas établi que le marché immobilier est identique à celui de la commune de l'[Localité 1], ainsi que celles relatives à des locaux occupés ; qu'il convient d'observer à cet égard que la SCI, qui a contesté, par voie de question prioritaire de constitutionnalité, le principe et le quantum d'un abattement de 40 % sur la valeur libre pour déterminer la valeur occupée, se livre à un tel calcul, en page 21 de son dernier mémoire, pour déterminer la valeur libre du bien faisant l'objet de la vente du 23 décembre 2010 ;
Considérant qu'il n'est pas établi par la SCI qu'à la date de l'ordonnance d'expropriation, qui seule doit être prise en considération, le [Adresse 8] aurait déjà été démoli ; que le [Adresse 9] est une référence valable ;
Considérant qu'en l'état des cinq références pertinentes conservées par le premier juge, une valeur moyenne du m² des locaux commerciaux et locaux a été dégagée à hauteur de 2 186,93 euros ;
Considérant que, pour tenir compte des éléments d'équipement et de confort dont dispose le bien de la SCI, qui n'apparaissent pas de la même façon dans les éléments de comparaison et qui ne sont pas suffisamment compensés par le fait que les superficies des éléments de comparaison sont moins importantes que les biens en cause, même si ceux-ci sont découpés en lots, il convient de porter la valeur du m² à la somme de 2 300 euros ;
Considérant sur le montant de l'abattement d'occupation que la valeur vénale d'un bien occupé est normalement inférieure à celle de ce bien lorsqu'il est occupé ; que la SCI ne rapporte pas la preuve qu'il en va différemment en l'espèce ;
Considérant que la situation à prendre en compte est celle prévalant au jour de l'ordonnance d'expropriation, le 15 décembre 2011, date à laquelle il n'est pas contesté que trois des locaux commerciaux faisaient l'objet d'un bail commercial classique ; qu'il convient de chiffrer l'abattement pour occupation à 35 %, la durée du bail restant à courir étant indifférente, puisque le locataire bénéficie du droit au maintien dans les lieux ;
Considérant que l'indemnité principale pour la dépossession des bureaux et locaux commerciaux s'établit dès lors comme suit :
- bureaux libres : 402 m² x 2 300 euros = 924 600 euros ;
- locaux commerciaux occupés : 381,60 m² x 2 300 euros x 0,65 = 570 492 euros ;
- bureau occupé : 42 m² x 2 300 euros x 0,65 = 62 790 euros ;
- sous-sol : 54 m² x 2 300 euros = 124 200 euros ;
Considérant que l'indemnité principale de dépossession pour l'ensemble du bien immobilier est en conséquence de :
391 476 euros + 924 600 euros + 570 492 euros + 62 790 euros + 124 200 euros = 2 073 558 euros ;
Considérant que l'indemnité de remploi est par suite de :
- 5 000 euros X 20 % = 1 000 euros ;
- 10 000 euros X 15 % = 1 500 euros ;
- 2 058 558 euros X 10 % = 205 855,80 euros, arrondis à 205 856 euros ;
soit au total, la somme de 208 356 euros ;
Considérant sur la demande de perte de revenus que la SCI des Rosiers considère que la Sadev 94 lui est redevable des loyers que ses locataires, qui ont quitté les lieux, auraient dû lui payer s'ils étaient restés, ce jusqu'à ce qu'elle-même ait perçu l'indemnité de dépossession, le 15 février 2015 ;
Considérant que si le propriétaire dépossédé est fondé à réclamer une indemnité destinée à couvrir la perte de revenus pendant la période estimée nécessaire à la recherche d'un bien équivalent et d'un nouveau locataire, force est de constater que la demande présentée ne correspond pas à cette situation évoquée par l'expropriante dans son mémoire ;
Considérant que si le propriétaire de l'immeuble perd cette qualité au jour de l'ordonnance de l'expropriation, il n'en conserve pas moins la jouissance du bien jusqu'au paiement de l'indemnité de dépossession ou sa consignation, conformément aux dispositions de l'article L 231-1 du code de l'expropriation ;
Considérant dès lors que la SCI aurait dû percevoir les loyers ou une indemnité d'occupation équivalente jusqu'au mois de février 2015, date non contestée du paiement de l'indemnité ;
Considérant toutefois que seul peut être indemnisé le préjudice certain en relation directe avec l'expropriation ;
Considérant que, s'agissant du local loué à la société Auto Contrôle 94, il ressort de la propre pièce 29 versée aux débats par la SCI que sa locataire, qui rencontrait de grosses difficultés, ne pouvait plus faire face au paiement de ses loyers ; que rien ne justifie que l'expropriante soit substituée au locataire défaillant dans le paiement des loyers dus ;
Considérant que pour les autres locataires, les sociétés Trajectoire et Faria Parquets, il n'apparaît pas que celles-ci aient été défaillantes dans le règlement de leurs loyers jusqu'à l'ordonnance d'expropriation, de sorte que la SCI des Rosiers aurait dû recevoir les loyers échus entre la date à laquelle elles ont quitté les locaux loués suite à l'indemnisation reçue de l'expropriante, jusqu'au paiement de l'indemnité d'expropriation revenant à leur ancienne bailleresse ;
Considérant que la SCI des Rosiers justifie que cette somme correspondait pour la société Trajectoire aux loyers dus depuis son départ, le 18 avril 2013, jusqu'au mois de février 2015, soit 23 mois à 1 370,84 euros ou 31 529,32 euros et pour la société Faria Parquets aux loyers dus depuis le 1er décembre 2012 jusqu'au mois de février 2015, soit 26 mois à 662,86 euros ou 17 234,36 euros ; que le préjudice total de ce chef s'établit en conséquence à 48 763,68 euros, qu'il y a lieu de condamner la Sadev 94 à payer à l'appelante ;
Considérant que l'appelante réclame par ailleurs une indemnité résultant de la perte de chiffre d'affaires pendant la période où l'expropriante a tardé à régler l'indemnité de dépossession ;
Considérant que cette demande revient à demander une seconde fois le paiement des loyers pendant la période séparant l'ordonnance d'expropriation du paiement de l'indemnité de dépossession, de sorte qu'il ne peut y être fait droit sauf à indemniser la SCI des Rosiers deux fois du même préjudice ;
Considérant en définitive que le jugement entrepris doit être confirmé sauf sur le montant de l'indemnité de dépossession et de l'indemnité pour perte de loyers ;
Considérant que la Sadev 94 doit être condamnée à payer à la SCI des Rosiers la somme de 2 500 euros pour compenser les frais irrépétibles que cette dernière a exposés en cause d'appel ;
Considérant qu'elle doit également être condamnée à supporter les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS, la cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
- ordonne la jonction des affaires inscrites au rôle sous les numéros 15/05842 et 15/05844, qui seront suivies sous le numéro de rôle 15/05842
- confirme le jugement du 10 février 2014, rectifié le 3 mars 2014, du juge de l'expropriation du Val de Marne sauf sur le montant de l'indemnisation de la SCI des Rosiers ;
- statuant à nouveau, fixe de la façon suivante les indemnités revenant à la SCI des Rosiers :
- indemnité principale d'expropriation : 2 073 558 euros ;
- indemnité de remploi : 208 356 euros ;
- indemnité pour perte de loyers : 48 763,68 euros ;
- y ajoutant :
- déboute la SCI des Rosiers de sa demande d'indemnité pour perte de chiffre d'affaires;
- condamne la Sadev 94 à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- la condamne à supporter les dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT